L’INTERVIEW DU MOIS
STEPHANE PENET, FFSA
L’hiver 2013-2014 a été marqué en France par une succession de tempêtes avec leur lot d’inondations qui ont provoqué des dégâts dans un grand nombre de départements. 7 arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont été publiés au Journal officiel de la République française (JO des 18 janvier, 24 janvier, 2 février, 1er mars).
L’heure est au bilan.
Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilité à la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances) depuis 2005, nous présente le bilan financier de ces tempêtes et inondations.
Dans les communes recensées par les arrêtés de catastrophe naturelle, combien de sinistres ont été déclarés au total ?
A la FFSA, nous n’avons pas pour l’heure d’estimation du nombre de sinistrés. Par contre, nous avons les premières estimations du coût des événements climatiques de cet hiver.
Au moment des fêtes de Noël, il y a eu une première vague de tempêtes qui a touché l’ouest de la France dont la plus importante était Dirk. Il y en a eu un certain nombre d’autres qui ont touché pour beaucoup la Bretagne jusqu’au couloir du Rhône. Les plus importantes se sont déroulées fin décembre 2013. Elles ont occasionné de nombreux dégâts dus aux fortes rafales de vent et aux inondations. Cette première vague a coûté, selon nos estimations, entre 180 et 200 millions d’euros pour l’assurance de dommages (maisons, commerces, industries, collectivités locales, exploitants agricoles, etc).
Ensuite, il y a eu, il ne faut pas l’oublier, le cyclone Bejisa assez violent sur l’île de la Réunion le 2 janvier 2014. Les dégâts ont été essentiellement causés par le vent. Ils sont estimés à 50 millions d’euros.
Puis, il y a eu une vague d’inondations dans le sud-est, essentiellement dans le Var les 18 et 19 janvier. De très fortes précipitations ont touché plusieurs communes du midi (cf. JAC n°140). Les dégâts liés aux inondations ont coûté 200 millions d’euros.
Enfin, une dernière vague de tempêtes a de nouveau touché l’ouest français en février et concerné à peu près les mêmes zones qu’au mois de décembre 2013. On estime le coût de cette dernière vague à 50 millions d’euros.
Au total, les événements successifs de cet hiver ont représenté 500 millions d’euros pour les assureurs.
Sur le plan financier, comment qualifiez-vous cette succession d’événements ?
C’est la succession des tempêtes de cet hiver qui constitue un caractère exceptionnel. On en a dénombré plus de 25. C’est assez rare d’un point de vue climatique. En revanche, ces événements ne sont pas inédits pour les assureurs. Je vous donne quelques points de comparaison avec d’autres sinistres. En décembre 1999, les tempêtes Lothar et Martin ont coûté 7 milliards d’euros et Xynthia en 2010, 1,5 milliards d’euros.
Cet hiver aura donc été particulièrement rude d’un point vue climatique mais n’est pas exceptionnel pour le secteur de l’assurance.
Il est vrai aussi que ces événements font suite à un été 2013 particulièrement agité. Il y a eu les inondations à Lourdes (180 communes touchées, dégâts estimés à 270 millions d’euros). Surtout, il y avait eu, tout au long de l’été, une série d’événements très dispersés sur la France (grêle, inondations, vent) qui ont causé des dommages pour un montant de 850 millions d’euros.
C’est ce cumul des huit derniers mois qui est tout à fait inédit et qui représente un coût assez conséquent.
Dans quelles proportions sont réparties les déclarations de sinistres suivant les secteurs : habitation, automobile, transports, entreprises, exploitations agricoles, pêche ?
Nous ne disposons pas de ces données pour le moment. En revanche, nous savons que tous ces secteurs ont été touchés : pour l’essentiel, les commerces et les habitations en ce qui concerne les événements de fin d’année (ouest, sud-est), quelques véhicules emportés. L’été dernier, avec les inondations à Lourdes et dans toute la région, les entreprises d’hôtellerie et les exploitations agricoles ont été très affectées.
Dans ce contexte, c’est l’assurance catastrophe naturelle qui est activée. Quelles en sont les modalités ?
La garantie Catastrophe naturelle est une extension obligatoire de tous les contrats d’assurances. Cette garantie a une particularité. Elle fonctionne à partir du moment où les pouvoirs publics décrètent la commune concernée en état de catastrophe naturelle. C’est une assurance qui résulte d’un accord de partenariat entre les assureurs et l’Etat.
Concernant les entreprises, il existe l’assurance des pertes d’exploitation. Combien d’entreprises ont fait « jouer » cette assurance entre décembre et mars ?
L’assurance des pertes d’exploitation est une garantie optionnelle. Elle permet aux entreprises d’être indemnisée de ses pertes financières pendant la réparation des dommages. Si elle a été souscrite, elle fonctionne aussi en cas de catastrophe naturelle.
Les tempêtes se sont succédées dans relâche… Les sociétés d’assurances et la FFSA ont-elles mis en place des dispositifs spécifiques (diffusion de l’information, modalités de prise en charge) ?
L’ensemble de la FFSA et de son réseau régional sont mobilisés en cas d’événement climatique majeur. Toutes les informations pratiques à destination des assurés ont été publiées en ligne sur notre site www.ffsa.fr
Nous avons également sur le terrain nos délégués CDIA (Centres de Documentation et d’Information de l’Assurance) et, dans les cas les plus durs, un coordinateur catastrophe naturelle qui vont informer les maires, les élus locaux, les assurés sur le fonctionnement de l’assurance.
Il arrive aussi que, lors des grands événements, on mette en place des modalités spécifiques de prise en charge (tempêtes Xynthia, Klaus). Cela n’a pas été jugé nécessaire cette fois-ci.
La FFSA et d’autres institutions s’inquiètent du coût croissant des catastrophes naturelles dans l’avenir et insistent sur la prévention des risques… Quelles sont les actions de la FFSA dans ce domaine ?
En effet, nous insistons beaucoup sur les politiques de prévention et de protection.
D’une part, nous avons réalisé en 2008 une étude sur les conséquences du changement climatique pour l’assurance. Nous avions alors constaté que le coût des aléas climatiques pourrait doubler d’ici les 20 prochaines années.
D’autre part, suite à la tempête Xynthia, nous avons suggéré et insisté auprès des pouvoirs publics pour la création d’un Observatoire National des Risques Naturels (cf. JAC n° 138), un organisme que nous avons créé avec le Ministère de l’environnement et la Caisse centrale de réassurance. L’ONRN a pour mission de centraliser toutes les informations qui existent aujourd’hui sur l’exposition de notre pays aux aléas climatiques. Il rassemble les études pour éclairer les politiques sur les actions à mener en matière de prévention. Il est en place depuis 2 ans.
Enfin, nous délivrons en permanence aux assurés des informations et des conseils en matière de protection.
Nous insistons beaucoup auprès des pouvoirs publics parce que la question de la prévention est avant tout une question de politique publique. Dans le domaine des catastrophes naturelles, la prévention doit se faire collectivement, à l’échelle d’une commune, d’un bassin versant.
Propos recueillis par Myriam Buanic.
Arrêtés de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle http://www.legifrance.gouv.fr/affichSarde.do;jsessionid=1EDC7855FB0183BD165FA9AEF9C71E40.tpdjo06v_3?reprise=true&page=1&idSarde=SARDOBJT000007104817&ordre=null&nature=null&g=ls
Observatoire national des risques naturels http://www.onrn.fr