LE SIMPLE ABORDAGE D’UNE PLANCHE A VOILE FAIT TANGUER LE DROIT MARITIME ET LE DROIT PENAL
Commentaire d’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 2 février 2016 (premier moyen)
Marie-France STEINLE-FEUERBACH
Professeur émérite à l’UHA
CERDACC
Eric DESFOUGERES
Maître de Conférences à l’UHA
CERDACC
Une planche à voile entrant dans la catégorie des navires, le capitaine d’un navire de plaisance croisant un véliplanchiste doit respecter les règles relatives à la prévention des abordages en mer.
Mots-clefs : abordage – accident – art. L. 5131-1 Code des transports – art. 222-20 Code pénal – blessures involontaires – Convention de Londres du 20 octobre 1972 – navire – planche à voile – Règlement international de prévention des abordages du 20 octobre 1972 – responsabilité pénale
Alors que la première Chambre civile a récemment écarté le Code des transports au profit de celui du tourisme pour un accident survenu lors d’une croisière[1], la Chambre criminelle, dans cet arrêt du 2 février 2016 destiné au Bulletin[2], privilégie, elle, le Code des transports et les règles de la circulation maritime, pour sanctionner le pilote d’un navire de plaisance à moteur ayant blessé un véliplanchiste.
Une collision s’était produite, le 14 août 2013, à l’Anse Vata, au large de Nouméa, entre le navire de plaisance piloté par M. X. et la planche à voile dirigée par Mme D., blessant cette dernière, lui infligeant une incapacité de dix jours. En première instance, M. X. avait été condamné pour contravention de blessures involontaires en raison de la violation des règles de priorité d’un navire privilégié et de tribord imposées par le Règlement international de prévention des abordages RIPAM[3] du 20 octobre 1972, délit de fuite et omission de porter secours. Requalifiant la première infraction en délit de blessures involontaires, tout en maintenant les deux autres qualifications, la cour d’appel de Nouméa avait condamné M. X. à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 200 000 francs CFP[4].
C’est la condamnation pour blessures involontaires qui retient ici notre attention. La prise en compte par le juge pénal de la violation des règles de priorité maritimes, pour caractériser le délit de blessures involontaires, supposait que soit applicable à cette collision la Convention sur le Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG, adoptée le 20 octobre 1972 à Londres et entrée en vigueur le 15 juillet 1977), et donc qu’une planche à voile soit considérée comme un navire. La Chambre criminelle n’hésite pas à opérer cette qualification (I) pour mieux sanctionner pénalement l’abordage de ces engins flottants de plaisance (II).
I. La planche à voile : de l’engin flottant de plaisance au navire
Selon l’article L. 5131-1 du Code du transport « est assimilé au navire, ou au bateau, tout engin flottant non amarré à poste fixe ». L’auteur du pourvoi tente d’échapper aux règles posées par la convention COLREG en arguant qu’une planche à voile ne saurait entrer dans une des catégories de bâtiments de mer distinguées par le droit maritime, faute, notamment, d’être habituellement affectée à la navigation en mer. La cour d’appel, en revanche considère qu’il s’avère nécessaire, au regard du développement de la planche à voile de l’assimiler aux navires et, approuvée par la Cour de cassation, affirme que « la planche à voile, qui est un moyen de transport sur l’eau, est un engin flottant de plaisance assimilable à un navire, dont la pratique est soumise aux règles de la circulation maritime, notamment celles destinées à prévenir les abordages en mer ». Il est intéressant de noter que la cour de Nouméa, certainement sensible aux sports nautiques, élargit le cercle des navires au-delà de la planche, objet de cet arrêt, puisqu’elle envisage également le cas d’autres activités nautiques comme le jet ski[5], le Kitesurf, le Waker, le Sand up Paddle… « autant d’activité qui ne peuvent être abandonnées à la loi du plus fort ». Il est raisonnable de supposer que les « plus forts » visés sont les capitaines des navires de plaisance. Ceux-ci apprendront par cet arrêt que le non respect des règles de la circulation maritime peut mener à des sanctions pénales plus sévères. On peut, toutefois douter que cette décision, émanant de la plus haute juridiction statuant en matière répressive, constitue enfin la jurisprudence de principe, attendue par les auteurs[6], pour finalement trancher cette épineuse question, faisant l’objet d’appréciations divergentes des juges du fond[7].
