« L’indépendance est un statut, l’impartialité une vertu »
Robert Badinter
Edito
Claude Lienhard, directeur du JAC ( Photo CERDACC. Jo L.) |
DISPARITIONS
La disparition du Boeing 777 de la Malaysia Airlines assurant la liaison Kuala Lumpur-Pékin reste pour l’instant un mystère total malgré les dernières avancées de l’enquête. On imagine sans peine l’angoisse des familles liée à l’attente, à l’incertitude voire aux faux espoirs, ainsi qu’à la difficulté d’accéder à des informations vérifiées et fiables, si tant est qu’il puisse y en avoir. On ajoutera que le fait de les avoir prévenues de ce qui semble être la perte définitive de l’appartenance par un simple SMS constitue un véritable défaut d’humanité. Tous les scénarios sont possibles même s’il semble que l’on doive s’orienter vers un acte volontaire. En même temps, on ne manque pas de relever comme d’autres que l’hyper-technologie de contrôle symbolisée par les satellites, les balises sous-marines, qui s’inscrivent tous aujourd’hui dans la cybersurveillance, ne sont pas d’un grand secours. |
UNE AUTRE DISPARITION, JEAN-PIERRE DINTILHAC
C’est avec beaucoup de tristesse que l’on a appris le décès de Jean-Pierre Dintilhac, ancien procureur de Paris, avocat général près la Cour de cassation et ancien président de la deuxième chambre civile, le 6 mars 2014. Pour nous et pour beaucoup, Jean-Pierre Dintilhac restera le maître d’œuvre à l’initiative de la « nomenclature Dintilhac »qui a profondément modifié le droit du dommage corporel pour aller au plus près de ce principe essentiel, non seulement pour les victimes mais aussi pour l’équilibre social, qu’est la réparation intégrale. Cette nomenclature, par ailleurs voulue comme évolutive, est aujourd’hui reconnue et appliquée par tous les acteurs du dommage corporel. Jean-Pierre Dintilhac a été de ces magistrats qui ont toujours su, par leur intelligence, leur sens du droit et leur humanité, allier rigueur au service de l’adaptation de la règle de droit, au plus près de la pertinence de l’œuvre de justice qui consiste « rendre à chacun ce qui lui appartient ».
AMIANTE, UNE« NEVER ENDIND STORY »
Le scandale de l’amiante trouve encore une fois sa place dans cet éditorial. Tout d’abord, parce que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu le 11 mars 2014 un arrêt (Howald et Moor et autres c. Suisse 52-067/10 41-072/11) condamnant la Suisse pour violation de l’article 6§1 de la CEDH. Par cette décision, la Cour européenne des droits de l’homme donne raison à une veuve d’une victime de l’amiante et à ses deux filles estimant que la Suisse a violé leur droit à un procès équitable en leur refusant une indemnité pour tort moral pour cause de prescription décennale. Il n’est pas question dans cet éditorial d’entrer dans le détail de cette importante décision mais simplement de souligner que le regard supranational constitue une garantie essentielle ! Ensuite, parce que la Chambre de l’Instruction de Paris va se prononcer sous peu sur la situation de Martine Aubry.
URGENCE ET INDIFFERENCE
L’affaire a fait grand bruit, quelques heures, dans notre société médiatique à flux continu. Le 15 février 2014, une femme de 61 ans conduite aux urgences par les pompiers pour une plaie au pied est décédée, au service des urgences, installée en zone de surveillance à proximité des soignants après quelques heures d’attente. L’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a rendu public, dès le 28 février 2014, les conclusions d’une enquête interne. Ce rapport administratif exclut toute erreur individuelle qui pourrait être attribuée à l’un ou l’autre membre de l’équipe médicale, tout comme il écarte une causalité qui pourrait être liée à des problèmes de sous-effectifs. Par contre, il met en évidence une méconnaissance d’une procédure à suivre, des failles dans l’organisation révélatrices d’une « tension structurelle au sein des services d’urgences ». Martin Hirsch, nouveau directeur général de AP-HP, s’est engagé à dresser sous peu un bilan chiffré de la réorganisation des urgences des hôpitaux parisiens.
DRONE
Un drone est un quadricoptèreéquipé d’une caméra. Aujourd’hui, les ventes de drones sont en plein essor et se démocratisent. Un marché et une envie sont nés. Les drones sont déjà familiers des guerres modernes tout comme ils sont utilisés pour des opérations policières de surveillance. Récemment, un jeune Nancéien de 18 ans s’est retrouvé convoqué devant le Tribunal correctionnel de Nancy, devant répondre de mise en danger de la vie d’autrui le 20 mai prochain pour avoir fait des prises de vue aériennes de Nancy sans autorisation préalable de la préfecture, pour des raisons évidentes de sécurité. En même temps, les prises de vue ont connu un succès retentissant sur internet, au point que le jeune utilisateur de drone a été approché par les autorités municipales. La question de l’utilisation des drones est donc d’actualité en ce qui concerne les risques, en ce qui concerne les assurances, en ce qui concerne l’exploitation des images, les atteintes qui peuvent être portées à la vie privée ou à la propriété privée. Il faudra se montrer à la fois rigoureux, mais sans doute aussi souple, car il y a à l’évidence, derrière ces nouvelles technologies et leurs exploitations, bien des champs à explorer et sans doute également bien des services qui peuvent être rendus.
