A la lumière du crépuscule est un livre écrit par Jean Léonetti député maire d’Antibes et auteur de la loi sur le droit des malades et la fin de vie. Ce livre est préfacé par Axel Khan.
Ce livre fait état des résultats de la mission parlementaire dont il a été chargé. L’élément déclencheur de cette mission parlementaire a été l’affaire Vincent Humbert, un jeune homme devenu trétaplégique à la suite d’un accident de moto et qui avait demandé publiquement à Jacques Chirac par courrier le droit de mourir et c’est sa mère qui l’a aidé avec l’aide de soignants. Jean léonetti revient sur cette affaire.
Il ressent toujours cette affaire comme un drame humain. Se trouver dans une situation où les circonstances, les hommes et la médecine ont poussé une mère à accompagner la mort de son enfant c’est quelque chose qui est à la fois émouvant et dramatique et on se demande si on aurait pu faire autrement. Jean Léonetti pense que c’est parce que l’homme veut trop maîtriser la mort qu’il finit par ne plus la maîtriser. Quand on regarde finalement les progrès de la médecine et que l’on se reporte 20 ans en arrière, les jeunes comme Vincent Humbert mourraient sur le bord de la route, on n’avait pas la capacité de les réanimer et de les refaire naître à la vie, on n’avait pas la capacité de maintenir des gens dans le coma pendant des années, on n’avait pas la capacité de ressusciter, de réanimer.Vincent Humbert a été réanimé 8 fois et donc on est dans une fuite en avant où cette technique puissante se fait à la fois au bénéfice de l’homme parce qu’elle prolonge la vie et parce qu’elle améliore la qualité de vie, mais elle se fait aussi au détriment de l’homme parce qu’elle l’amène à des vies, que pour des raisons multiples, l’individu lui même, son entourage et même la société se demandent si cela vaut la peine d’être vécu et donc cette médecine très forte engendre à la fois l’espoir et la crainte et elle engendre en autre, la crainte de l’acharnement thérapeutique qui amène la question » jusqu’au faut-il aller pour sauver la vie au détriment de la qualité de cette même vie ?«
« il n’y a pas de mourrant indignes, il y a des regards indignes portés sur eux, quelques fois masqués par des compassions humiliantes. Il y a aussi l’absence de regard, le regard détourné, message de dégoût et d’indifférence. » Jean Léonetti explique ce passage du livre par le fait que l’on vit dans une société qui dénie la mort. Si on recule dans le temps on se rend bien compte que la mort était annoncée, que le mourrant était entouré d’une famille, la mort était à domicile. On avait donc une mort familiale, familière, une mort pénible et douloureuse mais en même temps entourée de la famille. Aujourd’hui on a une mort médicalisée. Si on vit dans une grande ville il y a une probabilité de 8 à 9 sur 10 de mourir à l’hôpital, alors que si on demande aux Français ce qu’ils souhaitent, la réponse est qu’ils voudraient finir leur vie chez eux et donc cette perte de l’affectif en faveur de la technique est ressentie comme une violence, mais en même temps cette technique, elle prolonge des vies. On se demande alors si on a bien fait de la prolonger jusqu’au bout de l’archarnement. C’est donc cette dualité et cette perte de sens, cette perte d’humanité qui fait que la médecine doit aujourd’hui donner autant de technique que d’humanité.
Dans le livre il y a un mot qui revient pratiquement à toutes les pages c’est celui de « dignité« ; on a l’impression que ce mot là avec les progrés s’éloigne des pratiques humaines. En réalité dit Jean Léonetti, tout le monde sait qu’il va mourir et tout le monde a plus ou moins peur de la mort, mais le nouveau phénomène qui s’est gréffé dans notre société moderne c’est que non seulement on a peur de mourir mais surtout de mal mourir et de mourir avec une certaine déchéance, de mourir en souffrant ce qui est bien légitime et donc on est dans un autre paradigme, c’est à dire qu’on est plus dans le fait de dire « docteur sauvez moi« , mais dans une situation où on dit « sauvez moi, mais à condition que la vie que je vais avoir me paraisse encore intéressante « . Le danger d’une société qui regarde la vulnérabilité, la fragilité, la maladie et la mort en détournant le regard ce serait une société qui dirait alors qu’il y a des vies qui méritent d’être vécues et puis qu’il y a des vies qui ne sont pas dignes d’être vécues et par conséquent qu’il y a des gens qui ne sont pas dignes de vivre et là on voit sur quelle pente glissante on est, parce que si on commence à dire qu’il y a des gens qui ont des vies qui ne méritent pas d’être vécues cela veut dire que l’on rejette dans les nimbes le handicap, la faiblesse, la vulnérabilité et on perd le sens de la solidarité humaine.