Nous connaissons tous l’imagination de la Cour de cassation lorsqu’il s’agit de faire entrer un engin dans la catégorie des véhicule terrestres à moteurs, dans le but de faire profiter la victime du régime d’indemnisation de la loi du 15 juillet 1985[8] ; mais, il s’agit alors de l’engin appartenant à l’auteur du dommage. A l’inverse, dans cette affaire, c’est l’engin de la victime, lequel se déplace sur la mer, qui entre dans la catégorie des navires pour accroître le degré de gravité de l’infraction de blessures involontaires.
II. L’abordage : de la contravention au délit
Il est à noter que M. X. est poursuivi, non sur le fondement de l’article L. 5242-1 du Code des transports qui prévoit des peines de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, pour tout capitaine, exerçant la responsabilité ou la conduite d’un navire, enfreignant, y compris par imprudence ou négligence, les règles de sécurité maritimes dans les eaux territoriales ou dans les eaux intérieures maritimes françaises, mais sur le fondement des infractions involontaires prévues au Code pénal[9].
Auteur direct de l’accident M. X. n’aurait pu bénéficier du traitement de faveur accordé par la loi du 10 juillet 2000 aux auteurs indirects, y compris en matière contraventionnelle, la démonstration d’une faute simple d’imprudence aurait suffi à sa condamnation. Il n’était donc pas nécessaire d’établir l’existence d’une faute délibérée, c’est-à-dire, aux termes de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal, la violation de façon manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, en l’espèce les règles de la circulation maritime.
Pourquoi donc ce détour par les règles de la convention COLREG ? Outre le fait que le non respect de ces règles est nécessairement fautif, et donc évite la démonstration d’une faute d’imprudence, il permet une répression plus sévère. En effet, en cas de blessures involontaires ayant causé une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois, la sanction pénale est une contravention de 5ème classe (art. R. 625-2 C.P.), laquelle peut toutefois être élevée dans l’échelle des qualifications et érigée en délit lorsque l’auteur a délibérément violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité (art. 222-20 C.P.)[10], c’est-à-dire commis une faute de mise en danger délibérée[11].
Le fait que les règles relatives à la veille, à la vitesse de sécurité, à la prévention du risque d’abordage et aux manoeuvres destinées à l’éviter, ainsi que les règles de priorité, constituent bien des obligations particulières n’est pas discuté ici. Quant au caractère manifestement délibéré de la violation, il peut être déduit de l’appréciation, par ailleurs contestée en vain pour défaut d’impartialité au troisième moyen par M. X., du comportement du capitaine par les juges du fond : « n’ayant pas de temps à perdre et fort de ce qu’il considère comme son bon droit, il n’a pas hésité à foncer sur le groupe de véliplanchistes qui croisait sa route, sans chercher à réduire sa vitesse ni à les éviter, considérant qu’ils devaient s’arrêter pour le laisser passer (…) s’y ajoute également la mauvaise foi, l’arrogance et le mépris manifesté par M. X. à l’encontre du premier véliplanchiste qu’il a croisé sur son chemin, puis de la victime de cet accident maritime ».
Le détour par la navigation maritime a donc permis à la cour d’appel d’infirmer le jugement de première instance, condamnant M. X. pour contravention, et de le condamner pour délit de blessures involontaires malgré une incapacité de la victime bien inférieure à trois mois. La conséquence de cette requalification réside dans la possibilité pour le juge de prononcer une peine de prison à l’encontre de l’auteur de l’infraction, ce qui n’est pas le cas en matière contraventionnelle.
