Le renforcement par le droit pénal de la protection des sites nucléaires contre les intrusions terrestres
Marc Léger, Président de la Section française de l’Association internationale du droit nucléaire (AIDN)
Professeur émérite de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN)
La loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires[1] est remarquable à plus d’un titre :
– Elle est issue d’une proposition de loi, ce qui n’est pas si fréquent[2], qui plus est déposée à l’initiative d’un député de l’opposition (Claude de Ganay, député UMP du Loiret[3]) et de plusieurs de ses collègues[4], et elle a été adoptée en un temps record (enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2013, adoptée par l’Assemblée le 5 février 2015 après de profondes modifications, puis adoptée conforme par le Sénat le 20 mai 2015)[5] ;
– L’examen de la proposition de loi est intervenu à un moment où le Gouvernement souhaitait voir renforcer la protection des sites et installations nucléaires. Il avait été habilité à cet effet par l’article 55 de la loi relative à la programmation militaire[6] mais avait considéré finalement que, « s’agissant de dispositions pénales créant une nouvelle infraction, il était préférable de recourir à la procédure parlementaire plutôt que de légiférer par ordonnance »[7]. L’initiative du député UMP a donc bénéficié du soutien du Gouvernement, et les auditions menées par le rapporteur auprès des différents acteurs du secteur nucléaire, notamment les services du Gouvernement, ont conduitla commission de la défense de l’Assemblée nationale àadopter un projet profondément remanié[8]. Si l’objectif poursuivi est demeuré le même, le texte final n’a plus rien à voir avec la proposition de loi initiale ;
– Cetteproposition de loi visait expressément dans son exposé des motifs les intrusions de militants anti-nucléairesdans des sites comportant des installations nucléaires de base (l’association Greenpeace n’était pas nommément visée mais plusieurs parlementaires (EELV) n’ont pas manqué de l’identifier comme étant la cible de ce nouveau dispositif répressifet de lui apporter leur soutien au nom de la défense de la liberté d’expression et de la protection des lanceurs d’alerte) et elle était présentée comme ayant pour but de combler un soi-disant « vide juridique » entourant la violation des règles relatives à l’accès à ces sites.
La loi répond donc à un besoin circonstanciel et aété conçue dans un but déterminé, ce qui pourrait lui attirer le reproche d’avoir une visée« ad associatem ».Cependant, elle instaure un nouveau régime de protectionpar le droit pénal, que ladite association, dont la motivation déclarée était de « dénoncer des failles dans la sécurité des centrales nucléaires », aura finalement contribué à créer ;
– A cela s’est ajouté le contexte très particulier et fort inquiétant des survols de sites sensibles, notamment nucléaires (centrales et autres installations nucléaires), par des aéronefs sans pilotes, dits drones[9]. Comme indiqué dans le rapport au Sénat, une démarche interministérielle a été mise en place sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) pour apporter des solutions à cette situation, qualifiée d’« anxiogène » par la presse. Mais les travaux ne sont pas encore achevés. Nul doute que ce phénomène a contribué à motiver les parlementaires pour renforcer la protection des sites nucléaires, même si la loi ne vise que les intrusions terrestres[10].
1. L’état du droit existant
1.1 Les dispositifs de protection des sites nucléaires
Le dispositif de sécurité des activités d’importance vitale, issu de l’ordonnance n° 58-1371 du 29 décembre 1958 tendant à renforcer la protection des installations d’importance vitale, fait l’objet des articles L. 1332-1 et suivantset R. 1332-1 et suivants du code de la défense.
Comme le rappellent lesauteurs des rapportsà l’Assemblée nationale et au Sénat[11], l’énergie nucléaire est « un secteur sensible sous haute protection ». Il fait, en effet, l’objet d’un double dispositif de protection en tant qu’il constitue une « activité d’importance vitale » et qu’il abrite des « matières nucléaires ». En outre, des restrictions de circulation et de stationnement peuvent être instaurées autour des sites comportant des installations abritant des matières nucléaires.
Il vise à protéger les établissements ou installations et ouvrages, « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ».
Lessecteurs d’activités d’importance vitale sont fixés par arrêté du Premier ministre[12]. Cet arrêté désigne pour chaque secteur un ministre coordonnateur, qui veille à l’application des directives gouvernementales dans ce secteur, le cas échéant en liaison avec le ou les ministres dont le domaine de compétence recouvre les activités qui y sont exercées.
Les opérateurs, publics ou privés, qualifiés d’« opérateurs d’importance vitale » (OIV)[13], exploitant les établissements, installations ou ouvrages précités, qualifiés de « points d’importance vitale » (PIV), sont désignés par arrêté pour chaque secteur d’activités. Ces opérateurssont tenus de « coopérer à leurs frais » à la protection de ces PIV« contre toute menace, notamment à caractère terroriste ». Les PIVsont désignés par l’autorité administrative.
Les mêmes obligations peuvent être étendues aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou aux établissements comprenant une installation nucléaire de base (INB), visée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, quand la destruction ou l’avarie de certaines installations peut présenter un danger grave pour la population. Ces installations ou établissements sont, de la même façon, désignés par l’autorité administrative.
Les objectifs et les politiques de sécurité de chaque secteur d’activités d’importance vitale sont précisés par une « directive nationale de sécurité »(DNS) fondée sur l’analyse des risques et la détermination de scénarios et leur hiérarchisation selon le type ou le niveau de la menace envisagé.
