l amiante et l article 1384 alinea 1 du code civil

L’AMIANTE ET L’article 1384 alinéa 1 DU CODE CIVIL

Cour d’appel Aix-en-Provence, ch. 10, 6 novembre 2013, n° 2013/4441

Marie-France Steinlé-Feuerbach, professeur des Universités, directeur honoraire du CERDACC

L’amiante reste plus que jamais au coeur de l’actualité tant dans sa dimension pénale qu’indemnitaire. Ainsi,par deux arrêts en date du 10 décembre 2013 (n° 13-84.286 et n° 13-83.915), la Chambre criminelle a cassé la décision de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris du 17 mai 2013 annulant les mises en examen de plusieurs personnalités dont Martine Aubry laquelle sera entendue à nouveau le 10 avril prochain par cette chambre d’instruction. Plus récemment, s’agissant de l’indemnisation des victimes de l’amiante, la Cour des comptes, dans son rapport annuel publié le 11 février 2014, souligne les dysfonctionnements du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) alors que par ailleurs, la Chambre sociale de la Cour de cassation affine la nomenclature des préjudices des salariés ayant été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante (Soc. 25 septembre 2013, JCP G 2013, 2016, note F. Bousez). Au-delà, la Cour européenne des droits de l’homme vient de juger que le délai absolu de péremption de 10 ans à compter de l’acte dommageable prévu par le droit suisse limite l’accès des requérantes – veuve et filles d’une victime de l’amiante –  à un tribunal au point de violer l’article 6 § 1 de la Convention (CEDH, 11 mars 2014, Howald Moor et autres c. Suisserequêtes n° 52067/10 et 41072/11).

L’exposition à l’amiante concerne non seulement des salariés mais également leurs épouses qui ont pu se trouver en contact avec les poussières d’amiante incrustées dans les vêtements de travail rapportés à la maison par leur mari. Dans l’hypothèse d’un dommage alors occasionné à une épouse la responsabilité de l’entreprise ne saurait être recherchée dans le cadre d’un contrat de travail mais uniquement sur un fondement extra contractuel, c’est donc avec le plus grand intérêt qu’il convient de considérer le raisonnement de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (JurisData n° 2013-029740 ; JCP G 2014, 275, note I. Vingiano) laquelle fait application du premier alinéa de l’article 1384 du Code civil.

 

Mots clefs : Amiante – article 1384 alinéa 1 du Code civil – responsabilité extra contractuelle

 

L’époux de Mme Zoé S. avait été employé par la Sas Eternit dans l’usine Caronte fabriquant et commercialisant des matériaux en amiante ciment à Martigues du 17 avril 1958 au 9 décembre 1979. Souffrant d’asbestose, celui-ci a déjà été indemnisé par son ancien employeur pour une IPP de 10%, la société ayant été condamnée pour faute inexcusable. Si la situation du mari est « classique » (cf. not. Cass. soc. 28 février 2002,  Bull. civ. V, n° 81 ; RTD civ. 2002, p. 310, obs. P. Jourdain ; JCP G 2002, II, 10053, concl. Benmakhlouf ; JCP G 2002, I, 186, n° 5, obs. G. Viney), celle de Mme S. l’est moins. Ce n’est pas en qualité d’épouse, victime indirecte, d’un salarié souffrant d’asbestose que les indemnités qui lui avaient été versées mais bien au titre des dommages que cette épouse, maintenant décédée, avait subis en tant que victime directe d’une exposition à l’amiante.

Comme d’autres épouses des salariés d’Eternit, Mme Zoé S. a lavé les vêtements de travail de son mari. Considérant que cette activité est à l’origine d’un mésothéliome pleural diagnostiqué en novembre 2008 elle avait saisi le 30 décembre 2008 le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA, créé par l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du financement de la sécurité sociale pour 2011, www.fiva.fr ) lequel lui a versé une somme de 56. 203,10 euros en réparation de ses divers préjudices.

Exerçant l’action subrogatoire prévue à l’article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000 (cf. not. H. Arbousset, « L’action subrogatoire du FIVA : un « antidote à l’irresponsabilité » de toute personne juridique ? », note ss. CAA de Versailles, 13 mars 2007, D. 2007, p. 1643 et s.), le FIVA a assigné la Sas Eternit devant le Tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. La juridiction, dans une décision du 15 décembre 2011, a déclaré la Sas Eternit responsable de la maladie contractée par Mme S. et l’a condamnée à rembourser le fonds. La Sas E-Competence Center France (ECCF) venant aux droits de la Sas Eternit ayant interjeté appel de ce jugement, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, en confirmant la décision des premiers juges, apporte un éclairage particulièrement intéressant en matière d’application du droit commun de la responsabilité du fait des choses.

