L’indemnisation des victimes de l’amiante : un dispositif complexe selon la Cour des Comptes
Muriel Rambour, maître de conférences à l’UHA, membre du CERDACC
Dans son rapport 2014 rendu public en février dernier, la Cour des comptes s’est intéressée au fonctionnement du dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante (Cour des Comptes, « L’indemnisation des victimes de l’amiante : des priorités à mieux cibler », Rapport public 2014, p. 269-303, http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Rapport-public-annuel-2014).
En 2005, la Cour s’est déjà livrée à une telle analyse à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat (Cour des comptes, L’indemnisation des conséquences de l’utilisation de l’amiante, Annexe au rapport d’information sur la gestion des fonds de l’amiante présenté au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par M. Gérard Dériot, 15 avril 2005). A cette occasion, il avait été relevé une certaine complexité et une congestion du système d’indemnisation, des risques de rupture d’égalité entre victimes ainsi que des failles dans le mécanisme de financement ouvrant la possibilité à certaines entreprises d’échapper à leur responsabilité face aux salariés exposés à l’amiante.
Dans son rapport 2014, la Cour des comptes note que les difficultés identifiées 9 ans auparavant persistent et se sont même parfois renforcées. Le dispositif de réparation « ne s’est pas inscrit dans une réflexion d’ensemble pour rénover globalement la prise en charge des risques professionnels » ; au contraire, le système « continue à juxtaposer des réponses ponctuelles, au prix d’une grande complexité institutionnelle » (p. 271).
Le dispositif de cessation anticipée d’activité présente un périmètre jugé aujourd’hui « de moins en moins cohérent » (p. 282). Il est utilisé comme un instrument de gestion de l’emploi par certaines entreprises confrontées à un contexte économique délicat, alors même que des situations individuelles avérées n’entrent pas en ligne de compte. Le rapport souligne également une lenteur des indemnisations qui restent à l’origine d’un important contentieux (p. 288-290).
Aussi, la Cour des comptes énonce plusieurs recommandations. L’une d’elles vise l’ouverture à l’ensemble des victimes reconnues comme étant atteintes d’une pathologie liée à l’amiante du bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité dans le cadre du fonds éponyme (FCAATA – Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, institué en 1999).
Pour pallier les difficultés rencontrées par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) – un fonds sur le bureau duquel 76 000 dossiers ont été déposés sur la période 2003-2012 –, le rapport de la Cour suggère d’allouer aux victimes de maladies malignes le bénéfice des conséquences s’attachant à la faute inexcusable de l’employeur sans qu’il leur faille recourir à la voie judiciaire. Une autre recommandation consiste à ouvrir une voie unique d’indemnisation jusqu’à l’issue des procédures engagées et d’établir un référentiel commun d’indemnisation qui s’appliquerait à toutes les réparations de dommages corporels.
Ces recommandations permettraient une simplification des modalités de l’indemnisation des victimes afin de respecter les délais légaux et réduire les risques de contentieux.