Le dispositif de sécurité des activités d’importance vitale est décliné dans plusieurs plans de protection :
– un « plan de sécurité d’opérateur d’importance vitale » (PSO) définissant la politique générale de protection pour l’ensemble des établissements, installations ou ouvrages d’un opérateur ;
– des « plans particuliers de protection » (PPP) pour chaque PIV, dont le préfet du département, ou l’autorité militaire pour ceux relevant du ministre de la défense, est chargé de veiller à la réalisation ;
– des « plans de protection externe » (PSE), établis par le préfet du département, précisant les mesures de vigilance, de prévention, de protection et de réaction planifiés par les pouvoirs publics.
Le secteur de l’énergie nucléaire, qui comprend non seulement 58 réacteurs de puissance exploités par EDF et implantés sur 19 sites, mais aussi 19 INB exploitées par le groupe AREVA et 36 INB exploitées par le CEA, est soumis à une DNS spécifique adoptée par un arrêté, non publié, du Premier ministre en date du 27 août 2009. Cette directive, classifiée pour un motif évident de sécurité,décrit les menaces de référence à partir desquelles les OIV doivent établir, pour l’ensemble de leurs PIV, leur plan de sécurité d’opérateur et, pour chaque PIV, des plans particuliers de protection fixant les mesures de protection applicables au site. Sur cette base, le préfet du département élabore pour chaque PIV un plan de protection externe qui détermine les conditions d’intervention des forces de sécurité intérieure en cas d’agression.
Si ce dispositif comporte des sanctions pénales (prévues à l’article L. 1332-7 du code de la défense), celles-ci ne visent que les dirigeants des OIV et le défaut par ces derniers de respecter les obligations qu’il met à leur charge. Aucune ne porte sur l’intrusion dans un PIV.
Le dispositif de protection et de contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport (PCMNIT) fait l’objet des articles L. 1333-1 et suivantset R. 1333-1 et suivants du code de la défense.
Issu de la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires[14], prenant en compte les dispositions de la Convention sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) du 28 octobre 1979[15], ce dispositif visait essentiellement à l’origine la lutte contre le vol ou le détournement de matières nucléaires. La nouvelle réglementation, inspirée de l’amendement de 2005 à la CPPMN[16], a renforcé les exigences relatives à la protection contre les actes de sabotage à visée terroriste en étendant le dispositif à la protection des installations abritant de telles matières et au transport de ces dernières, alors que celui-ci était prévu par la convention mère pour les seules matières nucléaires.
La réglementation en ce domaine a pour objectifs de détecter et prévenir la perte, le vol ou le détournement de matières nucléaires[17] détenues dans des installations ou en cours de transport, ou tout acte visant à les altérer, les détériorer ou les disperser. Elle repose sur trois piliers :
– la protection physique (des matières et des installations),
– le suivi physique des matières nucléaires,
– la comptabilité des matières nucléaires.
Elle comporte, en particulier, des dispositions techniques, organisationnelles et humaines destinées, d’une part, à restreindre et contrôler les accès aux matières nucléaires, et, d’autre part, à constituer des zones de protection de manière à ce que les matières restent sous contrôle. Ces dispositions consistent à interposer un nombre suffisant de « lignes de défense » entre ces matières et l’extérieur de l’installation ou de l’établissement, et à contrôler l’intégrité et l’efficacité de ces lignes de défense.
Elle prévoit des sanctions pénales visant notamment le fait de s’approprier indûment des matières nucléaires, de les abandonner, disperser, altérer ou détériorer, ou de détruire des éléments de structure dans lesquels sont conditionnées ces matières. Mais ces sanctions ne visent pas en soi l’intrusion dans les installations comportant des « matières nucléaires ».
En outre, l’ordonnance prise en application de l’article 55 de la loi de programmation militaire[18] a introduit un nouvel article L. 2215-10 dans le code général des collectivités territoriales donnant compétence aux préfets pour réglementer, pour des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens, la circulation et le stationnement des véhicules dans un rayon de cinq kilomètres autour des installations abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion ou des matières nucléaires dont la détention est soumise à l’autorisation mentionnée à l’article L. 1333-2 précité du code de la défense.2 Les infractions concernant les intrusions dans les sites nucléaires
Les dispositifs précités (protection des activités d’importance vitale, PCMNIT et réglementation de la circulation et du stationnement autour des sites nucléaires)constituent le cadre protecteur spécifique des installations nucléaires, des matières qu’elles contiennent et des activités qui y sont menées. Mais aucun ne comporte de sanction pénale concernant l’intrusion dans les sites nucléaires.
On pourrait cependant y ajouter, bien qu’à visée plus large, le dispositif relatif à la protection du « potentiel scientifique ou technique de la nation », qui fait l’objet d’une circulaire interministérielle du 7 novembre 2012[19]. En application de ce dispositif, des « zones à caractère restrictif » peuvent être créées, soumises à des règles strictes d’accès et de circulation, dont la violation est sanctionnée pénalement. Ce qui sera évoqué dans le point suivant.
