Je comprends parfaitement bien que les salariés de « Total » se mobilisent pour garder leurs raffineries en France et que les organisations syndicales qui les représentent font (aujourd’hui) leur travail. Ce que je comprends moins c’est l’attitude de certains qui, dans la majorité leurs donnent raison et plus encore le parti socialiste qui lui est carrément à leurs côtés. Parce que enfin, la démagogie ne peut pas toujours gagner. Dans cette affaire de quoi s’agit-il ?
Ce conflit social est l’exemple type des difficultés industrielles que connaît un secteur et de l’irresponsabilité à la fois syndicale et politique. Il y a tout d’abord deux questions à se poser. La première c’est de se demander pourquoi le secteur en question est en crise ? Puis après analyse de cette première question se poser la seconde : Quelles vont être la ou les conséquences de cette crise ?
Piqûre de rappel
Au cours des années 70, nous avons connu deux chocs pétroliers dont les conséquences sont encore présentes dans tous les esprits. Il s’est traduit dans les pays producteurs par une abondance de liquidités qui ont été à la base du développement de ce que l’on a appelé « les pétro-dollars« . En Europe et aux Etats-Unis la croissance a été litteralement cassée. C’est cette flambée des cours du pétrole qui est à l’origine du développement des programmes nucléaires.
Plus près de nous, en février 2008, et pour la première fois, La barre symbolique des 100 dollars le baril est franchie. Il s’agit d’une hausse qui se poursuit sans discontinuer. Les prix du pétrole sont désormais une préoccupation planétaire qui entraine une remise en cause globale : Comment produire ? Comment se déplacer ? Comment se nourrir ? Certains voyaient le prix du baril atteindre les 200 dollars fin 2008. Mais tout à une fin, y compris les cycles.
Pourquoi le secteur en question est-il en crise ?
Au cours de l’année 2008 le prix du baril a atteint approximativement les 160 dollars ( je ne sais plus très exactement), puis a commencé la grande descente qui s’est poursuivie au cours de l’année 2009. Aujourd’hui le marché pétrolier est déprimé et c’est là qui faut se poser la question pourquoi ? En fait deux facteurs sont la cause de cette déprime : le premier est d’ordre économique, le second d’ordre écologique.
Il est indiscutable que la crise économique a pesé sur la demande. Si on en est pas convaincu il suffit de prendre note des statistiques : Recul du trafic routier, aérien, maritime. Ce recul est particulièrement sensible dans la zone européenne et aux États-Unis. Pour faire ce billet j’ai recherché les statistiques fournies par l’agence internationale de l’énergie. Dans la zone européenne la baisse est de 7,5%.
La crise écologique ensuite et là on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Le lobby écologiste à fait son effet puisque ces gens là souhaitent et ils ne se privent pas de le dire et de le répéter que nous prenions conscience des problèmes environnementaux. Ils doivent être satisfaits, la demande en pétrole baisse. Mais surtout que maintenant, ils ne viennent pas pleurer sur le sort des salariés de Dunkerque et d’ailleurs.
Le patron de Total a été affirmatif » En Europe et aux Etats-Unis, nous ne retrouverons jamais le niveau de consommation pétrolière d’avant la crise« . Cette analyse faite, il faut maintenat se poser la seconde question.
Quelles vont être la ou les conséquences de cette crise ?
Baisse de consommation = moins de demandes, moins de demandes = moins de production et moins de production = moins de raffinage. On peut donc affirmer que la conséquence directe de cette baisse de la demande rend inutile de nombreuses raffineries. La boucle est bouclée, hélas pour les salariés du secteur. Et comme le premier centre de raffinage au niveau mondial c’est l’Europe, c’est elle qui va être touchée la première. Une petite recherche sur internet sur le site de l’institut français du pétrole (IFP) pour avoir quelques chiffres et c’est ainsi que l’on apprend que les capacités de raffinage exédentaires sont passées de 2 à 7 millions de barils par jour entre 2008 et 2009 et que les prévisions passent à 9 millions en 2013. En clair et pour être précis il y a ce que l’on appelle une « surcapacité » et pour faire face il n’y a pas trente six solutions, il faut réduire les cadences, ce qu’à fait le secteur automobile lorsque lui aussi s’est trouvé en surcapacité. Si les faits sont incontestables, les salariés des raffineries ne les acceptent pas et refusent cette réduction d’où le mouvement social que nous connaissons.