Le bien-fondé du recours du FIVA n’étant pas discutable, c’est en application de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil que la responsabilité de la Sas Eternit est retenue.

Initiée par le célèbre arrêt Teffaine (Civ. 16 juin 1896, D., 1898, 1, 433), la responsabilité du fait des choses, fondée sur le premier alinéa de l’article 1384 C.C., présente pour le demandeur l’avantage considérable de le dispenser de la preuve d’une faute commise par le défendeur. Ainsi que l’a souligné le doyen RIPERT, la jurisprudence « a fait un sort particulièrement heureux à cette humble phrase qui, dans l’article 1384, § 1, avait vécu quatre-vingt ans d’une vie ignorée et elle a proclamé le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées. » (G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ- Anthologie du droit, 2013).

Cet arrêt est une parfaite illustration de l’efficacité de l’article 1384 alinéa 1 dont la Cour d’Aix-en-Provence prend soin de rappeler qu’il « institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose inerte qui par son caractère ou sa position anormale est intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime ».

Les poussières d’amiante étant à l’évidence des « choses », la discussion ne pouvait porter que sur la qualité de gardien de la Sas Eternit (I), le rôle actif des poussières dans le dommage subi par la victime (II) et l’absence de possibilité d’exonération du gardien (III).

 

  1. La Sas Eternit, gardienne des poussières d’amiante

Par l’arrêt Franck la Cour de cassation (Ch. réunies, 2 décembre 1042, DC. 1942, p.25, note G. Ripert ; S. 1941, 1, p. 217, note H. Mazeaud) s’était prononcée pour une notion factuelle de la garde en la définissant comme l’exercice des pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle. Cette définition est toujours d’actualité la jurisprudence ayant par ailleurs posé le principe d’une présomption de garde à la charge du propriétaire de la chose (V. not. P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 3ème éd., 2014, n° 372 et s.). La Cour d’appel d’Aix-en-Provence se place strictement dans le sillage de la jurisprudence en énonçant qu’ « en sa qualité de propriétaire et exploitante de l’usine Caronte de Martigues », la société Eternit « avait l’usage, la direction et le contrôle de ce produit toxique provenant des fibres d’amiante utilisées dans ses ateliers ».

La présomption de garde étant simple, le propriétaire peut la renverser en établissant les circonstances qui lui ont fait perdre la qualité de gardien au moment de la réalisation du dommage. Pour la Cour, la société conservait la garde des poussières d’amiante lorsqu’elles étaient transportées hors de l’usine jusqu’au domicile des ouvriers par les vêtements de travail qui en étaient imprégnés. Il est en effet de jurisprudence constante que la détention de la chose n’est pas équivalente à la garde lorsque manque un des éléments. Ainsi, le préposé n’est jamais le gardien de ses instruments de travail car il n’a pas un pouvoir indépendant sur eux. En l’espèce, la Cour d’appel constate que la société ne peut prétendre avoir transféré la garde des poussières « à ses employés dès leur sortie d’usine, la maîtrise sur la chose étant incompatible avec la qualité de préposé car celui-ci ne dispose pas de l’autonomie qui caractérise la garde matérielle, la direction et le contrôle restant acquis au commettant dont il doit respecter les directives ». Les ouvriers n’avaient en effet pas d’autre choix que d’emporter leurs vêtements pour les faire nettoyer dès lors que l’entreprise n’assumait pas elle-même le nettoyage.

L’écoulement du temps entre le fait générateur et la manifestation du dommage n’affaiblit pas la responsabilité fondée sur l’article 1384 alinéa 1 dès lors que la garde est établie au moment du fait générateur.

 

II. Le rôle actif des poussières d’amiante

Pour qu’il y ait responsabilité du fait de la chose, il faut que celle-ci ait causé le dommage, c’est-à-dire qu’elle ait joué un rôle actif dans sa réalisation. La responsabilité du gardien d’une chose est en effet « subordonnée à la condition que la victime rapporte la preuve que la chose a été, en quelque manière, l’instrument du dommage » (Civ. 2ème, 5 mai 1993, Bull. civ. n° 168). Si la jurisprudence a posé une présomption du rôle actif de la chose c’est à la double condition que la chose ait été en mouvement et qu’elle soit entrée en contact avec le siège du dommage.

Le fait que les épouses étaient exposées aux poussières d’amiante ne saurait être mis en doute en raison des attestations fournies par d’anciens ouvriers ou femmes d’ouvriers. Il s’avère également que les vêtements devaient être secoués avant d’être mis dans les machines à laver. Le contact direct entre les poussières d’amiante et la victime est donc établi.

