LE CHIFFRAGE DU DEMANTELEMENT DES CENTRALES NUCLEAIRES PAR LA COMMISSION EUROPEENNE
Muriel RAMBOUR
Maître de Conférences à l’UHA
CERDACC
Mots-clés : Programme indicatif nucléaire de la Commission européenne (PINC) – Coût de la filière nucléaire – Sûreté nucléaire – Gestion des risques nucléaires.
Pour se repérer
La Commission européenne a rendu public le 4 avril 2016 son programme indicatif nucléaire (PINC) dans lequel elle propose une évaluation des investissements nécessités par la sûreté et le coût du démantèlement des centrales du parc nucléaire à travers l’Europe à l’horizon 2050. Basé sur les informations communiquées par les Etats membres de l’UE, ce PINC est le premier proposé depuis la catastrophe de Fukushima.
Pour aller à l’essentiel
L’article 40 du traité Euratom impose d’établir un programme indicatif nucléaire à partir des initiatives politiques et législatives récentes – relatives à la sûreté, la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs –, des documents publiés par les principales agences nucléaires mondiales (Agence internationale de l’énergie atomique, Association nucléaire mondiale, Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE), les informations transmises par les Etats membres, les exploitants nucléaires et les membres du groupe d’experts de la Commission sur le financement des opérations de déclassement. Les données recueillies ont permis de faire le point sur les investissements liés à l’amélioration de la sûreté des centrales en exploitation à la suite des stress tests réalisés au sein de l’UE ainsi que la gestion des ressources financières consacrées au déclassement des installations.
129 réacteurs nucléaires, fournissant 120 gigawatts (GW) de puissance, sont en exploitation dans 14 Etats membres de l’UE et présentent en moyenne 30 ans d’activité. Tenant compte de la sortie du nucléaire décidée par le gouvernement allemand et de la loi française sur la transition énergétique, la Commission européenne table sur une réduction de la production nucléaire d’ici 2025, puis une stabilisation autour de 95 à 105 GW à l’horizon 2050. 45 à 50 milliards d’euros seront nécessaires pour assurer le fonctionnement à longue échéance des réacteurs en exploitation en 2050.
Selon la Commission européenne, plus de 50 des 129 réacteurs en activité devront être fermés d’ici 2025. Le PINC met donc l’accent sur les impératifs de financement du démantèlement de ces installations et de gestion des déchets radioactifs et du combustible usé. Il enjoint en ce sens les Etats membres à mettre en place une « planification minutieuse et une meilleure coopération ». La Commission européenne évalue les investissements nécessaires d’ici 2050 à 123 milliards d’euros pour le démantèlement et 130 milliards d’euros pour le traitement du combustible usé et des déchets radioactifs. Selon les données communiquées par les Etats membres en 2014, 133 milliards d’euros ont été provisionnés sur les 250 milliards nécessaires (Communication from the Commission Nuclear Illustrative Programme presented under Article 40 of the Euratom Treaty for the opinion of the European Economic and Social Committee, COM(2016) 177 final, 04/04/2016 ; Commission européenne, « La Commission présente le programme indicatif nucléaire (PINC) », Communiqué de presse IP/16/1202, 04/04/2016).
Pour aller plus loin
La partie du rapport annuel public 2016 de la Cour des comptes consacrée à la maintenance des centrales nucléaires françaises relevait que si la loi sur la transition énergétique prévoit une réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production française d’électricité, les investissements nécessaires à la sûreté des installations n’ont pour autant pas été budgétés (Muriel Rambour, « La Cour des comptes souligne les incertitudes pesant sur le programme de maintenance du parc nucléaire français », Journal des Accidents et des Catastrophes, n°161, février 2016).
Le PINC offre une synthèse du cycle de l’exploitation nucléaire en Europe, de la fabrication du combustible au déclassement des sites. Les Etats membres de l’UE restent compétents pour définir la structure de leur propre offre énergétique mais ils doivent se conformer aux normes de sûreté et de sécurité applicables dans le cadre de la stratégie de l’UE en matière nucléaire. Le PINC peut ainsi inviter les Etats européens, dont la France, à définir plus précisément, en concertation avec les parties prenantes du secteur, les niveaux de provisions indispensables d’ici 2050 à la poursuite de l’exploitation des sites existants et au démantèlement des installations.