journee en faveur des droits des victimes 7 novembre 2014

Carole Damiani 
Directrice de Paris-Aide -aux victimes (PAV) chargée de mission à l’Inavem • Docteur en psychologie 
nous fait compte rendu de la JOURNEE EN FAVEUR DES DROITS DES VICTIMES – 7 NOVEMBRE 2014 « L’aide aux victimes d’actes de terrorisme et d’accidents collectifs », Chancellerie, Paris.

 

1)    Ouverture par Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la justice. 

Dans son introduction, La Garde des Sceaux précise qu’il ne s’agit pas d’instrumentaliser les victimes mais d’améliorer les dispositifs pour les victimes qui sont des personnes, sujet de droit, le but étant de les aider à dépasser cet état et des les accompagner autant que nécessaire, avant, pendant et après le procès. 

2013 est une année où des efforts financiers ont été consentis pour que les AAV aient les moyens de se déployer sur le territoire national. Sur les 3 dernières années, l’augmentation budgétaire a été de 26%, 8% et 22% pour aboutir à une enveloppe  prévisionnelle de 16 850 000 d’euros en 2015. 

La Garde des Sceaux a mandaté une députée, Nathalie Nieson,  pour effectuer une mission d’expertise de « diversification des ressources ». 2 sources nouvelles ont été étudiées :

  • Le prélèvement mensuel sur le pécule des détenus
  • La sur-amende. Ce texte a été supprimé de la Loi du 15 août 2014 (Loi sur la prévention de la récidive) par le Conseil Constitutionnel.  Cette ressource qui ne sera donc exploitée sera compensée partiellement par une augmentation du budget. 

La Chancellerie travaille à une nouvelle formule qui ne sera pas frappée d’anticonstitutionnalité (projet que cette nouvelle Loi soit promulguée en 2015):

  • En priorité : 20% d’abattement consentis sur les amendes (10 à 20% a priori)
  • Relever la taxe des droits fixes de procédure. Ils n’ont pas été relevés depuis 1993 sauf pour l’Aide Juridictionnelle. 

La Garde des Sceaux évoque ensuite la question de l’articulation de la prise en charge des victimes au niveau départemental. Cette prise en charge doit être pluridisciplinaire,  avec des pratiques croisées et une diversification des partenariats. Elle prône donc de :

  • dynamiser les collectivités locales en lien avec les structures nationales
  • moderniser les pratiques en généralisant les Bureaux D’Aide aux Victimes (BAV)
  • évaluer le travail de ces BAV et de rédiger des recommandations sur la base des expérimentations en cours et d’un audit qui permettra de les ajuster, ce qui a été fait via l’audit de la DSJ en 2012 et 2013 qui a fait des préconisations.
  • améliorer et généraliser l’offre généraliste tout en l’individualisant, en envisageant la victime comme un sujet.

3 innovations sont prévues :

1 – Le suivi individualisé des victimes.
Pour se conformer à la Directive Européenne du 25 octobre 2012 sur l’établissement des normes minimales concernant le droit, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, et en lien avec l’Inavem, 7 TGI servent d’expérimentation depuis juin 2014. La plupart des dispositions de cette directive étaient déjà présentes dans notre droit français, mais celles qui instaurent l’évaluation individualisée des victimes seront transposées en procédure accélérée (art. 22 : Le droit de toutes les victimes de bénéficier d’une évaluation de leurs besoins de protection). Après évaluation, cette expérimentation sera généralisée, ce qui nécessitera un million 680 000 euros de budget qui sera octroyé en 2 temps à partir de 2015.

2- La Protection des victimes de violences dans le couple (ou ex-couple).
Les Téléphones Grand Danger (TGD) seront généralisés. A ce jour, 158 femmes et 259 enfants ont bénéficié de cette mesure. La mise en œuvre est plus difficile pour les Dom TOM (difficulté à trouver un opérateur). Aujourd’hui, un groupe de travail sur l’enfant témoin a été initié au Ministère (dans le cadre du CNAV).

