Sur les savoirs fondamentaux et l’intérêt de la dictée
M. François Rochebloine. Madame la ministre, la présentation de votre réforme du collège a suscité de profondes inquiétudes parmi les enseignants et relancé le débat sur l’efficacité et les difficultés de notre système scolaire, madame la ministre. L’éducation nationale a besoin de moyens importants compte tenu de la redéfinition constante de ses missions et des besoins grandissants liés à l’évolution de notre société. Un constat alarmant et largement partagé est dressé depuis plusieurs années au sujet du taux de réussite scolaire. Notre système éducatif, en stagnant, serait ainsi devenu l’un des plus inégalitaires d’Europe. Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est la méthode que vous employez pour réformer, qui s’apparente à un nouveau passage en force après la réforme des rythmes scolaires, mais aussi le sentiment que l’acquisition des fondamentaux n’est plus au cœur des programmes. Trop d’élèves entrent au collège sans les maîtriser. Ne serait-il pas plus urgent d’agir à ce niveau avant de mener la réforme contestée du collège ?
Pour tous ces élèves qui ont raté leur apprentissage dès l’école élémentaire, quelles perspectives demeurent ?
Trop de situations objectives dans nos villes et dans nos quartiers qui se ghettoïsent entretiennent cet état de fait et renforcent les décrochages scolaires. Nous savons par exemple que la jeunesse a beaucoup régressé en lecture, et chacun peut se rendre compte de la pauvreté de la langue couramment parlée. Il semble donc plus que jamais indispensable de recentrer les enseignements, quitte à abandonner le référentiel des compétences pour revenir aux apprentissages fondamentaux, c’est-à-dire au savoir lire, écrire et compter, qui sont indispensables pour la poursuite de tout cursus scolaire. Dans ce contexte, revaloriser à l’école et au collège la dictée, cet exercice de moins en moins pratiqué, favoriserait l’appropriation de la langue écrite par les mots, quoi qu’on en pense. Songeons au formidable succès des Dicos d’or créés par Bernard Pivot mais aussi à toutes les initiatives prises en dehors du cadre scolaire par les associations ! Sur ce point, beaucoup de Français s’interrogent et nous serons, quant à nous, particulièrement vigilants.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En espérant ne pas me répéter, j’insiste vraiment sur un point : je souhaite moi aussi que l’on règle les difficultés des enfants le plus tôt possible. C’est la raison pour laquelle ce gouvernement a fait de l’école primaire sa priorité dès son arrivée aux affaires en 2012. Nous avons instauré, et ce n’est pas anodin, le principe « plus de maîtres que de classes » en termes de moyens dégagés et donné la priorité à la création de postes et aux ouvertures de classes.
M. François Rochebloine. Ce n’est pas la question !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. On ne regarde pas forcément constamment dans le rétroviseur mais il faut se souvenir de quelle situation nous sortions. Tous les ans, au moment de la définition de la carte scolaire, des classes fermaient et des enseignants n’étaient pas remplacés. Nous avons donc redonné la priorité à l’école primaire en termes de postes. Nous avons veillé à scolariser les enfants de moins de trois ans car nous savons que les choses se jouent tôt. Nous avons veillé à rendre plus efficaces les nouveaux programmes de l’école maternelle qui entreront en vigueur à la rentrée 2015 afin de faire naître très tôt chez l’enfant ce que l’on appelle une conscience phonologique et le préparer dans les meilleures conditions possibles à apprendre à lire et écrire. Nous mettrons également en place une évaluation en début de CE2 à partir de la rentrée prochaine.
Je le redis, « mettre le paquet » sur le primaire, nous avons commencé à le faire et continuerons à le faire. Il n’en reste pas moins que le collège est actuellement vécu comme le stade où les enfants en difficulté ne progressent pas pour la plupart, voire même en sortent avec des difficultés aggravées. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes donné des moyens. La réforme du collège ne se fait pas à moyens constants mais s’accompagne de la création de 4 000 postes afin de développer le travail en petits groupes que nous évoquions tout à l’heure et de mieux accompagner les enfants. Je ne sais donc pas sur quel sujet nous serions en désaccord fondamental, monsieur le député. Je suis moi-même très attachée à la dictée et pense qu’il faut la pratiquer mais ce n’est en rien contradictoire avec la réforme du collège.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150248.asp#P544920
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Ma seconde question concernant la nécessité de revaloriser le statut des enseignants
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il y a quelques mois, mais cela est peut-être passé un peu inaperçu faute de susciter autant de débats que la réforme du collège, nous avons profondément rénové le statut des enseignants, lequel datait de 1950 et n’avait jamais été rénové aussi profondément. Nous avons veillé à mieux reconnaître les missions des enseignants, prévoyant d’ailleurs que leur mission ne consiste pas simplement en un face-à-face en classe mais aussi à travailler en équipe, recevoir les parents et préparer les cours. Il s’agit également de mieux reconnaître les responsabilités des chefs d’établissement en leur conférant, grâce en particulier au mécanisme des indemnités pour mission particulière que nous avons introduit, plus de poids et de pouvoir en termes de gestion et d’organisation de leurs équipes. La réforme du collège entrera en résonance profonde avec ce nouveau statut.
Quant à l’autorité des maîtres, j’y suis très sensible. Pour la rétablir ou la renforcer, il convient d’abord, selon moi, de les former. J’ai souvent été amenée à discuter avec certains d’entre eux au lendemain des attentats que nous évoquions tout à l’heure au sujet des incidents constatés lors de la minute de silence. D’après eux, la difficulté qu’ils éprouvent à gérer en classe des incidents, des provocations ou des perturbations provient du fait qu’ils sont démunis, n’ont pas les outils et n’ont pas été suffisamment accompagnés.
M. François Rochebloine. Ils s’en passaient auparavant !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ainsi, la suppression de la formation initiale des enseignants a été un mauvais coup porté à l’autorité des enseignants au cours des dernières années. Nous l’avons rétablie et je conçois qu’il faille aller plus loin. La formation initiale est une chose, la formation continue concentrera désormais le gros de notre effort, notamment pour préparer la mise en œuvre de la réforme du collège.
Un deuxième point me semble important en matière de renforcement de l’autorité des maîtres. Il faut être à leurs côtés, c’est-à-dire faire en sorte que les chefs d’établissement ne minimisent pas les incidents qu’ils signalent et les fassent bien remonter, et dépêcher dans les établissements, comme nous l’avons fait au mois de janvier dernier, des professionnels aguerris pour les accompagner et faire en sorte d’aborder à nouveau les sujets dans la classe où les perturbations ont eu lieu. C’est un point auquel nous sommes très attachés. Nous continuerons à procéder de la sorte notamment en développant les proviseurs vie scolaire au sein des établissements.
Enfin, renforcer l’autorité des maîtres, c’est aussi veiller en permanence au climat scolaire. Un point de la réforme du collège est quelque peu passé inaperçu : nous généralisons à tous les collèges les enquêtes de climat scolaire qui permettront aux équipes enseignantes comme aux élèves de dire fois par an ce qu’ils vivent. Cela permettra d’apporter des réponses en termes de lutte contre le harcèlement scolaire, la violence et les incidents.
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150248.asp#P544920
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