Régions : le grand gaspillage

« Valeurs Actuelles » consacre un dossier complet sur le gaspillage des régions. Ce dossier est tellement bien fait et argumenté qu’il est difficile d’en extraire une chose plutôt qu’une autre. J’ai tout de même voulu m’atteler à cet exercice.

Aprés le Sénat, qui vient de commencer son examen, puis l’Assemblée nationale qui prendra le relais en mars, le parlement devrait voter avant l’été la réforme de simplification de l’organisation territoriale proposée par le gouvernement.

Envol de la fiscalité et abus

Les chiffres sur cinq ans sont effarants: + 91% pour les taxes sur le foncier bâti en Languedoc-Rousillon; +71% en Auvergne; + 59% chez nous en PACA…même hausse spectaculaire pour le foncier non bâti : +71% en Auvergne; +60% pour PACA et Bourgogne…sans parler de la taxe professionnelle, bientôt abolie mais dont le produit a lui aussi explosé : +90% pour le Languedoc-Rousillon ; +86% pour l’Île-de- France; +69% pour Rhône-Alpes. Soit pour l’ensemble des régions et pour la dernière législature (2004-2010) une hausse moyenne des impôts de 36%. Quant à la folie dépensière qui s’est emparée des exécutifs régionaux, il suffit d’ouvrir l’essai magistral de Robert Colonna d’Istria et Yvan Stephanovitch publié aux éditions du Rocher pour se persuader que la hausse de la fiscalité n’est pas seulement due aux soi-disant « transferts de compétences » opérés par l’État à destination des collectivités locale. Bien réels , ceux ci sont en partie compensés pour l’essentiel par des dotations d’État équivalentes. Ce qui n’est pas le cas – et c’est heureux – d’autres dépenses non obligatoires et sur lesquelles porte tout le débat. Ici 200 millions (le coût de huit lycées) pour un nouvel hôtel de région, là 10 millions pour une campagne de publicité visant à promouvoir le changement de nom d’une collectivité; ailleurs 100.000 euros de billets d’avion pour permettre à un élu vert de faire connaître son action aux quatre coins du monde. Ou 21.000 euros de cigares pour un président de région qui trouve sans doute cette somme exorbitante…pour son propre porte-monnaie !

Ces abus amènent à reconsidérer l’histoire politico-administrative des trentes dernières années : « l’intérêt général est-il vraiment compatible avec la délégation aux collectivités locales de tant de responsabilités non asorties de sanctions ?«  Pour François Fillon qui, depuis 2007 a pris le temps d’examiner, voyant par voyant, les détails du tableau de bord national, la réponse est non. C’est ce qui explique sa décision non de recentraliser, mais au contraire de rationaliser la décentralisation, en affectant à chaque échelon une responsabilité, et en rendant au gouvernement issu du suffrage universel, donc garant de l’intérêt national, la « compétence générale » que se partageaient concurremment, avec lui depuis 1982, régions et départements (article 35 du projet de loi).

Inhérente à la décentralisation depuis 1982, c’est cette « clause de compétence générale  » qui permettait aux départements et aux régions d’intervenir conjointement, et le plus souvent sans concertation, parallèlement à l’État, dans une multitude de domaines identiques : du développement économique à la culture en passant par la « coopération internationale« . Celle là même qui pemet au Languedoc-Roussillon de disposer d’une véritable « ambassade » à New York , à deux pas de Central Park, sur la 53 éme rue…

Tout cela entraîne des problèmes insolubles de financements croisés et d’enchevêtrements de compétences qui, non seulement paralysent bien souvent l’action locale mais aussi comme le notait la Cour des comptes dans son dernier rapport sur le sujet vont de pair avec la création sans fin de nouvelles structures et donc avec le recrutement de nouveaux fonctionnaires. Si la réforme est menée à bien, les choses seront infiniment plus simples, régions et département exerçant, sauf exceptions, des compétences en propre.

Dérapages incontrôlés

Les présidents de régions ont tendance à se croire à la tête de mini-États et dépensent sans compter. Signe révélateur, les budgets de communication, qui ont littéralement explosé. Un an après leur arrivée aux commandes les présidents les ont augmentés de 176% en Bourgogne, de 126% en Auvergne, de 71% en Picardie, de 57% en Rhône-Alpes selon la commission d’enquête sur la fiscalité locale, désignée en 2005 par l’Assemblée nationale. Une note confidentielle du ministère de l’intérieur confirme la tendance : un budget en hausse de 157% en Pays de la Loire, de 70% en Lorraine, de 88% dans le Centre… En Île-de- France ces dépenses sont passées de 4,8 à 15 millions d’euros.  » Dans de nombreuses régions, on ne connaît pas la réalité des dépenses de communication, qui sont dispatchées dans différentes lignes budgétaires afin de ne pas apparaître clairement » confie Alain Marleix secrétaire d’Etat à l’intérieur et aux collectivités locales. Même les chambres régionales des comptes ont du mal à s’y retrouver.

