Et maintenant ?

Au moment où j’écris ces lignes les premiers résultats viennent juste de tomber. C’est donc une analyse à chaud et avec des chiffres approximatifs que je vous propose.

La stratégie de Nicolas Sarkozy était la liste unique. Il voulait ainsi marquer le premier tour et faire en sorte que la liste UMP et de ses alliés arrive très nettement en tête et en espérant dans le même temps que d’importantes divergences entre les socialistes et les écologistes entravent la fusion des listes et par là même, la dynamique qui pourrait en résulter pour le second tour. Si on ne regarde que les chiffres bruts et sans tenir compte de l’abstention, il est évident que la droite est historiquement basse. Nicolas Sarkozy a perdu son pari.

Avec plus de 52%, Les abstentionistes sont les incontestables vainqueurs de ce scrutin, mais en terme de suffrages exprimés c’est le parti socialiste qui sans la moindre ambiguïté sort vainqueur de ces élections. Néanmoins, et à y regarder de plus prés, je ne crois pas que ce soit une victoire de Martine Aubry. Mon interprétation est qu’il s’agit avant tout d’une victoire des présidents de régions en place et qui pour la plupart sont des barons en délicatesse avec la première secrétaire. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux ne sont pas sur la ligne de Solférino et ils ne s’en cachent pas tel Gérard Collomb à Lyon. Je considère également que plus qu’une victoire du PS, il s’agit avant tout d’une défaite de la droite et je vais même plus loin une défaite personnelle de Nicolas Sarkozy . Ce qui me pousse à faire une telle assertion c’est que l’abstention est dans l’ensemble due à des électeurs de droite c’est à dire des gens qui ne veulent pas voter pour la gauche mais qui se sont abstenus parce qu’ ils ont de nombreuses choses à reprocher au président de la République, des choses que j’ai souvent développées ici. (1)

L’UMP n’évite même pas l’humiliation suprême de se voir devancé par le PS. Qu’importe l’abstention, ce qui pouvait arriver de pire à l’UMP est arrivé. Les listes de la majorité présidentielle sont distancées par le PS d’au moins trois points. Quand on sait que ce système de listes uniques avait pour ambition d’être largement devant afin de créer une dynamique pour le second tour. On peut dire que c’est raté. L’UMP subit même la double peine puisque le front national n’a pu être contenu, il est aux alentours de 12%.

Ceci dit, il ne faut pas se voiler la face et se réfugier derrière l’abstention pour atténuer l’impact de la défaite. En effet, il semble qu’il y ait un déséquilibre important gauche/droite en faveur de la gauche. Si on prend comme référence les élections du même type c’est à dire les régionales de 2004, le premier tour donnait du 50/50 à chacun des deux blocs, aujourd’hui on est probablement pas loin de 55/45 en faveur de la gauche.

Il ne va pas y avoir pour autant de grands changements au niveau du gouvernement, simplement une adaptation. Le grand changement attendu arrivera à quelques mois des présidentielles. Sur ce point, Sarkozy a raison parce que s’il y a un grand chantier en cours c’est bien celui des retraites et c’est François Fillon qui a engagé cette réforme et qui par conséquent doit la poursuivre.

Que les socialistes pavanent c’est normal, mais il faut se souvenir qu’en 2004, ils ont très largement gagné les élections régionales. Trois ans après ils ont perdu les élections présidentieles. Pourquoi ? Parce que en 2004 non seulement ils ont gagné , mais de plus ils revenaient de très loin (il faut se souvenir de 2002). On a alors pensé au parti socialiste qu’en 2007 on avait toutes ses chances. Le seul problème, c’est que les socialistes se sont tellement reposés sur leurs lauriers qu’ils n’ont rien fait de leur victoire, absolument rien et maintenant qu’ils ont de nouveau gagné, ce qui va être interessant c’est d’observer ce qu’ils vont faire de cette victoire. Est ce qu’ils vont faire le choix de se réformer de l’intérieur ? Si oui, on imagine alors toute la difficulté qui vont être les leurs. Quand Martine Aubry pense et dit qu’il faudrait effectivement réformer les retraites cela dure 48 heures parce qu’elle est tout de suite prise en tenaille par les barons du PS. S’ils décident au contraire de ne pas se réformer alors…2012 sera plus que difficile. C’est ça qui va être interessant, voire passionnant, de voir maintenant ce que non pas le PS pour les raisons invoquées ci dessus mais la rue de Solférino va faire de sa victoire. De plus, non seulement en 2012 on sera dans un scrutin différent, mais également dans un mode de scrutin différent. Pour ces régionales, l’UMP a fait une stratégie de regroupement c’est à dire qu’elle a fait des listes très larges en jouant l’union et les faits viennent de démontrer que cette stratégie n’était pas la bonne du point de vue du parti politique. On peut gagner des régionales justement parce que on a un mode de scrutin particulier avec un éclatement des configurations politiques, alors qu’au moment des présidentielles, et c’est en l’état la situation actuelle du PS, il faut au contraire se regrouper. Ce qui sera donc déterminant au parti socialiste ce sont les primaires. Pourquoi ?

