Vichy revu et corrigé

Pour faire la présentation du film « la rafle« , Christophe Barbier y a consacré son éditorial dans l’Express . Sur le film lui même il ne paraît pas fan mais ce qui m’interrese dans cet édito c’est le fond. Barbier écrit notamment je cite  » dans un tel contexte apparaît grandi le courage de Jacques Chirac qui fit sauter en 1995, le verrou du non dit. La censure tacite et pérenne sur la France de Vichy avait été entretenue par les présidents précédents au nom de l’unité nationale. Mais quelle nation peut être unie sur un mensonge, sur un oubli coupable. » Le livre que je vous ai présenté hiert « la mémoire désunie » va aussi dans ce sens là, même si l’auteur dit les choses différemment. Je ne suis pas du tout d’accord avec Christophe Barbier. Bien sûr que l’unité nationale à sa place, bien sûr qu’il fallait pacifier le pays, mais ce n’est pas l’unique raison qui a poussé les prédécesseurs de Jacques Chirac a refusé de reconnaître la responsabilité de l’Etat Français lors de la rafle du vel’d’hiv , de même que ce n’est pas encore l’unité nationale qui a poussé Jacques Chirac à la position inverse. Depuis des années les autorités françaises subissaient d’énormes pressions.

L’autorité était-elle à Paris ?

Le général de Gaulle n’a pas parlé d’unité nationale. Il a simplement toujours considéré que non seulement le régime de Vichy était illégal mais que de plus il était illégitime (notamment par l’ordonnance numèro 16 du 23 septembre 1941 portant création du Comité national français), ce qui était la condition sine qua non de sa propre légitimité et donc de la légalité de ses décisions. En conséquence la France ne pouvait être tenue pour responsable des actes commis au nom de ce régime politique. L’Union Soviétique a été la première à reconnaître que la légitimité de la France était à Londres et non pas à Paris. La position prise par L’URSS a été suivie par pratiquement tous les pays.

Les notions de légalité et de légitimité

Il faut bien faire la différence entre les termes de « légalité et légitimité« . Ce sont en effet deux notions bien distinctes qu’il est important de ne pas confondre.Le terme de « légalité » consiste en l’obéissance à la loi, à un ordre constitutionnel, ce qui l’amène à être clairement définit au niveau juridique, tandis que la « légitimité » repose sur la conformité du mode de gouvernement avec le sentiment populaire. Il est donc subjectif et n’est pas définissable au niveau juridique.

Or, il est évident que le gouvernement de vichy est basé sur ces deux notions de légalité et légitimité. Ce gouvernement était-il légal ? Était-il légitime ? En clair se poser la question c’est se référer à la constitution en vigueur, c’est à dire aux institutions de la troisième République. Ces institutions permettaient-elles un tel bouleversement, c’est le côté légal ou illégal. Ce bouleversement était-il soutenu par le peuple Français et par les autres pays, c’est le côté légitime ou illégitime. L’instauration d’un régime de collaboration avec le nazisme était-il à la fois légal et légitime; le général de Gaulle a répondu non. Ses successeurs jusqu’à Jacques Chirac également.

Pourquoi le gouvernement de Vichy n’était pas légal ?

Le maréchal Pétain s’est vu attribuer les pleins pouvoirs à la suite de la révision de la constitution en vigueur lors d’une assemblée réunissant députés et sénateurs le 10 juin 1940. La constitution applicable à cette période de notre histoire était celle du 25 février 1875. Elle prévoyait qu’une loi de révision constitutionnelle ne pouvait être votée qu’à la majorité absolue des membres composants l’Assemblée nationale. Or ce 10 juin 1940 cette majorité fut calculée sur les suffrages exprimés. Ce vote ne s’est donc pas fait dans les formes prévues par la constitution de 1875. Par ailleurs cette nouvelle constitution même non conforme n’a jamais été promulguée. Les pleins pouvoirs attribués à Pétain étaient donc tout ce qui a de plus illégal. Il s’agit purement et simplement d’un coup de force. Le régime de Vichy n’était donc pas légal puisque issu d’un acte législatif qui n’était pas conforme à la constitution et il n’était pas légitime puisque c’est à Londres qu’a été reconnu l’autorité de la France. Cela a été la position du général de Gaulle et c’est ce qui a justifié l’ordonnance N° 16 de 1941.