1.2 Les infractions concernant les intrusions dans les sites nucléaires
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, il n’y a pas de « vide juridique » entourant l’accès aux sites nucléaires. Plusieurs infractions peuvent être constituées, selon le statut juridique du site et la nature des faits commis :
– L’infraction de base, si l’on peut dire, est celle de droit commun, à savoir la violation de domicile, définie par l’article 226-4 du code pénal comme étant le fait de s’introduire ou de se maintenir dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, hors le cas où la loi le permet. Cette infraction est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.
Rappelons que s’agissant de la question de l’applicabilité aux personnes morales de la notion de « domicile », la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt COLAS Est c/France du 16 avril 2002 a jugé que cette notion, au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, visait le siège social, les agences et les locaux professionnels où cette personne morale poursuit cette activité. La Cour de cassation a suivi le même raisonnement dans l’arrêt de la Chambre commerciale du 30 mai 2007[20].
– Lorsque les locaux ou terrains clos ont le statut de « zone protégée intéressant la défense nationale » au sens de l’article 413-7 du code pénal, l’introduction sans autorisation à l’intérieur d’une telle zone[21] est passible d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende ; on pourrait ajouter « seulement » car il est surprenant que cette infraction soit moins sanctionnée que la précédente alors qu’on peut la considérer comme étant a priori plus grave eu égard à la qualification donnée au site concerné.
La création d’une « zone protégée intéressant la défense nationale » est décidée, en fonction du besoin de protection, par arrêté du « ministre qui a la charge des installations, du matériel ou des recherches, études, fabrications à caractère secret qu’il désigne » (articles R. 413-1 et suivants du code pénal).Cet arrêté est notifié au chef de service, de l’établissement ou de l’entreprise qui prend, sous le contrôle du ministre, toutes dispositions pour rendre apparentes les limites de la zone et les mesures d’interdiction dont elle est l’objet.
A noter que le qualificatif d’« intéressant la défense nationale » n’emporte pas nécessairement une affectation militaire ; ainsi tous les grands sites nucléaires, qu’ils soient exploités par EDF, AREVA ou le CEA, ont été désignés « zones protégées »par arrêté ministériel.
A noter également qu’en application de l’article 702 du code de procédure pénale, lorsque les faits poursuivis constituent un délit prévu et réprimé,notamment,par les dispositions du code pénal relatives aux « zones protégées » ou une infraction connexe, la compétence est dévolue aux juridictions, d’instruction et de jugement, désignées pour les infractions en matière militaire en temps de paix. Il en résulte notamment que le tribunal compétent en premier ressort pour juger les délits d’intrusion dans une « zone protégée » est le tribunal correctionnel « en formation militaire ».
Comme indiqué supra, certaines « zones protégées » peuvent être qualifiées de « zones à régime restrictif » lorsque « le besoin de protection tient à l’impératif qui s’attache à empêcher que des éléments essentiels du potentiel scientifique ou technique de la nation :
1° Fassent l’objet d’une captation de nature à affaiblir ses moyens de défense, à compromettre sa sécurité ou à porter préjudice à ses autres intérêts fondamentaux ;
2° Ou soient détournés à des fins de terrorisme, de prolifération d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs ou de contribution à l’accroissement d’arsenaux militaires.
Les zones à régime restrictif peuvent inclure, dans leur périmètre, des locaux dont la protection renforcée est justifiée par « l’entreposage de produits ou par l’exécution d’activités comportant des risques particuliers au regard des impératifs mentionnés » ci-dessus (article R. 413-5-1 du code pénal[22]). Dans ce cas, l’intrusion dans une telle zone est punie par les mêmes peines que celles prévues pour l’introduction non autorisée dans une zone protégée.
– Lorsque le terrain (le port ou la construction) est affecté à l’autorité militaire ou placé sous son contrôle, l’introduction frauduleuse est punie par l’article 413-5 du code pénal des mêmes peines qu’en cas de violation de domicile.
On peut également y ajouter l’infraction de survol d’une zone interdite, prévue par l’article L. 6232-2 du code des transports, et punie par une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende[23].
A ces infractions portant sur le principe de l’intrusion, peut s’ajoutercelle de destruction ou détérioration du bien d’autrui commis en réunion, prévu par les articles 322-1 et suivants du code pénal, et puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (c’est le cas en particulier s’il y a bris de clôture ou détérioration de bâtiments par le moyen de tags).
Il existait donc bien un corpus législatif permettant d’incriminer les intrusions sur des sites nucléaires (et les destructions ou dégradations associées). La seule remarque qu’on peut faire, c’est qu’aucune infraction n’était spécifique à un tel acte, même si, comme indiqué supra tous les grands sites nucléaires constituent des « zones protégées ».
Le rapport à l’Assemblée nationale apporte un éclairage intéressant sur quelques régimes juridiques étrangers destinés à dissuader les intrusions sur un site nucléaire[24] (Allemagne, Canada, Etats-Unis et Royaume-Uni). Il en ressort que c’est au Canada que le régime est le plus répressif (l’intrusion étant punie d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et/ou d’une amende d’un montant maximum de 5 millions de dollars (ces peines étant réduites en cas de procédure sur déclaration de culpabilité). Toutefois, il convient de noter que si le régime juridique américain est plus clément[25], les modalités d’emploi des armes par les gardes protégeant les sites nucléaires assurent une protection d’une redoutable efficacité.
