RESPONSABILITE PARTAGEE A L’OCCASION D’UN ACCIDENT LORS D’UNE CROISIERE FLUVIALE : UNE DECISION REMARQUABLE A DOUBLE TITRE
Commentaire d’arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation du 16 avril 2015
DESFOUGERES, Eric
Maître de conférences à l’UHA
CERDACC
Un transporteur fluvial de personnes n’est que partiellement responsable sur le fondement de l’article 1147 du code civil en cas de faute d’un passager ayant contribué à la réalisation de son dommage
Mots-clefs : Croisière fluviale – Responsabilité de droit commun – Faute de la victime
Pour se repérer
Lors d’une croisière fluviale organisée par la société Tranquil Travel Limited, assurée par la société Allianz Global, un passager M. John X… s’est blessé, après avoir levé le bras lors du passage du pont des Ouglous, à l’extrémité Est du canal du Midi, sa main s’étant prise entre la cabine du bateau et le pont. Il demande réparation au transporteur ainsi qu’à son assureur.
Le 12 novembre 2013, la cour d’appel de Montpellier a retenu une faute de la part de la victime exonérant pour moitié le croisiériste de sa responsabilité.
Pour aller à l’essentiel
Après avoir relevé que le passager, qui ne pouvait ignorer les précautions imposées par le passage du bateau sous le pont, avait effectué un geste imprudent, la cour d’appel a ainsi caractérisé une faute de la victime et, ayant retenu que cette faute ne constituait pas un cas de force majeure pour le transporteur, elle en a exactement déduit que le droit à réparation de la victime devait être limité.
Pour aller plus loin
Bien que l’espèce commentée soit survenue dans un domaine assez inusuel dans les tables de jurisprudence – constatation sans doute due autant au fait que le déplacement de personnes par voies d’eau intérieures demeure somme toute marginal comparé à celui via les autres grands modes et surtout au nombre et la gravité des accidents qui y est sans commune mesure – elle nous paraît, néanmoins, mériter de retenir, l’attention en ce qu’elle consacre un double phénomène allant très largement à l’encontre de deux grandes tendances bien établies du Droit des Transports. Que ce soit par le fait que de manière très exceptionnelle on puisse encore trouver un prestataire de déplacement qui ne soit pas soumis à une obligation de résultat (I) et que le comportement même imprudent d’une victime puisse être de nature à amoindrir la responsabilité (II).
I) La possibilité d’une responsabilité d’un transporteur de personnes échappant à l’obligation de sécuritéII) La possibilité d’une responsabilité d’un transporteur de personnes limitée par une faute de la victime
Le premier problème auquel se retrouvèrent confrontés les juges suprêmes, dans la présente affaire, consistait à déterminer quelles règles de droit se trouvaient, alors applicables. Le terme « croisière » mis en exergue, dès les premières lignes du résumé, comme du premier attendu, aurait, certes, pu orienter vers deux textes dont d’ailleurs, par le passé, l’articulation a pu soulever des difficultés[1]. D’abord, les articles 36 et 39[2], puis 47 à 49 de la grande loi n°66-420 du 18 juin 1966[3] relative aux contrats d’affrètement et de transport maritimes, devenus depuis, les articles L. 5420-1 et suivants du code des transports, lesquels prévoient une responsabilité personnelle de l’organisateur. Avec, toutefois, à bien noter, l’obligation pour la victime d’apporter la preuve d’une faute imputable à l’organisateur[4]. Sauf, qu’en l’absence de définition légale et d’un emploi peut être quelque peu abusif en l’occurrence[5] de ce qualificatif de croisière, les dispositions sus visées ne sauraient recevoir de portée hors du milieu maritime. Ensuite, l’article L. 211-16 du code du tourisme, issu de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992[6], ayant transposé en France la directive n° 90/314 du 16 juin 1990 prévoyant lui une responsabilité de plein droit de toute personne proposant un forfait touristique[7] qui, a priori, n’a pas été invoquée, en l’espèce[8]. Plus logiquement, n’était pas davantage opportune – bien que pourtant invoquée par l’auteur du pourvoi – la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985[9] relative aux accidents impliquant des véhicules terrestres à moteur. Ainsi, faute de législations spécifiques relatives au transport fluvial de personnes, à l’instar des transports maritimes ou aériens, ne restait plus, par défaut, pour la Cour de Cassation qu’à valider l’option des juges d’appel à savoir le recours à une responsabilité contractuelle de droit commun, autrement dit l’article 1147 du Code Civil.