Avec ces budgets les régions se sont dotées de moyens  dignes d’entreprises de presse. La Picardie dispose ainsi d’une très belle revue mensuele tirée à 810.000 exemplaires (plus que n’importe quel quotidien ou hebdomadaire national d’information), distribuée gratuitement. La fabrication « d’agir en Normandie » coûte plus de 1,2 millions d’euros chaque année. Et comme les élus ont considéré que leur revue ne suffisait pas à informer les Picards, ils ont carrément créé une chaîne de télévision locale qui coûte pour sa part 2 millions d’euros au contribuable !

L’Île-de-France n’est pas en reste : près de 4 millions d’euros sont dépensés chaque année dans la parution du bimestriel lancé par Jean Paul Huchon » Île de France« . Les auteurs de l’enquête estiment que ces journeaux gratuits pour la région parisienne, toutes collectivités confondues, représentent chaque année 85 millions d’exemplaires de périodiques institutionnels pour un coût total de 20 millions d’euros.

Il n’ ya pas que la communication. Nombre de régions pratiquent ce qu ‘lon appelle le « saupoudrage  » de crédits, petites sommes versées un peu à tout le monde et qui au bout du compte finissent par être conséquentes. Ainsi en Poitou- Charente, Ségolène Royale a créé un fond régional d’investissement chargé de financer des projets locaux. Un quart du montant alloué soit 2 millions sur 8 est destiné à son ancienne circonscription électorale qui pourtant ne totalise que 5% des habitants de la région. L’Île-de-france est la région reine du saupoudrage.

Les régions aiment encore prendre des initiatives qui n’ont plus rien à voir avec leurs domaines d’intervention classique, au nom de la compétence générale dont elles bénéficient. Ce qui leur permet de dépenser comme bon leur semble. Le pire est que les régions reconnaissent que 10 à15% de leurs budgets sont consacrés à des dépenses qui n’ont rien à voir avec leurs compétences. Un exemple parmi bien d’autres. La région Rhône-Alpes a également un vice- président (vert) chargé de la solidarité internationale qui dispose d’un budget de 120 millions d’euros, record des régions françaises. Dans les deux ans qui ont suivi son élection, il a visité 16 pays et dépensé 100.000 euros en billets d’avions, en plus un vert. On pourrait citer d’autres exemples tant c’est édifiant. Cela représente plusieurs centaines de milliers d’euros.

Indemnités : train de vie présidentiel

Il y a, s’il en était besoin, des détails qui noircissent un peu plus le tableau. Officiellement, les indemnités des conseillers régionaux s’échelonnent entre 1523 et 2647 euros, selon la taille des régions. Celles des présidents ne doit pas dépasser 5484 euros. Mais à quoi ça sert de limiter les indemnités alors que les élus ont toute liberté quant aux avantages en nature qu’ils s’octroient frais de représentation, de réception, voitures de fonction, restaurants… comme le 4×4 Touareg Volkswagen que s’est offert Georges Frèche, option scellerie en cuir, ronce de noyer, système multimédia pour une valeur de 53.000 euros, les 18.000 euros consacrés à la rénovation du bureau de Claude Gewerc président de la Picardie, ainsi qu’une citroën C6 à 50.000 euros; le même Gewerc qui fut épinglé par le magazine « Capital  » en 2008 qui a publié la somme dépensée par le Conseil régional pour sa consommation de cigares : 21.000 euros. S’ y ajoute la construction d’hötels de régions mégalomaniaques comme le projet du siége des élus de Rhône-Alpes, confié à l’illustre architecte Christain de Portzamparc. Chiffrage à l’origine en 2006 : 96 millions d’euros, le bâtiment aura finalement coûté prés de 200 millions d’euros. Alors que les anciens locaux reconnaît un conseiller régional permettaient de travailler dans des conditions parfaitement normales. L’Alsace, l’une des deux régions dirigées par la droite n’a pas fait mieux. Son hôtel de région dispose d’une salle où peuvent siéger 227 personnes…pour 47 élus et 78 membres du Conseil économique et social, alors que les premiers ne se réunissent quasiment jamais en même temps que les seconds.

Finalement que l’Etat veuille mettre bon ordre la dedans on le comprend. Que ceux qui dirigent les collectivités territoriales soient opposés à la réforme, on comprend aussi pourquoi.

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