2. La genèse de la loi
2.1 Les intrusions de militants sur des sites nucléaires et les contentieux subséquents
Selon le rapport précité au Sénat, le nombre d’incidents relatifs à des intrusions de militants de Greenpeace dans des centrales EDF, entre 1996 et 2010, s’est limité à 4. C’est oublier cependant les nombreuses opérations menées par les militants de cette association sur les sites de l’usine d’AREVA à La Hague, du terminal ferroviaire de TN International à Valognes (Manche) ou sur le port de Cherbourg. Sans parler des opérations médiatiques sur les transports de déchets radioactifs retournés en Allemagne.
Depuis 2011, en revanche, les intrusions ou tentatives d’intrusion dans des sites comprenant des installations nucléaires se sont multipliées : 5 intrusions ou tentatives sur des sites EDF et 1 tentative sur le site de Cadarache du CEA dans la même nuit du 5 décembre 2011 ; 3 intrusions sur des sites EDF en 2012, 1 en 2013 et 2 en 2014, dont une intrusion sur le site de Fessenheim menée par une soixantaine de militants de nationalités différentes. Selon le rapport à l’Assemblée nationale, depuis 2009, 156 personnes ont été interpellées lors d’intrusions sur des sites EDF.
Il est intéressant de s’arrêter un instant sur les décisions rendues par les tribunaux concernant ces intrusions ou tentatives d’intrusion.
1° S’agissant des intrusions sur des sites EDF et de la tentative d’intrusion sur un site CEA survenues dans la nuit du 5 décembre 2011[26] :
– Intrusion sur la centrale de Nogent-sur-Seine (Aube) :
9 militants de Greenpeace ont été poursuivis pour violation de domicile.
Par jugement du 21 février 2012, le Tribunal correctionnel de Troyes s’est déclaré incompétent, au motif que « les faits poursuivis sont en réalité susceptibles de constituer le délit d’introduction non autorisée dans un établissement intéressant la défense nationale, prévu et réprimé par l’article 413-7 du code pénal ».
Infirmant le jugement de 1ère instance, la Cour d’appel de Reims, par arrêt du 11 octobre2012[27], a rejeté l’exception d’incompétence au motif qu’il n’était pas « démontré l’existence d’un arrêté portant création d’une zone protégée imposant au chef d’établissement de rendre apparentes les limites de la zone et les mesures d’interdiction dont elle est l’objet » et qu’en conséquence, l’article 413-7 du code pénal n’avait pas lieu à s’appliquer ; elle a condamné les prévenus pour violation de domicile et dégradation en réunion à six mois d’emprisonnement avec sursis, et pour refus de prélèvement biologique, à 800 euros d’amende (pour 5 d’entre eux). Le motif du rejet de l’exception d’incompétence est surprenant étant donné, comme le relève l’arrêt, que « les grillages franchis par les prévenus portaient à intervalles réguliers une mention selon laquelle l’accès non autorisé à la zone grillagée était passible d’une sanction maximale de six mois d’emprisonnement conformément à l’article 413-7 du code pénal ». Or les deux infractions (violation de domicile et violation d’une zone protégée) peuvent être simultanément constituées et ne sont pas exclusives l’une de l’autre.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les militants, par arrêt du 19 mars 2014[28]. Il est intéressant de noter que la Courconfirme, d’une part, que le moyen tiré de l’incompétence du Tribunal correctionnel de Troyes est inopérant, « les prévenus n’ayant été ni poursuivis ni condamnés pour le délit prévu à l’article 413-7 du code pénal », et, d’autre part,que « les lieux où les prévenus se sont introduits constituaient bien, pour EDF, un domicile au sens de l’article 226-4 du code pénal ».
– Intrusion sur la centrale de Cruas (Ardèche)
2 militants de Greenpeace, qui s’étaient introduits dans l’enceinte de la centrale et étaient restés dissimulés sur place durant 14 heures, ont été poursuivis pour violation de domicile et dégradation de biens.
Par jugement du 28 février 2012, le Tribunal correctionnel de Privas les a relaxés au motif que si « le délit de violation de domicile peut être constitué par l’intrusion ou le maintien dans des locaux industriels, commerciaux ou professionnels, cela suppose à tout le moins une intrusion dans un local » ; or, la zone où les deux prévenus se sont retrouvés (zone de stockage de déchets) ne pouvait aucunement constituer un « local ». En outre, le tribunal a relevé qu’il existait « un texte spécifique pour sanctionner le type d’intrusion reproché aux prévenus, l’article 413-7 du code pénal, délit assorti de surcroît de sanctions plus douces que celles prévues par l’article 226-4 du même code réprimant le délit de violation de domicile » et que cet article 413-7 était d’ailleurs « rappelé sur les clôtures de la centrale nucléaire ».
Infirmant le jugement de 1ère instance, la Cour d’appel de Nîmes, par arrêt du 22 novembre 2012[29], a retenu le délit de violation de domicile, considérant que « la centrale est un espace clos comprenant diverses installations entouré de clôtures extérieures et de réseaux de barbelés, et ce afin de la protéger de toute intrusion, gardé en permanence et dont l’accès est interdit ».Elle a condamné les prévenus pour ce délit et pour dégradations aggravéesà une peine de quatre mois de prison avec sursis, et à 1.000 euros d’amende pour avoir refusé de se soumettre aux tests ADN durant leur garde à vue.