La chose étant cependant inerte, il appartient en principe au demandeur d’établir le rôle actif en rapportant la preuve d’un vice ou d’une anormalité de la chose (M.-F. Steinlé-Feuerbach, « Fait de la chose inerte : l’anormalité est de retour  (Civ. 2ème, 29 mars 2012,n° 10-27.553) », JAC n° 126, juil. 2012).

Si la Cour d’Aix-en-Provence rappelle l’exigence de l’anormalité, elle ne développe pas ce caractère évident des poussières d’amiante pour affirmer avec raison qu’elles « ont joué un rôle actif dans la pathologie présentée par Mme S. ».

Le contact et l’anormalité devraient suffire à établir la responsabilité de la société mais la Cour choisit de conforter le lien de causalité entre l’exposition aux poussières et le mésothélium malin primitif de la plèvre dont souffre la victime. Elle se met ainsi à l’abri de toute critique face à la position adoptée récemment par la Cour de cassation quant à l’implication d’un produit dans le développement d’une pathologie (M-F. Steinlé-Feuerbach, « Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : l’imbroglio de la causalité ! (Civ. 1ère, 20 mai 2013, n° 12-20.903 et Civ. 1ère, 10 juillet 2013, n° 12-21.314), JAC n° 137, oct. 2013). En matière d’amiante, la question du lien de causalité entre l’exposition et la pathologie a été réglée par le législateur lui-même (article 53 III, alinéa 4 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) car le mésothéliome malin de la plèvre figure sur la liste des maladies professionnelles occasionnées par l’amiante au titre de la législation de la sécurité sociale. Cette présomption légale, soulignée par la Cour de cassation en cas d’exposition des ouvriers à l’amiante (Civ. 2ème, 21 décembre 2006, n° 06-13.056 et n° 06-13.545 ; Civ. 2ème
, 25 octobre 2007, 06-21.392) est en l’espèce appliquée à l’épouse également exposée.

Le rôle actif de la chose étant reconnu, l’entreprise ne dispose guère de moyens d’exonération.

 

III. L’impossible exonération de la Sas Eternit

De manière générale, il est très difficile au gardien d’une chose ayant occasionné un dommage de s’exonérer.

La société ECCF tente de jeter le doute sur l’origine de la maladie en évoquant d’autres modes de contamination possible. La Cour écarte cette possibilité en citant un rapport parlementaire de 1997 (L’amiante dans l’environnement de l’homme : ses conséquences et son avenir, Rapport d’information n° 41 par le sénateur Henri Revol) selon lequel les mésothéliomes sont des « tumeurs pour lesquelles il n’y a aucun autre facteur de risque démontré que l’amiante et l’érinite (fibre minérale présente en Turquie) » ainsi que le rapport de la Haute Autorité de Santé de 2009 qui signale « l’exposition domestique par contact avec les vêtements de travail du conjoint ».

Par ailleurs, le défendeur soulève le fait que Mme Zoé S. a pu inhaler des fibres d’amiante dans les entreprises où elle a été elle-même employée. Là encore, l’argument ne pouvait être convaincant puisque les dites entreprises n’avaient aucun lien avec l’amiante.

La Cour note que le défendeur n’allègue ni la faute de la victime ni la cause étrangère. Il est vrai que de tels moyens de défense auraient été vains. Le fait pour la victime d’avoir lavé les vêtements de travail de son mari ne peut être fautif puisque l’entreprise ne se chargeait pas elle-même du nettoyage. La force majeure ne pouvait davantage prospérer sur le terrain de l’article 1384 alinéa 1 car il faudrait établir l’extériorité de l’événement par rapport à la chose elle-même (cf. not. Civ. 2ème, 6 mars 1959, Gaz. Pal. 1959, II, 12), c’est-à-dire par rapport aux poussières d’amiante, ce qui est impossible.

 

Il a été démontré que la SA ECCF est responsable de la pathologie développée par l’épouse de l’ouvrier liée à l’exposition à l’amiante à l’occasion  du nettoyage des vêtements de travail. Il est permis de supposer que ce cas pourrait fort bien ne pas rester isolé.

 

***

 

Cour d’appel Aix-en-Provence Chambre 10,  6 Novembre 2013
Confirmation N° 2013/441Numéro de rôle : 12/02246
Société ECCF – E-COMPETENCE CENTER FRANCE anciennement ETERNIT
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE (F IVA)
Numéro JurisData : 2013-029740

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence en date du 15 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/05382.

