le stockage des dechets industriels dangereux le cas stocamine

LE STOCKAGE DES DECHETS INDUSTRIELS DANGEREUX : LE CAS STOCAMINE

 

Muriel RAMBOUR

Maître de Conférences à l’UHA

CERDACC

 

Mots-clés

Stocamine – Stockage et traitement des déchets industriels dangereux – Coûts et expertises.

Pour se repérer

Une fissure transversale et un décollement du toit dans l’une des allées du site de Stocamine (Haut-Rhin) sont à l’origine d’une dégradation importante des conditions du déstockage des déchets entreposés. Après six mois de travaux, les opérations de retrait des déchets industriels enfouis ont dû être partiellement arrêtées mi-mai 2015 pour des raisons de sécurité.

 

Pour aller à l’essentiel

 

La société Stocamine a été constituée dans les années 1990 en tant que filiale des Mines de Potasse d’Alsace (MDPA) pour assurer l’exploitation d’un site de stockage souterrain de déchets industriels, dans le cadre de la reconversion du bassin potassique alsacien. Le site de stockage est situé à près de 600 mètres de profondeur sous quatre concessions minières appartenant aux MDPA. Entre 1999 et 2002, 44.000 tonnes de déchets industriels dangereux (amiante, arsenic, cyanure, mercure, plomb) y ont été entreposés. Après trois ans d’exploitation, en septembre 2002, l’une des parties du site est la proie d’un incendie. La société Stocamine a été reconnue responsable de manquement aux obligations de sécurité et de prudence en matière d’hygiène et de sécurité (cf. Isabelle Rollet, « Stocamine : analyse d’un jugement », JAC 82 sur le jugement du TGI de Mulhouse du 28/01/2008 ; Madeleine Lobé-Fouda, « Affaire Stocamine : aggravation en appel », JAC 96 sur l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 15/04/2009) et a vu son activité suspendue.

En 2010 et 2011, une concertation a été conduite par la Commission locale d’information et de surveillance et un comité de pilotage pour se prononcer sur le devenir des déchets industriels. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) estimait l’excavation délicate et préconisait un enfouissement définitif des déchets – exception faite des déchets contenant de l’arsenic et du mercure – associé à un dispositif de surveillance de la nappe phréatique. L’option du confinement était privilégiée par les MDPA tandis que les associations de riverains réclamaient un déstockage des produits entreposés (cf. l’interview du collectif Destocamine réalisée par Myriam Buanic, JAC 146 ; pour une comparaison avec l’action du milieu associatif face à la problématique des déchets nucléaires, Muriel Rambour, « L’intérêt à agir des tiers face aux risques potentiels du stockage des déchets radioactifs », Petites Affiches, n°101, mai 2014, p. 18-21 et « L’intérêt à agir d’associations dans le contentieux relatif au projet CIGEO de stockage de déchets radioactifs », Petites Affiches, juin 2015).

Par  courrier en date du 5 août 2015 adressé aux élus locaux, le Ministère de l’Ecologie a retenu le scénario prévoyant le retrait de 93% des déchets mercuriels et arséniés, soit près de 8.500 tonnes de déchets qui seront enfouis dans une ancienne mine de sel en Allemagne. Le chantier de déstockage, qui a débuté en novembre 2014 pour une durée de 5 ans, a jusqu’à présent permis d’évacuer environ 450 tonnes de déchets. La progression s’effectue toutefois à un rythme moins soutenu qu’attendu, avec une moyenne de 14 colis quotidiens contre 16 à 20 prévus. Le décollement d’une vingtaine de centimètres qui survient dans une allée du chantier se prolonge malgré les travaux d’étaiement ; il représente une pression de deux tonnes par mètre et, par endroits, les fûts à déstocker sont directement en contact avec la galerie. Cette situation a conduit les MDPA à suspendre le déstockage dans cette portion de chantier – qui concerne encore 100 kg de mercure – tant qu’une solution de sécurisation n’aura pas été trouvée (Stocamine, La lettre d’information sur les travaux de déstockage, http://www.stocamine.com).

Pour aller plus loin

Les MDPA, dès l’origine réservées face à l’hypothèse du retrait des déchets stockés en raison notamment des doutes quant à la stabilité du terrain, anticipent de futures difficultés qui viendront ralentir les opérations voire contraindront à renoncer au déstockage de certaines matières entreposées. Ces contraintes techniques supplémentaires et les nécessaires travaux de sécurisation des zones éventuellement abandonnées vont accroître l’ampleur financière du projet (Muriel Rambour, « Stocamine. Du temps de la concertation au coût de l’inaction », Petites Affiches, n°196, octobre 2014, p. 6-7). Estimé à 56 millions d’euros en 2008 puis à 129 millions en 2011 suite aux recommandations de l’INERIS, le coût de la fermeture de Stocamine a été réévalué fin 2014 à 237 millions d’euros au minimum (« Un coût minimum de 237 millions d’euros », L’Alsace, 15/04/2015 ; cf. également le rapport de la Cour des Comptes, Traitement du dossier des déchets de Stocamine, filiale à 100% des Mines de Potasse d’Alsace (MDPA), référé n°68814, 16/06/2014).

L’exploitation de ce site d’entreposage de déchets industriels dangereux reste problématique tant dans ses aspects techniques que financiers. Le devenir des matières entreposées constitue un sujet épineux, comme l’est, dans un autre registre, le stockage des déchets produits par l’industrie nucléaire civile (voir à ce sujet le séminaire du CERDACC, « Nucléaire civil et responsabilités liées aux déchets radioactifs », Campus Fonderie-Mulhouse, 30 avril 2015 et le compte-rendu dans ce numéro du JAC).