« L’indépendance est un statut, l’impartialité une vertu »
Robert Badinter
EDITO
Droit des victimes « regrettables et inutiles attaques ! »
Il n’y a pas de sujet tabou.
Et chacun doit pouvoir s’exprimer librement.
Il en va ainsi des regards qui peuvent être portés sur les décisions judiciaires et sur le processus pénal.
Il est important qu’il en soit ainsi dans une démocratie forte.
Au moment ou l’information s’inscrit dans l’immédiateté, on peut apprécier que « Le Monde », fort de ses 70 ans, ait consacré aux victimes, le 13 décembre dernier, à la fois la une de son magasine hebdomadaire et un long article sous la plume de Pascale Robert-Diard,chroniqueuse de talent et de sensibilité.
Ainsi, visuels religieux à l’appui, il est titré de façon volontairement provocatrice à la une : « Procès Xynthia, amiante, Mediator, Sacro-Saintes victimes », puis annonçant l’article de fond, il est à nouveau titré : « La glorification des victimes ».
Et s’en suit une véritable charge à l’encontre des victimes d’infractions pénales.
Ainsi « encouragé par les responsables politiques, entretenu par des médias en quête d’émotion facile, le discours compassionnel « exercerait » une pression croissante sur les magistrats ».
Ainsi les victimes devraient se limiter à être des partie civile confinée dans un statut résiduel et donc sans doute taisante.
Ainsi la justice serait tout bonnement l’otage des victimes.
Et, in fine, le tribunal saurait tout des victimes et rien du prévenu.
Plus encore, citant Denis Salas, il est dit « Aujourd’hui, dans L’Etranger de Camus, le personnage principal ne serait pas Meursault, mais l’Arabe, sa victime », tuée sur une plage.
Et on aurait créé une fabrique des victimes et privatisé la justice pénale. Rien que cela !
On peut et doit être en total désaccord avec les constats faits, les présupposés idéologiques qui sous- tendent les réflexions et être surpris qu’il puisse être tiré des enseignements généraux du déroulé de l’audience pénale qui a abouti au jugement rendu par le Tribunal de grande instance des Sables d’Olonne suite à la catastrophe Xynthia.
Disons le clairement et fermement : cette analyse est choquante et faite de beaucoup d’approximations surprenantes, d’une méconnaissance peu compréhensible de l’impératif de bientraitance qui s’impose à l’égard de toutes victimes issu d’une longue et juste évolution aujourd’hui ancrée dans des textes internationaux et nichée dans l’article II préliminaire du Code de Procédure Pénale.
Mais cela chacun qui fait preuve d’un peu de bonne foi le sait.
Chaque élément de cette démonstration peut donc aisément être réfuté, et l’eût été si d’autres acteurs avaient été sollicités.
La théorie de la « glorification des victimes » doit en fait être mise en perspective avec un autre dessein, la volonté affichée de dépénalisation portée par de grands acteurs privés ou publics du risque dans le cadre d’un lobbying pressant. L’objectif est la mise à néant de l’ordre public de protection alors que les violences technologiques, sanitaires ainsi que les failles systémiques viennent frapper des valeurs essentielles qui doivent être protégées, comme la vie et l’intégrité corporelles et psychique.
Le droit des victimes ne peut se voir ni se jauger à partir du seul prisme d’impression d’audience, c’est un tout.
Lors de création de l’Institut National d’Aides aux Victimes et de Médiation (Inavem) dont j’ai eu le privilège d’être le Président Fondateur nous avions posé comme postulat que « Toutes les victimes, quelle que soit la cause de leur malheur, ont droit à la considération et à la solidarité. Les catastrophes et les fléaux qui ponctuent la vie de l’humanité nous rappellent régulièrement à nos devoirs élémentaires envers ceux et celles dont les existences sont bouleversées ou anéanties. Plus près de nous, inscrit dans notre quotidien, nous sommes confrontés aux victimes d’infraction, aux victimes de délinquances. Ces victimes, souvent traumatisées physiquement, toujours atteintes moralement et psychologiquement, méritent elles aussi non seulement d’être indemnisé mais aussi aidées. » L’octroi de droits aux victimes participe fondamentalement de l’oeuvre de justice.
Alors que la France transpose la Directive « Victime », laquelle s’inspire largement de notre modèle, les thèses développées dans l’article du Monde s’apparentent à une tentative de régression derrière laquelle on peut deviner des groupes d’intérêts. Il serait dangereux d’y prêter la main et encore davantage d’y céder.
Tant qu’à se référer à Albert Camus, autant s’inspirer, pour défendre la cause du droit des victimes et de l’effectivité de celui-ci, de L’Homme révolté et de Combat.
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