« L’indépendance est un statut, l’impartialité une vertu »
Robert Badinter
Edito
REVOLTES ET CATASTROPHES
Une fois encore, ce sont des évènements qui pourraient paraître lointains qui interpellent. La tragédie minière qui a fait plus de 200 morts, le 13 mai 2014, dans un puits de charbon situé à Sema en Turquie a entraîné un vent de colère et de révolte.
L’explosion a entraîné une coupure de courant qui a mis les ascenseurs hors d’usage et piégé les ouvriers à environ 2 km sous terre. Les images du peuple de la mine ainsi frappé ont fait le tour du monde immédiatement, mais pouvait-il en être autrement ?
Aussitôt a surgi le débat sur la sécurité des installations. La colère s’est traduite en manifestation et les slogans étaient sans équivoque : « Gouvernement, démission ! ». La police n’a eu d’autre choix que de réprimer sans grand ménagement. La compagnie privée qui exploite la mine de charbon s’est enfermée dans la dénégation, démentant toute négligence et affirmant bien sûr qu’elle respectait toutes les normes de sécurité. Une autre image a également fait la une, c’est celle d’un proche conseiller du Premier ministre turc en train de rouer de coups de pied un manifestant proche, lui, des victimes. Clairement, la tragédie minière vire au scandale politique. Alors que le bilan final pourrait être supérieur à 300 victimes six jours après la catastrophe, 18 personnes ont été interpelées parmi lesquelles des dirigeants de la mine.
En Chine, les autorités de la province du Yuhang ont dû faire face à une violente rébellion contre un projet d’incinérateur. Une manifestation organisée le 10 mai a dégénéré en affrontement sévère avec les forces de police. Le cas du Yuhang n’est pas isolé depuis que la Chine a annoncé son intention en 2011 de construire 300 nouveaux incinérateurs dans les années à venir. Le manque de consultation et de concertation a généré une incompréhension qui s’est transformée en rejet. Ces deux évènements rappellent, si besoin était, la légitime et extrême sensibilité à la problématique des risques potentiels ou subis et réalisés. Ces questionnements sont récurrents et n’ont rien de lointain ni de surprenant.
OGM ET ONDES
Après la relaxe par la Cour d’appel de Colmar, le 14 mai 2014, de 54 faucheurs volontaires ayant détruit en 2010 une vigne OGM expérimentale,12 organismes de recherches dénoncent une remise en cause du droit à expérimenter. Le débat n’est pas nouveau. La Cour d’appel a estimé que l’arrêté ministériel ayant conduit à autoriser l’essai de vigne OGM en plein champ « était illégal ». Une fois encore, c’est sur le terrain judiciaire que le débat, qui est largement un débat de société, a in fine été porté et tranché. Les chercheurs pétitionnaires estiment quant à eux qu’il y a une dérive sur l’angoisse de la population autour du progrès. Il y a sans doute, surtout, une incapacité provisoire de notre société à créer du consensus, mais cela ne se fait pas sans effort de pédagogie et de moyens ou alors à faire trancher clairement par le législateur ou par voie référendaire. Des exemples récents, certes dans d’autres domaines, des votations de nos voisins helvétiques mériteraient d’être réfléchis. Tout comme doit être regardée avec beaucoup d’intérêt l’initiative unique en Europe qui est la construction, à quelques minutes du centre-ville de Zurich, dans le quartier résidentiel de Leimbach, d’un bâtiment dédié aux hypersensibles chimiques et conçu pour minimiser l’exposition aux ondes et aux polluants. La problématique de la qualité de vie des hypersensibles chimiques est connue même si elle est souvent niée, dès lors qu’elle aurait des conséquences notamment en terme d’accidents du travail. Dans l’immeuble dédié, l’équipement électrique permet de minimiser l’émission des ondes, notamment par l’isolation de tous les câbles. Par ailleurs, des structures intégrées limitent la pénétration des ondes émises par des réseaux de téléphonie mobile et du Wifi du voisinage. L’expérience a néanmoins ses limites car les initiateurs reconnaissent notamment qu’il est impossible de construire sans aucun produit chimique.
Donc, pas de risque zéro mais une expérience à suivre !
MEDIATOR, EFFET D’ANNONCE ?
Le nouveau président du laboratoire pharmaceutique Servier, Olivier Laureau, a fait savoir que le groupe « assumera ses responsabilités » et, dans le cadre de la procédure de l’ONIAM et civile, « indemnisera tous les patients qui ont souffert du Mediator ». L’information ainsi présentée et diffusée a été largement reprise. En même temps elle a été accueillie avec beaucoup de recul par les victimes qui savent in concreto ce qu’il en est des obstacles multipliés sur leur parcours indemnitaire, qu’il s’agisse du processus devant l’ONIAM ou des procédures civiles. Irène Frachon, dans une lettre ouverte à Olivier Laureau, publiée dans le Huffington Post le 16 mai 2014, n’a pas manqué M. Laureau, le prenant au mot de mettre en œuvre pour chacune des victimes une indemnisation juste et rapide des souffrances dues au Mediator. Nous rappelons juste que nous étions de ceux qui, malheureusement, n’avaient pas été entendus en d’autres temps, qui proposaient que d’un point de vue technique soit créée une présomption d’imputabilité dès lors que la prise du Mediator était avérée. Nous pensons que cette question était toujours d’actualité. Alors que se profile à l’horizon, soit à Paris, soit à Nanterre, le procès pénal du Mediator, on ne peut qu’espérer que la question indemnitaire progresse vers une juste et intégrale réparation de tous les dommages subis et de tous les préjudices, et notamment du préjudice d’anxiété et d’angoisse.
11 SEPTEMBRE : INAUGURATION ET POLEMIQUE
Ground Zero a ouvert son musée du 11 septembre non sans polémiques. Il est reproché aux initiateurs du projet d’avoir fait de Ground Zero un parc à touristes. De même, l’emplacement d’un mausolée sur le site, contre l’avis de certaines familles, des restes des morts non identifiés a suscité une controverse. Pour les indignés de ce choix, « un musée n’est pas cimetière ». L’exercice de la fonction mémorielle est un exercice difficile à tout point de vue.
PLEINS FEUX SUR LE MONDIAL DE FOOTBALL AU BRESIL
D’ici quelques jours maintenant, la Coupe du monde s’ouvrira au Brésil. Là aussi, les controverses sont fortes. Sur la compatibilité de cet évènement et les aspirations de la population brésilienne, mais surtout sur la sécurité qui, semble-t-il, a pâti des problématiques récurrentes et connues de corruption. Le tribut en accidents sur les chantiers a déjà été lourd. La FIFA n’a jamais intégré dans son schéma et son cahier des charges l’aspect social des travaux, en tout cas au Brésil.
Gardons cela à l’esprit quand nous serons rivés sur nos écrans de toutes natures !