Au cours de sa mission Jean Léonetti a compris que nous sommes tous façonnés par l’idée de la mort, mais pas de notre mort puisque c’est une expérience impossible comme disait Epicure « a quoi ça sert d’y penser. Quand j’y pense je ne suis pas mort et quand je suis mort je ne peux plus y penser« . En réalité nous sommes façonnés par la mort des autres et en particulier bien sûr par la mort de ceux qu’on a accompagnés et qu’on a aimés.
Il est toujours dangereux de légiférer à chaud sur une émotion individuelle , mais il ne faut pas pour autant écarter l’émotion qui fait partie de la vie et pleurer quand on perd quelqu’un ça fait partie de la vie et c’est légitime. On ne doit donc pas faire des lois froides, techniques et bureaucratiques, mais il faut canaliser ces émotions et en fait c’est le nombre d’émotions différentes, le nombre d’histoires différentes qui ont été racontées à la mission parlementaire et qui ont bien montré combien il y avait de facettes, combien on découvrait petit à petit la complexité de la mort et puis en même temps son caractère très personnel. Il n’y a pas une mort qui ressemble à une autre mort. Les parlementaires qui venaient avec leurs histoires ont écouté d’autres histoires et c’est pour ça que ensemble ils se sont mis à douter ce qui a amené les certitudes individuelles à se transformer en doute collectif et que ce doute collectif a été fertile. Il a été fertile parce qu’il a obligé à rencontrer l’autre, à capter ce que l’autre disait et d’en faire une synthèse. Jean Léonetti pense et dit que l’aboutissement, c’est une loi votée à l’unanimité, mais ça ne veut pas dire qu’on est tous identiques, ça ne veut pas dire que l’on pense tous la même chose. Certains, ajoute t-il, ont pensé qu’on est allé trop loin, d’autres pas assez loin, d’autres que la mission avait fait fausse route, d’autres encore que l’on donnait dans le rêve et l’utopie. En réalité ça veut dire que l’on est sorti différent de la façon dont on est rentré et parce que la commission a accepté de boucler la fragilité de ses décisions et de l’humain et la complexité. Ce qui est simple est faux dit Léonétti .
En parlant du suicide assisté Jean Léonetti écrit « Dans ma vie médicale,je n’ai jamais rencontré ce suicide existentiel qui pousse le sujet au néant devant l’évidence de l’absurdité de l’existence. Je n’ai rencontré que des désespérés, des souffrants ou des malades mentaux qui auraient plus besoin d’être secourus que d’être aidés à mourir« . Jean Léonette prend là encore le parti de la vie jusqu’au dernier moment. On est dit-il dans un conflit entre la liberté et la vie, mais est ce que c’est un vrai conflit. Léonetti cite Axel Khan qui lors de son audition par la mission a dit « je suis là en face de vous, je suis en bonne santé, je peux sortir, aller me promener sur le quai le long de la Seine et puis décider que cette existence n’est pas intéressante et je me tue« . Là dit Léonetti on a une vrai liberté parcequ’on choisit entre une existence avec une valeur et puis en même temps une non existence. En revanche si on demande à quelqu’un s’il veut mourir alors qu’il est entrain de souffrir et qu’on est pas capable de le calmer et s’il vous répond qu’il est abandonné, qu’il est seul et qu’on le laisse à sa solitude alors c’est normal qu’il demande la mort. En effet pourquoi on ne demanderait pas la mort si on est solitaire, abandonné des siens, entrain de souffrir et que de toutes façons la mort elle est là, à la porte et donc si on devait résumer la loi il faurait dire deux choses « non abandon et non souffrance« . On ne tolére pas l’abandon et on ne tolère pas que le malade en fin de vie souffre.