3- La Loi du 15 août 2014 sur la prévention de la récidive, l’exécution des peines ouvre des droits  supplémentaires pour les victimes durant l’exécution des peines. Des expérimentations de justice restaurative sont en cours.

Enfin, le CNAV a mis en œuvre 2 groupes de travail : sur l’indemnisation et l’expertise et sur les enfants témoins.

En ce qui concerne le thème de cette journée, c’est-à-dire les victimes d’actes de terrorisme et d’accidents collectifs :

 

1-     Le terrorisme

Le gouvernement a soumis un texte adopté le 16 octobre 2014 avec des dispositions nouvelles et notamment :

  • La création d’un délit d’entreprise individuelle de terrorisme
  • L’interdiction administrative de sortie et d’entrée du territoire en cas de suspicion de future commission de faits terroristes
  • L’assignation à résidence
  • La condamnation de l’apologie  du terrorisme par des réseaux

Par ailleurs, une plate forme téléphonique et numérique a été créée pour faciliter le signalement notamment par des familles (ce qui aurait empêché 70 départs en 2014). Le Personnel pénitentiaire a été appelé à une vigilance. Il participe maintenant activement à une cellule mise en place par le Ministère de l’Intérieur pour améliorer les signalements.

L’UCLAT (Unité de Coordination de la Lutte anti terroriste) du Ministère de l’Intérieur  fonctionne en lien avec le Ministère de la Justice.

Le Ministère de la Justice et le Ministère de l’Education Nationale ont un projet de recherche-action (projet interministériel) pour créer des outils de repérage de l’endoctrinement et mettre en place des dispositifs. Il est à noter que les personnes qui se radicalisent ne sont pas uniquement des personnes repérées ou déjà incarcérées. Il faut donc repérer des indicateurs fiables.

2-     Les accidents collectifs
La garde des Sceaux rappelle que 2 juridictions sont spécialisées pour le traitement des accidents collectifs : Paris et Marseille, notamment pour les accidents qui impliquent des nationaux sur tout le territoire. Lorsque l’accident est local, la procédure ne sera pas obligatoirement délocalisée.
Le décret est à signer.

2)    Table ronde n°1 : La spécificité de l’événement survenu à l’étranger : le centre de crise du Ministère des Affaires Etrangères et du Développement International et les associations.

 

En introduction, Eric Lucas, Secrétaire Général du Ministère de la Justice, précise que des dispositifs ont été formalisés à partir de 2000 et qu’ils ont donné lieu à un guide méthodologique édité par le Ministère de la Justice et dont les principes sont les suivants :

1)     L’instauration d’une instance de coordination – modélisée sur le principe du « guichet unique » pour les actes terroristes –  en lien avec le SADJAV.
2)     La création d’une cellule de suivi des victimes par le SADJAV qui évalue les besoins des victimes en termes d’indemnisation et de secours.
3)     L’indemnisation par des principes dérogatoires au droit commun : FGTI et ONAC notamment pour les actes terroristes et convention d’indemnisation amiable en situation d’accident collectif.

 

Quels sont maintenant les dispositifs mis en place pour les victimes françaises à l’étranger et les perspectives :

Annick Etienne-Diener, Chef de l’Unité des Affaires individuelles, Centre de Crise du Ministère des Affaires Etrangères.

Cette cellule a été créée en 2008 (en même temps que le centre de crise). Elle a en charge la sécurité des français à l’étranger dont les victimes d’actes de terrorisme et d’accidents collectifs, avec 3 missions :

1-     Les français décédés à l’étranger (actes de terrorisme, accidents collectifs, homicides…)
2-     Le suivi des familles de personnes faisant l’objet de disparitions inquiétantes
3-     Le suivi des familles d’otages

Le travail s’effectue en lien avec les postes diplomatiques pour obtenir rapidement des informations fiables et certaines car la pression médiatique est très forte.
Le travail avec les familles est important et se fait en lien avec le SADJAV, l’INAVEM et la FENVAC. Ce travail peut s’effectuer dans la durée et notamment pour les familles d’otages. Le travail de communication est important avec les élus concernés, les maires, les parlementaires…
Dans le cas d’accidents collectifs, les coordonnateurs nommés par le Ministère  prennent le relais.