APPELANTE

Société ECCF – E-COMPETENCE CENTER FRANCE anciennement ETERNIT, SAS au capital de 30.500.000 Euros – Immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° B 712 018 324 – Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, […]

 

INTIME

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE (F IVA) Etablissement public administratif […]

 

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 2 septembre 1996 M. S. employé par la Sas Eternit dans l’établissement de Caronte à Martigues (13) du 17 avril 1958 au 9 décembre 1979 s’est vu reconnaître le 2 septembre 1996 par la Cpam des Bouches de Rhône le caractère de maladie professionnelle de la pathologie d’asbestose dont il était atteint et par jugement du 11 mai 2000 confirmé par arrêt de la cour d’appel d’ Aix-en-Provence du 15 mai 2001 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a estimé que cette maladie professionnelle était due à la faute inexcusable de l’employeur et l’a indemnisé sur la base d’un taux d’IPP de 10 %.

Le 17 novembre 2008 le diagnostic de mésothéliome pleural droit a été porté chez son épouse Mme Zoé S. qui, estimant avoir contracté cette maladie en lavant durant de nombreuses années les vêtements de travail que son époux, non informé par son employeur des dangers de l’inhalation des poussières d’amiante, ramenait de l’usine, a saisi le 30 décembre 2008 le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) d’une demande de réparation.

Celui-ci lui a notifié le 24 mars 2009 une offre définitive sur les bases suivantes :

– incapacité fonctionnelle : 2.103,10 euro outre une rente trimestrielle de 4.373 euro à compter du 1er janvier 2009 sur la base d’un taux d’incapacité de 100 %

– préjudices extra-patrimoniaux

* préjudice moral : 32.300 euro

* préjudice physique : 10.400 euro

* préjudice d’agrément : 10.400 euro

* préjudice esthétique : 1.000 euro

(total en capital 56.203,10 euro), laquelle, sur recours de la victime, a été confirmée par arrêt de la cour d’appel d’ Aix-en-Provence du 10 mars 2010 .

Par acte du 5 août 2010 le Fiva a fait assigner la Sas Eternit devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence pour l’entendre condamner sur le fondement de l’article 53-IV 3° alinéa de la loi du 23 décembre 2000 à lui rembourser les indemnités versées à Mme Zoe S.

Par jugement du 15 décembre 2011 cette juridiction a

– déclaré recevable l’action du Fiva

– déclaré la Sas Eternit seule et entièrement responsable de la maladie contractée par Mme S.

– condamné la Sas Eternit à payer au Fiva les sommes de

* 56.203,10 euro au titre des indemnités de réparation de l’incapacité fonctionnelle et du préjudice extra patrimonial avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation

* 4.373,50 euro au titre d’une rente trimestrielle à compter du 1er janvier 2009 avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation

* 1.500 euro au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile

– débouté les parties de leurs demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires

– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement

– condamné la Sas Eternit aux entiers dépens.

Par acte du 7 février 2012 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées la Sas E-Competence Center France (ECCF) venant aux droits de la Sas Eternit a interjeté appel général de la décision.

MOYENS DES PARTIES

La Sas ECCF demande dans ses conclusions du 5 mars 2013 de réformer le jugement

et de

Vu les articles 1382, 1383 et 1384 du code civil et 31 et 700 du code de procédure civile

A titre principal,

– déclarer irrecevable l’action subrogatoire du Fiva à son encontre

Subsidiairement,

– constater l’absence de preuve par le Fiva du lien de causalité de l’état de Mme S. avec son activité

– constater l’absence de preuve de la réalité des préjudices indemnisés à Mme S.

– déclarer mal fondée l’action récursoire engagée par le Fiva à son encontre et rejeter ses demandes

A titre reconventionnel,

– condamner le Fiva à lui verser la somme de 3.000 euro sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Elle soulève l’irrecevabilité du recours du Fiva, faute de démontrer être valablement subrogé dans les droits de Mme S.

Elle prétend d’une part, que la preuve du paiement subrogatoire n’est pas rapportée et d’autre part, que les pièces versées aux débats n’établissent pas le caractère primitif de la pathologie déclarée posé par l’ article 1er de l’ arrêté du 5 mai 2002 (‘mésothéliome malin primitif de la plèvre’) qui constitue un élément indispensable au diagnostic permettant à la victime, en vertu de l’article 53 III alinéa 4 de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000, de s’émanciper de la démonstration de l’exposition à l’amiante, de sorte que le Fiva aurait du saisir la commission d’examen des circonstances de l’exposition à l’amiante en vue de caractériser le lien pouvant exister entre la pathologie reconnue et l’éventuelle exposition de Mme S.

Elle conclut au rejet de l’action au fond au motif que rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’affection pulmonaire dont souffrait Mme S. était directement liée à l’inhalation de poussières d’amiante véhiculées par des vêtements de travail de son mari, les circonstances de son exposition à des poussières d’amiante, son intensité et sa fréquence n’ayant pu être déterminées, aucune expertise n’ayant été diligentée et les documents produits ne caractérisant pas des présomptions graves, précises et concordantes.