Léonetti écrit « il est un moment où la sagesse , l’humanité et l’humilité doivent contraindre à arrêter ce qui est devenu inutile ou disproportionné . La loi l’affirme clairement ajoutant que le médecin doit dans ce cas préserver la dignité du mourrant. Pour le malade et sa douleur potentiele non exprimée, pour son entourage en souffrance, pour le simple respect de ce corps abritant une vie finissante, l’arrêt d’un traitement inutile de survie ne dispense pas du devoir de non-abandon et d’un traitement d’accompagnement« . Jean Léonetti pense que les médecins n’ont pas pris toute la dimension de cette loi et la commision d’évaluation l’a démontré. Si les médecins n’appéhendent pas la loi c’est qu’ils font partie d’une génération où on leur a appris à sauver, à guérir mais pas ou peu à accompagner et à consoler. On leur a appris à triompher de la maladie mais pas à renoncer à sauver tout en consolant et en soulageant. Dans la réalité il y a donc un moment où cette médecine promet de sauver tout le monde, mais elle se heurte au mur de la réalité et de la solitude humaine et quand elle arrive dans ce mur elle doit reprendre un peu d’humilité et réinjecter beaucoup d’humanité. Ce que Jean Léonetti traduit par « Le soin palliatif c’est tout ce que l’on peut faire quand il n’y a plus rien à faire. Quand on ne peut plus sauver ou guérir un malade il y a encore un champ de possibilités dans lequel on va essayer de l’accompagner et de faire en sorte que sa vie ait encore une valeur et une dignité.«
Jean léonetti écrit encore » Légiférer sur l’exception est sans doute une fausse bonne idée. Lorsqu’on se demande si, à titre exceptionnel, on peut attenter à la vie d’un malade incurable qui le demande, on répond par l’affirmative, mais si on me force à définir cette exception, j’en suis incapable sans prendre le risque d’être trop restrictif ou trop permissif « . Cette phrase très administrative puisque c’est la loi signifie tout simplement qu’à un moment donné il faut faire le choix entre la qualité de la vie et la durée de la vie.
Enfin l’auteur et il devait bien le faire, différencie les soins palliatifs de l’euthanasie. « Les soins palliatifs sont portés par une philosophie collective de solidarité alors que l’euthanasie s’appuie sur une démarche de choix individuel. Les soins palliatifs cherchent derrière la demande de mort à remédier à la souffrance et à l’abandon qui la sous-tendent alors que les partisans de l’euthanasie se réservent le droit de les refuser et se méfient de cette compassion« . C’est une approche sévére, mais juste. Nous sommes parcourus par deux courants dit Léonetti. Il y a un courant qui dit « c’est mon choix, c’est moi qui décide et c’est quand je veux et où je veux » Ce courant appelle la société en disant que si quelqu’un veut la mort on doit la lui donner. Puis il y a un second courant qui dit « pourquoi il me demande la mort ? Est ce que lorsqu’un suicidé arrive à l’hôpital on ne le secoure pas ? Est ce que je le sauve pas ? Et pourquoi il ne récidive qu’une fois sur dix ? » Ça veut bien dire que quand on désespère, quand on souffre, quand la vie n’a plus de sens on demande la mort. Est ce que la société doit donner la mort à la demande ou au contraire doit-elle compenser les choses qui aboutissent au fait qu’un individu nie ce qui est l’essentiel, c’est à dire son existence. C’est pour ces raisons que Léonetti pense qu’il y a un courant individualiste qui dit « je la demande et vous me la donnez » et il y aun courant solidaire et collectif qui se demande pourquoi des hommes demandent la mort dans notre société, n’est ce pas un signe de souffrance? De manque de solidarité ? Peut être une incompréhension des problèmes évoqués ? Est ce que je ne dois pas, plutôt que de supprimer le malade pour supprimer le mal, supprimer le mal qui fait que le malade demande à ne plus exister.
Alors que le débat sur l’euthanasie et le suicide assisté est loin d’être clos, Jean Leonetti choisit de nous donner une magnifique leçon de vie. À travers les témoignages bouleversants d’acteurs de terrain, de familles et de malades, à travers leurs mots d’amour et d’espoir, leurs doutes parfois, leurs détresses aussi, l’auteur nous invite à réfléchir sur cette peur du mal mourir, qui nous effraie tant
A la lumière du crépuscule
Jean Léonetti
Editions Michalon
Poster un Commentaire