Ce sont les familles de déportés qui depuis la fin des années 60, début des années 70 qui ont fait pression afin que les autorités françaises se mettent en rupture avec la position officielle depuis de Gaulle afin de pacifier le pays  et c’est ainsi que le 16 juillet 1995, le président Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de la France pour les crimes commis par le régime de Vichy. Lionel Jospin alors Premier ministre en 1997 s’est à son tour rallié à cette position et je dirais même à cette nouvelle vision. Je dis « vision » parce que par leurs prises de position les deux hommes considérent donc le régime de Vichy comme légal puisqu’il représente à leur yeux la France et ils envoient ainsi le général de Gaulle dans le camp de la rebellion puisqu’il a combattu Vichy, régime considéré par lui comme illégal. C’est donc sous la pression que  le régime de Vichy a été légalisé en 1995. Ce régime abominable à ainsi une nouvelle appelation juridique puisque jusqu’en 1995 Vichy était qualifié  » d’autorité de fait« , depuis 1995 il est qualifié « d’autorité de droit« . Bravo mesieurs.

Bravo également à ceux qui ont exercé cette pression. Ils ont fini par obtenir ce qu’ils voulaient. Je dirais pour conclure sur le principe de l’illégalité que le régime de Vichy est juridiquement plus que contestable et ce, pour plusieurs raisons dont la principale est qu’il est inconstitutionnel puisque issu d’un acte législatif non conforme à la constitution. Cet argument à lui seul devrait suffire. De plus la reconnaissance par la France de ce régime a ou peut avoir donné un signal politique fort qui veut que même chez nous on peut légaliser un coup d’État.

Mais on peut également avancer un second argument très important. C’est que la première décision du maréchal Pétain prise le 11 juillet, a été de supprimer la République. Or, une telle abrogation était totalement exclue par la constitution de la IIIe République. D’ailleurs, la première mesure adoptée en 1945 sera le rétablissement de la République par le référendum du 21 octobre.

La France a pris note de ces illégalités et pour s’en convaincre il suffit de se reporter aux révisions constitutionnelles de 1946 et de 1958 qui interdissent les révisions constitutionnelles lorsque le territoire national est envahi. Cela démontre bien que la leçon de 1941 a été tirée. En ce qui concerne Jacques Chirac et Lionel Jospin cela leur est probablement passé au-dessus.

Cela faisait plus d’ une vingtaine d’année que des pressions s’exercaient pour que la France fasse acte de repentance. On aime bien en france la repentance. J’ai d’ailleurs fait un billet sur ce sujet. La légalisation du régime de Vichy est dans cette ligne. Il s’agit de réseaux y compris dans les médias qui cherchent à dévaloriser et à discréditer la République en lui faisant supporter des tas de crimes. Ici c’est Vichy mais ailleurs c’est la colonisation.

Je défends bien entendu l’idée gaulliste qui veut que la République, la vraie, était à Londres en exil. Bizarement on entend pas sur ce sujet les prétendus gaullistes prêts à s’insurger sur l’Europe, sur l’Otan, sur la souveraineté du pays mais qui laissent passer l’idée que le général de Gaulle était en rebellion contre le gouvernement « légal » de Vichy. On ne les entend pas dire que Vichy ce n’était pas la France. Pour nombre de ces gaullistes l’adoption du traité constitutionnel par le congrés a été un coup d’Etat de Nicolas Sarkozy mais le régime de Vichy, lui, n’en était pas un.

J’ai toujours de l’estime pour Jacques Chirac en tant qu’homme, j’ai milité pour lui mais c’était avant 1995. Si j’avais encore été au RPR à la date du 16 juillet 1995, il est certain que j’aurais renvoyé ma carte d’adhérent. De mon vivant jamais, je dis bien jamais au cours d’une conversation je ne dirais que la France est responsable de ces événements tragiques. Il n’est pas question pour moi de repentance, il n’est pas question pour moi de dire que Vichy c’était la France, il n’est pas question pour moi de dire que le général de Gaulle était en éxil et en rebellion contre un régime légal.

Des français ont livré à la barbarie nazie d’autres français ça c’est incontestable. Que la France ait livré ses compatriodes à la barbarie nazie ça c’est faux. La France était à Londres, pas à Paris et ce qui était à Paris n’était pas la France.

Christophe Barbier dit  » La censure tacite et pérenne sur la France de Vichy avait été entretenue par les présidents précédents au nom de l’unité nationale« . À l’inverse je dis que « au nom de la même unité nationale on a discrédité la France en légalisant un coup d’Etat« . La différence c’est que Barbier peut faire passer son messager à des milliers de lecteurs par son journal l’Express alors que moi je m’adresse aujourd’hui seulement à quelques centaines de lecteurs. Et comme Barbier n’est pas seul, le combat est inégal et l’idée que Vichy c’était la France va être évidemment étudiée dans les livres d’histoire et appris à nos enfants.

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