Par cet arrêt, les capitaines de navire de plaisance sont fortement incités au respect des règles de la navigation maritime lorsqu’ils croisent des planches à voile, devenues navires. Il convient cependant de souligner que l’application du droit de la circulation maritime peut présenter des inconvénients quant à l’indemnisation de la victime[12], outre un délai de prescription biennale à partir de l’abordage des actions en indemnisation (art. L. 5131-1 et L. 5131-2 C. transp.), il existe un droit à limitation de responsabilité (art. L. 5121-3 s. C. transp.).
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Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 2 février 2016
N° de pourvoi: 15-80927 Publié au bulletin Rejet
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Michel X…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2014, qui, pour blessures involontaires et délit de fuite, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, 200 000 francs CFP d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la Convention de Londres du 20 octobre 1972, des articles 222-20 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable de blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence imposée par la loi ou le règlement ;
» aux motifs que selon la Convention internationale sur l’assistance signée en 1989, applicable en France depuis 2002, est un navire tout bâtiment de mer, bateau ou engin ou toute structure capable de naviguer ; que ces dispositions s’appliquent aux engins de plaisance ; qu’aux termes de l’article 3 de la Convention de Londres de 1972 et du RIPAM, est navire » tout engin ou tout appareil de quelque nature que ce soit, y compris les engins sans tirant d’eau et les hydravions, utilisé ou susceptible d’être utilisé comme un moyen de transport sur l’eau » ; que le droit maritime distingue diverses catégories de bâtiments de mer :
– les engins flottants exposés habituellement aux risques de la mer, à savoir les navires pratiquant la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance ;
– les engins de servitude qui sont en premier lieu des outils de travail en mer et dont la navigation est accessoire, notamment les bateaux dragueurs, bateaux vasiers, pontons de drague, grues flottantes ;
– les engins » off shore « , à savoir les plates-formes de forage, terminaux pétroliers, stations scientifiques, usines flottantes ;
– les engins de plaisance qui se sont développés à côtés des navires, notamment tous les objets de loisirs pour plaisanciers, à distinguer toutefois des » engins de plage » (bouées, matelas pneumatiques etc ) ; que dans la catégorie dite des » engins de plaisance « , on trouve notamment les canoës, les kayaks, les pédalos, les canots pneumatiques, les avirons de mer, les véhicules nautiques à moteur etc ; que s’ils sont bien affectés à la navigation, les » engins de plaisance » ne pratiquent généralement pas la navigation maritime, faute d’être exposés aux périls de mer, dans la mesure où ils opèrent généralement aux abords des plages et des côtes et ne s’éloignent pas du rivage ; que s’ils ne sont pas à proprement parler des navires, la question se pose de savoir s’il est possible de les qualifier de navires soit de les assimiler aux navires afin de leur appliquer les règles du droit maritime ; que s’agissant de la notion de » moyen de transport sur l’eau « , on considère qu’elle s’applique au transport de personnes comme au transport de marchandises ; qu’en ce qui concerne la planche à voile, il apparaît qu’elle ne peut pas » contenir un homme « , mais qu’elle en transporte un, parfois deux en présence d’un passager ; qu’il s’agit donc d’un engin flottant de plaisance ou, pour les plus pratiquants les plus qualifiés, d’un engin flottant à usage sportif ; qu’en effet, en s’éloignant des rivages, certains sportifs, courageux voire téméraires, ont entrepris de traverser les mers et même les océans sur des planches à voile, certains avec succès, d’autres au péril de leur vie ; qu’au regard du développement de la pratique de la planche à voile depuis son apparition à la fin des années 70/ début des années 80, donc postérieurement aux