le naufrage du joola

LE NAUFRAGE DU JOOLA

12 ANS APRES, LES FAMILLES DE VICTIMES FRANCAISES DECUES ET ECOEUREES DE CETTE ORDONNANCE DE NON LIEU EN RAISON D’ACTES QUI RELEVENT DE LA SOUVERAINETE

UNE DECISION LAPIDAIRE ET NON JUSTIFIEE

Les juges d’instruction ont notifié le 27 octobre 2014 à l’AFV JOOLA France ainsi qu’à toutes les parties civiles une ordonnance de non lieu datée du 16 octobre 2014 qui clôture l’information judiciaire ouverte le 1er avril 2003 au TGI d’Evry des chefs d’homicides et blessures involontaires aggravés par violation manifestement délibérée de plusieurs obligations particulières de sécurité ou de prudence et de défaut d’assistance à personnes en péril.

Le navire transbordeur de passagers dénommé « Le JOOLA » a fait naufrage le 26 septembre 2002 au large des côtes de la Gambie, alors qu’il faisait route entre le port de Ziguinchor et le port de Dakar au Sénégal.

Il s’agit de la plus grande catastrophe maritime civile mondiale puisque, selon le décompte officiel, 1863 passagers ont trouvé la mort dans le naufrage de ce navire dont la capacité d’embarquement était limitée à 536 passagers. L’équivalent de plus de 12 Airbus A 320.

Ce navire naviguait effectivement sans aucun certificat international de navigation depuis plus de 8 années et sans aucun titre de navigation sénégalais depuis le 17 juin 1999. Le navire Le JOOLA n’était définitivement pas apte à naviguer.

Tous les experts désignés au cours de l’information ont souligné la totale irresponsabilité des acteurs ayant participé à la remise en service de ce navire et le non respect flagrant de plusieurs conventions maritimes internationales auxquelles le Sénégal avait adhéré puis transposé dans son code de la Marine Marchande un mois avant le naufrage. Le collège d’Experts désigné par le précédent Juge d’Instruction avait ainsi répertorié 19 séries de violations graves en matière de navigation et de sécurité maritime.

Le navire non habilité à prendre la mer, le non respect des prescriptions interdisant l’appareillage

Le MS/Joola voguait : sans titre de sécurité depuis 1996, sans titre de navigation depuis 1998, sans formation adaptée aux normes OMI, pas de systèmes mondial de détresse et sécurité en mer SMDSM, dépourvu de balises de détresse par repérage satellite SARSAT, le non respect des normes internationales dans le nouveau code de Marine Marchande du 16/08/2002 (promulgué peu avant le naufrage), défaut de fonctionnement des dispositifs hydrostatiques des radeaux de survie, le manque de gilets de sauvetage, pas de renouvellement des certificats de classification suspendus depuis le 23/09/2000.

Selon ce que les juges ont retenu : certains chefs d’Etat Major et hauts fonctionnaires n’ont pas été capables de prendre les dispositions qu’il fallait pour assurer la sécurité des rotations, d’assurer les secours bien que certains bien au courant des problèmes de sécurité (fermeture des portes arrières et latérales, hublots cassés, générateur électriques hors d’usage, etc….), et bien d’autres charges qu’il serait long d’énumérer ici.

Que malgré tout ces manquements, il a été donné le feu vert pour la reprise des rotations le 10/09/2002 sans visite annuelle et en l’absence de certificat de franc-bord alors que le navire sortait d’une longue période de révision et remise en état, pas de visite de mise en service dont aurait dû dépendre l’autorisation d’exploitation et la délivrances de certificats définitifs permettant de poursuivre l’exploitation du navire.

Il aurait fallu imposer un arrêt définitif pur et simple du navire.

Les failles dans le déploiement des secours, 20 h après sur la zone du drame

Failles dans le déploiement des secours, non assistance à personnes en détresse, non affectation des secours aériens en mer par la Marine Nationale, refus pendant plusieurs heures de l’intervention d’un avion des forces françaises et ce malgré la convention franco-sénégalaises d’entraide et de coopération d’entraide et coopération du 09/03/1972

Les familles de victimes françaises espéraient une justice indépendante en France et toute la transparence dans la gestion judiciaire de ce drame.

Les intérêts économiques et politiques entre le Sénégal et la France entravent la justice et bafouent les droits de l’homme

L’Etat Sénégalais a classé sans suite la procédure ouverte à Dakar le 7 août 2003.

