Nicolas Sarkozy fait de l’ouverture l’une des marques de son quinquennat
La nomination du député socialiste Didier Migaud à la tête de la Cour des comptes et celle, du sénateur de gauche Michel Charasse au Conseil constitutionnel relancent la politique dite « d’ouverture », engagée par le chef de l’État en 2007.
On se souvient de l’échange entre Sarkozy et Besson et qui avait été rapporté par la presse » Je veux rassembler tous les talents, quelles que soient leurs origines. Pour réformer la France, on ne doit se priver de personne. Ton ralliement ne sera pas un “coup” mais l’amorce d’une politique de longue durée. Si je suis élu, je veux faire de l’ouverture le marqueur de mon quinquennat. » Et c’est ainsi que le samedi 21 avril 2007, veille du premier tour de l’élection présidentielle le candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy et le député socialiste Éric Besson se retrouvent en tête à tête dans le bureau de celui qui n’était alors qu’un candidat. Les deux hommes ont signé leur accord. On sait que Éric Besson était en rupture de ban avec Ségolène Royal suite à la fameuse phrase « qui connaît Eric Besson« . Il soutiendra le candidat de l’UMP entre les deux tours de l’élection présidentielle ; en échange de quoi, il sera un ministre du gouvernement, en cas de victoire. D’autres personnalités de gauche ont fait le même cheminement.
Nicolas Sarkozy avait promis que le président de la commission des finances serait issu de l’opposition. Le poste a été attribué à Didier Migaud et c’est ce même homme que le président de la République met aujourd’hui en place à la tête de la cour des comptes pour succéder à Philippe Seguin. Et pour en rajouter une couche le chef de l’Etat nomme Michel Charasse au Conseil constitutionnel. Après tout ce que l’on a vu, on a envie de dire « n’en jetez plus, la cour est pleine« .
Si en 2002, Jacques Chirac a probablement eu tort de ne pas pratiquer l’ouverture, je comprends que aujourd’hui à droite on trouve que cela commence à faire beaucoup. Je le comprends d’autant mieux que je le pense aussi. Pour faire passer la pillule le gouvernement dispose d’une phrase toute faite , qui nous est servie cette foi par le jeune secrétaire d’État Benoist Apparu dans le quotidien « La Croix » » Le fait que les deux institutions qui contrôlent le budget de l’État (la commission des finances de l’Assemblée nationale et la Cour des comptes) sont tenues par des personnalités de l’opposition est résolument moderne. C’est le signe d’une démocratie totalement aboutie. » Ben voyons. Philippe Seguin n’était pas réputé pour faire partie de l’opposition et il faisait parfaitement l’affaire. On pourrait aussi faire d’autres phrases du type » Il est le président de tous les Français, pas le président d’un clan« . A une époque François Mitterrand nous avez servi une de ces tirades.
« Didier Migaud est un homme de qualité« , a dit le chef de l’Etat, en conseil des ministres. Mais personne n’en doute. « C’est la marque d’une politique d’ouverture que je compte poursuivre. » Cette nomination a été saluée ce même jour par le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, comme étant un » choix historique « , au moment où la Cour des comptes s’est vu autoriser le contrôle de l’Élysée.
Ma position est celle de beaucoup de députés de l’UMP et que certains traduisent par » Les élus de la majorité ne comprenaient pas l’ouverture quand on avait le vent en poupe. Dans les difficultés, ils la comprennent encore moins. » Le chef de l’Etat et le Premier ministre demandent de faire bloc pour soutenir la politique de l’exécutif. Je ne suis pas certain qu’ils emploient la meilleure méthode pour convaincre. Je veux bien que Didier Migaud soit quelqu’un de compétent, de sympathique et je n’en doute pas, il est même délicat de critiquer sa nomination mais, je ne doute pas non plus que l’on puisse trouver dans la majorité des hommes et des femmes qui possédent les mêmes qualités et compétences.
