Le mystère de Gaulle

Je m’interesse à tout ce qui concerne la vie et l’oeuvre du général de Gaulle, ici ce n’est un secret pour personne. J’ai découvert un bouquin que je connaissais pas et dont je n’avais jamais entendu parler. Il date de septembre 2009 et a été écrit par Benjamin Stora. Le nom de l’auteur aurait pu me dissuader car Stora est un ancien militant trotskyste. En 1968, il a rejoint le groupe activiste de Pierre Lambert dans lequel militait déjà un certain Lionel Jospin. Mais Stora est avant tout un historien sérieux spécialiste de l’Algérie, un checheur reconnu sur cette période de notre histoire et le fait qu’il soit un intellectuel engagé dans une direction différente de la mienne ne m’a pas empêché d’être attiré par le titre du livre  » Le mystère de Gaulle, son choix pour l’Algérie. »

J’ai lu le mot de l’éditeur : La politique algérienne du général de Gaulle a été l’un des enjeux majeurs de sa présidence, et a cristallisé bien des passions et des haines. Porté au pouvoir par les partisans de l’intégration, en mai 1958, alors que l’Algérie est à feu et à sang depuis quatre ans, le Général adopte face au conflit une attitude de plus en plus ambiguë. Aussi, le 16 septembre 1959, son discours télévisé crée la stupeur et marque un basculement décisif : il lâche soudain le mot tabou « d’autodétermination« … et offre aux Algériens le choix entre l’intégration et la sécession. Les partisans de l’Algérie française crient aussitôt à la trahison… et c’est le début de l’affrontement. Avec un grand talent d’historien, Benjamin Stora tente de cerner les motivations de cette mystérieuse décision.

Je ne pouvais faire autrement que de sortir ma carte bleue et de régler la somme de 20 euros après avoir tapé mon code confidentiel. Et voilà le livre est à moi.

J’ai toujours pensé que le général de Gaulle avait dans l’idée que l’indépendance de l’Algérie était inéluctable. Benjamin Stora ne dit pas autre chose, par contre il estime que de Gaulle l’avait pensé bien avant 1959 et c’est là que se situe tout l’intérêt du livre. Bien qu’ayant lu toutes les oeuves du Général et bien d’autres se rapportant à lui, je reconnais que avant de lire le livre de Stora, je n’avais jamais pensé à cette possibilité.

Pour moi comme pour beaucoup d’autres, je crois que, dans l’esprit du général de Gaulle l’irréversibilité de l’Algérie française avait deux dates posibles. Soit le 18 mars 1962 lorsqu’ont été signés les accords d’Evian qui se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu applicable sur tout le territoire algérien, soit le 1er juillet de la même année lors du référendum sur les accords consacrant l’indépendance du pays, le choix est entre l’indépendance associée à la France et la sécession. L’Algérie sera donc un pays indépendant dés le 3 juillet.

Et bien pas du tout répond Benjamin Stora, dans l’esprit du général de Gaulle ce n’est ni le 18 mars ni le 1er juilet mais bien avant. L’auteur situe la décision prise déjà l’esprit du Général au 16 septembre 1959. Il s’appuie sur l’allocution télévisée du Général et au cours de laquelle il a dit qu’il accepterait je cite « qu’un vote d’autodétermination décide du sort de la colonie française. » Or de Gaulle ne pouvait ignorer dit B Stora ce que serait le verdict des urnes. A partir de là, il aurait accepté de facto que le FLN parvienne à obtenir l’indépendance.

Mais Benjamin Stora va plus loin et il cherche à comprendre. S’il a raison et donc si en effet dans l’esprit de de Gaulle l’indépendance était inéluctable dés 1959 alors pourquoi une fois revenu au pouvoir a t-il prononcé la fameuse phrase « je vous ai compris » qui au contraire laissait entendre aux pieds noirs qu’il défendrait l’option de l’Algérie française. Il laisse croire aux partisans de l’Algérie française massés sur la place du forum qu’il adhère à leur programme d’intégration de l’Algérie à la France.

Benjamin Stora doute t-il de sa théorie quand il se repose la question : » Le général de Gaulle alors chef de l’Etat a t-il évolué dans son cheminement et conclut que seule l’indépendance pouvait mettre fin à la guerre ou est ce sa premiere thèse à savoir qu’il savait depuis son discours de 1959 et alors pourquoi avoir laissé croire le contraire ? » Là se situe tout l’intérêt du livre et de la démonstration de l’auteur.

Pour Benjamin Stora, les choses sont claires. La thèse du lent cheminement qui aurait amené le chef de l’Etat à penser que l’indépendance serait la seule solution ne tient pas. Elle est impossible à soutenir. Pour conclure à cette affirmation l’auteur a rencontré les plus proches collaborateurs du Général et il affirme que tous les témoignages concordent à savoir que de Gaulle savait depuis 1959. Par contre Stora admet que de Gaulle pensait qu’il aurait pu émanciper l’Algérie d’une façon plus calme en association avec ce qui état alors la métropole. A ça, il y croyait.

Ce livre qui n’a que quelques mois est tout à fait d’actualité et montre si cela était nécessaire que la général de Gaulle était réellement un visionnaire. L’auteur pourtant peu suspect d’être de droite pense que de Gaulle avait des craintes pour je cite « notre identité nationale « , compte tenu de la différence de démocratie il craignait un islamisation de la France qui ne pouvait que l’inciter à séparer l’Algérie de la France et donc à accepter l’indépendance ce qui expliquerait alors que dans son esprit cette indépendance était pour lui inéluctable dés 1959 c’est à dire bien avant les accords d’Evian et du référendum sur l’auto-détermination.

Benjamin Stora conclut sa thèse en faisant ressortir que comme le Général était un visionnaire tout le monde n’a pas compris la portée de son discours du 16 septembre 1959 que ce soit du côté français ou de celui de l’Algérie. Dans son discours il a tout simplement tiré les conséquences de ce qui était sa conviction. Si la thèse de benjamin Stora est la bonne, alors on peut penser que le général de Gaulle était bien en avance sur son temps, il était effectivement visionnaire. Pas étonnant alors que personne n’ait compris le sens de son discours. Il était trop en avance sur l’histoire.

Benjamin Stora

Le mystère de Gaulle, son choix pour l’Algérie

Editions Robert Laffont

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