Olivier Wieviorka est un historien spécialiste de la résistance. Après « l’histoire du débarquement en Normadie » en 2006, il vient d’écrire « La mémoire désunie« .Ce livre fait suite à d’autres qui traitent du même sujet. La seconde guerre mondiale a été une période complexe, et certains auteurs n’hésitent pas à écrire que des résistants ont construit eux mêmes leur personnage. J’ai consacré un billet à cette thèse. Dans cet essai, l’auteur montre les difficultés de la France à bâtir une histoire, une mémoire officielle autour des années 39/45. l’auteur emploie la formule de « balkanisation de la mémoire« . Quel est ce concept pour Olivier Wieviorka ?
D’après O Wieviorka, ce que l’on peut dire c’est que après la première guerre mondiale, la figure du Poilu suffissait à résumer le conflit au contraire de la seconde guerre mondiale qui a été à la fois une défaite militaire, une occupation, une libération et l’imposition du régime de Vichy. Ces situations ont provoqué au fond des vécus très différents et ces vécus très différents ont engendré des mémoires très différentes. Ce que l’auteur veut dire c’est que la mémoire d’un prisonnier de guerre n’a rien à voir avec la mémoire d’un résistant. Il est donc très difficile d’être dans une grille de lecture manichéenne même si le pouvoir au lendemain de la guerre a essayé cette lecture manichéenne en essayant d’imposer l’idée que l’ensemble des Français avait résisté, que Vichy était au fond une réalité qui n’avait quasiment pas d’existence et donc d’essayer de dessiner une France en noir et blanc et c’est finalement ce mythe qu’ont appuyé les gaullistes d’une part et les communistes de l’autre qui se craquèle dans les années 70. Dans la vision très héroïque que les pouvoirs publics ont voulu présenter de la France pendant la seconde guerre mondiale la seule place qui vaille pour la déportation c’est celle du déporté résistant et donc le camp qui résume le mieux l’enfer concentrationnel c’est Bukenval, ce qui veut dire que la mémoire juive et la mémoire de la shoah n’ont au fond aucune place dans ce souvenir mémoriel jusque dans les années 70. Il y a également une place difficile pour les combattants de ce qu’on a appelé la drôle de guerre de 1940 et l’auteur dit qu’on ne sait pas très bien si on doit leur accorder des stèles ou des plaques commémoratives.
Mais heureusement tous les Français n’ont pas été déportés, mais même s’en l’avoir été, il y en a qui ont incontestablement souffert, qui ont souvent été envoyés Outre-Rhin dans des stalags. Que fait-on de gens vaincus ? Que fait-on de ces gens non seulement vaincus mais prisoniers de guerre ? C’est tout de même 1,5 millions de personnes et cela représente par conséquent un poids électoral énorme. Il faut donc à la fois leur accorder une place dans les mémoires nationales et puis dans le même temps il est difficile de les présenter comme des héros. il est également difficile de les présenter comme des victimes car ils ont beaucoup moins souffert que les déportés. C’est la place du héros qui est intéressante dans ce livre parce que on comprend très bien que la définition de l’héroïsme si elle est simple après la première guerre mondiale, elle est par contre bien plus compliquée après la seconde et surtout bien plus complexe. La définition de l’héroisme est bien plus compliquée et complexe car il y a des rivalités mémorielles entres les Français libres d’une part et les résistants d’autre part, mais il y a également un glissement tout à fait intéressant dans la société contemporaine, c’est que au fond, au lendemain de la seconde guerre mondiale celui qui compte c’est le héros alors que aujourd’hui et ce, à partir des années 70 celui qui compte c’est la victime. On est donc passé d’un mode mémoriel qui exalte le héro à un mode mémoriel qui exalte la victime et la victime juive notamment. Dans les années 50, il n’ y a pas de discours vérité sur Vichy , il y a ce silence géné sur la shoah. Et puis surviennent les années de Gaulle et l’auteur rappelle cette cette phrase « vers l’orient compliqué je partis avec des idées simples« . Il y a donc là, la tentation d’essayer de retrouver la facilité et le consensus de la libération mais, à force de chercher le consensus, n’aboutit-on finalement pas à une mémoire qui n’est pas satisfaisante ? Non, répond l’auteur tout simplement parce que nous avons un réveil mémoriel dans les années 70, les Français et les enfants des Français qui ont vécu la guerre n’acceptent plus la lecture simpliste, le pouvoir notamment à l’époque de Georges Pompidou essaie de se craponner à cette lecture manichéenne mais ce que l’on pourrait appeler rapidement la demande sociale rend l’imposition du mythe totalement impossible. Finalement pour Olivier Wieviorka il ya trois dates en ce qui concerne la pacification de la seconde guerre mondiale. On a une première pacification ou plutôt un premier essai de pacification à la libération, ensuite on a un second essai de pacification avec Georges Pompidou mais cela ne fonctionne pas. Pour l’auteur c’est le troisième essai qui sera le bon. En effet Olivier Wieviorka pense que la mémoire est relativement pacifiée à partir du moment ou Jacques Chirac, en 1995, prononce son célébre discours du vel d’hiv et où il reconnaît les responsabilités françaises et surtout reconnaît la responsabilité de Vichy.
La mémoire désunie
Olivier Wieviorka
Mon avis sur le livre
Je pense que Olivier Wieviorka a raison. Jusque dans les années 70 on a eu l’impression que Vichy n’avait jamais existé et que la France n’a par conséquent pas été pacifiée. Je suis également d’accord avec l’auteur lorsqu’il dit que c’est finalement le discours de Jacques Chirac du 16 jullet 1995 qui a pacifié la mémoire, mais il s’agit d’un constat et d’un résultat. On constate que ce discours a remis les choses en place. Mais sur le fond si Chirac a souhaité être l’auteur de cette pacification, ce n’est pas pour autant qu’il à eu raison dans son argumentation. Il a simplement obtenu par ce discours le résultat qu’il voulait: la pacification de la France.
Jacques Chirac a peu être eu raison de vouloir pacifier la mémoire mais pour ce faire il a pris des arguments qui ne reflètent pas forcément la réalité. Olivier Wieviorka dit que Chirac reconnaît les responsabilités françaises et surtout reconnaît la responsabilité de Vichy. Oui la responsabilité de Vichy est incontestable, mais est ce que Vichy c’était la France ? C’est toute la question. Je suis de ceux qui pense que Vichy n’était pas la France, je fais partie de ceux qui pensent que la France était à Londres et comme il ne suffit pas de le dire encore faut-il argumenter, cette argumentation sera l’objet de mon billet de demain.
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