Aprés le premier tour des élections régionales l’UMP a employé une rhétorique qui visait à masquer une défaite qui était bien réelle. François Hollande pour l’opposition et Bernard Debré pour la majorité ont parlé de « déni de réalité« . Je suis allé sur Wikipédia et voici ce que j’ai trouvé » le déni de réalité survient quand, devant une réalité trop angoissante, nous nions l’évidence, comme si nous ne voulions pas la voir. En réalité, c’est que nous ne pouvons pas la voir tant elle serait difficile ou douloureuse à assumer. »
Ce déni de réalité est pratiqué depuis longtemps par les politiciens qui pratiquent aussi bien la rhétorique que la sémantique. Je crois que si cette méthode peut calmer les esprits sur l’instant, elle a l’effet contraire sur le long terme car elle accentue les amertumes. Je vais prendre pour exemple le déni de réalité sur le plan industriel.
En octobre 1978, André Giraud avait décidé dans la sidérurgie d’une réduction de 50.000 salariés sur trois ans et engagé un plan de 3 milliards de francs pris sur sur un fond spécial d’adaptation industriel afin de créer des emplois de substitution. Lorsque François Mitterrand a été élu président de la République en 1981, il va prendre le contre pied de cette politique de décélération de la production d’acier. C’est ainsi qu’il va réserver un de ses tous premiers déplacements à la Lorraine, région déjà sinistrée. Au cours de cette visite il annonce que la sidérurgie va être non seulement sauvée mais de plus modernisée et étendue. Devant les sidérurgistes il dit je cite » aucune entreprise ne devra fermer, sans que le Premier ministre en soit informé et soit en mesure d’agir, il était temps que nous arrivions« . La traduction de ce discours est simple. Mitterrand ne reconnaît pas la crise de la sidérurgie, c’est tout simplement une invention de la droite.
Quelques temps plus tard, il se rend à Merlebach pour une visite aux mineurs. Tout le monde sait que le charbon français coûte trois plus cher que le charbon importé. Qu’importe, au cours de cette visite Mitterrand annonce aux mineurs que la richesse nationale qu’est le charbon a été sacrifiée par la droite et que son gouvernement va non relancer la production industrielle mais même l’amener à un niveau supérieur à celui qu’il était. C’est ainsi que en pleine crise charboniére 8000 mineurs sont embauchés.
Sur de lui, lors d’un voyage au Salvador Mitterrand proclame « nos idées seront contagieuses, elles feront le tour du monde« . Ben voyons. Les sidérurgistes et les mineurs pavoisent. Ils se sont débarrasés de cette droite haineuse et arrogante qui voulait les faire disparaître.
Très vite Mitterrand et les socialistes vont faire payer très cher aux sidérurgistes ce déni de réalité. C’est ainsi que Mitterrand dans une déclaration reconnaît son erreur en déclarant je cite » Qui placera t-on le plus haut dans l’estime, ceux qui s’étant trompés ont camouflé leurs responsabilités, ou celui qui s’est trompé et qui entend bien ne pas faire payer au pays le prix de cette erreur ? Bref, celui qui prend la responsabilité de corriger de telle sorte que la France n’en souffre pas ? » Et en plus gonflé le gars, il ne manque pas d’air. En clair Mitterrand dit que maintenant le pays devra bien accepter des milliers de suppessions d’emplois, des fermetures d’usines et leurs cortéges de drames humains.
Mais ce n’est pas terminé. Aprés avoir fait payer aux sidérurgistes ce déni de réalité, les socialistes vont maintenant faire payer ce même déni de réalité aux mineurs. Le mois précédent les élections municipales de 1983, Mitterrand entreprend un voyage officiel dans le Nord-Pas de Calais et c’est à Lens qu’il prononce un discours au cours duquel il va déclarer je cite » l’Etat ne pourra pas à la fois couvrir l’énorme déficit de l’extraction charbonnière et participer à la renaissance industrielle du basin houiller« . En effet malgré l’aide de l’Etat, les comptes des Charbonnages de France sont désastreux. Le fait d’avoir embauché 8000 mineurs suplémentaires a fait augmenter de 27% le prix de la tonne de charbon. Les conséquences sont immédiates, on supprime 8000 emplois et on rétablit l’aide au retour qui avait été supprimée en 1981 pour les travailleurs immigrés. Le président du conseil d’administration, Georges Valbon, démissionne.
Voilà ou amené le deni de réalité des socialistes en 1981. Ils l’ont payé très cher lors des élections municipales de 1983 et législatives de 1986.
Nicolas Sarkozy a commis la même erreur à Gandrange en ce 7 février 2008. Le président de la République s’adresse aux salariés de l’usine d’Arcelor-Mittal qui est menacée de fermeture « Gandrange, comme voyage de noces, il n’y a pas mieux. Moi, je ne suis pas venu pour aller dire du mal de quelqu’un qui investit dans l’acier, Je préfère qu’ils investissent dans l’acier, dans l’entreprise, dans l’usine, plutôt que dans des fonds dont on ne sait même pas ce qu’ils font de leur argent. » et d’ajouter « L’Etat préfère investir pour moderniser le site, plutôt que de donner de l’argent pour accompagner des gens soit en préretraite soit au chômage. » Puis encore « avec ou sans Mittal, l’Etat investira dans Gandrange« . Dans la réalité ce sont 575 emplois qui ont d’abord été supprimés, puis c’est l’aciérie qui a fermé ses portes.
Nicolas Sarkozy dans un déni de réalité a pris le même engagement que François Mitterrand 27 ans plus tôt qui est celui de payer tout ou partie de l’investissement pour mettre l’usine à niveau, et donc lui permettre de survivre. La seule a applaudir a été Marie George Buffet, c’est dire.
Je pense que les Français sont capables d’entendre un discours de vérité. Un tel discours est un discours adapté aux circonstances c’est à dire à l’inéluctable dans ces cas précis. Si le discours peut à court terme endormir ceux qui l’écoutent, le réveil peut être terrible. Je ne suis pas un économiste mais je constate depuis de longues années que ceux qui luttent contre le déni de réalité finissent toujours pas non seulement perdre la partie mais perdre également tout ou partie de leur crédibilité. L Jospin avait eu le courage de dire que l’Etat ne peut pas tout. Il est probable que ce language de vérité lui a coûté cher, mais au moins il peut se regarder en face. Oui, l’Etat ne peut pas tout et prétendre le contraire c’est un déni de réalité.
J’ai pris des exemples industriels et pour des majorités en place. J’aurais pu prendre exemple dans d’autres domaines et pour l’oppositon. Par exemple aujourd’hui à gauche on est dans un déni de réalité sur le problème des retraites. Ce déni de réalité c’est aussi ce qui, dans le syndicalisme fait la différence entre l’esprit réformiste et les partisans d’une ligne dure arqueboutés sur des avantages acquis d’un autre siècle, du temps ou les conditions de travail n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui. Le deni de réalité cela peut être aussi le refus d’admettre que des réformes ont été faites parce que c’est probablement douloureux de reconnaître que quelqu’un qu’on déteste ait pu les faire . Vous voyez j’ai développé des exemples industriels , mais j’aurais pu developper sur d’autres sujets.
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