Elle prétend que les conditions de mise en jeu de l’ article 1384 alinéa 1 du code civil ne sont pas réunies dès lors que ce texte ne s’applique pas aux choses sans maître ou aux choses abandonnées que sont des fibres d’amiante de quelques microns de longueur qui ne sont pas identifiables et donc insusceptibles d’appropriation, que le gardien doit disposer d’un pouvoir effectif d’usage, de direction et de contrôle sur la chose au moment du dommage, qu’elle ne pouvait exercer son pouvoir de direction sur son salarié lorsque celui-ci avait quitté son poste de travail et que lors de la réalisation du dommage en décembre 2008 l’usine était fermée depuis 1979.

Subsidiairement, elle fait valoir que le Fiva ne rapporte pas la preuve sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil d’une faute en relation de causalité avec un dommage.

Elle fait remarquer que M. S. s’est vu reconnaitre un taux d’IPP de 10 % à la suite de son travail quotidien pendant 20 ans au sein de l’usine de Caronte alors que Mme S. a été nécessairement moins exposée, ce qui ne permet pas de retenir comme source unique et incontestable de son état une contamination par les vêtements de travail de son mari, lavés à la main de 1959 à 1964 puis à la machine jusqu’en 1978, les témoignages produits d’ordre général ou émanant de membres de la famille étant dépourvus de valeur probante.

Elle ajoute qu’aucun manquement à la réglementation sur la salubrité ou l’hygiène de l’usine n’a jamais été relevé à son encontre, l’inspecteur du travail n’ayant jamais adressé de mise en demeure, établi de procès-verbal, signalé des conditions de travail compromettant la santé des salariés.

Elle indique que de nombreux autres modes d’exposition sont possibles, que la contamination a pu aussi survenir en raison des conditions de travail antérieures de Mme S. qui a au vu de sa reconstitution de carrière a subi des arrêts maladie pendant une durée totale de 5 ans qui auraient pu conduire à son état de santé actuel, voire de son environnement personnel.

Le Fiva sollicite dans ses conclusions du 25 juin 2012

Vu l’ article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000

Vu les articles 1382, 1383 et 1384 du code civil et 564 du code de procédure civile

– dire recevable par application de l’article 53-IV 3ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000 son action récursoire, étant subrogé dans les droits de Mme S.

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions

– dire qu’il est suffisamment établi par les documents versés aux débats que Mme S. a été atteinte d’une pathologie (mésothélium pleural primitif droit) consécutive à l’inhalation de fibres d’amiante

– dire qu’il est suffisamment établi par les pièces versées aux débats que cette inhalation est intervenue alors que pendant 21 ans elle a nettoyé les vêtements de travail de son époux, M. S., lequel travaillait dans l’usine Eternit de Caronte et qui étaient imprégnés de fibres d’amiante

– dire que vivant à proximité immédiate elle a également été exposée de manière environnementale aux poussières d’amiante provenant de cette usine

– dire que les éléments produits, et notamment sa reconstitution de carrière, établissent à l’évidence qu’elle n’a pas elle-même été exposée à l’inhalation de fibres d’amiante dans le cadre de son activité professionnelle

– dire qu’il est établi par les pièces produites qu’il a bien procédé au versement effectif à Mme S. des sommes objets de son offre d’indemnisation confirmée par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en- Provence du 10 mars 2010

– dire que la responsabilité de la Sas Eternit aux droits de qui se trouve aujourd’hui subrogée la Sas ECCF est engagée sur le terrain de l’ article 1382 du code civil pour n’avoir pas pris les précautions nécessaires afin d’éviter que les poussières d’amiante qu’elle utilisait ne provoquent des dommages à des tiers

– dire que sa responsabilité est encore engagée sur le terrain de l’ article 1384 du code civil en sa qualité de gardienne des poussières d’amiante qui ont causé la maladie de Mme S. et dont elle ne justifie pas s’être dessaisie de la garde

– dire que la Sas ECCF est responsable de la maladie contractée par Mme S. de fait de son exposition aux poussières d’amiante et tenue d’en réparer entièrement les conséquences dommageables

– condamner en conséquence la Sas ECCF à lui rembourser les sommes de

* 2.103,10 euro et une rente trimestrielle de 4.3873,50 euro à compter du 1er janvier 2009

* 32.300 euro au titre du préjudice moral

* 10.400 euro au titre du préjudice physique

* 10.400 euro au titre du préjudice d’agrément

* 1.000 euro au titre du préjudice esthétique

– la condamner en outre par application de l’ article 566 du code de procédure civile à lui payer la somme de 53.216,99 euro au titre des rentes réparant le déficit fonctionnel de Mme S. et versées à celle-ci depuis l’assignation

– lui donner acte de ses réserves de demander ultérieurement le remboursement des sommes qu’il va être amené à verser aux ayant droits de Mme S., décédée des conséquences de sa pathologie liée à l’inhalation de fibres d’amiante dont elle était atteinte

– condamner la Sas ECCF à lui payer une indemnité de 5.000 euro sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile

– condamner la Sas ECCF aux entiers dépens.

