RENFORCEMENT DU DISPOSITIF FISCAL DE SOUTIEN OFFERT AUX FAMILLES DES VICTIMES D’ATTENTAT
Isabelle Corpart
CERDACC
Maître de conférences en droit à l’UHA
JAC n° 163, mai 2016
Dans un communiqué de presse du 11 mai dernier, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures fiscales en faveur des ayant-droits des victimes d’actes de terrorisme. Elles viennent compléter un arsenal de dispositions et de soutiens financiers accordés depuis plusieurs mois aux victimes directes et indirectes.
Mots-clefs : attentat – déclaration des successions – exonération – ayant-droits des victimes – recouvrement des impôts sur le revenu – recouvrement de la taxe d’habitation – terrorisme
Il serait indigne des autorités françaises et indécent d’accabler encore davantage les proches des personnes qui ont succombé sous les tirs des terroristes le 13 novembre dernier. Pourtant de nombreuses familles – relayées par des associations – avaient montré combien elles étaient désemparées devant différentes démarches qui leur incombaient après les funérailles de leurs chers disparus, combien certaines étaient en colère d’avoir à acquitter aussi les impôts de leurs défunts. Leur tristesse et leur incompréhension sont entendues par l’administration fiscale qui souhaite faciliter leurs démarches et alléger le poids de leurs charges.
Deux pistes sont ainsi suivies, l’une étant liée à la fiscalité successorale, l’autre à la perception des impôts. Des cadeaux fiscaux sont offerts dans les deux cas aux ayant-droits des victimes d’actes de terrorisme, selon un communiqué du ministère des Finances et du secrétariat d’Etat chargé de l’aide aux victimes en date du 11 mai 2016. Après avoir reçu des associations d’aide aux victimes, avec la création de ces nouveaux dispositifs exonératoires, le gouvernement entend marquer sa volonté d’accompagner dans leur deuil les familles des victimes du terrorisme.
I – Une mesure fiscale complémentaire en matière de mutations à titre gratuit
L’administration fiscale offre déjà divers soutiens financiers aux victimes des attentats et à leurs proches.
En effet, grâce à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, elle exonère les victimes des actes de terrorisme de droits de mutation à titre gratuit pour les dons qu’elles ont reçus. Il a semblé humanitaire de ne pas taxer les envois faits dans un élan de générosité à toutes les personnes victimes directes des attentats (I. Corpart, Exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les victimes du terrorisme, JAC n° 161, février 2016). Cette exonération fiscale de droits de mutation est d’autant plus intéressante que l’article 796 du Code général des impôts englobe les dons consentis depuis le 1er janvier 2015.
Prévue pour la victime directe, cette mesure concerne également sa famille et ses proches, les dons pouvant avoir été reçus « par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son concubin notoire, ses descendants et les personnes considérées comme à sa charge » (CGI, art. 796 bis).
Lors du décès, les familles sont encore évidemment visées par les successions qui ouvrent, elles aussi, normalement droit à la perception de droits de mutation à titre gratuit (CGI, art. L. 796).
Là encore des mesures fiscales avaient déjà été prises par la loi du 29 décembre 2015 afin de mettre en place des exonérations en matière successorale et elles concernaient aussi les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2015.
Par les annonces faites le 11 mai dernier, le gouvernement entend toutefois aller plus loin pour ne pas ajouter au lourd deuil qui frappe ces familles. Il est en effet précisé que les ayant-droits des victimes d’actes de terrorisme vont se trouver dispensées du dépôt des déclarations de succession, qu’elles n’auront pas besoin de remplir.
Nous avions fait remarquer que la disposition prise par la loi du 29 décembre 2015 (I. Corpart, préc.) ne contenait aucune exonération en ce sens et que les familles allaient devoir réunir les pièces exigées par l’article 796 du Code général des impôts avant de remettre à l’administration fiscale leur déclaration de succession.
Cet oubli sera réparé car la mesure proposée par le gouvernement va être inscrite dans la prochaine loi de finances, avec très probablement un effet rétroactif pour couvrir les récents drames. Cette loi de finances contiendra un autre allégement fiscal lié au terrorisme.
II – Une mesure fiscale dérogatoire en matière de perception de l’impôt
En principe, lors du décès d’un proche, c’est sa famille qui est redevable du paiement de ses impôts, somme ponctionnée sur la succession le cas échéant. Pour les victimes mariées ou pacsées, l’obligation incombe à leur conjoint ou partenaire.
Pour faire preuve de commisération envers les victimes d’actes de terrorisme, dans son communiqué, le gouvernement a toutefois annoncé une mesure d’exonération d’impôt portant sur les revenus perçus par les personnes décédées dans ces circonstances, en précisant que cette mesure sera proposée dans le cadre de la prochaine loi de finances.
Cette exonération d’impôt, mesure s’ajoutant à d’autres soutiens financiers, nous paraît totalement justifiée car réclamer aux familles d’assumer les impôts sur les revenus perçus par leurs proches décédés lors des événements dramatiques a pu sembler d’un goût douteux. Plusieurs familles avaient fait part de leur colère de devoir payer les impôts de leur proche, conjoint ou enfant, lâchement assassiné dans le cadre d’opérations menées par des commandos de terroristes et ayant laissé les forces de l’ordre démunies.
Cette exonération vaudra pour les revenus de 2015. Elle est toutefois symbolique pour nombre des victimes, les défunts comptant dans leur rang beaucoup d’étudiants ou de jeunes gens non encore assujettis à l’impôt.
Les familles obtiennent ainsi un traitement particulier eu égard au drame qu’elles ont vécu et vivent encore. Ceux qui sont « morts pour le France », pour reprendre les termes du discours prononcé aux Invalides à leur mémoire méritaient bien un système dérogatoire. Cette grâce fiscale vient aussi à point nommé pour certaines familles totalement démunies par la perte de celui ou ceux qui assumaient les charges de la vie quotidienne, sachant que, semble-t-il, les indemnisations dues n’ont été à ce jour que partiellement versées (sur les possibilités offertes aux victimes et à leurs familles : R. Cario, L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme en droit français, AJ pénal 2013, p. 264).
Rien n’est toutefois prévu à notre connaissance s’agissant des revenus des victimes blessées ou mutilées lors des attentats. Alors que leur situation financière est préoccupante, ils n’ont fait l’objet d’aucune attention fiscale.
Une exonération complémentaire des impôts locaux est aussi prévue. En effet, Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’Aide aux victimes vient d’indiquer que l’exonération fiscale s’étendra au règlement de la taxe d’habitation, autre grosse ponction fiscale pour certaines des victimes.
Sont visées par le dispositif, les victimes des récents drames qui se sont déroulés en France, mais aussi à Bruxelles ou dans d’autres villes martyres.
Il faudra toutefois attendre la prochaine loi de finances débattue au Parlement à l’automne pour avoir de plus amples détails.
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