– Tentative d’intrusion sur le site CEA de Cadarache (Bouches-du-Rhône)
Un certain nombre de militants de Greenpeace ont tenté de s’introduire sur le site de Cadarache en cisaillant les clôtures, mais ce faisant, ils ont déclenché le système d’alarme et les agents de sécurité du CEA les ont mis en fuite. A la suite d’une longue et minutieuse enquête, 10 militants ont été poursuivis pour tentative d’introduction sans autorisation dans une zone protégée intéressant la défense nationale et dégradation de biens.
Par jugement du 17 février 2014, ils ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de Marseille, en formation militaire, à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour 6 d’entre eux, six mois pour 2 d’entre eux, quatre mois pour 1 d’entre eux et à 500 euros d’amende pour le dernier, ainsi qu’à la confiscation du matériel utilisé et, solidairement, au paiement d’une somme de près de 75.000 euros en réparation, notamment, des frais de remise en état de la clôture d’enceinte et du préjudice directement consécutif à la désorganisation provoquée par l’intrusion sur le site. L’appel formé par les militants devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence est en cours.
2° S’agissant des intrusions postérieures, qui ne sont survenues que sur des sites EDF :
– Intrusion sur la centrale du Tricastin (15 juillet 2013)
29 militants de Greenpeace ont été poursuivis pour violation de domicile et condamnés par le Tribunal correctionnel de Valence à trois mois de prison avec sursis, à 3.000 euros de frais de procédure au profit d’EDF et à la confiscation du matériel saisi (jugement du 6 mars 2014).
– Intrusion sur la centrale de Gravelines (5 mars 2014)
17 militants de Greenpeace ont été poursuivis pour violation de domicile et condamnés par le Tribunal correctionnel de Dunkerque à quatre mois de prison avec sursis et, pour refus de prélèvement biologique, à 500 euros d’amende (pour 3 d’entre eux) (jugement du 22 septembre 2014).
– Intrusion sur la centrale de Fessenheim (18 mars 2014)
55 militants de Greenpeace ont été poursuivis pour violation de domicile et condamnés par le Tribunal correctionnel de Colmar à deux mois de prison avec sursis et 1.000 euros d’amende (jugement du 4 septembre 2014).
Il résulte de ce rapide panorama que, contrairement à ce qui est indiqué dans les rapports au Parlement, le fondement des poursuites engagées à l’encontre de militants ainsi que de leur condamnation ne s’est pas limité au délit de violation de domicile (lequel, en dépit de quelques péripéties, a bien été reconnu comme constitué s’agissant d’une intrusion avec bris de clôture dans l’enceinte d’une centrale nucléaire). Dans le cas de la tentative d’intrusion sur le site CEA de Cadarache, les militants identifiés ont été poursuivis et condamnés pour introduction non autorisée dans une « zone protégée intéressant la défense nationale » et condamnés à des peines significativement plus lourdes que dans le cas d’intrusion sur des sites EDF.
2.2 La proposition de loi et son évolution
Bien que poursuivant le même objectif de renforcement de la protection des sites nucléaires par une pénalisation aggravée des intrusions, la proposition de loi portée par le député Claude de Ganay avait un objet totalement différent de la loi finalement adoptée.
Elle visait uniquement les « installations nucléaires de base » (INB), définies à l’article L. 593-2 du code de l’environnement[30], ce qui excluait les installations nucléaires intéressant la défense[31]et les autres installations détenant des matières nucléaires ou des substances radioactives[32].
En outre, elle avait pour objet de conférer aux sites d’implantation de ces installations le statut de « zone de défense hautement sensible » au sens de l’article L. 4123-12 du code de la défense[33]. La conséquence de cette qualification était que :
– D’une part, les conditions d’accès et de circulation sur ces zones doivent faire l’objet d’une autorisation expresse[34],
– D’autre part, en cas d’intrusion ou de tentative d’intrusion, les militaires chargés d’en assurer la protection doivent procéder à un certain nombre de sommations, correspondant à un protocole strictement encadré[35]et sont autorisés à faire usage de la force armée en dehors de la légitime défense[36] ; sous réserve du respect de ces conditions d’ouverture du feu, ils sont dégagés de toute responsabilité pénale[37].
Cette proposition présentait de multiples inconvénients :
– Elle conférait un statut militaire aux sites comprenant des INB, ce qui n’était pas forcément un bénéfice en termes d’image pour des installations à caractère civil ;
– Elle aurait complexifié l’accès et la circulation sur les sites nucléaires alors qu’ils accueillent des milliers de salariés, qu’il s’agisse de ceux des exploitants ou des entreprises extérieures ;
– Elle ne visaitque les sites protégés par des militaires. Or ce n’est le cas, et encore partiellement, que des sites des centrales EDF, dont la protection est assurée, en complément d’agents d’entreprises prestataires, par les « pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie » (PSPG)[38].
La protection des installations nucléaires exploitées par le CEA et AREVA est assurée, en effet, et ce en permanence, par des services internes de sécurité, au sens des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, dénommées « Formations locales de sécurité ». Leurs membres sont des salariés de droit commun, assurant une mission polyvalente (protection physique des sites et des installations, prévention et traitement des risques et accidents (dont incendie et inondation), surveillance et gardiennage, premiers secours à victimes) ; ils sont armés et les conditions d’ouverture du feu s’exercent exclusivement dans le cadre de la légitime défense, telle que prévue par les articles 122-5 et 122-6 du code pénal.
