Les Présidents et leurs Premiers ministres ( 7éme et dernier volet)

Depuis l’automne 1978, Michel Rocard se montre l’homme de la situation : promoteur de la « deuxième gauche« , celle du réalisme économique, il estime que l’alliance avec les communistes est contreproductive alors que Mitterrand, au contraire, malgré la rupture de 1977, souhaite maintenir cette alliance pour 1981. Michel Rocard incarne le renouveau socialiste et est très populaire. Sa candidature à l’élection présidentielle de 1981 ne fait quasiment plus aucun doute et l’enjeu du congrès de Metz est le contrôle du parti pour préparer cette élection.

Au cours du congrès Rocard déclare « La pensée libérale est en crise , mais la pensée socialiste l’est aussi, parce qu’elle n’ose pas assumer l’exigence inverse : reconnaître que l’acte de produire a besoin de motivations autres que la contrainte. Une planification centralisée et rigide ne saurait nous suffire. »

Déjà des divergences importantes apparaissent lors du congrès de Metz avec les nationalisations : Pour Mitterrand, l’État doit nationaliser et acquérir tout le capital des entreprises. Pour Rocard, juste une majorité de blocage de 51% pour ne pas rendre l’État gestionnaire et rendre ces nationalisations moins coûteuses. D’autres désaccords montrent le jour. Les résultats donnent

Motion Mitterrand (A) : 40,1%

Motion Rocard (C) : 20,4%

Motion Chevènement (E) : 14,4%

Motion Mauroy (B) : 13,6%

Motion Defferre (D) : 7,7%

Motion Pierret (F) : 3,2%

Motion Lhuillier (G) : 0,3%

Mais Michel Rocard va commettre une erreur politique monumentale. En s’adressant à François Mitterrand, il affirme : « Vous serez le premier à prendre votre décision pour la candidature de 1981. Si vous êtes candidat, cher François Mitterrand, je ne le serai pas contre vous ! ».

Ce fut à cette minute que Michel Rocard a perdu toutes ses perspectives présidentielles. En laissant à François Mitterrand l’initiative de la candidature socialiste, il allait se soumettre au-delà de tout ce que pouvait espérer Mitterrand lui-même. Rocard a consterné tous ses amis qui n’avaient pas été prévenus de cette phrase.

L’un comme l’autre acceptait l’inacceptable. Michel Rocard n’a jamais supporté le machiavélisme de Mitterrand, prêt à tout pour obtenir des soutiens au sein du PS, au détriment des opinions politiques. Mitterrand n’entend pas subir la rivalité de Michel Rocard, une trop forte tête au sein de la gauche.

Tout au long du premier septennat Michel Rocard n’a pas été tendre avec F Mitterrand et ses Premiers ministres. Il pense que son absence de vision économique nous a coûté cher. « Je ne peux pardonner la dérive de nos finances en 1982-1983…  » dit-il. Outre trois dévaluations et le coût insensé des nationalisations à 100%, nous avons été obligés de bloquer les prix et les salaires, pour la première fois depuis 1945, sous signature socialiste. Mais en 1988, le président est réélu et le Président va offrir le poste de Premier ministre à son ennemi juré.

Michel Rocard

François Mitterrand considére qu’il doit mener une politique d’ouverture. Il souhaite notamment l’entrée de ministres centristes au gouvernement. Contre toute attente, il nomme Michel Rocard au poste de Premier ministre alors que les deux hommes ont constamment été rivaux. Deux raisons ont poussé Mitterrand à nommer son rival de toujours : Rocard incarnait une ligne de centre-gauche compatible avec la politique d’ouverture et Mitterrand souhaitait « griller » définitivement son adversaire en le confrontant aux difficultés de Matignon. En coulisses, Mitterrand déclarait régulièrement qu’il souhaitait « lever l’hypothèque Rocard » et il était convaincu qu’il s’effondrerait rapidement.

