Dans un autre billet je me suis attaché à démontrer ou plutôt à essayer de démontrer que les propos de Nicolas Sarkozy n’étaient pas de la propagande en faveur de la religion catholique et qu’ils respectaient les principes de la laïcité.
Mon billet d’aujourd’hui sera consacré au rapport de force entre la France laïque et l’Église catholique. Je crois en effet que ce rapport de force est très en faveur de la laïcité.
L’école
en 1959 le général de Gaulle a fait le premier pas avec la loi Debré. Cette loi autorisait l’enseignement privé à conclure des contrats d’association avec l’État, la rémunération des enseignants étant prise en charge par la puissance publique. L’Église catholique s’était félicitée, en revanche le parti socialiste a appelé au caractère laïc de l’État en invoquant le fait que c’est l’enseignement privé qui devait s’intégrer dans l’enseignement public.
En 1984 François Mitterrand voulait réaliser un grand service public unifié de l’Éducation nationale . Le 19 avril, Alain Savary dépose son projet, il est soutenu par Mitterrand qui déclare « je pense que les propositions de M Savary dès lors qu’elles ôtent à l’enseignement privé cet étonnant privilège de pouvoir recruter sans limitation budgétaire son personnel enseignant, sont bonnes. C’est une bonne chose de revenir sur ce privilège et de le supprimer. » Après diverses manifestations c’est plus d’un million et demi de français qui défilent dans les rues de Paris. Le projet sera retiré et Alain Savary démissionne le 17 juillet.
En 1994, François Bayrou alors ministre de l’Éducation Nationale sous la seconde cohabitation voulait abroger la loi Falloux qui réglemente le financement de l’enseignement privé. En fait il voulait déplafonner la possibilité des collectivités locales de subventionner les investissements de l’enseignement privé. L’ampleur des manifestation le pousse à la capitulation pour un projet qui de toutes façons a été censuré par le Conseil Constitutionnel.
Les mœurs
On sait que sous la 5éme République tous les présidents de la République sans exception étaient ou sont de confession catholique. En matière de mœurs ils n’ont pu que subir, c’est à dire accompagner les mouvements.
Le 18 mai 1966, c’est Lucien Neuwirth député gaulliste qui dépose une proposition de loi légalisant la pilule contraceptive ce qui lui valu d’être traité de « fossoyeur de la France ». Une commission spéciale a été créée le 11 juin suivant et à laquelle participait les autorités religieuses. Lucien Neuwirth s’adresse ainsi à de Gaulle « Mon général, c’est à la libération que vous avez donné le droit de vote aux femmes, aujourd’hui, les temps sont venus de leur donner le droit de maîtriser leur fécondité. » Le texte a été adopté le 19 décembre et de Gaulle l’a promulgué le 27. On imagine que l’univers de Yvonne de Gaulle a du changer ce jour là.
Le 26 novembre 1974 sous la présidence de Valery Giscard d’Estaing et malgré l’hostilité de nombre de députés de la majorité, Simone Veil parvient à faire adopter son projet de loi sur l’IVG. Après trois jours et trois nuits de discussions très vives , le projet de Mme Veil est adopté par 284 voix contre 189, grâce à l’opposition de gauche. L’Eglise est hostile à l’IVG.
le 11 juillet 1974 le Parlement institue le divorce par consentement mutuel.
En 1999, sous la cohabitation Chirac/Jospin la loi sur le pacte civil de solidarité (PACS) est votée. On se souvient de l’intervention de Christine Boutin, présidente du Parti Démocrate Chrétien, à l’Assemblée Nationale et qui a duré 5 h30 et au cours duquel elle a brandi la Bible.
A travers ces exemples, qu’on le regrette ou pas, quelles que soient les positions de chacun, il est indéniable qu’en matière de mœurs la France laïque progresse non seulement plus vite mais également au détriment de la France catholique. Tous les présidents de la 5éme ont accompagné les mouvements quelles que soient leurs convictions religieuses. Ils se sont donc comportés en président d’une République laïque.
Mariages et divorces
L’Eglise catholique est très stricte sur ce sujet. Je disais récemment en réponse à un commentaire qu’elle appliquait la double peine en interdisant à un ou une divorcé (e) de refaire sa vie car non seulement on est quitté par son conjoint mais de plus en cas de remariage, on a plus droit aux sacrements. C’est me semble t-il une vision totalement obsolète de la vie. Dans ce domaine également on constate que de plus en plus de catholiques pratiquants se désolidarisent de l’Église qui subit ainsi de sérieux revers.