Stéphane Gicquel, Secrétaire général de la FENVAC

Il commence par évoquer la spécificité des victimes françaises à l’étranger (culture, système, droit différents et compliqués…) puis la qualité du travail de la Cellule du MAE. Depuis sa création, l’information et la prise en charge des familles se sont considérablement améliorées grâce notamment à une meilleure collaboration avec des interlocuteurs identifiés. Stéphane Gicquel évoque ensuite le guide « Etre victime à l’étranger ».

Les difficultés spécifiques rencontrées par les familles de français victimes à l’étranger:

  • L’identification des corps qui « appartiennent » à l’Etat où l’accident/homicide s’est produit. L’Etat français est donc tributaire de ces Etats.
  • La question de l’avocat « local » dans des pays où l’ouverture d’information judiciaire est moins facile qu’en France.
  • Les intérêts divergents entre familles / Justice / Diplomatie qui aggravent le sentiment d’impuissance des familles alors qu’elles voudraient être mieux défendues par leur Etat d’origine. Pour Stéphane Gicquel, le défi est donc  d’une part l’équité pour toutes les victimes d’accident quel que soit le lieu de survenance de l’événement et d’autre part, une plus grande coopération avec les opérateurs touristiques et les transporteurs impliqués. La mise en place de procédures spécifiques (ex. la récupération de PV de Police) et la mutualisation des moyens au sein de  « pôles accidents collectifs » permettraient l’amélioration de la prise en charge des victimes et de leur indemnisation.

 

Françoise Rudetzki, déléguée « terrorisme » à la FENVAC.
Françoise Rudetzki rappelle 30 années de parcours auprès des victimes de terrorisme, quel qu’en soit la forme. Elle note l’évolution favorable concernant l’identification, le rapatriement et la restitution des corps (la cellule du MAE a pris le relais de SOS attentats), l’augmentation des délais de prescription, la création du Fonds de Garantie, la reconnaissance comme victime civile de guerre, mais il reste encore du chemin à parcourir : des informations judiciaires ne sont pas toujours ouvertes, l’ONU propose l’impunité des crimes et des actes de terrorisme commis contre les journalistes uniquement, certaines chefs d’Etat bénéficient encore de l’impunité. Françoise Rudetzki termine son propos en appelant à toujours plus de solidarité et de réactivité.

Sabrina Bellucci Directrice de l’INAVEM
Sabrina Bellucci rappelle la systématisation de la démarche pro active en faveur des victimes (art 41 CPP) et la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire des victimes de l’urgence jusqu’au suivi.
Elle reprend ensuite la Directive Européenne du 25 octobre 2012 et notamment les articles 17 et 22 précisant d’une part que les personnes victimes dans un pays étranger doivent bénéficier des mêmes droits que dans son pays d’origine (art 17), et que, d’autre part, (art 22) les victimes d’actes du terrorisme bénéficient d’une disposition particulière de prise en charge et d’une évaluation personnalisée de façon à s’assurer de leurs besoins en termes de protection (intimidation, représailles…). Des méthodes leur seront proposées pour leur éviter la confrontation avec les auteurs (visio conférences…).
Le guide « être victime à l’étranger » sera réactualisé avec des fiches spécifiques. Par ailleurs, des fiches en 39 langues ont été rédigées dans le cadre « Victim Support Europ ». Sabrina Bellucci appelle enfin à une réactualisation de guide sur la prise en charge des victimes d’accidents collectifs du ministère de la Justice, qui date de 2004.

 

3)    Table ronde n° 2 : Les aides et l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme.

