J’aime beaucoup Henri Guaino la plume de Nicolas Sarkozy. C’est un Arlésien et un Camarguais pure souche. Il n’a jamais connu son père et sa mère faisait des ménages à Arles où elle habite toujours. Guaino est un de ces purs produits issus de la méritocratie. Rendez vous compte : lycée de Arles, La Sorbonne, Institut d’études politiques à Paris avec pour seul salaire celui de sa mère. Quel exemple ! Je l’ai écouté parler de la crise et de la façon dont il voyait l’avenir. Je l’écoute particulièrement parce que c’est un proche, très proche du regretté Philippe Seguin, il représente le gaullisme social. Voici son analyse que j’espère ne pas trahir.
Après l’échec du marché administré tel que le pratiquaient les pays communistes, nous venons de vivre l’échec de la théorie selon laquelle le marché à toujours raison. La crise que nous venons de vivre et que nous continuons à vivre n’est pas que économique. C’est une crise intellectuelle, morale, sociale. Ce qui vient de se passer c’est la mise en lumière du fait que le système que l’on avait créé et installé depuis 20 ou 30 ans était sans issu tel qu’il fonctionnait, puisque si les gouvernements n’étaient pas massivement intervenus en violant tous les principes de ce système tout ce serait éffondré.
La pire des erreurs serait de considérer que puisque on a échappé au pire on peut maintenant retourner à nos habitudes de pensée et de comportement. Ce serait une erreur tragique. Il nous faut changer, ce changement doit se faire tous ensemble politiques, financiers, industriels, opinions publics, partenaires sociaux, intellectuels. C’est quelque chose que personne ne peut prendre en charge seul, mais il faut une prise de conscience, une reflexion et une volonté commune . On ne réunit pas toujours ces conditions mais il faut y venir. Mais les choses changent beaucoup. Il y a quelques semaines on disait encore « mais regardez tout reprend comme avant« , pourtant on se rend bien compte que ce n’est pas le cas, on se doit de gérer tous les mécanismes de soutien à l’activité. Il faut gérer la dette publique, il faut gérer la manière dont les marchés réagissent, il faut traiter les problèmes du fonctionnement des marchés. Si demain sous la pression des agences de notations ou des marchés tout le monde se met à resserer les boulons de façon brutale,on va retomber dans le chaos. Cela nous oblige donc à coopérer, à négocier, à discuter et si chacun le fait dans son coin ça va trés mal se passer.
Ce qui s’est passé sur la finance est extrement intéressant. Beaucoup de financiers ont plutôt envie de recommencer comme avant , certains le font d’ailleurs mais les opinions publiques sont d’un avis très différent. Il s’est passé dans les mentalités, dans le monde entier quelque chose sur lequel on ne va pas revenir en arrrière tout de suite. Les opinions publiques ne supportent plus et ne supporteront plus certains comportements, certaines indécences. Aux Etats-Unis les bonus, les rémunérations ou autres profits de certaines banques sont devenus insupportables aux américains et aux européens et c’est la raison pour laquelle en Angleterre des mesures ont été prises sur la taxation des opérations financières sous la pression de monsieurr Brown Premier ministre du pays dont la place financière est la plus importante du système financier mondial. Le président Obama a pris des positions très fortes sur la réglementation des banques en faisant limiter les activités des banques, en leur interdisant les activités spéculatives, en leur interdisant de prendre des participations dans des fonds spéculatifs et s’il l’a fait, c’est parce que l’opinion américaine ne supporte plus un certain nombre de choses. Il s’est donc passé quelque chose de trés important dans les mentalités et dans la société mondiale et il se trouve que l’économie n’est pas en dehors de la société, l’économie n’est pas en dehors de la politique, l’économie n’est pas en dehors de la morale commune.
Cette idée sotte que l’économie est amorale, en dehors de tout jugement moral ne tient pas. Quand les valeurs de la société changent, les valeurs de l’économie changent aussi et c’est ce qui est en route et qu’il faut accompagner. Ou bien nous le ferons raisonablement en discutant, en négociant tous ensemble au G20 ou bien le changement nous sera imposé par des crises, d’autres crises financières et économiques ou sociales ou politiques. Ne refaisons pas les erreurs du passé. Rappelons nous comment la crise des années 30 a accouché d’un monde nouveau, il a fallu avant que ce soit un monde meilleur passer par beaucoup de catastrophes. Il est très important de s’en souvenir. Il vaut donc mieux discuter et négocier préalablement plutôt que d’attendre que les événements ou crises nous ratrappent. Il y a des allers-retours permanents en économie et ce qu’on réapprend de nouveau c’est que il ne peut pas y avoir de capitalisme efficace et durable, producteur de richesse et de prosperité sans que en son sein on trouve une articulation intelligente entre le collectif et l’individuel, entre le public et le privé. Ça c’est passé tout le temps de cette manière, chaque fois que la capitalisme a réussi depuis le 14 éme siècle. Si on fait le bilan de toutes les périodes où le capitalisme a réussi ce sont des périodes où l’on a trouvé en fonction de l’état des techniques et des mentalités la bonne articulation entre le privé et le public. L’erreur des 20 ou 30 dernières années c’est d’avoir cru qu’après avoir vaincu le collectivisme où le public avait tous les droits et les pouvoirs, on allait pouvoir créer un système dans lequel le collectif n’avait plus aucune part. Maintenant on sort de cette vision et on va chercher un équilibre que j’espère intelligent entre ces deux exigences, mais ce n’est pas certain. Le moteur de l’intérêt individuel est très puisant, on ne peut pas fonder une civilisation uniquement sur le moteur de l’intérêt individuel et à fortiori sur l’intérêt matériel.
L’Europe a un rôle capital à jouer, à elle de savoir si elle veut le jouer, si elle veut être l’Europe en affichant une vraie volonté politique et non pas simplement en subissant. Elle ne doit pas être une zone de concurrence et de libre échange. Il faut que ce soit une zone qui ait une volonté politique. Le débat, c’est est ce que oui ou non on remet de la politique ? Il faut que les chefs d’États et de gouvernements se mettent autour de la table et se disent : est ce que sur tel ou tel sujet on peut afficher une volonté politique ? C’est ce qu’on fait les dirigeants de l’eurogroupe pendant la crise et c’est ça qu’il faut retrouver.
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