On est obligé d’admettre que les mêmes catholiques ne suivent pas l’Église en matière de mœurs. Est ce à dire que la France du 21 éme siècle est plus laïque que religieuse ou plus laïque que catholique? Je crois qu’il n’ y a aucun doute à ce sujet.
Position de l’Église
Le Code de Droit Canonique, publié en 1983, ignore volontairement la notion de divorce (qui n’a effectivement pas de sens en regard du lien indissoluble institué par le sacrement de mariage) mais reconnaît qu’une séparation, pour douloureuse qu’elle soit, est parfois nécessaire « si l’un des conjoints met en grave danger l’âme ou le corps de l’autre ou des enfants, ou encore si, d’une autre manière, il rend la vie commune trop dure«
Le Handicap
En tant que président d’une association qui gère un établissement pour adultes autistes et psychotiques je suis de très prés les évolutions de la science sur ces sujets. Les généticiens font des recherches sur tout ce qui touche à la génétique et c’est leur métier. Les biopsies néo-natales et l’ADN permettent d’étudier les cellules souches. Nous sommes là dans l’éthique et la morale. Par des biopsies néo-natales (dès 2 mois de grossesse) on est capable de détecter une anomalie ou un dérèglement génétique et par la suite de déterminer un éventuel handicap grave du futur bébé. Il est normal d’en aviser les parents afin qu’ils puissent prendre une décision en toute connaissance de cause. Ceux qui ne vivent pas le handicap ne peuvent imaginer ce que sera la vie des futurs parents. L’Église catholique est tout à fait opposée à ces recherches alors que la France laïque y est favorable.
La fin de vie
J’ai fait il y a quelques jours un billet sur la fin de vie. Il y a des gens qui sont favorables à l’Euthanasie active ce qui n’est pas le cas de l’Église catholique qui a déjà fait des efforts considérables pour arriver à admettre les soins palliatifs. Avec la loi Léonetti votée en 2005, la République a enfin admis la fin de l’acharnement thérapeutique. Aujourd’hui on discute à l’Assemblée nationale de l’euthanasie active. Le débat est donc réouvert.
Position de l’Eglise
Selon la conception catholique, « la vie est un don de Dieu à respecter, à aider dans son développement et à soigner depuis son origine jusqu’à sa fin. L’origine divine de la vie humaine fonde la dignité inaliénable de l’homme, indépendamment de son état du moment. » Voilà ce que disait la commission des épiscopats de la communauté européenne, le 6 juin 1991.
L’influence de l’Église catholique
Si chez nous les églises ne sont pas vides, il faut néanmoins admettre qu’elles sont de moins en moins pleines sauf pour les fêtes de Noël et de Pâques. Si l’Église catholique est de plus en plus influente en Afrique et en Amérique du sud, elle a considérablement perdue cette influence en Europe y compris en France. On voit que dans la plupart des domaines l’influence de la laïcité ne fait que croître. On peut imaginer que non seulement les différences ne vont pas disparaître mais que au contraire, elles vont s’amplifier au détriment de l’Église. Personne n’a pu résister à ce phénomène et c’est la raison pour laquelle les présidents de la République y compris Nicolas Sarkozy aujourd’hui y ont contribué ne serait ce que contre leur propre volonté.
Le Vatican
Le dernier concile Vatican 2 date de 1965 sous le pontificat de Paul VI. A l’époque il a symbolisé l’ouverture de l’Église au monde moderne. Le Pape est le gardien du dogme et même si je ne suis pas toujours d’accord je comprends certaines positions. Jean Paul II qui a toujours été proche de la jeunesse n’a jamais cédé sur l’usage du préservatif. Pourtant il y va de la vie des gens et là, je comprends moins pour ne pas dire pas du tout. Par ailleurs certains dogmes sont une pure invention. Par exemple le dogme de l’infaillibilité du Pape ne date du début de notre ère. C’est en effet du Concile Vatican I en 1870 que date cette infaillibilité pontificale. Ceci dit, l’église n’est pas un parti politique et elle n’a pas à aller chercher des électeurs. C’est la raison pour laquelle elle ne cédera jamais sur les valeurs qui sont les siennes quitte à voir des fidèles s’éloigner.
Dans ce combat d’idée, d’éthique, de morale et de foi entre l’Église et la République laïque je crois que c’est toujours la laïcité qui aura le dernier mot et dans une République comme la France, cela me paraît non seulement normal mais souhaitable. Être républicain c’est veiller à ce que cela perdure ainsi. Après, on tombe dans le domaine de la vie privée et dans celui des conceptions qui nous sont propres et ceux là aussi méritent le respect.
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