Lors de l’examen de la proposition de loi par la commission de la défense de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2015, le rapporteur a indiqué que les auditions qu’il avait organiséesl’ont incité à « modifier son texte afin de parvenir à un dispositif efficace et satisfaisant pour l’ensemble des parties ». Les amendements proposés, qui modifient fondamentalement le texte de la proposition initiale, ont été adoptés sans discussion.
3. La loi
3.1 Son objet
La loi a un double objet :
– Elle institue un délit spécifique applicable aux intrusions ou tentatives d’intrusion terrestressur les installations civiles abritant des matières nucléaires ;
– Elle crée une échelle de peines en fonction de trois niveaux de circonstances aggravantes, ainsi que des peines complémentaires, et les rend explicitement applicables tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.
Le critère principal utilisé pour la définition du délit étant la notion de « matières nucléaires », l’ensemble des dispositions définissant et réprimant ce dernier est codifié dans le code de la défense au paragraphe 2 « sanctions pénales » de la sous-section 3 « dispositions pénales » de la section 1 « protection et contrôle des matières nucléaires » du chapitre III « matières et installations nucléaires » du titre III « défense économique » (articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18). Elles viennent donc compléter le dispositif de la PCMNIT. Ce qui n’en facilitera pas l’accès pour ceux qui chercheront des dispositions concernant l’intrusion dans des installations nucléaires civiles !
3.1.1 Le champ d’application de la nouvelle infraction
Le délit institué par la loi vise les intrusions ou tentatives d’intrusion dans les « installations civiles abritant des matières nucléaires ». Les installations dites militaires, c’est-à-dire « affectées à l’autorité militaire ou placées sons son contrôle » sont exclues du champ de la loi ; elles sont considérées comme étant déjà couvertes par l’article 413-5 du code pénal.
Les sites couverts par les nouvelles dispositions sont « les locaux et terrains clos délimités pour assurer la protection des établissements ou des installations » de deux types :
– D’une part, les établissements et installations abritant des « matières nucléaires » (au sens mentionné supra) dont la détention est soumise à autorisation (en application de l’article L. 1333-2 du code de la défense) ainsi que les composés chimiques comportant un de ces éléments à l’exception des minerais (articles L. 1333-1 et R. 1333-1 ibid.), au titre de la PCMNIT ;
– D’autre part, ceux abritant des « matières nucléaires » affectées aux moyens nécessaires à la politique de dissuasion (qui ne sont pas concernés par la réglementation relative à la PCMNIT).
En pratique, sont principalement couvertes par les nouvelles dispositions :
– Les centrales nucléaires exploitées par EDF ;
– Les installations nucléaires à caractère civil affectées à la recherche et exploitées par le CEA[39] ;
– Les installations nucléaires intéressant la défense et abritant des matières nucléaires affectées à la politique de dissuasion exploitées par le CEA ;
– Les usines de fabrication et de traitement du combustible exploitées par AREVA.
Pour la délimitation des terrains et locaux concernés, la loi (nouvel article L. 1333-13-12, dernier alinéa, du code de la défense) renvoie à des conditions qui seront fixées par décret. Ces limites devront être rendues apparentes aux frais de l’exploitant.
3.1.2 Les peines applicables
La peine de base pour introduction sans autorisation dans les locaux et terrains clos visés par la loi est une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 15.000 euros.
Le fait de provoquer, d’encourager ou d’inciter à commettre le délit est puni des mêmes peines, lorsqu’il est suivi d’effet. Lorsque tel n’est pas le cas, il est sanctionné par une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 7.500 euros d’amende.
La loi prévoit en outre une échelle de peines plus sévères en fonction de trois niveaux de circonstances aggravantes :
– Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (i) lorsque l’infraction est commise en réunion, (ii) lorsque son auteur prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, (iii) lorsqu’elle est précédée ou accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration ;
– Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75.000 euros d’amende lorsque deux des circonstances précédemment mentionnées sont réunies ;
– Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100.000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise avec usage ou menace d’une arme, ou lorsqu’elle est commise en bande organisée.
La tentative de commettre les délits précités est punie des mêmes peines.
La loi prévoit également des peines complémentaires :
– Pour les personnes physiques : interdiction de détenir ou porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation, confiscation d’armes,confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction,affichage et diffusion de la décision prononcée[40], interdiction de séjour[41], interdiction du territoire français[42] ;
– Pour les personnes morales : une amende dont le taux maximum est égal au quintuplede celui prévu pour les personnes physiques[43], une peine de confiscation[44] etune peine d’affichage ou de diffusion de la décision[45]. La peinecomplémentaire de confiscation porte notamment sur tous les biens meublesou immeubles ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés àla commettre[46].
3.2 Sa portée
Selon les rapports à l’Assemblée nationale et au Sénat, la loi permet de « répondre à une lacune de notre droit pénal ». Le motif invoqué est que les dispositions existantes (qu’elles protègent l’intégrité des matières nucléaires ou l’accès à certaines zones intéressant la défense nationale) ne permettent pas (ou difficilement dans le cas des zones protégées), de réprimer les intrusions sur des sites nucléaires, « ce qui conduit le juge à qualifier ces actes de violations de domicile, et débouche sur des condamnations insuffisamment dissuasives ». C’est inexact.
