mise en danger d autrui en cas d inhalation d un produit dangereux par un salarie

Mise en danger d’autrui en cas d’inhalation d’un produit dangereux par un salarié

 

Mme LOBE LOBAS Madeleine. Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles. Université de Haute-Alsace, Mulhouse. 

 

Le manquement d’une entreprise aux obligations particulières permettant d’assurer la santé et la sécurité des salariés manipulant des produits dangereux et toxiques peut entraîner des condamnations pénales sur le fondement du délit de mise en danger d’autrui.

Mots clés 

Mise en danger de la personne – Risques causés à autrui – Eléments constitutifs – Violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence – Lien de causalité – Lien de causalité direct et immédiat – Nécessité

Pour se repérer

Un salarié de la société Arkema, qui venait de laver un flacon ayant contenu de l’hydrogène sulfuré, a été pris d’un malaise, ayant entraîné un jour d’incapacité totale de travail, causé par l’inhalation de ce produit, dont le débit insuffisant du dispositif de ventilation équipant son local de travail n’avait pas permis la complète évacuation. Condamnée  en première instance et en appel pour mise en danger d’autrui par violation manifestement délibérée des prescriptions particulières de prudence ou de sécurité prévue par les articles R. 4222-20, R. 4222-22 et R. 4412-39 du Code du travail, la société intente un pourvoi en cassation arguant du fait que d’une part son salarié n’avait pas été exposé à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, et d’autre part qu’à supposer  même un tel risque établi, l’existence d’un lien de causalité, direct et immédiat, entre celui-ci et la violation de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité n’était pas établie. Le pourvoi a été rejeté, car selon la cour de cassation, en confirmant la culpabilité de la société, par des motifs qui établissent l’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation, manifestement délibérée et non contestée, des dispositions du Code du travail visées à la prévention, la cour d’appel a justifié sa décision.

Pour aller à l’essentiel

Constitue un délit de mise en danger d’autrui la violation délibérée par la société des règles relatives à l’hygiène et la sécurité au travail ayant exposé de façon directe et immédiate un salarié à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente.

Pour aller plus loin

L’article  223-1 du code pénal sanctionne le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Il s’agit d’une infraction complexe qui impose la preuve de plusieurs éléments : une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,  un risque réel de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente,  un lien de causalité entre le risque et la violation des prescriptions. En l’espèce, les prescriptions particulières de prudence résultent des articles R. 4222-20, R. 4222-22 et R. 4412-39 du Code du travail et leur caractère délibéré n’a pas soulevé de discussion. En revanche, le prévenu invoque le défaut d’établissement de la réalité du risque et du lien de causalité

–          Sur la réalité du risque :

Le délit de mise en danger d’autrui implique d’établir le risque encouru par autrui. Il faut démontrer que la survenance du risque était fortement probable compte du comportement du prévenu et des circonstances. La preuve de la réalité du risque peut être rapportée par une expertise scientifique (Crim. 4 oct. 2005, pourvoi n° 04-87654). Maisune telle expertise n’est pas nécessaire lorsque les conséquences d’un produit sont déjà connues. En l’espèce, la cour d’appel a ainsi déclaré qu’il est constant que l’inhalation d’hydrogène sulfuré est de nature à entraîner pour la victime des conséquences néfastes sur sa santé, voire fatales, caractérisant ainsi la probabilité d’un risque de mort.

–          Sur le lien de causalité entre le risque et la violation de l’obligation particulière de sécurité 

Le ministère public doit prouver que le risque auquel a été exposé autrui résulte directement de la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Ce lien n’est pas présumé (Crim. 16 févr. 1999, pourvoi n° 97-86290).  La cour de cassation s’en remet à l’appréciation souveraine des juges du fond selon lesquelsle risque résultait des manquements de l’employeur aux dispositifs d’aération (art. R. 4222-20 et R. 4220-22, C. trav.) et de l’organisation du travail d’une personne exposée à des agents chimiques dangereux (art. R. 4412-39 C. trav.).

Cass. crim., 7 janvier 2015, pourvoi n° 12-86.653

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 17 septembre 2009, M. F…, salarié de la société Arkema, qui venait de laver un flacon ayant contenu de l’hydrogène sulfuré, a été pris d’un malaise, ayant entraîné un jour d’incapacité totale de travail, causé par l’inhalation de ce produit, dont le débit insuffisant du dispositif de ventilation équipant son local de travail n’avait pas permis la complète évacuation ; que, poursuivie pour mise en danger d’autrui, en raison de l’inobservation des prescriptions des articles R. 4222-20, R. 4222-22 et R. 4412-39 du code du travail, la société a sollicité sa relaxe, au motif que, nonobstant cette inobservation, son salarié n’avait pas été exposé à un risque immédiat de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, et qu’à supposer même un tel risque établi, l’existence d’un lien de causalité, direct et immédiat, entre celui-ci et la violation de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité lui étant reprochée n’était pas établie ; que, le tribunal ayant écarté cette argumentation, la société a interjeté appel du jugement la condamnant ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité, l’arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs qui établissent l’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation, manifestement délibérée et non contestée, des dispositions du code du travail visées à la prévention, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

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