Dimanche, les martiniquais et les guyanais (les élus guadeloupéens ont demandé, eux, dix-huit mois de réflexion) ont été invités à se prononcer sur la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de la Martinique (ou de la Guyane) en une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, dotée d’une organisation particulière tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République ? » En clair dire si oui ou non elles souhaitent passer du statut actuel de département d’outre-mer (article 73 de la Constitution française) à celui de collectivité d’outre-mer (article 74) qui offre plus d’autonomie. La campagne électorale a été plutôt calme en Guyane, en revanche elle a été particulièrement agitée sur l’évolution institutionnelle de la Martinique. J’avais mis en début d’année parmi les événements marquant de 2009 le crise dans les Antilles qui a duré 44 jours et entraîné la mort d’un homme. Un an après cette crise les partisans du oui ne cessent de proclamer que le système actuel est arrivé en fin de cycle et ils mettent en avant le taux de chômage (24,5 %) et les injustices sociales. Toute manifestation est considérée comme une marque de défiance à l’égard de la métropole et est présentée comme un désir d’autonomie par les partisans du oui.
Ce référendum a été voulu par les élus de gauche et organisé par le Gouvernement,à leur demande. Ils souhaitaient la transformation de leur département en collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. La droite locale n’était pas d’accord. Dans l’esprit de ses promoteur si la réponse à ce référendum était « oui » alors les martiniquais et les guyanais tendraient vers un statut identique à celui de la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Wallis-et-Futuna et s’opposerait à ce qu’a fait Mayotte qui elle se dirige vers la départementalisation. Voilà tout l’enjeu de cette consultation électorale. A contrario si la réponse était « non » les deux iles auraient à nouveau à se prononcer le 24 janvier sur la fusion des deux collectivités ce qui est un autre sujet. Il me semble que c’était clair pour tout le monde et qu’il n’ y avait pas la moindre ambiguité sur la suite selon que le oui ou le non l’emporterait.
La consultation s’est parfaitement déroulée est les résultats sont tombés. C’est un » non franc et massif » qui l’a emporté. 69,8 % des guyanais et 78,9 % des martiniquais ont rejeté l’idée de l’autonomie accrue de leur département. La défaite est évidemment cinglante pour la gauche. En Guyane les 4 parlementaires du territoire ainsi que les présidents des Conseils généraux et régionaux ( les 6 sont de gauche) avaient appelé à voter oui. En Martinique le président du Conseil régional Alfred Marie-Jeanne (Mouvement indépendantiste) avait appelé à voter oui, à l’inverse du député autonomiste Serge Letchimy (Parti progressiste d’Aimé césaire).
Evidemment cette défaite n’a pas plu aux partisans du oui pour la plupart des partisans de l’autonomie, à un point tel qu’ils feraient passer leurs concitoyens pour des demeurés qui n’ont pas compris la question posée. On nous dit que la campagne s’est faite en grande partie sur la peur de la perte d’acquis sociaux, notamment en Martinique, où la population n’est pas très jeune. C’est évidemment faux car ce qui relève de la protection sociale devait continuer à dépendre de la compétence de l’Etat. On a voulu faire croire aux électeurs que les importants fonds européens dont bénéficient aujourd’hui les deux DOM, « régions ultrapériphériques » de l’UE, seraient supprimés. Les partisans de l’autonomis ont manifestement échoué dans leur tentative des faires passer des vessies pour des lanternes auprès des électeurs.
L’hebdomadaire l’Express a fait appel a Pierre-Yves Chicot, maître de conférences en droit public à l’université des Antilles et de la Guyane et consultant pour RFO, pour décrypter, la signification de ce non massif . Ce monsieur développe plusieurs thèmes mais finalement sa conclusion est je le cite » Quand l’électeur ne comprend pas, il s’abstient ou il récuse. » En clair l’électeur est un imbecile. Et pourquoi ne pas imaginer que les guyanais et les martiniquais ont parfaitement compris la question qui leur était posée et qu’ils ont voté en connaissance de cause. Une telle analyse, nous sommes tous capables de la faire. » les électeurs n’ont pas bien voté, c’est donc qu’ils n’ont pas compris la question« . ben voyons.
On est moins surpris de la position de Christine Taubira qui n’a jamais caché sa position « nous devions voter pour ou contre l’article 74. C’est un article de la Constitution qui nous donne l’occasion de définir un projet territorial et de négocier avec l’Etat la réalisation d’un schéma de développement qui serait propre à la Guyane. Les pro-74, dont je faisais partie, voulaient saisir cette opportunité. » et d’ajouter « le refus de l’autonomie en Guyane est un cri de détresse. » Et si c’était uniquement la manifestation de vouloir rester tout simplement citoyen de la République française. La gauche est mauvaise perdante, c’est ainsi que Claude Lise sénateur et président du conseil général de Martinique est également convaincu qu’il s’agit d’un vote de panique. « La Martinique comme la Guyane ont manqué un rendez-vous avec leur histoire et sont passées à côté d’une réforme qui aurait pu aider à mieux construire leur avenir. » A la limite ce type de discours suivant une courte défaite pourrait se comprendre mais quand près de 80 % de l’électorat le contredisent, il pourrait au moins se remettre en question et penser qu’il n’a pas forcément raison. Je préfére la réaction du député Serge letchimy successeur d’Aimé Césaire à la tête du Parti progressiste martiniquais et à la mairie de Fort-de-France, qui a jugé que « le peuple martiniquais a refusé l’article 74, tel qu’il est conçu… Le peuple martiniquais méritait mieux, plus de respect, plus de transparence, plus d’ambition pour sortir ce pays de son marasme, économique et social« .
Pour ce qui est de la majorité, elle a réagi par le député UMP Alfred Almont « C’est une réaction sage. La population martiniquaise prend ses précautions, dans un contexte de crise économique et financière à dimension internationale. »
Pour terminer je laisse la parole à Marie Luche Penchard ministre de l’outre-mer » ce vote négatif permet de clore pendant un bon moment la question de l’autonomie qui a parasité le débat sur la question essentielle du développement. Ce n’est pas le statut qui règle les problèmes. La preuve est fournie que lors des crises sociales, il n’y a pas forcément une volonté de rompre le lien avec la métropole. » C’est aussi comme ça que je vois les choses. En Outre mer comme en métropole lorsque les gens manifestent , c’est qu’ils ont des revendications qu’ils voudraient voir satisfaites. En aucun cas il ne faut traduire par une demande d’autonomie. Je crois que nos concitoyens des Antilles ne sont pas des demeurés, ils ont parfaitement compris la question et y ont répondu en connaissance de cause. Quand ils voient autour de chez eux ce que sont les pays indépendants on comprend qu’ils aient envie de rester français à part entière et ils ont raison. Bravo à eux.
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