Les deux délits préexistants, de violation de domicile et d’intrusion sans autorisation dans une zone protégée intéressant la défense nationale, permettent de sanctionner les intrusions sur des sites nucléaires, comme les décisions des tribunaux mentionnées supra le prouvent.
L’apport de la loi est de créer un délit spécifique d’intrusion sur les sites abritant des matières nucléaires et d’instaurer une échelle de peines, permettant de sanctionner les différentes modalités d’une telle infraction.
On notera cependant un paradoxe, consistant dans le fait que la peine de base instaurée par la loi est identique à celles prévues par l’article 413-5 du code pénal (introduction non autorisée sur un terrain ou dans un appareil affecté à l’autorité militaire), et supérieure à celle prévue par l’article 413-7 du code pénal (introduction non autorisée dans des lieux ou des locaux intéressant la défense nationale : six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende). Elle est également identique à celle prévue par l’article 226-4 du code pénal pour violation de domicile !
Il aurait donc été beaucoup plus simple de renforcer les sanctions prévues à l’article 413-7 du code pénal pour violation d’une « zone protégée intéressant la défense nationale » puisque tous les grands sites visés en pratique par la loi constituent déjà de telles zones, et si certains abritant des matières nucléaires ne l’étaient pas encore, de leur étendre cette qualification. Cela aurait évité de cibler lesdits sites, et de stigmatiser les militants anti-nucléaires.
Au surplus, comme indiqué supra, la loi impose de délimiter les sites comportant des « installations civiles abritant des matières nucléaires » ; un décret doit en préciser les conditions. Quelles que soient ces dernières, elles vont donc s’ajouter aux mesures imposées aux opérateurs des « zones protégées intéressant la défense nationale » lorsque les sites nucléaires ont aussi la qualification de « zone protégée ». L’article R. 413-4 du code pénal prévoit que, dans ce cas, il appartient au chef du service, de l’établissement ou de l’entrepriseconcerné, de prendre, sous le contrôle de l’autorité qui a déterminé le besoin de protection, « toutes dispositions pour rendre apparentes les limites de la zone et les mesures d’interdiction dont elle est l’objet », ce qui se fait par l’apposition à intervalles réguliers de panneaux indiquant la nature de la zone et le fondement des sanctions encourues en cas d’introduction sans autorisation.
Il est probable que les mêmes opérateurs auront à apposer des panneaux supplémentaires faisant référence aux dispositions de la nouvelle loi. On peut craindre que cela ne facilite pas la compréhension du statut du site concerné et ajoute de la confusion quant au(x) délit(s) constitué(s) et à la ou aux sanctions encourue(s).
* * *
En conclusion, on peut se demander si la création d’un nouveau délit spécifique, ouvertement destiné à dissuader des militants anti-nucléaires, même pacifistes, répond au véritable problème de fond, celui de la protection des sites nucléaires contre toute tentative d’intrusion, et en particulier à visée terroriste. La pénalisation renforcée de telles actions est-elle la réponse appropriée à ce type de menace ? Il est évident que non. Les terroristes n’ont que faire des règles applicables.
Il faut donc espérer que le but visé par le titre de la loi, à savoir le renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, soit effectivement assuré par les autres dispositifs de protection et plus spécialement par celui concernant les activités d’importance vitale.
[1] Loi n° 2015-588 (JORF n° 126 du 3 juin 2015 page 9130 texte n° 1).
[2] Selon les statistiques de l’activité parlementaire publiées par l’Assemblée nationale, au cours de la XIVème législature, 38 % des lois ont eu pour origine une initiative parlementaire.
[3] Le fait que la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly se situe dans sa circonscription n’est sans doute pas étranger à son initiative.
[4] Proposition de loi n° 1365.
[5] Rappelons que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative de ses groupes politiques d’opposition et de ses groupes minoritaires (article 48, alinéa 5 de la Constitution). C’est en application de cette disposition que la proposition de loi a été déposée.
[6]Cet article, issu d’un amendement présenté par le député Daniel Boisserie, a habilité le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin de renforcer la protection des installations nucléaires, via l’insertion des dispositions afférentes dans le code de la défense et le code général des collectivités territoriales (Cf. le f) du 4° de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale).
[7] Cf. Rapport par M. Xavier Pintat, au nom de la commission des affaires étrangères du Sénat, n° 446 (2014-2015), page 6.
[8] Cf. Rapport par M. Claude de Ganay, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, n° 2527.
[9] Le rapport au Sénat indique qu’à la date du 10 septembre 2014, 19 sites sensibles abritant des activités nucléaires ont été survolés illégalement par des aéronefs circulant sans personne à bord (drones), lors de quarante événements distincts.Au total, 67 survols illégaux, tous sites confondus, ont été répertoriés.
[10] L’article 2 de la loi prévoit cependant d’associer le Parlement aux réflexions menées par le Gouvernement en ce domaine, en faisant obligation à ce dernier de remettre au Parlement avant le 30 septembre 2015un « rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux par des aéronefs télépilotés ». Ce rapport doit également présenter « les solutions techniques et capacitaires envisageables d’améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions ».
[11] Cf. notes7 et 8.
[12] 12 secteurs d’activités d’importance vitale, dont celui de l’énergie, sont définis dans un arrêté du 2 juin 2006 (JORF n° 129 du 4 juin 2006 page 8502), modifié par un arrêté du 3 juillet 2008 (JORF n° 156 du 5 juillet 2008 page 10823).