Combien de fermetures ?
Décidemment pour faire ce type de billet, il faut naviguer sur internet. D’après l’Union française des industries pétrolières (UFIP), pour atteindre l’équilibre entre l’offre et la demande il serait nécessaire de fermer entre 10 et 15% des raffineries européennes. Comme il y en a 114 en Europe, le compte est vite fait, il faudrait fermer entre 11 et 17 raffineries en Europe. L’Ufip ne précise pas les pays touchés. En revanche on sait que l’Union pétrolière italienne estime que dans son pays il faudrait fermer 4 ou 5 raffineries. En France Total souhaite fermer la raffinerie de Dunkerque. Les salariés demandent alors pourquoi Total construit une raffinerie en Arabie Saoudite. La réponse de Total est que pour le groupe il s’agit de répondre à la demande croissante de l’Asie et du Moyen Orient, régions où la consommation et par suite la demande ne baissent pas.
Pourquoi sommes nous touchés ?
Il n’est un secret pour personne qu’en France, pour des raisons de fiscalité, le différentiel entre l’essence et le gazole est important.(80% pour le gazole et 20% pour l’essence). Il faut savoir qu’une raffinerie ne peut produire au maximum que 55 % de gazole parfois moins. Il est facile de faire la soustraction et d’en déduire que nous devons en importer au minimum 45 % pour satisfaire la consommation des français. A l’inverse nous exportions nos excédents d’essence vers les Etats-Unis qui étaient très demandeurs. Mais eux aussi ont subi la crise de plein fouet, ils ont besoin de moins d’essence et par suite de moins en importer. C’est ainsi que les exportations vers les Etats-Unis ont considérablement diminué, de l’ordre de 70%. Ces exportations qui jusqu’avant la crise pouvaient maintenir le raffinage en Europe n’existent plus.
L’hypocrisie des syndicats et des politiques
Aujourd’hui on entend Bernard Thibault dire je cite » les décision de ce type doivent s’anticiper, surtout quand on a des marges (bénéficiaires) qui le permettent« . En clair Bernard Thibault est entrain de nous dire que Total aurait dû penser et anticiper les restructurations lorsque le groupe pétrolier gagnait beaucoup d’argent. Mais qui refuse la logique qui voudraient que même les entreprises qui font des bénéfices anticipent les restructurations ? Qui condamnent les entreprises qui font des bénéfices de procéder précisément à ces restructurations ? Chaque fois que le groupe Total a voulu procéder à des restructuration, qui est monté en première ligne pour les dénoncer ? Les politiques de l’opposition comme ceux du gouvernement et de la majorité n’ont-ils pas leur part de responsabilité en étant intervenus pour bloquer ces projets restructuration ?
Alors aujourd’hui voir la CGT et Bernard Thibault soutenus par le PS et des membres du gouvernement et de la majorité se retourner contre Total pour lui reprocher son manque d’anticipation cela pourrait prêter à sourire si des centaines d’emplois n’étaient pas en jeu. Sur ce coup là ils se sont tous conduits comme des irresponsables. Si j’étais le patron de Total et si j’étais reçu par le président de la République, je ne manquerais pas de lui rafraîchir la mémoire et je lui demanderais de faire passer le message à Thibault et aux partis de l’opposition.
S’il y a une personne morale qui devrait être le moins sujet à critiques sur ce coup là, c’est bien le groupe Total. Ce conflit démontre que la démagogie a, elle aussi, ses limites. Puisse t-il servir de leçon à nos syndicalistes et à nos politiques.
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