Il fait valoir sur la recevabilité de l’action qu’il verse toutes les pièces comptables justifiant du versement effectif des fonds, qu’aucun texte légal ou réglementaire ne lui fait obligation de saisir la commission d’examen des circonstances de l’exposition à l’amiante, cette saisine n’étant prévue que s’il ne dispose pas des éléments nécessaires pour répondre à la demande d’indemnisation de la victime, que le dernier arrêt maladie de Mme S. remonte à 1983 soit 25 ans avant le diagnostic de mésotéliome malin certifié par le groupe Mésopath, que Mme S. n’était atteinte d’aucune autre pathologie néoplasique, de sorte que le mésothéliome ne pouvait être que primitif et souligne qu’une telle pathologie se déclare le plus souvent entre 10 et 40 ans après l’exposition.

Il considère sur le fond que le mésothéliome est une pathologie spécifique d’une exposition antérieure à l’amiante de sorte que l’ exposition de Mme S. ne saurait être contestée, que l’exposition domestique par le lavage des vêtements de travail imprégnés de poussières d’amiante de son mari est démontrée par de nombreuses attestations et les PV du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’établissement du site de Caronte et qu’aucun élément ne permet de caractériser l’existence d’une exposition autre.

Il soutient sur le fondement de l’ article 1384 du code civil que la Sas Eternit avait conservé la garde des poussières d’amiante se trouvant sur les vêtements de travail de ses ouvriers, l’absence d’exercice par la Sas Eternit de son pouvoir de contrôle sur la matière dangereuse produite par son activité étant à l’origine de la diffusion des poussières hors de l’usine par l’intermédiaire de ses préposés et, au-delà, de l’inhalation de celle-ci par des tiers.

Il prétend subsidiairement sur le fondement de l’ article 1382 du code civil que la Sas Eternit a indiscutablement commis une faute en ne veillant pas à préserver la santé de Mme S. et à empêcher que les poussières ne sortent à l’extérieur de l’établissement, alors qu’elle connaissait depuis de nombreuses années les risques de l’exposition à l’amiante sur la santé.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action du Fiva

sur le moyen relatif à la subrogation

Il résulte de l’article 53 VI de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000 que le Fiva subrogé à due concurrence des sommes versées dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage est en droit de demander sa condamnation à les lui rembourser.

Le Fiva n’agissant pas sur le fondement de la subrogation conventionnelle n’est pas soumis à l’exigence de l’établissement d’une quittance subrogative signée de la victime antérieurement ou concomitamment au paiement.

Il justifie, dans le cadre de la subrogation légale, du règlement effectif des fonds à Mme S. par la production de pièces comptables portant les numéros 20 et 41 de ses bordereaux n° 1 et 2 de communication du 25 juin 2012, étant rappelé qu’aux termes de l’ article 1341 du code civil la preuve du paiement, qui est un fait juridique, peut être rapportée par tous moyens.

Ce premier moyen d’irrecevabilité soulevé doit donc être écarté

sur le moyen relatif à l’absence de saisine de la commission d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante.

La saisine de cette commission n’est pas un préalable à l’indemnisation, n’ayant pas vocation à être saisie dans tous les cas.

Aux termes de cet article 53 III paragraphe 4 le Fiva « examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies : il recherche les circonstances de l’exposition à l’amiante et ses conséquences sur l’état de santé de la victime ; il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.

Vaut justification de l’exposition à l’amiante la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation sociale applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité, ainsi que le fait d’être atteint d’une maladie provoquée par l’amiante et figurant sur une liste établi par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale.’

L’ arrêté du 5 mai 2002 fixe la liste des maladies cette liste comme suit :

1° Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde et autre tumeurs pleurales primitives…..

L’ article 17 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au Fiva institué par l’article 53 de la loi 200-1257 du 23 décembre 2000 prévoit que ‘lorsque le lien entre la maladie et l’exposition à l’amiante n’est pas présumé établi en application de la deuxième phrase du quatrième alinéa du III de l’ article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée, le dossier est transmis à la commission d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante.  

Ainsi, la saisine de cette commission n’est requise que lorsque la présomption ne joue pas.