Nathalie Faussat, Directrice du FGTI(Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions)
Nathalie Faussat introduit son propos en rappelant l’historique du FGTI, sa création et son évolution. Elle rappelle le principe de solidarité nationale qui le soutient.
A chaque survenance d’acte de terrorisme survenant en France ou impliquant des français à l’étranger, le Procureur informe le FGTI immédiatement et lui adresse la liste des victimes concernées. Le FGTI prend contact avec chaque victime pour l’aider à constituer son dossier d’indemnisation.
Depuis le 6 octobre 2008, le principe du guichet unique de service public a été instauré (soins, secours, action sociale, indemnisation…). Il a été mis en place à 2 reprises à Levallois en 2009 (pour les victimes de l’attentat du Caire) et au Ministère de la Justice en 2011 (pour les victimes de l’attentat de Marrakech).
La rapidité de la réponse du FGTI est liée à la qualité de l’information et à la qualification de l’acte avant même la décision judiciaire. Cette qualification est effectuée par le conseil d’administration du FGTI avec les éléments fournis par le Parquet le MAE mais sans avoir accès au dossier pénal.
Les faits antérieurs à 1984 ne peuvent être traités par le FGTI.

Aujourd’hui, le CA du FGTI travaille :

  • à la revalorisation du référentiel indemnitaire
  • à l’institutionnalisation du préjudice d’affection des familles d’otages
  • à une provision de 80% de l’offre définitive
  • à la transformation du préjudice spécifique des victimes du terrorisme en préjudice exceptionnel des victimes du terrorisme avec une majoration de 60%
  • à la création de 3 cercles de victimes en fonction de leur degré de proximité (cercle 1 au plus proche de l’événement et des victimes / cercle 2 plus éloigné / cercle 3 les proches de victimes décédées).

Ce qui est encore à améliorer :

  • L’information des autres sources indemnitaires perçues par les victimes
  • L’expertise médicale unique avec un expert pivot qui rédigerait le tronc commun. Il n’y a pas de base juridique. C’est une pratique ponctuelle mais non généralisée. Remarque de la salle : le FGTI devrait être intégré dans l’expertise.

Christel Augustin, Chef du département solidarité, ONAC
L’ONAC a été créé sous l’égide du Ministère de la Défense en 1917 et a intégré les victimes civiles de guerre et d’actes de terrorisme en 1990. Il traite des droits à réparation des pensions d’invalidité et bénéfice d’un maillage territorial par département.
La procédure est longue avec des expertises, mais elle donne accès à des soins médicaux gratuits et au statut de pupille de la nation pour les victimes mineures (jusqu’à 21 ans) et les enfants de victimes du terrorisme blessées ou décédées. Ce statut législatif est prononcé par un jugement du tribunal de grande instance. C’est un statut protecteur même si les parents ont survécu puisque ces enfants peuvent avoir une aide financière pour leurs études, des droits…
En 2014, 115 enfants bénéficient de ce statut (victimes directes des attentats du Caire et de Marrakech, de M. Merah ; une trentaine d’enfants de victimes décédées ; et des enfants de parents blessés).
L’ONAC propose une aide administrative et un accompagnement pour l’obtention des pensions d’invalidité, une aide financière, une aide à la formation et à la reconversion professionnelle. Il n’y a pas de délai de « prescription », la demande peut s’effectuer à tout moment.
La couverture : les victimes d’actes de terrorisme en France, quelle que soit leur nationalité, et les victimes françaises à l’étranger.
Le guichet unique interministériel est une avancée car l’information des victimes est plus rapide et complète mais ensuite, l’effort doit se poursuivre dans la durée. Cette dernière remarque est complétée par François Molins, Procureur de la République : Le guichet unique est prévu par la circulaire de 2008 et se devrait d’être amélioré par des dispositions plus souples (la circulaire prévoit un guichet unique en département lorsque les faits se produisent en France et à Paris lorsque les faits se produisent à l’étranger) pour que le Ministère de la Justice puisse être maître d’œuvre  lorsque plusieurs départements sont impliqués.

 

4)     Les retours d’expérience et les perspectives : La prise en charge par l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et les CUMP.

Didier Cremniter, Référent national des CUMP.
L’EPRUS est un opérateur de santé créé en 2007 par le Ministère de la Santé et de l’Intérieur. Sa mission a été renforcée par le décret 2013. Il veille aux stocks stratégiques de produits de santé et à la constitution d’un corps de réserve sanitaire (professionnels de santé volontaires).
Les CUMP ont été mobilisées lors de la survenance d’actes de terrorisme et d’accidents collectifs. Didier Cremniter estime que les victimes devraient être suivies par les mêmes équipes dans l’urgence et lors du suivi pour préserver une continuité.