L’Etat Français a au contraire requis l’ouverture d’une information contre X.

Lors d’une réunion d’information des parties civiles le 12 septembre 2008, le juge d’instruction a annoncé la délivrance de mandats d’arrêt internationaux à l’encontre de 9 personnalités sénégalaises dont l’ex 1er ministre, l’ex ministre des forces armées, l’ex ministre des transports et plusieurs chefs d’état major de la marine et de l’armée.

L’Etat Sénégalais a répliqué en faisant délivrer un mandat d’arrêt international contre le précédent juge d’instruction pour forfaiture  déstabilisation de l’Etat.

Sur appel du Parquet Général de la Cour d’Appel de Paris, la Chambre de l’instruction a, le 26 juin 2009, annulé 2 des 9 mandats d’arrêt concernant l’ex 1er ministre et l’ex ministre des forces armées mais a rejeté les demandes d’annulation des autres mandats d’arrêt et de la procédure qui étaient formulées par les personnalités sénégalaises.

La Cour de Cassation a confirmé cette décision le 19 janvier 2010.

L’avis de fin d’information a été notifié aux parties le 30 juin 2011.

Les personnalités sénégalaises en cause ont de nouveau saisi la Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris d’une 2ème requête en nullité de la procédure qui a été rejetée le 7 mai 2012.

La Cour de Cassation a confirmé cette décision le 20 novembre 2012.

Le Parquet du TGI d’Evry ayant établi le 18 octobre 2011 un réquisitoire aux fins de non lieu général, les parties civiles ont transmis aux nouveaux juges d’instruction deux Notes particulièrement motivées qui démontraient le mal fondé des réquisitions de non lieu – notamment en droit international – suivant une analyse très fine de la jurisprudence, tant française qu’internationale.

Apparemment les juges d’instruction n’ont pu ou n’ont voulu s’interroger sur le point de savoir si ces manquements pouvaient être constitutifs d’un acte de souveraineté

Cette Ordonnance  montre même le contraire..

Il apparaît que les juges d’instruction ne se sont nullement interrogés sur le point de savoir si les omissions reprochées aux prévenus pouvaient être considérées comme relevant d’un exercice « normal » de leurs fonctions, le terme normal étant entendu comme « conforme aux obligations souscrites par l’Etat du Sénégal » – dans le cadre des missions qui étaient les leurs.

Les juges d’instruction ont certes considéré que les charges étaient suffisantes au regard de la prévention mais ont conclu sous une forme lapidaire et sans la moindre motivation qu’appelaient les Notes et Observations des parties civiles, que l’immunité de juridiction reconnue par la coutume internationale aux Etats qui s’étend aux organes et entités qui en constituent l’émanation s’étend également à leurs agents « en raison d’actes qui relèvent de cette souveraineté

En d’autres termes, les juges d’instruction n’ont pas motivé leur décision en poussant leur raisonnement jusqu’à le rendre logique, c’est-à-dire en expliquant en quoi les 19 infractions graves et délibérées aux conventions maritimes internationales de l’OMI et au code de la marine marchande du Sénégal constitueraient un acte relevant de la souveraineté du Sénégal

De tels manquements ne pouvaient s’inscrire dans ce qu’il est convenu d’attendre en matière de services publics d’autant qu’il s’agissait d’obligations supra nationales pesant  a minima sur tout Etat signataire des conventions internationales  non respectées.

L’AFV JOOLA France ainsi que plusieurs parties civiles ont d’ores et déjà pris la décision d’interjeter appel de cette ordonnance afin d’éviter un naufrage judiciaire.

«C’est toujours la même histoire, les mis en cause se drapent dans la dimension politique de leurs fonctions»

Quelle que soit la couleur de la peau, nous avons tous besoin de justice

Engagées dans un bras de fer depuis l’information judiciaire pour homicides involontaires et non assistance à personnes en péril ouverte à Evry le 1er avril 2003, les familles des victimes françaises se battront jusqu’au bout.

Beaucoup de familles ne peuvent faire le deuil de leurs proches parce qu’elles pensent que leurs enfants, parents, proches et amis ont été abandonnés au fond des océans.

Ce que toutes les familles de victimes attendent de l’Etat sénégalais, par respect envers elles et les 2000 victimes, serait de préciser que ces personnes  qui ont commis ces fautes, notamment par omission, n’ont évidemment pas agit au nom de l’Etat.

 

Jo Laengy