Aussi indubitable soit-il ce raisonnement, il n’en aboutit pas moins à un curieux paradoxe : plus de cent ans après son émergence, le 21 novembre1911[10], suivie de sa propagation[11], y compris à des moyens de locomotion aussi inattendus que les télésièges, manèges d’auto tamponneuses ou les promenades à dos de mulets, existe, toujours, à l’inverse, des prestataires, dont la qualification de transporteurs ne sauraient aucunement être remises en cause, et qui pour autant ne sont pas directement soumis à l’obligation d’acheminer, à destination, les passagers sains et saufs. Ce premier écueil du fondement juridique de la réparation franchie, restait pour les magistrats à savoir, si au vu des circonstances précises, ils pouvaient y faire droit et dans quelle proportion.
L’arrêt commenté nous semble, en effet, également assez symptomatique de l’importance que peut revêtir l’appréciation subjective des faits. Puisque pour rechercher si « l’erreur » de la personne mise en cause aurait été commise, ou non, par toute personne placée dans les mêmes circonstances (théorie du bon père de famille revisitée !), la cour reprend la déclaration d’une passagère, témoin selon lequel le capitaine aurait déclaré que lever le bras pour toucher le pont était humain et que tout le monde aurait fait de même, ce qui suffit à écarter l’imprévisibilité qui aurait pu permettre de qualifier la faute de cas de force majeure. Le moyen, annexé à l’arrêt, laissant, toutefois, transparaître d’autres dires du capitaine, selon lesquels le jour de l’accident la hauteur du passage, sous le pont concerné, était bien inférieure à la normale, obligeant à diverses manœuvres, contrecarrés par le fait que la victime, médecin de son état, était doté d’une capacité de discernement importante. Compte tenu de l’ensemble de ses constatations factuelles, on appréhende mieux la décision rendue validant une répartition équitable moitié/moitié des responsabilités entre les deux protagonistes.
Encore une fois, au vu de ces éléments, on ne peut que saluer la logique empreinte de bon sens de la décision. Pour autant, on ne peut s’empêcher de relever que la juridiction suprême donne le sentiment de poursuivre sur une voie, initiée par les juges d’appel aixois, notamment lors d’une décision précédente que nous avions salué[12] où déjà au sujet d’une chute lors d’une croisière, avait été retenu à charge le fait pour une personne de se tenir en équilibre au bord du pont pour prendre une photo. Il semblait alors s’agir d’un infléchissement d’abord de ces même juges qui dans une autre affaire de croisière fluviale[13] avait écarté toute faute de la victime pour inattention ayant dérapé sur la passerelle et surtout par rapport au positionnement des plus rigoriste de la juridiction suprême qui, en particulier dans le domaine ferroviaire, avait refusé toute exonération même partielle face à des comportements autrement plus inconséquents[14] que celui de l’affaire qui nous intéresse. On ne saurait, cependant, présager de cet arrêt une inflexion plus réaliste tant sur ces questions, chaque élément de l’espèce paraît déterminant dans la motivation finale.
Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 Janvier 2015
Rejet
N° 13-26.446, 59
Publié au Bulletin
Zorzan
Société Tui France
Classement :
Contentieux Judiciaire
Numéro JurisData : 2015-000236
Résumé
Des époux ont acquis auprès d’une agence de voyages, un forfait touristique consistant en un circuit au Maroc ; sur place, ils ont choisi une prestation consistant notamment en une excursion à Telouet, en véhicule 4×4 à bord duquel ils ont été victimes d’un accident de la circulation ; ils ont assigné l’agence de voyages en indemnisation de leurs préjudices. C’est en vain qu’il est fait grief à l’arrêt de rejeter l’ensemble de leurs demandes. En effet, ayant constaté que la prestation litigieuse n’avait qu’un caractère facultatif, qu’elle n’était pas comprise dans la facture émise par l’agence de voyages, et que, souscrite au Maroc, elle avait donné lieu à un paiement supplémentaire réglé en monnaie locale, la cour d’appel en a exactement déduit que cette prestation était autonome et n’entrait pas dans le champ de l’article L. 211-17 du Code du tourisme alors applicable.
Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 16 avril 2015 N° de pourvoi: 14-13440 Publié au bulletin Rejet Mme Batut (président), présidentMe Balat, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat(s
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 12 novembre 2013) que M. X…, qui effectuait une croisière fluviale organisée par la société Tranquil Travel Limited (la société), assurée par la société Allianz Global (l’assureur), a levé le bras au passage d’un pont pour en toucher la voûte et a subi de graves blessures à la main, qui a été prise entre le toit de la cabine du bateau et le pont ; Sur le moyen unique : Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de retenir qu’il a commis une faute devant exonérer pour moitié la société et l’assureur de leur obligation de réparer le dommage corporel qu’il a subi, alors, selon le moyen : 1°/ que le transporteur, tenu d’une obligation de résultat envers un voyageur, ne peut s’en exonérer partiellement et la faute de la victime ne peut emporter son exonération totale qu’à la condition de présenter les caractères de la force majeure ; qu’en jugeant que M. X… avait commis une faute ayant participé à la réalisation de son dommage à concurrence de 50 %, et qu’en conséquence, la société ne devrait réparer les conséquences dommageables subies par M. X… qu’à hauteur de 50 %, tout en relevant que la société, transporteur, était tenue d’une obligation de sécurité de résultat envers M. X… et que la faute invoquée à l’encontre de ce dernier ne pouvait « en aucune manière caractériser un fait imprévisible, encore moins irrésistible », ce dont il résultait que la société, qui ne pouvait s’exonérer partiellement de sa responsabilité, devait prendre en charge la totalité des conséquences dommageables de l’accident en l’absence de faute de la victime présentant les caractères de la force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil ; 2°/ que pour se prononcer sur l’existence d’une faute, le juge doit rechercher si « l’erreur » de la personne mise en cause aurait été commise, ou non, par toute autre personne placée dans les mêmes circonstances ; qu’en estimant que « M. X… a commis une faute d’imprudence importante en ayant eu un geste des plus inapproprié », tout en constatant que « le témoin Mary G. Y…, passagère, atteste, sans être utilement contredite, que « le capitaine a déclaré que lever le bras pour toucher le pont était humain et que tout le monde aurait fait de même », ce qui révélait l’absence d’écart entre la conduite de M. X… et celle d’autres passagers placés dans les mêmes conditions, et donc en réalité l’absence de faute, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil ; 3°/ que si le juge peut prendre en considération les « supériorités individuelles » dans l’appréciation de la faute, encore faut-il que les aptitudes ou les connaissances prêtées à l’intéressé soient en rapport avec l’accident ; que pour retenir une faute à l’encontre de M. X…, la cour d’appel a indiqué « qu’eu égard à son âge (59 ans), outre sa qualité de médecin, et donc doté, à ce titre, d’une capacité de discernement importante, M. X… ne pouvait ignorer le danger que représentait son geste » ; qu’en statuant ainsi, cependant que le fait que M. X… soit un médecin d’un certain âge ne lui conférait aucune aptitude ou connaissance particulières s’agissant d’un accident lié à la hauteur exceptionnelle des eaux et à la faible hauteur du passage sous le pont, la cour d’appel s’est déterminée par une motivation inopérante, privant sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ; Mais attendu qu’après avoir relevé que M. X…, qui ne pouvait ignorer les précautions particulières imposées par le passage du bateau sous le pont, avait effectué un geste imprudent, la cour d’appel a ainsi caractérisé une faute de la victime ayant contribué à la réalisation du dommage ; qu’ayant retenu que cette faute ne constituait pas un cas de force majeure pour le transporteur, elle en a exactement déduit que le droit à réparation de la victime devait être limité dans une proportion qu’elle a appréciée dans l’exercice de son pouvoir souverain ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X… aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette de la demande de M. X… ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt. Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X…. Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que M. John X… avait commis une faute ayant participé à la réalisation de son dommage à concurrence de 50 % et d’avoir dit en conséquence que la société Tranquil Travel Limited devrait réparer les conséquences dommageables subies par M. X… à hauteur simplement de 50 % ; AUX MOTIFS QU’ il est constant que la responsabilité du transporteur en matière de transport de personnes par voie de navigation intérieure ne fait l’objet d’aucune disposition spécifique ou loi particulière, qu’elle ne saurait pas plus relever des législations particulières relatives aux transports maritimes ou aérien, voire de celle prévue par la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur ; qu’en conséquence, seules les règles de droit commun dégagées par la jurisprudence, au visa de l’article 1147 du code civil, concernant le transport de passagers peuvent trouver application au cas d’espèce, telles que celles appliquées en matière de transport ferroviaire, tenant l’engagement du transporteur d’acheminer un groupe de personnes dont M. X… d’un lieu défini à destination d’un autre lieu tout aussi défini ; qu’il s’en évince que par application de cet article, la société Tranquil Travel Ltd, en cette qualité, demeure tenue d’une obligation de sécurité de résultat envers M. X…, voyageur ayant pris place à bord du bateau L’Impressionniste au moment de l’accident, de sorte que cette société ne peut s’exonérer totalement de sa responsabilité que par la preuve d’une faute exclusive de la victime présentant les caractères de la force majeure, laquelle s’entend de la survenance d’un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu’au cas d’espèce, la cour relève que la faute invoquée de la victime ne saurait en aucune manière caractériser un fait imprévisible, encore moins irrésistible, dès lors qu’il est rapporté que : – selon les propres déclarations du capitaine du bateau L’Impressionniste, celui-ci atteste que le jour de l’accident, la hauteur du passage sous le pont des Ouglous était bien inférieure à la normale en raison des entrées maritimes, l’obligeant à diverses manoeuvres : « stopper le bateau, retirer l’extension de la passerelle située sur le toit, enlever l’écran de la timonerie¿, retirer la barre de direction et si nécessaire, remplir les cuves de ballast à l’aide de la pompe prévue à cet effet » ; – ce même capitaine et l’équipage du bateau avaient donc une conscience obligée des conditions difficiles et particulières de navigation sur le canal du Midi, le jour de l’accident, du fait de la montée des eaux ; – selon le capitaine, parmi les consignes de sécurité évoquées auprès des passagers, lors de leur accueil à bord, figurent les « passagers de ponts », précisant que durant la croisière, la péniche passe sous quelques ponts de hauteur limitée et insistant sur le danger de se cogner ; – nonobstant la connaissance des risques lors du passage sous les ponts, qui plus est lorsque la hauteur se trouve en l’occurrence très limitée, il n’est pas justifié de consignes particulières à chaque passage de pont, et notamment lors du passage du pont litigieux, encore moins de la présence d’un membre de l’équipage auprès des passagers qui étaient en nombre limité sur le bateau L’Impressionniste qui a une capacité d’accueil de l’ordre de douze personnes ; – enfin, le témoin Mary G. Y…, passagère, atteste, sans être utilement contredite, que « le capitaine a déclaré que lever le bras pour toucher le pont était humain et que tout le monde aurait fait de même » ; que le transporteur avait dans ces conditions une connaissance aiguë des risques ainsi que les moyens de les prévenir ; qu’en ce sens, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a retenu à l’encontre de la société Tranquil Travel Ltd une obligation de sécurité de résultat et a écarté toute cause exonératoire totale de responsabilité de cette société découlant de la force majeure ; que pour autant, cette même société ainsi que son assureur, la société Allianz Global, sont parfaitement fondées à invoquer une faute de la victime qui, bien que ne présentant pas les caractères de la force majeure permettant une exonération totale, n’en est pas moins de nature à exonérer partiellement le transporteur de sa responsabilité pour avoir contribué à la réalisation du dommage ; que d’évidence, M. X… a commis une faute d’imprudence importante en ayant eu un geste des plus inapproprié, quand bien même le fait de lever un bras lors d’un passage sous un pont aurait un caractère « humain », ne pouvant sérieusement ignorer les conditions particulières du passage du pont litigieux, eu égard aux préparatifs (démontage d’accessoires) ayant précédé le passage de ce pont ; qu’en effet, aux termes de sa déclaration du 26 novembre 2008 (sa pièce 5A) et du schéma explicatif versé aux débats (pièce 4), il s’évince que son geste ne pouvait consister, comme il le laisse entendre, à simplement lever la main pour toucher le pont lorsqu’ils sont passés dessous, autrement dit à toucher la voûte de ce dernier mais plutôt à poser sa main sur le bord externe de cette voûte, voire à accrocher ce même bord, de sorte qu’en raison de la vitesse du bateau, même lente, sa main s’est trouvée nécessairement coincée entre ce bord et le toit de la cabine, avec les conséquences qui s’en sont suivies ; que par ailleurs, eu égard à son âge (59 ans), outre sa qualité de médecin, et donc doté, à ce titre, d’une capacité de discernement importante, M. X… ne pouvait ignorer le danger que représentait son geste ; qu’une telle imprudence, nécessairement fautive, a contribué et dans une part que la cour estime devoir fixer à 50 %, à la réalisation du dommage subi par M. X…, de sorte que la cour est en mesure d’exonérer partiellement la société Tranquil Travel Ltd de sa responsabilité dans une même proportion ; ALORS, D’UNE PART, QUE le transporteur, tenu d’une obligation de résultat envers un voyageur, ne peut s’en exonérer partiellement et la faute de la victime ne peut emporter son exonération totale qu’à la condition de présenter les caractères de la force majeure ; qu’en jugeant que M. John X… avait commis une faute ayant participé à la réalisation de son dommage à concurrence de 50 %, et qu’en conséquence, la société Tranquil Travel Ltd ne devrait réparer les conséquences dommageables subies par M. X… qu’à hauteur de 50 %, tout en relevant que la société Tranquil Travel Ltd, transporteur, était tenue d’une obligation de sécurité de résultat envers M. X… (arrêt attaqué, p. 6 in fine) et que la faute invoquée à l’encontre de ce dernier ne pouvait « en aucune manière caractériser un fait imprévisible, encore moins irrésistible » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), ce dont il résultait que la société Tranquil Travel Ltd, qui ne pouvait s’exonérer partiellement de sa responsabilité, devait prendre en charge la totalité des conséquences dommageables de l’accident en l’absence de faute de la victime présentant les caractères de la force majeure, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil ; ALORS, D’AUTRE PART, QUE pour se prononcer sur l’existence d’une faute, le juge doit rechercher si « l’erreur » de la personne mise en cause aurait été commise, ou non, par toute autre personne placée dans les mêmes circonstances ; qu’en estimant que « M. X… a commis une faute d’imprudence importante en ayant eu un geste des plus inapproprié » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), tout en constatant que « le témoin Mary G. Y…, passagère, atteste, sans être utilement contredite, que « le capitaine a déclaré que lever le bras pour toucher le pont était humain et que tout le même aurait fait de même » » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 6), ce qui révélait l’absence d’écart entre la conduite de M. X… et celle d’autres passagers placés dans les mêmes conditions, et donc en réalité l’absence de faute, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du code civil ; ALORS, ENFIN, QUE si le juge peut prendre en considération les « supériorités individuelles » dans l’appréciation de la faute, encore faut-il que les aptitudes ou les connaissances prêtées à l’intéressé soient en rapport avec l’accident ; que pour retenir une faute à l’encontre de M. X…, la cour d’appel a indiqué « qu’eu égard à son âge (59 ans), outre sa qualité de médecin, et donc doté, à ce titre, d’une capacité de discernement importante, M. X… ne pouvait ignorer le danger que représentait son geste » (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 3) ; qu’en statuant ainsi, cependant que le fait que M. X… soit un médecin d’un certain âge ne lui conférait aucune aptitude ou connaissance particulières s’agissant d’un accident lié à la hauteur exceptionnelle des eaux et à la faible hauteur du passage sous le pont (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 2), la cour d’appel s’est déterminée par une motivation inopérante, privant sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.