 

5)    Table n° 3 : La coordination du dispositif de prise en charge des victimes

Philippe Cebe, Coordonnateur national de la prise en charge des victimes de l’accident ferroviaire de Brétigny Sur Orge (Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie).
Philippe Cebe a eu une feuille de route mais avec une mission non codifiée. Il l’a accomplie avec l’appui du SADJAV, de l’INAVEM et de la FENVAC. Il a travaillé également en lien avec le Parquet d’Evry, les assurances et les mutuelles, les coordonnateurs nommés par la SNCF et RFF, le courtier d’assurance de ces 2 sociétés.
La priorité absolue a été d’obtenir rapidement une liste des victimes fiable. Les victimes ont pu être recensées, mais leurs résidences étaient dispersées sur le territoire. Le coordonnateur n’est pas en lien direct avec des victimes, mais il s’appuie sur le réseau d’AAV.
La mobilisation, la communication, la reconnaissance immédiate de sa responsabilité et les réponses rapides de la SNCF aux besoins des familles ont facilité sa tâche et la mobilisation dans les plus brefs délais du réseau INAVEM.

2 observations générales :

  • Le savoir-faire du SADJAV et du réseau INAVEM
  • La confirmation de la spécificité des accidents collectifs de transport

2 observations particulières :

  • La valeur ajoutée d’une coordination
  • La création d’un lien et d’un dialogue entre acteurs avec des échanges, une confiance qui a pu améliorer les prises en charge des victimes

1 mission de coordination qui suppose :

  • Une disponibilité
  • Des moyens (secrétariat…)
  • La question de la fin de la mission : 2 ans ? la durée de la convention d’indemnisation ?

2 questions :

  • Comment prendre en charge les syndromes psychotraumatiques différés et durables
  • Comment pérenniser les prises en charge des victimes d’accident de transport, où ? comment ? avec qui ?…

Eric Lallement, Procureur de la République près le TGI d’Evry
Le Parquet a été mobilisé dès les premières minutes. Il a coordonné les missions judiciaires. 5 jours après l’accident, le Procureur a organisé une réunion pour mettre en place une cellule d’indemnisation des victimes en lien avec le coordonnateur du Ministère des Transports. Le Procureur a donc participé aux réunions de la cellule de coordination. Il a été signataire de la convention et a participé à la réunion d’information des familles du 28 septembre 2013 avec les Présidents de la SNCF, de RFF, le réseau INAVEM, le SADJAV et le Barreau. Il relève l’importance du soutien des associations et des explications apportées par les enquêteurs et les services judiciaires.
Sa 2ème priorité a été la mise en place d’un cadre collectif d’indemnisation avec une convention, l’organisation des expertises et l’individualisation des indemnisations.
16 mois après : les victimes se sont regroupées en association de victimes au sein de la FENVAC. Elles ont été destinataires d’informations sur l’enquête, de rapports d’informations sur l’amélioration de la maintenance des infrastructures.

Remarques :

  • Le flux continu de déclarations de préjudices corporels de 120 à 200 en raison du développement de syndromes psychotraumatiques.
  • La question de l’accès aux soins des victimes
  • Les victimes encore non consolidées
  • La reconnaissance d’un préjudice exceptionnel
  • L’égalité de traitement des victimes
  • Les délais de convocation aux expertises parfois courts et pas toujours bien vécus

A ce jour, 173 offres d’indemnisation ont été effectuées.
La coordination suppose un fonctionnement régulier, des réunions mensuelles et des échanges. L’exigence de transparence et de traçabilité maintient la pression sur la SNCF et son assurance.
16 mois après, quelle est la place du Procureur ? Quelle est la place de l’institution judiciaire ?

  • Le temps judiciaire et le temps des victimes ne sont pas les mêmes
  • Le temps judiciaire se déroule en 3 temps : crise, enquête, procès
  • Pour les victimes, se posent 2 questions : la vérité et la réparation et ce, dans de bonnes conditions et le plus rapidement possible.