textes susmentionnés datant de 1972, il s’avère nécessaire d’assimiler les engins de plaisance, dont la planche à voile, aux navires afin de soumettre la pratique de ces activités de plaisance aux règles de la circulation maritime et notamment celles destinées à prévenir les abordages en mer ; qu’en effet, au-delà de la pratique de la planche à voile, d’autres activités nautiques sont apparues plus récemment : le jet ski ou moto marine, le Kitesurf, le Waker, le Sand up Paddle etc , qui attirent de très nombreux plaisanciers à proximité des plages et des côtes, dans le lagon s’agissant de la Nouvelle-Calédonie, autant d’activités qui ne peuvent être abandonnées à la loi du plus fort ;
» alors qu’une planche à voile ne saurait être assimilée à un navire au sens de la législation sur l’abordage maritime faute d’être habituellement affectée à la navigation en mer ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 14 août 2013, à l’Anse Vata à Nouméa, une collision s’est produite entre le navire de plaisance à moteur piloté par M. X… et la planche à voile dirigée par Mme D…; que le premier a été poursuivi pour le délit de blessures involontaires en raison de la violation des règles de priorité d’un navire privilégié et de tribord imposées par le règlement international de prévention des abordages du 20 octobre 1972, délit de fuite et omission de porter secours ; qu’après requalification, le tribunal l’a déclaré coupable de la contravention de blessures involontaires et des deux autres délits ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer M. X… coupable du délit de blessures involontaires, l’arrêt retient que la planche à voile, qui est un moyen de transport sur l’eau, est un engin flottant de plaisance assimilable à un navire, dont la pratique est soumise aux règles de la circulation maritime, notamment celles destinées à prévenir les abordages en mer ; que les juges ajoutent que M. X… n’a pas respecté les règles relatives à la veille, à la vitesse de sécurité, à la prévention du risque d’abordage et aux manoeuvres à entreprendre pour l’éviter, ainsi que les règles de priorité ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable de délit de fuite ;
» aux motifs qu’il est établi qu’à la suite de la collision entre son navire à moteur et la planche à voile de la victime, M. X… a coupé les gaz, s’est dirigé vers la véliplanchiste sans trop s’approcher, l’a injuriée, a décroché la voile qui bloquait les hélices de ses moteurs puis a remis les gaz et repris la route ; que lorsqu’un accident de la circulation se produit sur la route ou en ville, de nombreuses personnes s’arrêtent, automobilistes, deux roues, piétons, et sont donc susceptibles d’aider à l’identification du véhicule ayant provoqué l’accident lorsque son conducteur prend la fuite ; que dans le cas présent, tel n’est pas le cas, l’accident s’étant produit dans le lagon, sans le moindre témoin à proximité immédiate ; qu’en effet, les véliplanchistes qui ont été entendus comme témoins n’ont pas été en mesure de fournir des renseignements permettant de parvenir à l’identification du navire à moteur piloté par M. X… ; que la victime, encore sous le choc, a simplement retenu que le numéro d’immatriculation du navire contenait un » 7 » ; que ce sont deux éléments extérieurs à la volonté de M. X… qui ont permis son identification, à savoir la diffusion le soir même d’un reportage à la télévision et les données fournies par la caméra vidéo installée sur la planche du jeune Liam E…; qu’au vu de ces éléments, l’infraction du délit de fuite est parfaitement caractérisée ;
» alors que si le conducteur est reparti après s’être arrêté, il ne peut être déclaré coupable de délit de fuite que si les juges du fond constatent qu’au moment où il est reparti, il avait conscience que personne n’avait pu relever son identité ; qu’en l’espèce où selon les constatations de l’arrêt, après l’accident, M. X… avait coupé les gaz des moteurs de son bateau et s’était dirigé vers la véliplanchiste, la cour d’appel, en le déclarant néanmoins coupable de délit de fuite sans préciser si, au moment où il était reparti, il avait eu conscience que personne n’avait pu relever son identité ou celle de son bateau, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments le délit de fuite dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a condamné M. X… à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’au paiement d’une amende de 200 000 francs CFP ;
