Subdélégation des pouvoirs et responsabilité pénale de la personne morale
Cass. crim., 25 mars 2014, n° 13-80376
Madeleine Lobe Lobas, maître de conférences en droit à l’UHA, membre du CERDACC
Le salarié d’une société titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, et comme tel investi dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission, est un représentant de la personne morale.
Mots clé : Responsabilité pénale – Personne morale – Représentant – Subdélégation de pouvoirs
X. salarié sous contrat de professionnalisation dans la société Gauthey a subi des blessures alors qu’il travaillait à proximité d’une pelle mécanique utilisée sur un chantier de l’entreprise. La cour d’appel, infirmant la décision du juge correctionnel, a déclaré la société coupable des délits de blessures involontaires par personne morale avec ITT supérieure à trois mois dans le cadre du travail et d’embauche de travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité. Un pourvoi en cassation a été intenté au motif que les juges d’appel ne précisaient pas en quoi les manquements commis par le chef de centre avaient été commis pour le compte de la société Gauthey.
Pour la Cour de cassation, le salarié d’une société titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, et comme tel investi dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission, est un représentant de la personne morale.
Aux termes de l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. L’infraction doit être établie en tous ses éléments sur la tête de l’organe ou représentant, personne physique. Il peut s’agir du représentant prévu par la loi ou les statuts ou une personne physique ayant reçu délégation de pouvoirs de la personne morale. Par conséquent, les infractions commises par un salarié n’ayant pas cette qualité n’engagent pas la personne morale, sauf si elles traduisent un manquement du représentant. Il est également admis que la responsabilité pénale de la personne morale peut être recherchée lorsque la faute a été commise non pas par le dirigeant de la société, mais par une personne à qui il a subdélégué ses pouvoirs : les juges correctionnels ne peuvent affirmer qu’un représentant d’une personne morale a engagé la responsabilité pénale de celle-ci qu’autant qu’ils ont constaté dans leur décision que ce prétendu représentant, soit participait au pouvoir de direction de ladite personne morale, soit était une personne physique pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ayant reçu une délégation de pouvoirs de la personne morale ou une subdélégation des pouvoirs d’une personne ainsi déléguée et que l’arrêt attaqué (Crim., 24 mai 2011, n° pourvoi 10-85426). Il faut que la subdélégation soit valable (Crim., 14 janvier 2014, n° de pourvoi 12-83082)et que la faute commise par le subdélégataire soit en relation causale avec le dommage.
En l’espèce, le directeur de la société, titulaire d’une délégation de pouvoirs titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, avait subdélégué ses pouvoirs au chef de centre, par ailleurs tuteur du salarié victime, disposant, compte tenu de son niveau hiérarchique, de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour assurer sa mission. Le manquement à l’origine de l’accident, à savoir l’absence de formation appropriée du salarié aux risques liés à l’utilisation d’une pelle mécanique, a été commis par un représentant de la personne morale, agissant pour le compte de celle-ci.
Crim., 25 mars 2014, n° de pourvoi: 13-80376
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, pour déclarer la société Gauthey coupable de blessures involontaires et de défaut de formation pratique et appropriée à la sécurité des travailleurs, à la suite d’un accident du travail subi par M. X…, salarié sous contrat de professionnalisation qui avait été blessé alors qu’il travaillait à proximité d’une pelle mécanique utilisée sur un chantier de l’entreprise, la cour d’appel, infirmant sur ce point le jugement entrepris, retient que M. D…, directeur de la société, titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, avait subdélégué ses pouvoirs à M. Y…, chef de centre, et que ce dernier, par ailleurs tuteur de M. X…, disposait, compte tenu de son niveau hiérarchique, de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour assurer sa mission ; qu’ils en concluent que le manquement à l’origine de l’accident, à savoir l’absence de formation appropriée du salarié aux risques liés à l’utilisation d’une pelle mécanique, a été commis par un représentant de la personne morale, agissant pour le compte de celle-ci ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a caractérisé à la charge de la société poursuivie une faute d’imprudence et de négligence, commise pour son compte par un de ses représentants et en lien causal avec le dommage subi par la victime, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu’en effet, le salarié d’une société titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, et comme tel investi dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission, est un représentant de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal, et engage la responsabilité de celle-ci en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu’il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté.
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