D’où 2 réflexions :

1-     La crise a mobilisé 3 institutions : le Préfet, le Procureur qui ne s’exprime pas, la SNCF qui communique, qui assume ses responsabilités, qui rassure la population en partance pour des vacances (l’accident a eu lieu le 12 juillet). L’identification formelle des victimes décédées est un temps difficile pour les victimes mais les experts doivent d’abord vérifier, avoir des certitudes, même si ce temps est insupportable pour les familles.

2-     L’enquête est un temps secret (relatif) de recherche de vérité. Les victimes et l’opinion publique veulent des informations, savoir la vérité par tout moyen. Or, il est difficile de trouver des experts spécialisés en accident ferroviaire très vite. Il faut confier l’enquête à un groupe spécialisé local ou national et cela demande un certain temps. Généralement ces groupes d’enquêteurs sont plus spécialisés en matière de crime que d’accident ferroviaire. Eric Lallement a fait le choix du SRPJ de Versailles. L’enquête judiciaire est doublée d’une enquête administrative menée par le BEA TT (BEA Transports Terrestres).

Ce temps d’enquête, temps de « secret » autorise tout de même 3 « fenêtres de communication » :

a)     Le jour de l’ouverture d’information : point presse 48 heures après la validation des premières hypothèses
b)     La réunion d’information des victimes du 28 septembre 2013. Les victimes ont pu avoir un dialogue direct, non médiatisé, avec les différents acteurs du dispositif.
c)      Le point presse après les expertises en 2014, où les interlocuteurs restent neutres car le débat judiciaire nécessite des questions / réponses validées.

Nous sommes donc encore dans un temps d’enquête qui est un temps « mort » pour les victimes. Parallèlement, le droit à réparation se met en place, grâce au travail de la cellule de coordination qui œuvre à un règlement à l’amiable.

Nous ne sommes pas encore au temps du procès. Il faut d’abord dénouer les responsabilités, la vérité sur les causes. Les victimes peuvent avoir confiance lorsque le dispositif est adéquat. Le Procureur insiste sur l’importance de la réunion d’information des familles du 28 septembre et de la mobilisation de l’INAVEM, diffuseur d’information, et de son réseau. L’INAVEM a fonctionné comme relais et diffuseur d’information entre les victimes et la SNCF et comme médiateur entre l’appareil judiciaire et les victimes.

Parfois, on a pu observer des relations de défiance en raison de malentendus lorsque les victimes ont des attentes illusoires (ex. une condamnation pour assassinat). L’intensité du débat peut donc émousser la confiance.

Le règlement à l’amiable est très important à 3 conditions :

1)     La SNCF a reconnu entièrement et a assumé sa responsabilité dès le début
2)     Les victimes ont accepté d’entrer dans le processus de règlement à l’amiable
3)     La nomination d’un coordonnateur Haut Fonctionnaire, indépendant de l’institution judiciaire mais qui a des compétences juridiques et de conciliation.

6)    Nathalie Riomet, Chef du SADJAV (Service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes, Ministère de la Justice)

Les spécificités des victimes d’accidents collectifs et d’actes de terrorisme sont les suivantes : pas de régularité, la dispersion, la multiplicité des situations et des acteurs à mobiliser… ce qui oblige les pouvoirs publics à être prêts et à être constamment dans la prévention.
Le guide sur la prise en charge de ces victimes est en cours réactualisation et pour ce faire, il faut aujourd’hui capitaliser les retours d’expérience et les éléments doctrinaux, et en tirer des enseignements. Où en est la réflexion du SADJAV aujourd’hui :

1)     Réflexion sur la rénovation, la réactualisation sur « ce qu’on doit faire » grâce à l’apport de chacun. Relever la valeur ajoutée d’un coordonnateur.
2)     Ecrire et enseigner
3)     Les demandes fortes des victimes directes et indirectes nécessitent des réponses, une coordination des acteurs et l’articulation des besoins des victimes dans la durée.
4)     Il existe un savoir-faire dans l’urgence de la cellule du MAE, on peut encore progresser.

