Fin des triangulaires ?

Plus de 200 députés de la majorité ont signé une proposition de loi prévoyant le maintien des deux seuls candidats en tête lors des élections législatives. Cette question est un classique des lendemains de défaite électorale. Et la majorité, après la déroute des régionales, n’y coupe pas. Faut-il modifier les modes de scrutin ? À commencer par celui des prochaines législatives ?

Les députés de droite ont tous en mémoire la dissolution ratée de 1997. Le maintien au second tour des candidats du Front national en situation de se maintenir avait fait perdre une bonne trentaine de sièges à la majorité. Mais, 200 sur 317 députés de la majorité c’est beaucoup mais c’est loin d’être toute la majorité. Il y a donc soit des hésitations soit un refus de cette proposition d’un bon nombre de députés de cette majorité. Les signataires pensent que la fin des triangulaires est une arme pour l’UMP face au Front national. Il faut néanmoins noter que cette proposition est partagée par les radicaux qui voient d’un bon oeil les élections législatives basées sur le même principe que l’élection présidentielle. Ma première réaction est que c’est une initiative parlementaire et que cela doit le rester. Il me semble en effet que le gouvernement n’a pas à se mêler de cette affaire, ce serait faire preuve de maladresse.

Pour le reste, l’explication de cette initiative est simple. Les parlementaires ont examiné à la loupe les résultats des élections régionales et les ont calqués sur les circonscriptions législatives redécoupées. Ils ont alors constaté qu’il y a seulement 28 circonscriptions où ils ont passé la barre des 50% au second tour. Leur calcul est à peu prés le même que celui fait par l’observatoire de la politique à savoir que si à la place d’élections régionales cela avait été des élections législatives la majorité aurait perdu environ 80 sièges.

Pour ceux qui font de la politique depuis un certain nombre d’années, ils savent que l’expérience semble démontrer que tous ceux qui ont voulu modifier les règles du jeu électoral ont eu à la regretter. La composition de l’assemblée nationale donne l’impression que nous sommes dans une bi-polarisation, mais dans la réalité ce n’est pas le cas. A droite il y a un FN qui a perdu de sa puissance mais qui semble t-il sous l’impulsion de Marine le Pen reprend un peu de poids et à gauche le PS est confronté aux écologistes.

On sait que le mode de scrutin des élections législatives qui favorise ou qui plutôt qui crée la bi-polarisation prive les Français de certaines représentativités aussi bien à droite qu’à gauche. Cela rend une assemblée bi-colore qui ne correspond pas à la situation du pays.

En France on accepte mal la défaite électorale et après chacune d’elle on repose en permanence cette question du scrutin. En 1986 les socialistes se la sont même posée avant puisqu’il ont modifié les règles en faisant voter la proportionnelle intégrale pour éviter une déroute prévisible. On va failli assister à un retour à la 4éme République puisqu’il s’en fallu seulement de 4 voix pour que le FN ne devienne un groupe charnière qui ferait ou pas que les lois seraient votées.

Dans le tome 1 des mémoires d’espoir, le général de Gaulle s’explique et il écrit je cite « afin d’avoir une majorité, il faut un scrutin majoritaire. C’est ce que décide mon gouvernement qui fixe le système électoral en vertu de ses pouvoirs spéciaux, rejetant la représentation proportionnelle, chère aux rivalités et aux exclusives des partis mais incompatible avec le soutien continu d’une politique, et adoptant tout bonnement le scrutin uninominal à deux tours« . En choissisant ce mode de scrutin le général de Gaulle a voulu obéir à deux règles qui lui paraissaient fondamentales. Il devait être à la fois représentatif et efficace, il faut entendre l’esprit d’efficacité par stabilité. Une fois que que ces deux règles sont établies chacun peut positionner le curseur différemment ce qui peut faire pencher la balance soit avec un peu plus de représentativité mais moins d’efficacité, soit avec un peu plus d’efficacité mais moins de stabilité. Ce qui me parait certain, c’est que le système à deux tours à démontré depuis qu’il est en vigueur qu’il permet de dégager des majorités de gouvernements. Alors évidemment, si on suit la proposition des 200 députés en décidant qu’il n’y aura que deux candidats au second tour on renforce l’efficacité mais en contre partie on baisse la représentativité. Il est vrai que le système majoritaire bi polarise par définition la vie politique mais c’est un système qui depuis qu’il a été décidé par de Gaulle a fait ses preuves en matière d’éfficacité.

Il faut rappeler les règles en vigueur. De nos jours le règlement prévoit que pour se maintenir au second tour il faut 12,5% des inscrits. Si on se fie aux résultats des élections régionales et à son abstention, il n’y a plus de problème avec le FN car pour obtenir 12,5 % des inscrits avec 50% d’abstention il faut obtenir 25 % des suffrages exprimés ce que le FN n’a atteint dans aucune circonscription. Et puis on est en droit d’espérer que l’abstention sera moindre et cette abstention vient de droite. Par ailleurs il ne me paraît pas particulièrement logique de plaquer des élections régionales sur des élections législatives. Ce sont des élections très différentes. Il y a en effet des députés qui sont très implantés dans leurs circonscriptions et que cela dépasse parfois les formations politiques.

Enfin je crois que cette proposition si elle n’est pas infondée sur le principe, et on peut effectivement très bien la discuter, risque de passer auprès de l’opinion pour de la manipulation électorale et la gauche ne s’en privera pas même si elle a fait pire en 1986.

Finalement, je reste sceptique sur cette proposition.

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