ACCIDENT DE TYROLIENNE POUR INSTALLATION DEFECTUEUSE
Commentaire de Cass. 1ère civ., 6 avril 2016, n° 15-16.364
Isabelle Corpart
Maître de conférences à l’UHA
CERDACC
S’adonnant à des jeux de loisirs, une personne qui participait à la descente d’une grande tyrolienne installée dans un parc proposant un parcours acrobatique dans les arbres est victime d’un grave accident qui l’a laissée paraplégique. L’association exploitant le parcours est condamnée à l’indemniser car les installations n’étaient pas conformes aux normes en vigueur.
Mots-clef : accident – parc d’aventure – tyrolienne – non respect des normes – responsabilité de l’organisateur – responsabilité in solidum avec son assureur – victime paraplégique
Pour se repérer
Lors de la descente de la grande tyrolienne d’un parcours acrobatique dans les arbres exploité par l’association Corse Rand’eau, M. Yvan X… se blesse gravement et l’accident le laisse paraplégique. Avec ses parents et son frère, il assigne l’association Corse Rand’eau et son assureur, la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France pour les voir condamnées in solidum à l’indemnisation de leurs préjudices. L’association étant déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident par les juges du fond, elle se pourvoit en cassation.
Pour aller à l’essentiel
Il résulte de l’expertise que la tyrolienne n’est pas conforme à l’article 8.3.3.2 de la norme XP S 52-902-1. En effet, les protections placées sur la plate-forme de réception de la tyrolienne et sur l’arbre auquel elle est fixée ont été choisies en fonction d’un dénivelé plus faible que celui existant. Elles ont dès lors été mesurées en fonction d’une vitesse inférieure à celle effectivement atteinte si bien que l’association a manqué à ses obligations (C. civ., art. 1147). En conséquence, elle est jugée responsable de l’accident et doit entièrement indemniser la victime in solidum avec son assureur.
Pour aller plus loin
La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question des obligations mises à la charge des exploitants de parcs acrobatiques en hauteur (J.-P. Vial, Sports à autonomie limitée : l’obligation de moyens tient bon !, LPA n° 4, 6 janvier 2010). La Cour de cassation a, à chaque fois, mis barrage aux tentatives de juges du fond qui souhaitaient mettre une obligation de résultat à la charge des organisateurs de telles activités sportives. Maintenant le rôle de la victime comme critère de distinction des obligations de moyens et de résultat, elle a retenu à la charge des exploitants une obligation de sécurité de moyens notamment pour de telles activités pratiquées dans les parcs d’aventure (Cass. 1ère civ., 22 janvier 2009, LPA n° 68, 6 avril 2009, p. 7, obs. I. Corpart ; JAC n° 91, févr. 2009, obs. I. Corpart).
Une fois encore, dans l’affaire commentée, le plaisir des émotions fortes que procurent les déplacements de branche en branche a attiré la victime, l’amenant à pratiquer une activité sportive qu’elle savait non dénuée de risques.
S’il est vrai que l’activité en question implique un rôle actif de chacun des participants justifiant que l’obligation contractuelle de sécurité de l’organisateur d’un parc de loisirs soit une obligation de moyens, laquelle suppose la démonstration d’une faute, en l’espèce, le non respect des normes conduit à la condamnation de l’exploitant et de son assureur.
Il ressort effectivement de l’expertise que les protections placées, tant sur la plate-forme que sur l’arbre, étaient insuffisantes pour réceptionner les adeptes de la grande tyrolienne du parcours acrobatique. Cela suffit pour que les juges retiennent la responsabilité de l’association en raison du caractère défectueux des installations (L’organisateur doit fournir du matériel en bon état, conforme aux normes en vigueur et s’assurer que le parcours ne recèle pas de dangers : F. Lagarde, Droit du sport, D. 2007, 2346).
En revanche, ils ne suivent pas le raisonnement de la victime qui prétendait qu’une obligation de sécurité de résultat aurait dû être retenue car, pendant l’activité, l’utilisateur demeure prisonnier de son harnais et du câble sans pouvoir exercer aucun contrôle sur sa trajectoire (voir pourtant une affaire dans laquelle une victime a pu être indemnisée car « l’utilisatrice ne disposait ni du pouvoir de contrôle ni du pouvoir de direction, se trouvant attachée » : CA Lyon 29 mai 2008, Juris-Data n° 370301).