Pour le Ministère de la Justice ?
Le Ministère de la Justice a la compétence mais pas les moyens d’un accompagnement de qualité sur tout le territoire, ce qui suppose des formations pour diffuser les compétences. Les victimes doivent accepter les temps morts mais trouver des interlocuteurs quel que soit le moment de la procédure judiciaire, au niveau local et national.
Un groupe de travail est à l’œuvre pendant les 6 mois à venir avec la FENVAC et Françoise Rudetzki, mais ce groupe a besoin de remontées d’informations, d’articles, de rapports. 2 questions se posent : la place des avocats et le besoin très important de certificats médicaux dès l’urgence (CUMP).

7)    Clôture de François Molins, Procureur de la République près le TGI de Paris

1-     1er point : La déontologie : Quel que soit l’intérêt pour les victimes, nous l’obligation de la loyauté envers la Loi et donc veiller à la garantie des droits des victimes et à l’équilibre des droits des différentes parties. Il faut éviter l’instrumentalisation des victimes.
2-     2ème point : Les actes de terrorisme sur le territoire parisien : 65 victimes en 2014.
Il y a aujourd’hui une dynamique réelle avec le FGTI et une coordination essentielle avec l’INAVEM. Un dispositif existe au Parquet mais il est perfectible. Il faut savoir aller au-delà des textes et prévoir un référent victime.
Nous avons l’obligation du secret, mais qui ne nous empêche pas de transmettre des copies aux avocats. Se pose également la question de la constitution de partie de la FENVAC dans certaines procédures (ex. Carlos) qui nécessite une évolution jurisprudentielle pour que la FENVAC puisse représenter les victimes dans ces procédures et les accompagner.
Aujourd’hui, il y a une accélération de la déclaration de décès (5 jours) grâce à la centralisation des informations (Etat civil…) et la qualité des relations avec la section anti-terroriste.

Ce qui peut être amélioré :

  • L’organisation de l’aide aux victimes peut évoluer, toujours à reconsidérer, les situations sont très diverses et demandent de la souplesse.
  • Le principe de l’expertise unique est à améliorer : il faut y associer le FGTI, reconsidérer l’obstacle du secret, le choix de l’expert par le juge (qui peut choisir l’expert en dehors des listes).
  • La construction de pôles à Paris et Marseille qui vont donner chair au décret (dernière loi sur les accidents collectifs qui ont la particularité de la pluralité, de la complexité et du nombre de victimes). Ces pôles accidents collectifs vont donner lieu à une spécialisation nécessaire (enquêteurs de police et gendarmerie). Aujourd’hui, seule la section de Roissy est spécialisée. C’est insuffisant. La spécialisation sera nécessaire aussi pour les magistrats et leur permettra de maîtriser les informations et de prendre des mesures adéquates. Mais cette spécialisation nécessite :

1-     Des moyens, des magistrats, des assistants pour que ce soit toujours les mêmes magistrats à Paris et à Marseille et que les autres affaires soient tout de même traitées
2-     Des remontées d’informations et une communication
3-     Des correspondances entre le Parquet le Juge d’Instruction dans ces dossiers (80 tomes pour le dossier « Rio Paris ») pour que le Parquet puisse suivre le dossier régulièrement sans avoir à tout ingérer d’un coup au dernier moment quand il devra faire une synthèse.
4-     Intégrer la question de l’indemnisation des victimes avec des dispositions souples et faciliter l’expertise.

Les points transversaux :

  • Travail sur les prises en charge immédiates.
  • Travail sur le temps d’attente.
  • Travail sur le chaînage entre la CUMP et les AAV (cf. convention CUMP/INAVEM)
  • Travailler à l’individualisation des victimes et l’intérêt des prises en charge psychologiques et psychiatriques.

2 autres sujets :

  • Travailler sur la place dans la justice des politiques de juridiction, en relation avec les Barreaux.
  • Travailler sur l’international et la qualité des relations qui n’est pas la même pour tous les pays, parfois  la coopération est difficile ou n’existe même pas.