Le 10 mai 1981 un sauveur nous a été donné. Pierre Mauroy dira que « La France était laissée en jachère depuis 23 ans ». Il est nommé à Matignon. Lyrique il déclare : » je suis l’héritier des victimes de la première révolution industrielle. Avec François Mitterrand ce sont les classes exploitées qui entrent à l’Elysée. » et encore « C’est une aube nouvelle qui se lève. Avec nous la vérité voit le jour. »
Pierre Mauroy
Sitôt en place, Pierre Mauroy explique qu’il n y a pas de crise, mais seulement une crise de l’austérité barriste imposée aux travailleurs. C’est l’euphorie. On augmente le SMIC de 10%, les allocations familiales de 25%, l’allocation vieillesse de 20%. Mitterrand et Mauroy vont montrer le chemin de la lumière aux patrons obscurantistes et ils ouvriront à la nation la voie du plein emploi par la nationalisation de 39 banques et de grands groupes industriels ce qui amène Mauroy à déclarer : « C’est la revanche posthume de toutes les générations qui ont été asservies par la machine ».Et puisque dans l’inconscient collectif tout est permis on se dit qu’il faut du temps pour profiter de ce pouvoir d’achat, alors on crée un ministère du temps libre, on abaisse l’âge de la retraite et la durée du temps de travail. C’est une débauche d’étatisme, on embauche 185.000 fonctionnaires.
Puis vient le temps où il faut payer la facture. Le 13 juin 1982, c’est la douche froide. Pierre Mauroy annonce son premier plan de rigueur. Il faut mettre un terme à cette politique. Les prix et les salaires sont bloqués, les prestations sociales et les allocations chômage vont baisser, Le franc décroche de 10% par rapport au mark allemand.
Pierre Mauroy commence alors à avaler ses premières couleuvres et entre en conflit avec l’Elysée, mais, et il ne le sait pas encore, cela ne fait que commencer. En effet les mesures prises ne suffisent plus. Alors on va faire payer « les riches » en créant l’ISF, mais cela ne suffira évidemment pas. Comme Michel Debré en son temps, Pierre Mauroy est court-circuité. François Mitterrand reçoit en dehors de sa présence ceux que l’on surnomme « les visiteurs du soir ». Ils sont au nombre de trois : Jean Riboud, Laurent Fabius et Pierre Bérégovoy. Ce trio sera surnommé par Pierre Mauroy « bonjour le relève. »
Le 16 février 1983 Mauroy fait une déclaration sur Antenne 2 : »Les gros problèmes sont derrière nous, tous les indicateurs se remettent au vert, il n’y a pas d’autre explication à l’enragement de nos adversaires. » Les élections municipales sont catastrophiques, en moins de 2 ans Mauroy est usé. Le lendemain du second tour, nous sommes le lundi 14 mars. Mitterrand reçoit son Premier ministre et lui dit : « Vous restez, mais on change de cap.» Mauroy demande à réfléchir. Le soir même, il donne sa réponse et c’est « non ». Les deux hommes se brouillent. Mauroy est à nouveau reçu le lendemain, mardi, et sa réponse n’a pas changé et, situation extrêmement rare, à l’Elysée, les ponts sont coupés. C’est le mercredi 16 mars que le Premier ministre rencontre le Président avant le conseil des ministres et lui indique que « S’il l’exige il se dit prêt à mettre en œuvre une politique qu’il continue de réprouver. » Il mettra alors la mort dans l’âme le plan de rigueur de 1983.
Mais entre François Mitterrand et Pierre Mauroy la procédure de divorce est engagée. En effet l’Elysée a choisi le traitement économique du chômage et Mitterrand déclare « Il faut trancher dans le vif, il faut être brutal, soyez cruels même », Mauroy est bouleversé. Les deux hommes ne sont plus en phase. Le Premier ministre présente un plan que le Président refuse d’avaliser, Mauroy est désavoué. Désormais ses jours sont comptés.
Laurent Fabius
En installant Laurent Fabius à Matignon, François Mitterrand veut surprendre et impressionner. Pour remplacer Pierre Mauroy usé jusqu’à la corde, il lui faut choisir son contraire . il nomme donc le plus diplômé, le plus patricien, le plus introverti, le moins socialiste.
Très vite, ce nouveau Premier ministre va se révéler encombrant. Il n’entend pas se cacher derrière son ombre. Il ne veut pas être un baby Blum au pouvoir, mais plutôt un Mendes France junior. Il veut se montrer et imprimer sa marque.
Fabius est celui qui va faire le « sale boulot » c’est à dire supprimer les emplois quand la rentabilité l’exige. Face à Yves Mourousi qui l’interroge sur son impopularité par rapport à la popularité de Fabius, Mitterrand repond sans sourciller » je suis très content de pouvoir servir de bouclier. » alors que la tradition de la V éme république veut que ce soit le Premier ministre qui serve de « fusible » au chef de l’État , la règle est inversée : le Président protège le jeune Premier ministre qu’il a donné à la France. Quand à Fabius, dés son arrivée à Matignon, il a compris tout ce qu’il pourrait tirer de l’impopularité du Président et il a pris ses distances « lui c’est lui, et moi c’est moi. » un tragique fait divers va stopper momentanément son ascension, c’est l’affaire Greanpeace. Malgré tout, le congrés de Toulouse sera un triomphe pour Fabius et Jacques Delors peut s’écrier » Le congrés de Toulouse est un petit Bad Godenberg. » Sous l’impulsion de Fabius, le PS vient de se convertir à la sociale-démocratie. Lors de ce congrés, on aura remarqué que jamais le nom de François Mitterrand n’a été aussi peu prononcé. Ce congrés a été qualifié de « congrès de l’héritier« . On s’avançait beaucoup au PS mais on ne le savait pas encore.
Laurent Fabius va se démarquer un peu du Président lorsque celui-ci reçoit le général Jaruzelski par une porte dérobée de l’Élysée. Il avoue son trouble. Trop sûr de lui, Fabius qui se voyait déjà à l’Élysée perd pied au cours d’un débat télévisé face à Jacques Chirac en vue des élections législatives de 1986. Il s’adresse à Chirac en ces termes « Savez vous que vous parlez au Premier ministre de la France » avec un geste de la main dédaigneux et désinvolte. Chirac reprend la balle au bond » Mais vous êtes un roquet. Cessez donc de me mordre les mollets« . La Soffres donne l’avantage à Chirac à 44% contre 24% à Fabius. Cette soirée manquée va lui coûter cher, de plus Fabius a fait de la gestion, mais aucune réforme. La gauche va être balayée aux élections législatives et Fabius sera remplacé par Jacques Chirac.
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