les droits des victimes a l honneur du mois de fevrier deux decrets et un amendement gouvernemental

Les droits des victimes à l’honneur du mois de février : deux décrets et un amendement gouvernemental.

 

Caroline Lacroix

MCF Droit privé et sciences criminelles

Le mois de février a été l’occasion pour le pouvoir exécutif de poursuivre et mettre en ordre de bataille la politique de l’aide aux victimes. Deux décrets ont été adoptés et un amendement visant au financement de l’aide aux victimes déposé.

 

D’abord, le décret n° 2016-214 du 26 février 2016 relatif aux droits des victimes (NOR: JUSD1527598D, JORF n°0050 du 28 février 2016). Ce décret d’application fait suite aux lois n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, et n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Deux points principaux y sont déclinés.

En premier lieu, le décret fixe les modalités du droit à la traduction et à l’assistance des victimes par un interprète énoncé à l’article 10-2 7° du code de procédure pénale et précise les pièces qui doivent être traduites aux parties civiles, en application de l’article 10-3 du même code. Selon cette disposition, il s’agit « des informations qui sont indispensables à l’exercice de ses droits et qui lui sont, à ce titre, remises ou notifiées en application du [code de procédure pénale] ». Selon le décret d’application, doivent être traduites à ce titre, si la partie civile en fait la demande : les décisions de classement sans suite, les ordonnances de non-lieu et les décisions de condamnation, de relaxe ou d’acquittement. La traduction d’autres pièces de procédure contenant des informations considérées comme essentielles à l’exercice de ses droits peuvent également faire l’objet d’une traduction (Art. D. 594-13 du CPP). En tout état de cause, il ne s’agit pas d’une obligation de traduction des documents in extenso mais portant sur les passages de ces documents qui sont pertinents pour permettre à la partie civile d’exercer ses droits. La pertinence est déterminée par l’autorité judiciaire.

En second lieu, le texte réglementaire précise les modalités de mise en œuvre de l’article 10-5 du code de procédure pénale, relatif à l’évaluation personnalisée des victimes d’infractions afin de déterminer les mesures de protection spécifiques qui peuvent leur être proposées au cours de la procédure pénale. Un premier stade d’évaluation personnalisée est effectué par l’officier de police judiciaire ou par l’agent de police judiciaire qui procède à l’audition de la victime lequel communique les éléments à l’autorité judiciaire. Les éléments de l’évaluation portent notamment sur l’importance du préjudice subi par la victime, les circonstances de la commission de l’infraction, la vulnérabilité particulière de la victime (âge, situation de grossesse ou existence d’un handicap) ou l’existence d’un risque d’intimidation ou de représailles.  Cette première évaluation permet à l’autorité judiciaire de décider, le cas échéant, d’une évaluation approfondie. Celle-ci est alors réalisée, dans ce second stade, par une association d’aide aux victimes ou par le bureau d’aide aux victimes.  

Par ailleurs, est paru le décret d’attribution qui installe dans ses fonctions la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, Juliette Méadel (Décret n° 2016-241 du 3 mars 2016 relatif aux attributions déléguées à la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, JORF n°0054 du 4 mars 2016). Celle-ci est rattachée au 1er Ministre et chargée « de veiller à l’adaptation des dispositions permettant d’assurer le respect des droits des personnes victimes, notamment, d’infractions pénales, de faits de terrorisme, d’accidents collectifs, de sinistres sanitaires, industriels, alimentaires ou de santé publique, d’accidents écologiques, industriels, de catastrophes naturelles ou encore de discriminations et d’atteintes aux droits fondamentaux » (art. 1er). La création d’un tel secrétariat d’Etat n’est pas une première. En 2004, Nicole Guedj avait occupé de telles fonctions auprès de Dominique Perben, alors Garde des sceaux, ministre de la Justice (v. JAC n°43, avr. 2004).

Enfin, on signalera que dans le cadre de l’adoption du projet de loi visant à la « lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », déposé à l’Assemblée Nationale le 3 février 2016, un amendement gouvernemental a été voté relatif à la « sur amende » (Texte n° 686, Article 31 ter) visant à financer l’aide aux victimes.

Il s’agit d’un dispositif reprenant celui de la « contribution victime » qui avait été proposé dans la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Le texte d’alors prévoyait une majoration automatique de 10 % des amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires. Cette majoration devait s’appliquer également aux amendes douanières ainsi qu’aux amendes prononcées par certaines autorités administratives indépendantes. Le Conseil constitutionnel, qualifiant cette majoration de « peine », l’avait jugée contraire à la Constitution. Le contrôle de constitutionnalité s’était opéré sur le fondement de l’article 8 de la Déclaration de 1789 (Décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014).

Le nouveau mécanisme de financement de l’aide aux victimes tente d’échapper aux précédentes critiques émises par les sages. Si une majoration dans la limite de 10% du montant des amendes prononcées est toujours instaurée, le montant de la majoration devra être fixé en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de la situation matérielle, familiale et sociale de celui-ci. Ces mêmes motifs peuvent justifier, le cas échéant, de ne pas prononcer la majoration, par une décision spécialement motivée de la juridiction. La majoration sera prononcée comme la peine principale au regard des mêmes critères, visant ainsi à la conformité au principe d’individualisation des peines. Le texte a été transmis au Sénat. Affaire à suivre.

 

 

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