Retenant une obligation de moyens, il convenait de démontrer la faute de l’association exploitant le parc, qui découle ici de l’inadéquation des protections mises en place.
Les organisateurs invoquaient également le fait que le manquement à une obligation d’information n’aurait dû être sanctionné que par la réparation d’une perte de chance, non par l’indemnisation intégrale des dommages subis par M. Yvan X… (D. Sindres, Exposition à un risque et perte de chance, RTD civ. 2016, p. 25). Toutefois ce moyen nouveau et mélangé de fait est irrecevable devant la Cour de cassation.
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Cass. 1ère civ., 6 avril 2016, n° 15-16.364
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Paris, du 9 février 2015 ), que M. Yvan X… a été victime d’un accident l’ayant laissé paraplégique, lors de la descente de la grande tyrolienne d’un parcours acrobatique dans les arbres exploité par l’association Corse rand’eau (l’association) assurée auprès de la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France (l’assureur) ; que M. Yvan X…, Mme Y… et M. Vidak X…, ses parents, et M. Philippe X…, son frère, (les consorts X…) ont assigné l’association et l’assureur, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne et la Caisse des dépôts et consignations, afin qu’il soit jugé que la première est entièrement responsable de l’accident et condamnée, in solidum avec le deuxième, à indemniser les consorts X… de leurs préjudices ;
Attendu que l’association et l’assureur font grief à l’arrêt d’accueillir les demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l’obligation contractuelle de sécurité de l’organisateur d’un parc de loisirs proposant un parcours d’aventure dans des arbres en empruntant des tyroliennes descendantes, activité qui implique un rôle actif de chaque participant, n’est qu’une obligation de moyens, en sorte que l’engagement de sa responsabilité suppose la démonstration d’une faute ; qu’au cas d’espèce, l’association et son assureur soutenaient que M. Yvan X… avait heurté à l’arrivée de la tyrolienne, non pas l’arbre sur lequel était installée la plate-forme, mais la plate-forme elle-même, laquelle était protégée par deux matelas d’une épaisseur de 10 cm chacun, quand l’arbre lui-même n’était protégé que par un seul matelas d’une épaisseur de 10 cm, en sorte que l’installation devait être considérée comme conforme aux normes, et notamment à l’article 8. 3. 3. 2 de la norme XP S 52-902-1 ; qu’en laissant incertain le point de savoir si M. X… avait heurté l’arbre ou la plate-forme, après avoir rappelé les divergences entre l’expert et les gendarmes sur ce point, et l’impossibilité de le trancher au vu du film projeté à l’audience, tout en retenant néanmoins la responsabilité de l’association pour faute au titre de la méconnaissance de l’article 8. 3. 3. 2 de la norme XP S 52-902-1, qui supposait pourtant que les protections fussent insuffisantes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil ;
2°/ que le manquement à une obligation d’information ou de mise en garde ne peut être sanctionné que par la réparation d’une perte de chance, et non par l’indemnisation intégrale du dommage ; qu’au cas d’espèce, en condamnant l’association et l’assureur à la réparation intégrale des dommages subis par M. Yvan X…, motif pris de ce que l’association n’avait pas suffisamment alerté M. X… sur les risques attachés à l’utilisation de la tyrolienne, quand cette faute ne pouvait en toute hypothèse qu’aboutir à l’indemnisation d’une perte de chance, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d’abord, qu’ayant relevé que les protections placées tant sur la plate-forme d’arrivée de la grande tyrolienne que sur l’arbre auquel celle-ci était fixée, avaient été choisies en fonction d’un dénivelé plus faible que celui existant réellement et que, mesurées ainsi en fonction d’une vitesse à l’arrivée inférieure à celle susceptible d’être effectivement atteinte, elles étaient insuffisantes, la cour d’appel, qui en a déduit que la tyrolienne n’était pas conforme à l’article 8. 3. 3. 2 de la norme XP S 52-902-1 qui tient compte de la vitesse à l’arrivée, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, ensuite, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni de leurs conclusions que l’association et l’assureur auraient soutenu devant la cour d’appel que le préjudice dont il leur était demandé réparation constituait une simple perte de chance ; que le moyen est, en sa seconde branche, nouveau et mélangé de fait, partant, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’association Corse rand’eau et la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association Corse rand’eau et la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France à payer aux consorts X… la somme globale de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
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