[1] V. Philippe DELEBECQUE «Quel est le droit applicable aux croisières maritimes ? » D. 2002 p. 1319 et la traduction jurisprudentielle avec Cass. civ. 1ère 18 octobre 2005, JurisData n° 2005-030307, observations Hervé TASSY in Droit Maritime Français mars 2006 pp. 243/248, Chronique Hugues KENFACK 3Droit des Transports juillet 2005 – juillet 2006» D. 2007 pp. 111 note Clémentine KLEITZ-BACHELET « La croisière ne s’amuse plus ! » Revue Lamy Droit Civil janvier 2006 pp. 23/24 dans lequel au sujet d’une panne d’électricité, lors d’un forfait touristique, comprenant croisière fluviale et maritime la cour de cassation a procédé à une substitution de motifs au profit de la loi de 1992 et au détriment de celle de 1966, par rapport à C.A. Paris 12 avril 2002, JurisData n° 2002-176644
[2] V. pour une application Cass. civ. 1ère 18 juin 2014 avec notre commentaire « Chute lors d’une promenade en mer : la faute inexcusable prend le large » JAC n° 148 – novembre 2014 et C.A. Aix-en-Provence 26 juin 2013, JurisData n° 2013-014803
[3] JO Lois et décrets 24 juin 1966 p. 5206
[4] C.A. Aix-en-Provence 26 juin 2013, JurisData n° 2013-014803 – C.A. Aix-en-Provence 5 décembre 2012, JurisData n° 2012-032138 pour une personne blessée par une porte s’étant refermée, brutalement, du fait du mistral ou pour une absence de faute, alors qu’un passager d’un catamaran avait été victime d’une chute, lors d’une visite des Calanques – C.A. Aix-en-Provence 2 novembre 2011, JurisData n° 2011-028441
[5] V. sur ce point les observations à propos du présent arrêt par Xavier DELPECH sur dalloz.fr du 5 mai 2015
[6] JO Lois et décrets 14 juillet 1992 p. 9457 et pour des applications jurisprudentielles Cass. civ. 1ère 13 décembre 2005, Bull. I n° 505 au sujet d’une passagère blessée, lors d’une excursion en catamaran que la Cour de Cassation refuse de considérer comme un contrat autonome soumis à la loi du 18 juin 1966 – C.A. Toulouse 22 juin 2004, JurisData n° 2004-253880, pour l’effondrement d’une passerelle lors des opérations d’embarquement.
[7] Pour une application à l’occasion d’une chute sur la passerelle lors d’une croisière V. C.A. Aix-en-Provence 21 avril 2010, JurisData n° 2010-020343 ou C.A. Aix-en-Provence 7 mars 2006, JurisData n° 2006-300951 pour une chute dans un escalier à bord
[8] V. pour une application déjà lors de croisières, mais cette fois maritimes, nos commentaires précédents « Chute mortelle lors d’une croisière : une décision à contre courant sans aucune responsabilité retenue » (commentaire sous C.A. Aix-en-Provence 20 mars 2013) JAC n° 134 – mai 2013 et surtout « Intoxication lors d’une croisière : de Droit du Tourisme esquive le Droit Maritime » (commentaire sous Cass. civ. 1ère 15 décembre 2011) JAC n° 121 – février 2012
[9] JO Lois et décrets 6 juillet 1985 p. 7584
[10] V. notre article « L’obligation de sécurité : une centenaire bon pied, bon œil ! « JAC n° 118 – novembre 2012
[11] V. nos contributions« Obligation de sécurité et transport de personnes : un développement incontrôlé eu égard à la jurisprudence » (Intervention lors du séminaire « Obligation de sécurité et transport de personnes » organisé à l’I.U.T. de Mulhouse le 3 mars 2010) RISEO 2010-2 pp. 21/36 et « Un siècle de tribulations incessantes en matière d’obligation de sécurité dans le transport de personnes » in Le Droit des Transports dans tous ses états : réalités, enjeux et perspectives nationales et internationales et européennes (sous la direction de Bénédicte DUPONT-LEGRAND, Christie LANDSWEERDT et Laurence PERU-PIROTTE) Bruxelles : Larcier, (Actes du Colloque organisé à l’Université de Lille II du 16 au 18 mars 2011) 2012 pp. 199/216
[12] « Chute mortelle lors d’une croisière : une décision à contre courant sans aucune responsabilité retenue » op. cit.
[13] C.A. Aix-en-Provence 21 avril 2010, op. cit.
[14] V. l’ensemble des jurisprudences citées lors de notre commentaire « Encore une étape pour rendre plus difficile l’exonération de la S.N.C.F. suite à un accident de passager inconscient» (commentaire de de la C Cour de Cassation du 28 novembre 2008) JAC n° 91 – février 2009
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