FUKUSHIMA, 3 ANS DEJA
3 ans se sont écoulés depuis le séisme, le tsunami et l’accident nucléaire survenus le 11 mars 2011 dans le nord du pays et entrés aujourd’hui dans la mémoire collective sous l’appellation de Fukushima qui vient prendre place, dans cette même mémoire, à coté de celle de Tchernobyl. Fukushima, ce sont officiellement 15.884 morts et 2.636 disparus. Par ailleurs, depuis la catastrophe, au moins 1656 personnes sont mortes des suites du stress et des complications de santé, sans compter les dégâts écologiques et matériels. Les effets à moyen et à long terme ne cessent pas de se faire sentir. Le chantier de décontamination est ouvert pour longtemps. Sur ce chantier travaillent des ouvriers souvent recrutés illégalement pour des salaires de misère et ignorant tous les risques. On les appelle déjà « les sacrifiés de Fukushima ». L’onde de choc s’est bien entendue propagée dans tous les pays exploitant des centrales nucléaires. En France, l’Autorité de sûreté nucléaire a imposé à EDF des protections supplémentaires contre les aléas extrêmes, non sans un très rude dialogue.
POLLUTION
Il aura fallu de nouveaux pics de particules liés à une météo particulièrement clémente pour qu’une mesure vieille de 17 ans, à savoir la circulation alternée, soit remise au goût du jour. La veille, il est vrai, d’un scrutin municipal. On ne peut que regretter que la France n’ait pas réussi a adopter des mesures structurelles au delà de l’urgence et que les ministres de l’écologie de droite comme de gauche, pas plus que les écologistes, n’aient réussi à faire changer en profondeur les mentalités. Il est particulièrement significatif, une fois encore, que le débat se déplace au moins provisoirement sur le terrain judiciaire puisque l’association Ecologie sans frontière, soutenue par Respire et le Rassemblement pour la planète, aient pris l’initiative de déposer une plainte pénale pour mise en danger de la vie d’autrui entre les mains du procureur du pôle de santé publique du Tribunal de grande instance de Paris. Peut-être qu’une fois encore, c’est en déplaçant le débat sur un terrain qui n’est pas son aire naturelle que les choses bougeront. On relèvera, dans le même ordre d’idées, que les particules fines émises par la Chine sont devenues un sujet de tension avec le Japon mais non sans paradoxe. Il apparaît que les Japonais vendent aux Chinois des milliers de purificateurs d’air…
FINANCEMENT DE L’AIDE AUX VICTIMES,LA PROPOSITION DE LOI, ENFIN !
Le sénateur des Hauts-de-Seine, M. Philippe Kaltenbach, au nom du groupe socialiste, a déposé une proposition de loi, co-signée par 41 d’entre eux, tendant à améliorer le financement des associations de l’aide aux victimes. En introduction de cette proposition, il est repris les propos de Robert Badinter :« Quiconque vit la réalité judiciaire est amené à mesurer effectivement ce qu’est la condition des victimes et ne peut que constater qu’elle est, en vérité, bien peu satisfaisante. La victime est trop souvent mal accueillie, mal informée, mal garantie ». Cette proposition de loi vise à mettre fin à la fragilité des associations d’aide aux victimes regroupées au sein de l’INAVEM, touchées de plein fouet par la diminution des crédits alloués tant par l’Etat que les autres acteurs publics. Il est proposé de mettre en place une contribution additionnelle de 1,5% du produit de toutes les amendes pénales recouvrées, majoration mise à la charge des auteurs d’infraction pénale. La proposition est courte, elle compte 4 articles, l’article 2 prévoyant l’institution d’un fonds de financement de l’aide aux victimes.
CONDAMNATION DE L’AMI DU CHAUFFARD
Le Tribunal correctionnel de Montpellier a condamné à 12 mois de prison,dont 6 mois fermes, l’ami d’un chauffard qui a tué une jeune fille. La décision a eu un fort écho médiatique. Nous aurons l’occasion de revenir sur celle-ci, plus techniquement, dans un prochain numéro du JAC. Mais, en attendant, il faut simplement souligner combien il est important, à un moment où il est question de dépénalisation de certains comportements routiers, de laisser la place à l’appréciation du juge républicain après un débat contradictoire devant les juridictions pénales.
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