Journée nationale de la Déportation et 101ème anniversaire du déclenchement du génocide arménien

Mr François Rochebloine

Ce matin j’ai participé à St Chamond, devant la stèle Lamartine aux cérémonies commémoratives de la Journée nationale de la Déportation, instituée pour rappeler la libération des camps nazis de la seconde guerre mondiale.

La communauté arménienne de St Chamond avait tenu à s’associer à cette démarche et à commémorer sur ce même lieu l’anniversaire du 101ème anniversaire du génocide Arménien.

J’ai tenu à remercier la FNDIRP et le Comité du 24 Avril pour cette organisation conjointe et pleine de sens. La correspondance est désormais évidente et largement établie entre les évènements de 1915 qui virent 1,5 millions d’Arméniens exterminés dans l’ex-empire Ottoman par le Gouvernement Jeunes Turcs et le processus qui devait conduire à la Shoah.

Mon message du 24 avril 2016

Mesdames, Messieurs, chers amis,

(…) Nul ne doit l’ignorer, le génocide Arménien fut le premier des génocides du 20ème siècle. 

Le lien est donc évident avec la Déportation et la Shoah, puisque hélas l’histoire s’est répètée : des rafles décidées par les jeunes Turcs de 1915, aux heures les plus sombres de la seconde guerre mondiale, avec ces jours de honte et de larmes qui, à l’image de la rafle du Vel’d’hiv, doivent interpeller durablement les consciences, c’est le même processus d’extermination. 

D’ailleurs, « Qui se souvient des Arméniens ? » 

Cette phrase tristement célèbre, qu’il convient de rappeler inlassablement, résonne encore et toujours avec une étrange actualité. Car après le temps des crimes, suprême déni de justice, les bourreaux et leurs complices n’ont eu de cesse de renvoyer dans la fosse commune de l’oubli et de la négation, toutes les victimes de 1915.

Le négationnisme est un crime contre la mémoire, il constitue de manière intentionnelle, le prolongement du crime lui-même car il en appelle d’autres. Notre réponse est claire :
« Plus jamais ça ! » et « Qui cautionne le génocide, le perpétue ! »

Il nous faut trouver en effet les mots justes pour dire que nous sommes là pour rendre justice, préserver la mémoire de tous les martyrs, de toutes les victimes de cette même folie destructrice et planifiée, qui s’est abattue en 1915 sur le peuple Arménien, et moins de 20 ans plus tard sur l’Allemagne puis l’Europe. 

Leu nombre ne sera jamais connu, mais ce décompte sordide n’a plus d’importance : seul compte l’ordre de grandeur, l’ampleur du désastre.

En ce 24 Avril, journée du souvenir, rappelons la portée universelle des grands principes qui fondent nos institutions et de notre système de valeurs. Cela doit nous conduire à n’accepter aucune compromission : pas plus avec les états terroristes qu’avec les régimes sanguinaires, et pas davantage avec les républiques bananières !

Le silence doit être brisé, la vérité clamée à chaque fois que cela est nécessaire, à chaque fois que nous accomplissons notre devoir de mémoire, en rappelant la réalité du Génocide de 1915, la réalité des actes de barbarie de la déportation, le système concentrationnaire, l’élimination systématique des opposants politiques, l’extermination planifiée des juifs ou des tziganes, à chaque fois nous exprimons notre révolte, notre indignation, nous en appelons à la conscience humaine universelle.

L’absence de sanctions à l’égard du négationnisme est inacceptable, et nous réclamons une réponse pénale, à chaque fois que l’on s’en prend à la mémoire, quelles que soient les victimes de la barbarie, mais à fortiori les victimes de tous les génocides et crimes contre l’humanité.

Permettez-moi de souligner qu’il faut sortir de l’impasse dans laquelle le Conseil constitutionnel nous a placés avec l’annulation de la loi Boyer. Il faut combler le vide juridique actuel, alors que le racisme et le négationnisme sous des formes très insidieuses et tout aussi dangereuses pour notre pacte républicain se développent.

Face à ces dérives, il y a lieu de faire preuve d’une extrême vigilance collective.

Si l’on ne fait rien, si l’on ne dit rien, qui se souviendra des Cambodgiens, des Tutsis, des Tibétains, ou de toutes ses minorités qui sont menacées dans leur existence même, encore aujourd’hui ? A l’heure où nous assistons impuissants à des vagues de réfugiés chassés de leur terre par la guerre et le terrorisme, pouvons-nous rester sourds aux appels ? Pouvons-nous ignorer les revendications des peuples opprimés du Moyen Orient, d’Afrique ou d’Asie ? 

Nous Français, sommes collectivement dépositaires de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, de ces valeurs les plus fondamentales, celles précisément à partir desquelles nous avons combattu et vaincu le fascisme, le nazisme, les totalitarismes de la seconde guerre mondiale.

En cette période de graves incertitudes et de menaces pour l’avenir, souhaitons que l’Europe s’épargne la répétition des terribles erreurs du passé, et que notre continent ne perde pas de vue l’essentiel, qu’il reste solide sur ses bases, qu’il soit fidèle à ses valeurs, qu’il soit suffisamment fort pour les faire partager. 

C’est d’ailleurs à partir de ce bloc de convictions que nous avons obtenu en 2001 la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien. Je suis fier, à titre personnel, d’avoir été l’un des contributeurs et le rapporteur de cette première loi de reconnaissance. Cette loi française à ouvert la voie à bien d’autres reconnaissances dans le monde. C’est une question de justice et c’est une impérieuse nécessité parce que la menace, n’a pas disparu, il faut rompre l’isolement que l’on tente d’imposer à l’Arménie.

C’est à partir de cette même conviction qu’avec plusieurs collègues parlementaires, nous avons constitué au niveau national, le Cercle d’amitié France-Karabagh, au nom de la liberté et du principe d’autodétermination des peuples, car les Arméniens du Karabagh n’aspirent qu’à une chose : vivre en paix et en liberté. Malheureusement, les violentes agressions de l’Azerbaïdjan du début du mois, viennent nous rappeler que la volonté de guerre reste entière.

Malgré cela, nous voulons croire à la force du dialogue pour retrouver les voies d’une paix durable entre les peuples du Sud Caucase. De même, nous souhaitons tous l’apaisement entre les communautés. Dès lors, notre devoir est d’aider à la réconciliation, comme nous l’avons fait entre Européens, tirant en cela les leçons de la tragédie des deux Guerres mondiales. La Turquie doit renoncer au négationnisme d’Etat et assumer son passé, comme l’Allemagne l’a fait en son temps. 

Mesdames, Messieurs, mes chers amis,
La République Française doit être intransigeante sur ses principes et  refuser les misérables compromissions que l’on nous propose sur fond de transactions commerciales ou de marchés de dupes. 

Nous sommes tous appelés à participer à ce travail de mémoire, à ce juste et légitime combat pour la vérité. Il en va de notre responsabilité collective, il est de notre devoir de faire progresser la Liberté, la fraternité, et tous les idéaux qui ont fait la grandeur de notre pays. Plus largement, soyons conscients qu’il en va ainsi de la paix du monde.

Je vous remercie.

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