L’université

De 1984…à nos jours, ou l’histoire impossible de la modernisation de nos universités

Rappel de la loi Savary

Les universités sont définies comme des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). La notion d’EPSCP regroupe des établissements qui bénéficient de deux privilèges : l’autonomie statutaire et la désignation de leurs organes par la voie de l’élection. La loi Savary impose aux universités d’accueillir tout titulaire du bac qui relève de leur secteur géographique : la sélection est interdite.

Rappel de la loi Devaquet

Votée le 29 octobre 1986, la réforme universitaire prévoyait d’accroitre l’autonomie des universités en les laissant déterminer les conditions d’accès aux formations, fixer le montant des droits universitaires et donner le nom de l’université aux diplômes délivrés.

Rappel de la réforme Allègre

La gestion du personnel enseignant est modifiée. Les heures supplémentaires des professeurs sont supprimées. La réforme met en place le système de diplômes européen LMD et défend la nécessité d’un rapprochement de l’école et de l’entreprise.

On sait que la vigueur de l’économie française des années futures dépend essentiellement de l’ampleur et de la qualité de l’effort de formation et de recherche qui sera entrepris. L’existence même de notre économie va dépendre de notre capacité d’innovation. Quand j’étais en politique nous disions déjà cela  il y a vingt ans dans un document que nous avions rendu public, « libre et responsable »». Le problème est toujours d’actualité puisque rien n’a changé depuis les mouvements étudiants de 1986 consécutifs au projet de loi Devaquet qui voulait déjà donnait l’autonomie aux universités.

Aujourd’hui les problèmes sont les mêmes qu’à l’époque. En effet, il n’est pas d’économie moderne sans société moderne et l’innovation technologique sera de peu d’effet si elle ne s’accompagne pas d’une révolution des mentalités, d’une adaptation progressive des hommes et des femmes aux données culturelles, aux logiques intellectuelles et aux méthodes de travail de demain. Autant que les prouesses de quelques uns dans les secteurs de pointe, c’est la formation réussie de tous qui, déterminera notre avenir.

Le système éducatif est bien loin de donner aux jeunes une formation adaptée à ce que les employeurs d’aujourd’hui et plus encore de demain attendent et attendront d’eux. Il y a à l’intérieur de nos universités, et c’est un des derniers lieux où cela est en place, une tradition à la fois platonicienne et marxisante, idéaliste et critique, de méfiance à l’égard de tout ce qui touche à la production capitaliste. Il y a surtout l’incroyable rigidité bureaucratique d’un système centralisé et clos sur lui même, incapable de répondre avec souplesse et diversité aux attentes et aux besoins variés d’une économie durement exposée. 

La recherche connaît des problèmes qui, pour être distincts, n’en ont pas moins une profonde parenté avec ceux de l’éducation. La aussi on constate une organisation rigide et centralisée, des garanties statutaires stérilisantes, des établissements universitaires paralysés par les textes dans leurs efforts pour mettre leurs capacités de recherche au service de l’appareil productif. Orgueil des sociétés libérales, américaine ou allemandes, où les fondations autonomes et les instituts libres n’occupent qu’une place marginale dans l’activité nationale de recherche.

De ces contre-performances, nous sommes en réalité tous responsables. Le discours idéologique de la gauche et la ténacité des syndicats de l’éducation nationale, ainsi que l’UNEF ont, à coup sûr, fortement contribué à la naissance et au développement de cette formidable contre-société dédaigneuse des  attentes réelles de la société et soustraite par un centralisme bureaucratique poussé jusqu’à l’extrême aux contraintes et aux pesanteurs de la société réelle. 

Le discours éducatif de la gauche, tel qu’il avait été initialement formulé à la libération par le plan Langevin-Wallon n’était sérieusement contesté par personne. Nulle part on ne mettait en doute la légitimité de la centralisation administrative et de l’uniformisation des établissements. Nulle part on ne contestait les vertus présumées de l’allongement indéfini de la scolarité et du refus de toute sélection, à quelque niveau que ce soit de l’enseignement secondaire voire supérieur.

Pendant plusieurs décennies jusqu’au milieu des années 80, la réduction et l’accumulation des moyens ont été, tous partis confondus, les maîtres mots du discours sur le système éducatif . Ce fut à coup sûr une erreur de ne pas voir que la modernisation du système exigeait une très large diffusion des responsabilités, une vigoureuses décentralisation des moyens, une diversification acceptée des programmes et des méthodes. Cette erreur a conduit à de telles aberrations que la seule sélection admise est celle de la lassitude et de l’abandon. Il aurait fallu déjà en 1986 et plus encore aujourd’hui reconnaître que les systèmes de formation les plus performants sont les plus décentralisés et les plus diversifiés.

En 1986, nous avons été faibles face à un discours dominant dont on mesure maintenant la tragique irréalité. Les derniers à pouvoir nous en faire grief sont ceux là mêmes qui ont mis à profit cette faiblesse pour assurer le règne de leurs idées fausses et de leurs mauvais principes. Aujourd’hui il faut être fort, non point pour imposer une énième et utopique réforme des filières, des cycles et de la pédagogie, mais pour modifier en profondeur les règles d’un jeu administratif aujourd’hui biseauté, et pour rendre au système éducatif, comme au système de recherche, la souplesse, la diversité, le sens des responsabilités et la capacité d’adaptation indispensables au maintien de la France dans le camp réduit des nations qui maîtriseront les techniques et les productions d’avenir.

Pour expliquer sa réforme Valérie Pécresse n’est pas partie d’une idéologie toute faite, mais d’un constat en 3 points :

– 90.000 étudiants sortent chaque année du système universitaire sans diplôme,

– 50% des inscrits en première année à l’université sont en situation d’échec aux termes de leur deux premiers semestres,

– Un an après avoir obtenu leur diplôme, 53% des diplômés universitaires à bac + 4 recherchent toujours un emploi,

Partant de ces constants l’objectif de la réforme est de conduire dans un premier temps 50% des jeunes vers un diplôme de l’enseignement supérieur et donner aux jeunes des formations qualifiantes qui leur assurent un avenir professionnel.

On pourra toujours m’opposer que l’autonomie des universités est inscrite dans la loi depuis 1968, ce qui est exact. Mais cette loi ne portait que sur une part très limitée de leurs moyens. Les universités n’étaient libres ni de recruter leurs enseignants, ni de valoriser les plus méritants, ni de procéder à des choix pédagogiques, ni de disposer de leur patrimoine, ni de diversifier leurs recettes. La gouvernance des universités était complétement paralysée. Si l’autonomie est certes une condition nécessaire à l’évolution profonde de notre système d’enseignement supérieur, elle serait toutefois illusoire et contre-productive si elle ne s’accompagnait pas d’un préalable trop souvent passé sous silence : une bonne gouvernance des universités. Le lien entre autonomie et gouvernance responsable est rarement évoqué car il dérange, on l’a bien vu lors des manifestations d’étudiants. Cette gouvernance a été l’objectif prioritaire de la reforme.

Aujourd’hui, la loi donne à l’université les moyens et la liberté indispensables pour être plus réactive et plus agile dans la compétition mondiale de la connaissance :

– recruter plus rapidement les meilleurs talents,

– créer de nouvelles formations et les adapter aux besoins des étudiants et de la société,

– nouer des partenariats et drainer des fonds grâce aux fondations universitaires,

Enfin ayons toujours à l’esprit que finalement le dernier mot revient à ceux dont on ne parle pas : Les entreprises et les recruteurs. Eux connaissent les valeurs et les spécificités de nos universités. Pas besoin de leur faire un dessin.

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