Il est évident que Nicolas sarkozy n’en a cure des Etats d’âme de sa majorité. Ses initiatives successives visent à déstabiliser la gauche surtout à quelques jours du premier tour des élections régionales. Personne n’a en effet oublié ce meeting de décembre 2009 en Alsace et au cours duquel il a déclaré » J’ai choisi d’être le directeur des ressources humaines du Parti socialiste« . Bien sûr pas besoin d’être un politologue averti pour deviner qu’à travers ces nominations Nicolas Sarkosy veut opposer son attitude de rassembleur ouvert à l’opposition à celle d’un PS sectaire et enfermé dans des querelles qui l’amène à suspendre des militants qui ne sont pas aux ordres (affaire du Languedoc-Roussillon). Je ne suis pas certain que cela lui amènera des voix en provenance de la gauche par contre il peut mécontenter son camp qui pense que trop c’est trop. Sur le terrain on se rend compte que l’électorat de droite est déboussolé.
Je me mets à la place des sarkozystes et de la majorité, je me mets à la place de ceux qui l’ont soutenu parce que je l’ai vécu et que donc je suis en mesure de le comprendre. Après la victoire du RPR aux élections législatives de 1986 et alors que je m’étais donné à fond sur Marseille, un poste m’a été refusé motivé comme suit « tu comprends, on veut montrer que l’on est pas comme eux, que l’on est pas sectaire alors la place est pour Mr… » je me souviens avoir répondu « en 1981, ils ont viré tout le monde pour mettre les leurs et aujourd’hui que nous revenons aux affaires, pour montrer notre différence on leur en donne encore un peu plus« .
Alors, je fais partie de ceux qui à tort ou à raison pensent que l’ouverture n’est qu’un rideau de fumée, un message bidon envoyé à l’opinion et j’approuve Hervé Mariton lorsqu’il dit » Il faut faire attention à ne pas céder à une logique de casting et de pure communication« .
Avec les nominations de Migaud et Charasse, il est probable que Nicolas Sarkozy a réussi un joli coup politique. Le nomination de Jacques Barrot reléve de la récompense et d’un reclassement. Voilà un monsieur de 73 ans qui n’a pas été reconduit dans la commission Barroso, il est donc recasé au Conseil constitutionnel. Quand on vous dit que la politique est un métier. Ceci dit c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup et qui aura l’occasion de se mettre en évidence sur des sujets à venir. Sa présence au CC sera utile.
Dans un ouvrage intitulé « Cas de conscience« , Pierre Joxe a relevé qu’après lui il n’y aurait « plus aucun conseiller nommé par la gauche et que cela posait évidemment problème« . T’inquiète pas Pierre en votant à droite, tu auras des hommes de gauche mise en place. En tant que soutien de la majorité, j’ai une reflexion qui m’est toute personnelle. J’en arrive à penser que si on ne trouve pas à droite des personnes compétentes pour tenir des postes de haute responsabilité, c’est qu’il n’ y a que des « cons » et dans ce cas je me demande pourquoi je devrais voter pour des « cons« . Je raisonne ainsi parce que si je suis favorable à un minimum d’ouverture je n’ai tout de même pas voté pour voir mettre en place des gens qui ont combattu les idées pour lesquelles j’ai votées. A la fin cela n’a plus de sens. Il suffit de faire le tour des régions pour se rendre compte que le PS ne pratique pas ce genre de stratégie. Par ailleurs, et à moins que je ne perde la mémoire, je n’ai pas le souvenir qu’en 1981 la gauche ait eu une telle largesse d’esprit (1) et (2). De plus le second tour des élections régionales risquent de démontrer que les reports de voix se feront très bien à gauche et que cette politique d’ouverture à outrance n’apportera rien sinon un repli de l’électorat de droite qui pourrait se réfugier dans l’abstention à la grande satisfaction de la gauche. Réponse dans moins de trois semaines.
(1) François Mitterrand a changé tous les PDG des entreprises nationalisées. Le même François Mitterrand, lors du congrès de Valence, déclare dans le Figaro du 8 octobre 1981 » le PS a encore beaucoup à faire pour pénétrer l’Etat, je l’y encore vivement »
(2) Si l’on remonte un peu plus loin on peut rappeler ce qu’écrivait en 1924, au lendemain de la victoire du cartel des gauches, Henri Demay, directeur du Quotidien » les places, toutes les places, et tout de suite « .
Deux exemples qui montrent qu’en matière d’ouverure la gauche n’a jamais eu une grande largesse d’esprit. Mais je pourrais en citer bien d’autres.
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