» aux motifs que les faits dont s’est rendu coupable M. X… ont, par leur nature, les circonstances de leur commission, le préjudice qui en est résulté pour la victime, gravement troublé l’ordre public ; qu’en effet, n’ayant pas de temps à perdre et fort de ce qu’il considère comme son bon droit, il n’a pas hésité à foncer sur le groupe de véliplanchistes qui croisait sa route, sans chercher à réduire sa vitesse ni à les éviter, considérant qu’ils devaient s’arrêter pour le laisser passer ; que ces faits, commis en violation des règles du droit maritime, ont provoqué, pour la victime, des dommages corporels importants (dix jours d’incapacité) et des dommages matériels ; que s’y ajoute l’infraction de délit de fuite ; que s’y ajoute également la mauvaise foi, l’arrogance et le mépris manifesté par M. X… à l’encontre du premier véliplanchiste qu’il a croisé sur son chemin, puis de la victime de cet accident maritime, Mme D…, et de manière plus générale à l’encontre de tous les véliplanchistes considérés comme des » empêcheurs de filer droit pourrait-on dire » ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’adresser à M. X… une mise en garde solennelle dans la mesure où, du fait de son comportement irresponsable, il représente un danger social ;
» alors que viole l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme le juge qui statue en des termes incompatibles avec l’exigence d’impartialité ; qu’en se fondant, pour dire qu’il convenait d’adresser à M. X… une mise en garde solennelle, sur le fait qu’aux deux délits dont elle l’a déclaré coupable, s’ajoute la mauvaise foi, l’arrogance et le mépris manifesté par M. X… à l’encontre du premier véliplanchiste qu’il a croisé sur son chemin, puis de la victime de cet accident maritime, Mme D…, et de manière plus générale à l’encontre de tous les véliplanchistes considérés comme des » empêcheurs de filer droit » pourrait-on dire, la cour d’appel, qui s’est livrée à une appréciation subjective du comportement de M. X… en lui prêtant, par des considérations générales, des intentions et opinions méprisables, a statué par des motifs incompatibles avec l’exigence d’impartialité » ;
Attendu que, pour prononcer une peine, l’arrêt statue par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu que ces motifs, s’ils mettent en exergue le comportement de M. X… dans les rapports qu’il entretenait avec les autres utilisateurs du plan d’eau, ne sont pas contraires à l’exigence d’impartialité ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a reçu la CAFAT et la compagnie d’assurance Generali en leur constitution de partie civile ;
» aux motifs adoptés que ces constitutions sont régulières en la forme ;
» alors que le droit d’exercer l’action civile devant la juridiction répressive n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction ; que, dès lors, en recevant la compagnie d’assurance Generali, assureur du prévenu, et la CAFAT en leur constitution de partie civile, lesquelles ne se prévalaient, du reste, ni l’une ni l’autre, et pour cause, d’un préjudice découlant directement des faits poursuivis et qui s’étaient seulement contentées d’intervenir à l’instance, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnées » ;
Sur le moyen en ce qu’il est dirigé contre la CAFAT :
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant reçu la CAFAT en sa constitution de partie civile dès lors qu’en application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, cette caisse de sécurité sociale, à laquelle le jugement devait être déclaré commun, dispose d’un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ;
D’où il suit que le grief ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen en ce qu’il est dirigé contre la société d’assurance Generali :