Or, Mme S. était bien atteinte d’un mésothélium malin de la plèvre, épithélioïde, tel que diagnostiqué le 27 novembre 2008 et confirmé par le groupe Mesopath du CHU de Caen, suivants certificats versés aux débats des 22 décembre 2008 et 20 janvier 2009.

Le caractère primitif de ce mésothélium ressort suffisamment des différents comptes- rendus médicaux particulièrement détaillés qui ne mentionnent et ne font référence à aucun état ou lésion antérieur, quel qu’il soit, et notamment une pathologie de nature néoplasique.

Sur le bien fondé du recours du Fiva

sur la responsabilité

L’ article 1384 alinéa 1 du Code Civil institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose inerte qui par son caractère ou sa position anormale est intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime. 

La Sa Eternit était gardienne des poussières d’amiante générées par son activité de fabrication et de commercialisation des matériaux en amiante ciment et plus précisément des plaques.

En sa qualité de propriétaire et exploitante de l’usine Caronte de Martigues, elle avait l’usage, la direction et le contrôle de ce produit toxique provenant des fibres d’amiante utilisées dans ses ateliers.

Elle conservait cette garde lorsque ces poussières étaient transportées à l’extérieur, notamment jusqu’au domicile de ses ouvriers par leurs vêtements de travail, veste et pantalon en toile de coton bleu, qui en étaient imprégnés et qu’elle leur fournissait gratuitement, tout en s’abstenant d’en assumer elle-même le nettoyage, leur laissant le soin individuel de procéder à cette tâche en dehors de ses locaux.

Elle ne peut prétendre avoir transféré leur garde à ses employés dès leur sortie de l’usine, la maîtrise sur la chose étant incompatible avec la qualité de préposé car celui-ci ne dispose pas de l’autonomie qui caractérisé la garde matérielle, la direction et le contrôle restant acquis au commettant dont il doit respecter les directives.

Elle a, par la même, exposé des tiers à ces poussières nocives puisque ces vêtements de travail étaient lavés par les épouses, ainsi qu’il ressort de plusieurs attestations concordantes versées aux débats par d’anciens ouvriers ou femmes d’ouvriers de l’usine de Caronte à Martigues et, notamment, de l’attestation de Mme Elizabeth T. en date du 3 septembre 2009 qui indique « avoir comme toutes les épouses des travailleurs d’Eternit dû secouer puis laver les vêtements de travail de mon mari, car son employeur refusait de prendre en charge le nettoyage desdits vêtements. J’ai toujours en mémoire une volée de poussière blanchâtre qui s’échappait de ses vestes et pantalons lors du secouage qui s’avérait obligatoire avant de les passer en machine (environ deux fois par semaine) car si je n’effectuais pas ce travail, ma machine laver à se trouvait en panne et se bouchait ».

Les deux enfants de Mme S. , Christian et Francine S., attestent d’ailleurs avoir vu leur mère procéder à ce nettoyage pour les bleus de travail de leur père qu’elle « secouait vigoureusement »  « dépoussiérait avec une tapette » avant de les introduire en machine.

Les procès-verbaux de réunion du CHSCT de l’établissement de Caronte témoignent que dès 1977 la question du nettoyage des bleus de travail par l’entreprise était à l’étude.

Et peu importe qu’au moment de la manifestation du dommage, en 2008, l’usine soit fermée depuis près de trente ans dès lors que la Sa Eternit était bien la gardienne des poussières d’amiante au moment du fait générateur de leur inhalation soit de 1960, date du mariage de Mme S. à 1979, date du départ de son mari de l’usine, étant rappelé que pour ce type de pathologie le délai de latence se situe entre 20 et 40 ans à compter de l’exposition.

Ces poussières d’amiante ont joué un rôle actif dans la pathologie présentée par Mme S. et été l’instrument du dommage.

Le lien de causalité direct et certain entre le mésothélium malin primitif de la plèvre dont elle a été victime et l’exposition à des poussières d’amiante est, en effet, légalement présumé pour les raisons ci-dessus exposées.

Et la Sa ECCF ne fournit aucune donnée de nature à combattre utilement la force de cette présomption simple.

