Mobilité & Droit à la mobilité des publics en insertion
Eric DESFOUGERES, maître de conférences à l’U.H.A, membre du CERDACC
Le 25 avril 2014 se tenait dans les locaux de l’Ecole de Droit de l’Université d’Auvergne (UdA), à Clermont-Ferrand, un Colloque National, sous l’égide du centre de recherche « Michel de l’Hospital » en partenariat avec la Fédération des Associations de la Route pour l’Education (FARE) et l’association locale Formation Insertion Travail (FIT).
Le colloque s’ouvrait avec le traditionnel mot de bienvenu de la Doyenne Christine BERTRAND (UdA) soulignant l’attachement à la pluridisciplinarité du centre de recherche « Michel de l’Hospital » et la richesse pour les juristes de pouvoir ainsi croiser leurs points de vue avec d’autres. Puis, en préambule, Mme Florence FABERON (UdA), organisatrice de la journée, s’attachait à mettre en exergue combien le thème de la mobilité – propre de l’homme en mouvement – est devenu central et doit être une chance et non un signe d’exclusion. Elle mettait, également, l’accent sur le fait que les sociologues se sont emparés de cette question, à la différence des juristes, qui ne s’y intéressent qu’indirectement au travers, entre autre, du Droit des transports.
Le début de la matinée, placée sous la présidence de Florence FABERON, était consacré à La mobilité : une exigence sociale pour les voies d’une insertion réussie. M. Yves JOUFFE (Sociologue des mobilités urbaines, Laboratoire Ville Mobilité Transport Université Paris-Est), démontrait les problèmes de mise en évidence de l’exigence sociale de mobilité pour des personnes en difficulté (personnes n’ayant pas de véhicule ou de permis, travailleurs précaires, mères seules, handicapés, précaires énergétiques…) afin d’en déduire que le droit à la mobilité devait venir compléter le droit au transport grâce à un soutien individualisé. Dans la foulée, Mme Silvia ROSALES-MONTANO (Directrice d’études, Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise), forte de son expérience de recherche sur la pauvreté et la mobilité, s’attachait à énumérer les conditions de mise en œuvre d’une amélioration de la facilitation des déplacements en milieu urbain (tarification sociale plus fine et équitable, aide aux associations…) et lançait l’idée d’une aide personnalisée à la mobilité, à l’instar de l’aide personnalisée au logement.
Après une pause, les travaux reprenaient, au travers d’une approche plus concrète, avec divers retours d’expérience, regroupés sous l’intitulé : Les expériences de la mobilité : la mobilité en mouvement. D’abord, Mme Gaëlle RONY (Docteur en sciences sociales – Université catholique de Louvain) présentait quatre projets mis en place par l’Institut pour la Ville en Mouvement (I.V.M.), dans lequel elle est chargée de mission, à destination notamment des employés peu qualifiés ou des déficients visuels et terminait par le projet actuel sur l’apprentissage de la mobilité en partenariat avec le groupe PSA-Citroën et le Grand Lyon. Puis, on poursuivait avec la vision associative de M. Bernard FRASIAK (Créateur et administrateur de FIT) retraçant, à l’occasion de ce colloque anniversaire, les 25 ans d’actions de son association implantée à Clermont-Ferrand et en Haute-Loire, corroborée par celle de M. Thomas CHEVILLARD (Administrateur de FARE et Directeur d’ADOFIL) rappelant la création, depuis 20 ans, d’écoles de conduite associative, aujourd’hui labellisées. Enfin, intervenait l’aspect institutionnel avec Mme Annie PASQUET (Animatrice locale d’insertion en charge de la lutte contre les exclusions au conseil général du Puy-de-Dôme) soulignant les initiatives qui peuvent être prises à l’échelle départementale (Bus des montagnes, aide au permis…) pour aboutir à la mise en place d’une plate forme de mobilité, rassemblant les différents acteurs. Cette très dense première demi-journée s’achevait, fort opportunément, par le témoignage, emprunt de vécu, de trois bénéficiaires du travail de terrain accompli quotidiennement par FIT.
Les travaux de l’après-midi – placés sous la présidence du Professeur Charles-André DUBREUIL (UdA – Directeur du Centre Michel de l’Hospital) – étaient, eux, axés sur La mobilité au défi du droit. M°Karime CHIDJOU (Avocat spécialisé dans le droit de l’aide et de l’action sociales, Chargé d’enseignement UdA et Institut des travailleurs sociaux de la région Auvergne) après avoir constaté que le droit à la mobilité est un droit en devenir, faute d’assises juridiques claires, appelait à trancher le débat entre reconnaissance d’une liberté-droit ou d’un droit créance, optant sans cacher sa préférence pour cette seconde option. Mme Florence FABERON (UdA) souhaitait que sociologues et juristes puissent enfin travailler ensemble pour passer d’un droit de la mobilité à un droit à la mobilité et analysait les différents leviers existants (Liberté d’aller et venir, Droit des transports, Politique de la ville…) etpermettant de tendre vers un droit à la mobilité ainsi que les défis à relever pour parvenir à une effectivité de la mobilité.
De nouveau, une phase plus pratique, toujours sous la rubrique : Les expériences de la mobilité : la mobilité en mouvement succédait à cet état des lieux universitaire. Mmes Elsa MARION et Céline SERMEZE (Coordinatrices de FIT) insistaient sur les axes formation et accompagnement pour l’apprentissage de la mobilité. Mme Marie-Laure NARDONNE (Chargée de mission centrale de mobilité, Maison de l’emploi de Marseille) décrivaient le dispositif des ateliers mobilité (aide à la lecture de plans), des journées de mobilité ou des aides aux heures complémentaires pour se préparer au permis de conduire. MM. Patrice-Henry DUCHENE (Délégué général de la Fondation PSA-Citroën)et Pascal GRAND (Directeur de FIT) revenaient sur leur partenariat, depuis 2012, pour mettre en place une plate forme de mobilité solidaire avec, à l’optique 2015, une certification indépendante.
Ne restait alors plus au Professeur de philosophie, Gérard GUIEZE (Université Blaise Pascal – Clermont II) qu’à conclure cette journée, bien remplie et rondement menée, en mettant en exergue le fait que le droit à la mobilité correspond en réalité à un nouvel âge de l’action sociale, le remplacement du modèle de l’assurance par un passage de l’insertion à l’intégration, requérant précisément d’être mobile.
Les actes complets de ce très instructif colloque devraient paraître aux Presses Universitairesd’Aix-Marseille (PUAM) à l’automne 2014.
Poster un Commentaire