Le passage au mode de scrutin proportionnel aux élections législatives fait que le PS ne va possèder qu’une majorité relative. Le Premier ministre est donc obligé de passer des alliances pour faire adopter chacun de ses projets par l’Assemblée. Il mène une politique d’ouverture et s’entoure donc de ministres de gauche et du centre. Il est entouré de ministres essentiellement mitterrandistes, il doit faire face aux oppositions et aux critiques, notamment celle d’être trop modéré.

Au cours de ses trois ans à l’hôtel Matignon, Michel Rocard mène de front plusieurs dossiers. Il règle les graves conflits en Nouvelle-Calédonie par les accords de Matignon instaurant un nouveau système d’administration de l’île. Il met en oeuvre également le revenu minimum d’insertion (RMI). Enfin, il s’occupe du financement de la protection sociale en instaurant la contribution sociale généralisée (CSG) pour accroître les recettes de la Sécurité sociale. Malgré ces diverses réussites, Michel Rocard est en conflit avec les différents membres du gouvernement, à commencer par Laurent Fabius qu’il met à l’écart et surtout avec Mitterrand qui le pousse à démissionner au lendemain de la guerre du Golfe en mai 1991.

En fait, Michel Rocard a mieux tenu que prévu et avec Mitterrand cela aura été une véritable cohabitation et c’est sur le prétexte du déficit de la sécurité sociale qu’il sera remplacé par Edith Cresson.

Edith Cresson

Pas grand chose à dire. La nomination d’une femme comme Premier ministre était un véritable coup médiatique qui a tourné au fiasco.

Le « Journal du dimanche » publie dès le 19 une interview de la première femme Premier ministre de l’Histoire de France. « La Bourse, j’en ai rien à cirer », déclare-t-elle. Le soir même, invitée de l’émission « Sept sur Sept », elle corrige le tir : « C’est une boutade. La Bourse est un des paramètres de l’économie. Ce n’est pas le seul. » Le propos était en fait une réponse à son chef de cabinet, tenu dans son bureau en présence de l’intervieweuse. Il n’était pas destiné à être rendu public, mais trop tard. Sorti de son contexte et utilisé comme repoussoir, il fera d’Édith Cresson une ennemie jurée du marché, aux méthodes abruptes. On lui prêtera d’autres propos à caractère homophobe ou xénophobe (dont il n’existe d’ailleurs aucun enregistrement ou source avérée) qui finiront de la déconsidérer dans l’opinion.

Ses imprudences ont fini par bloquer le fonctionnement de l’Etat à Matignon, puis, par provoquer l’explosion du système à Bruxelles. Il y eut un incident : faisant allusion à la favorité de Louis XV, le député François d’Aubert commit un crime de lèse-majesté en évoquant Mme de Pompadour à Matignon. L’histoire de France était bien commode pour faire passer un message codé à l’opinion. A Matignon et bien que Premier ministre, elle se laisse appeler « cocotte » par son conseiller principal.

Après dix mois d’errements, battant des records d’impopularité avec une image de courtisane, elle doit démissionner. Edith Cresson a été remplacée par Pierre Bérégovoy moins d’un an après son entrée à Matignon.

Pierre Bérégovoy

Deux jours après le 02 avril 1992, Mitterrand nomme Pierre Béregovoy un homme issu de la méritocratie. Ses seuls diplômes étant le certificat d’études et un CAP d’ajusteur.

Dés sa prise de fonction, il doit affronter les attaques qui visent sa majorité. En effet il s’est fait le pourfendeur de la corruption alors que des proches de F Mitterrands sont touchés par des suspicions de corruption. Par ailleurs il est également personnellemnt mis en cause dans une affaire de prêt. Il est également soumis aux pressions à la fois de l’opposition du fait des difficultés économiques et de sa propre majorité qui ne le soutient que du bout des lévres car il représente à ses yeux le ralliement des socialistes au libéralisme économique.

En mars 1993, la gauche sera battue aux élections législatives. Pierre Bérégovoy démisionne le 28 mars et laisse la place à Edouard Balladur pour une seconde cohabitaion avec F Mitterrand. Comme Edith Cresson qui l’a précédé Pierre Bérégovoy aura été Premier ministre moins d’un an.

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