Elle se borne à évoquer d’autres modes de contamination possibles, de façon générale, alors que selon les quelques extraits du rapport parlementaire de 1997 « L’amiante dans l’environnement de l’homme ses conséquences et son avenir’ qu’elle verse elle-même aux débats (pièce n° 3) » l’amiante inhalé peut provoquer des complications redoutables … les mésothéliomes, tumeurs pour lesquelles il n’y a aucun autre facteur de risque démontré que l’amiante et l’érinite (fibre minérale présente en Turquie).. Dans 70 à 90 % des cas on peut retrouver une exposition professionnelle à l’amiante ou une exposition para professionnelle (c’est-à-dire par contact avec un travailleur de l’amiante) …La maladie apparaît en moyenne entre trente et quarante ans après le début de l’exposition’ et que le rapport de la Haute Autorité de Santé de 2009 (pièce n° 2) qui définit l’exposition environnementale à l’amiante comme ‘une exposition à la pollution de l’air extérieur (environnement extérieur) et à celle de l’air ambiant (environnement ambiant) par des fibres d’amiante à l’exclusion des expositions professionnelles liées à un travail au contact de matériaux contenant de l’amiante’ fait notamment figurer parmi la pollution de l’environnement intérieur « l’exposition domestique par contact avec les vêtements de travail du conjoint et/ou conjointe (dont l’activité les amenait à intervenir sur des matériau x contenant de l’amiante)….. », étant souligné que M. S. a travaillé à l’usine de Martigues du 17 avril 1958, soit deux ans avant son mariage, au 9 décembre 1979, soit pendant plus de 20 ans et que l’origine professionnelle de la pathologie d’asbestose dont il était lui-même atteint a été reconnue en 1996 par sa caisse de sécurité sociale.

Elle fait également remarquer que Mme S. a, au vu de sa fiche de reconstitution de carrière, été en arrêt maladie en 1960, puis au cours des années 1979 à 1983 et que la pathologie à l’origine de ces interruptions n’a pas été explicitée par le Fiva ; mais elle n’a jamais sollicité quelque investigation sur ce point, alors que la charge de la preuve contraire à la présomption légale pèse sur elle.

Elle note aussi que Mme S. a travaillé pour trois entreprises différentes et a pu inhaler des fibres d’amiante dans ce cadre professionnel mais sans démontrer que leur secteur d’activité (librairie, centre d’ophtalmologie, ou banque) était de nature à créer un risque particulier.

Elle n’invoque aucune cause d’exonération, même partielle, de cette responsabilité de plein droit qui pèse sur elle vis à vis de Mme S. dans la mesure où elle n’allègue ni faute de la victime ayant participé à la production de son propre dommage ni cause étrangère à la fois extérieure, imprévisible et irrésistible, génératrice du dommage. 

Ainsi, la Sa ECCF doit être déclarée responsable de la pathologie liée à l’exposition à l’amiante contractée par Mme S. et tenue de réparer l’intégralité de ses conséquences dommageables.

Sur la réparation

Le Fiva justifie avoir versé à Mme S. en exécution de l’ arrêt de la cour d’appel d’ Aix-en-Provence du du 10 mars 2010 qui a confirmé son offre du 24 mars 2009 la somme de 56.203,10 euro soit au titre du préjudice moral : 32.300 euro, du préjudice physique 10.400 euro, du préjudice d’agrément : 10.400 euro, du préjudice esthétique : 1.000 euro, du préjudice fonctionnel un arriéré de 2.103,10 euro pour la période du 17/11/2008 au 31/12/2008 outre une rente trimestrielle de 4.373,50 euro à compter du 1er janvier 2009 payable à terme échu.

Cette rente, par le jeu de l’indexation, a représenté du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011 (paiement du 17 novembre 2011) la somme de 48.971,60 euro ; en effet, sur le relevé édité le 21 juin 2012, le dernier mandat y figurant en date du 16/12/2011 d’un montant 4.550,59 euro porte la mention « sans paiement ».

Le jugement sera donc confirmé sur le remboursement des paiements effectués par le Fiva en capital et modifié sur le remboursement des versements opérés en rente trimestrielle qui ont été actualisés en cause d’appel, étant précisé que Mme S. est aujourd’hui décédée.

Sur les demandes annexes

Le « donné acte » d’un fait ou d’un acte à une partie ne pouvant consacrer la reconnaissance d’un droit, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du Fiva de lui « donner acte » de ses réserves sur une action ultérieure du fait des indemnités qu’il va être amené à verser aux ayants-droit de Mme S.

La Sa ECCF qui succombe dans sa voie de recours supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile .

L’équité commande d’allouer au Fiva la somme complémentaire de 2.500 euro au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Confirme le jugement

hormis sur le montant du remboursement de la rente trimestrielle à compter du 1er janvier 2009.

Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

– Dit que la rente trimestrielle de 4.373,50 euro indexée représente pour la période du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011 la somme de 48.971,60 euro.

– Condamne la Sas E-Compétence Center France à payer au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante les sommes de

* 48.971,60 euro au titre de la rente trimestrielle du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011.

* 2.500 euro sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile .

– Déboute la Sas E-Compétence Center France de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés devant la cour.

– Dit n’y avoir lieu de donner acte au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante de ses réserves.

– Condamne la Sas E-Compétence Center France aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’ article 699 du code de procédure civile .