En effet, les socialistes on un triple problème qu’ils ne parviennent pas à régler et ce, depuis 2002. Problème de programme, problème de leader chip, problème d’alliances. Non seulement les élections régionales ne vont rien régler mais elles risquent même d’aggraver les choses du point de vue à la fois du leader chip et des alliances? Ségolène Royale très bien élue à la tête de sa région cela va la renforcer. Le problème du leader chip est très lié au programme et pour s’en convaincre on peut à travers sa personnalité prendre pour exemple François Mitterand. Aujourd’hui il n’y a plus de Mitterand au PS et c’est bien pourquoi le problème va rester entier ce qui va nous donner l’occasion de voir si Martine Aubry à la capacité précisément de régler cette question là. Je pense que la question du leader chip et du programme deviennent urgentes au lendemain de ces élections régionales.

Dans le Figaro magazine Nicolas Sarkozy dit qu’il y aura une pause à partir du deuxième semestre 2011. Où est le scoop ? A t-on déjà vu par le passé, et à 6 mois des élections présidentielles, un président sortant engager des réformes. On va voir au cours de cette période, donc entre juin et décembre 2011, que ce qui est présenté comme une pause par le président de la République n’aura rien d’une pause. Ce sera en réalité le moment de dresser le bilan et c’est à l’issu de ce bilan donc en fin d’année 2011 qu’il annoncera sa décision de se représenter ou pas. Pour ceux qui pensent qu’il va se représenter cette période dite de pause sera en réalité celle de la préparation à sa future candidature. En fait, mais on le savait déjà, il ne va plus y avoir de grandes réformes hormis celles des retraites en cours et de la dépendance (le cinquième risque) qui sont confirmées dans l’interview. Nicolas Sarkozy dit que l’on va « revoir » un certain nombre de réformes qui ont été lancées et il emploie l’expression « apaiser pour mieux réformer » ce qui, il faut en convenir, est nouveau dans son vocabulaire. En employant cette expression il fait allusion à l’ouverture et il faut traduire par « si j’invite des personalités de l’opposition à occuper des postes important ou à faire parti du gouvernement c’est parce que ce n’est que dans cet état d’esprit que l’on peut rassembler pour réformer. » sauf qu’il a largement pratiqué l’ouverture et que non seulement il n’a pas rassemblé mais que de plus une partie de ses électeurs de 2007 se réfugie dans l’abstention car elle ne comprend plus. Pour dénoncer ce trop plein d’ouverture même des hommes aguerris s’emmêlent les « pinceaux » (voir Gérard Longuet).

Dans un autre registre, Europe écologie bien qu’en légére baisse avec à peu prés 12,5% confirme sa position de troisième force politique. Cela va amener une transformation profonde de l’équilibre de notre vie politique à gauche, c’est à dire que le PS qui a été à gauche un parti hégémonique après avoir réussi à marginaliser le PC, soit depuis 25 ans, va se retrouver avec un nouveau partenaire et d’ailleurs c’est le mot qu’utilise désormais Daniel Cohn Bendit. C’est ce nouveau partenariat appelé à se définir entre socialistes et écologistes qui va être à l’origine de ce nouvel équilibre politique à gauche et qui est extrêmement intéressant. Le Modem est devenu quasi inexistant, il est même derrière le front de gauche. Jusqu’à présent le PS était partagé entre regarder sur sa droite côté Modem et regarder sur sa gauche. Désormais voilà un problème de résolur, le parti socialiste va à nouveau regarder sur sa gauche. C’est peut être là que se situe le très grand changement dans notre vie politique.

Je sais que mes positions ne sont pas toutes partagées et c’est tant mieux, cela permet le débat. Mais il faut reconnaître que j’ai souvent attiré l’attention sur ce qui vient de se produire. En ce qui me concerne je pense que si cette défaite pour ne pas dire plus pouvait amener la fin de l’ouverture, la fin des clins d’oeil de Nicolas Sarkozy vers Europe Ecologie, l’arrêt de la taxe carbone et quelques autres choses d’ordre comportemental, alors ce sera peut être une défaite salutaire et la droite parlementaire pourrait ainsi faire revenir ses électeurs aux urnes en 2012, ceux qui lui ont fait défaut aujourd’hui. C’est mon souhait.

(1) J’ai souvent écrit sur ce qui me paraisait comme étant des erreurs et je ne vais pas revenir dessus. Mais je crois que l’erreur majeure de Nicolas Sarkozy et que je considère personnellement comme une faute politique c’est d’avoir cru qu’il parviendrait à séduire les écologistes. Il ne pouvait pas y parvenir parce que avec la fin du communisme, les protestataires se sont engouffrés dans le vide idéologique ainsi créé et ils se sont reconvertis dans l’écologie. Sarkozy ne pouvait en aucun cas les séduire. Mais ce faisant et en essayant de mettre ce mouvement écologique en avant il a accentué la défaite de son camp et c’est la raison pour laquelle j’emploie l’expression de « faute politique« .

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