Vu l’article 388-3 du code de procédure pénale ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que l’intervention volontaire ou forcée de l’assureur à l’instance pénale n’a d’autre effet que de lui rendre opposable la décision rendue sur les intérêts civils ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant reçu la société d’assurance Generali en sa constitution de partie civile, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’elle ne pouvait que déclarer sa décision opposable à l’assureur, la cour d’appel a méconnu la portée du texte susvisé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu’elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Nouméa, en date du 16 décembre 2014, mais en ses seules dispositions ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de la société d’assurances Generali, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que ledit arrêt est opposable à l’assureur ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux février deux mille seize ;
[1] Civ. 1ère, 9 déc. 2015, n° 14-20.533 ; Dalloz actualité, 24 déc. 2015, obs. Xavier Delpech ; Marie-France STEINLE-FEUERBACH « Du Code du transport au Code du tourisme : et vogue le bateau (Civ. 1ère, 9 déc. 2015) », JAC n° 160, janv. 2016
[2] Crim. 2 fév. 2016, n° 15-80.927 ; Dalloz actualité, 29 fév. 2016, obs. Lucile Priou-Alibertle
[3] V. Bastien BRIGNON « Le Règlement international pour prévenir les abordages a le vent en poupe » : Cahiers de Droit du sport, Centre de droit de sport Aix-Marseille, oct. 2007, p. 147, note sous Paris 15 mars 2007
[4] 1686 €
[5] V. Stéphane MIRIBEL, « Collision en mer entre deux jet-skis : application du régime de l’abordage. Le jet-ski est-il pour autant un navire ? » : DMF 2012, p. 938, note sous Cass. com., 3 juill. 2012) ; Martin NDENDE, « De l’abordage maritime pour les jet-skis », Revue de Droit des Transports 2011 com. 156, note sous CA Rennes, 11 mai 2011
[6] V. Stéphane MIRIBEL, « Qu’est ce qu’un navire ? » in Mélanges en l’honneur de Christian SCAPEL Aix-en-Provence, PUAM, coll. du Centre de Droit Maritime et des Transports, 2013, p. 281 ; Antoine VIALARD, Droit Maritime, Paris, PUF 1997, p. 240 et ss. réfutant catégoriquement toute qualification de navire pour ces engins.
[7] La cour d’appel de Rennes s’étant plusieurs fois prononcées en faveur de la qualification de navire : Rennes, 4 mai 1982, DMF 1983, p. 40, notes Y. M. LE JEAN et Yves TASSEL ; Rennes, 7 mai 1991, DMF 1992, p. 243, notes Yves TASSEL R. LE BRUN ; V. aussi Aix-en-Provence, 24 juin 2008, Revue de Droit des Transports, comm. 201, note Martin NDENDE, préc. A contrario : Montpellier, 17 mars 1986, BICC 1986, n° 380, avant un revirement de jurisprudence de ces mêmes juges : Montpellier, 15 janv. 2013, Revue de Droit des Transports 2013, com. 46, note Martin NDENDE « Abordage entre engins de sport nautique » La cour d’appel de Rennes s’étant plusieurs fois prononcées en faveur de la qualification de navire : Rennes, 4 mai 1982, préc. ; Rennes 7, mai 1991, préc. V. aussi Aix-en-Provence, 24 juin 2008, préc. A contrario, Montpellier, 17 mars 1986, préc., avant un revirement de jurisprudence de ces mêmes juges : Montpellier, 15 janv. 2013, préc.
[8] V. Eric DESFOUGERERES, « Les incertitudes en matière civile après vingt ans de jurisprudences sur le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985 » (Intervention lors de la conférence «le droit des accidents de la circulation » du 30 mai 2006 à la Faculté des Sciences Sociales Economiques et Juridiques de Mulhouse), JAC n° 65, juin 2006
[9] Les délits définis à l’art. L. 5242-1 C. transp. relèvent des tribunaux maritimes : cf. ord. n° 2012-1218 2 nov. 2012, JO 3 nov. 2012, portant réforme pénale en matière maritime et décret n° 2014-1581 du 23 décembre 2014, NOR : JUSB1414063D, fixant la liste, le siège et le ressort des tribunaux maritimes
[10] Yves MAYAUD, Violences involontaires et responsabilité pénale, Dalloz, 2003, n° 51-111
[11] Jean CEDRAS, « Le dol éventuel : aux limites de l’intention », D. 1995, chron. p.18 ; Frédéric DESPORTES et Francis LE GUNEHEC, Droit pénal Général, Economica, 15ème éd., 2008, n°496
[12] Cf. Lucile Priou-Alibertle, obs. sous l’arrêt commenté, Dalloz actualité, 29 fév. 2016