[13] Article R. 1332-1 du code de la défense.
[14] Et de ses deux décrets d’application n° 81-512 du 12 mai 1981 et n° 81-558 du 15 mai 1981 concernant, d’une part, les matières à usage civil et, d’autre part, celles affectées à la défense ou détenues dans des installations intéressant la défense.
[15] Entrée en vigueur le 8 février 1987, sa ratification par la France a été autorisée par la loi n°89-433 du 30 juin 1989 et effectuée le 6 septembre 1991.
[16] Adopté le 8 juillet 2005, la ratification de cet amendement par la France a été autorisée par la loi n° 2012-1473 du 28 décembre 2012.Faute d’un nombre suffisant de signataires, il n’est pas encore entré en vigueur.
[17] Sont considérées par le droit nucléaire français comme « matières nucléaires », les matières visées à l’article R. 1333-1 du code de la défense, à savoir : le plutonium, l’uranium, le thorium, le deutérium, le tritium et le lithium 6.
[18] Ordonnance n° 2014-792 du 10 juillet 2014 portant application de l’article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
[19] Circulaire interministérielle de mise en œuvre du dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la nation n° 3415/SGDSN/AIST/PST du 7 novembre 2012.
[20] Bulletin 2007, IV, n° 147.
[21] L’article vise plus précisément « le fait, dans les services, établissements ou entreprises, publics ou privés, intéressant la défense nationale, de s’introduire, sans autorisation, à l’intérieur des locaux et terrains clos dans lesquels la libre circulation est interdite et qui sont délimités pour assurer la protection des installations, du matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications ».
[22] Introduit par le décret n° 2011-1425 du 2 novembre 2011 portant application de l’article 413-7 du code pénal et relatif à la protection du potentiel scientifique et technique de la nation.
[23] Ce qui fut le cas lors du survol de la centrale nucléaire de Bugey le 2 mai 2012 par un pilote de para-moteur.
[24] Cf. Rapport précité § II.A.2 pages 18 et 19.
[25] A noter toutefois qu’en 2013, des militants anti-nucléaires pacifistes étaient parvenus à s’introduire sur le site très sensible appelé Y12 (Tennessee) où se trouvent des quantités importantes de matières nucléaires (UHE). Le site Y12 est placé sous la responsabilité de la National Nuclear Security Administration (NNSA) du Department of Energy (DOE). Cette intrusion (3 individus dont une religieuse de 84 ans) avait fait grand bruit, s’agissant d’un site très protégé, y compris par des gardes armés. Le Congrès s’était ému et la NNSA avait été vivement critiquée. Des responsables du site avaient été limogés et les règles de sécurité renforcées. Les contrevenants, quant à eux, avaient été poursuivis en justice. Les sanctions ont été prononcées en février 2014. Deux des accusés ont été condamnés à des peines de 5 ans et 2 mois de prison ferme. La religieuse, déjà incarcérée, a écopé de 35 mois de prison ferme. Ces peines sont sévères et le juge qui les a prononcés, tout en ne niant pas que sa décision fût difficile à prendre, a confessé avoir cherché à « décourager toute autre personne » à suivre cette voie.
[26] Lors de cette même nuit, des militants de Greenpeace ont tenté de s’introduire sur les sites de 5 centrales nucléaires EDF (Blayais, Chinon, Chooz, Cruas et Nogent-sur-Seine) et sur le site CEA de Cadarache. Ils n’y sont parvenus que sur les sites de Cruas(où ils sont restés cachés 14 heures) et de Nogent-sur-Seine. Les actions n’ont été revendiquées par l’association que là où elles ont été couronnées de succès.
[27] N° 868, non publié.
[28] N° 12-87215, non publié.
[29] N° 12/00858, non publié.
[30] C’est-à-dire : les réacteurs nucléaires ; les installations de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs, les installations contenant des substances radioactives ou fissiles et les accélérateurs de particules, répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’Etat.
[31] Visées à l’article L. 1333-15 du code de la défense, à savoir : les installations nucléaires de base secrètes (INBS) et les sites et installations d’expérimentations nucléaires intéressant la défense (SIENID).
[32] Relevant de la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
[33] « Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par voie réglementaire à l’intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale. »
[34]Article R. 2363-2 du code de la défense.
[35]Dont le détail est prévu à l’article R. 2363-5 du même code.
[36] Le même article précise : « Dans tous les cas, il ne doit être fait usage que de la force armée absolument nécessaire ».
[37] « II. – N’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur, y compris la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants ou la police en haute mer, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’exercice de sa mission. » (article L. 4123-12 ibid.)
[38] Les PSPG assurent la protection des sites nucléaires EDF depuis 2009. Avant cette date, celle-ci était assurée par les « pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie » (PSIG) mis en place en 1980.
[39] Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (régi par les articles L. 332-1 et suivants du code de la recherche).
[40] Article 131-35 du code pénal.
[41] Article 131-31 du code pénal.
[42] Articles 131-30 à 131-30-2 du même code.
[43]Conformément à l’article 131-38 du code pénal.
[44]Prévue au 8° de l’article 131-39 du même code.
[45]Prévue au 9° du même article.
[46] Article 131-21 du code pénal.