CUMUL DES RESPONSABILITES DU FAIT D’AUTRUI ET DU FAIT PERSONNEL
Commentaire de CA Aix-en-Provence 10 décembre 2015
Isabelle Corpart
Maître de conférences en droit à l’UHA
CERDACC
Après un arrêt de la Cour de cassation qui avait admis en 2014 un cumul de responsabilités en cas de dommage causés par un mineur (Civ. 2ème 11 sept. 2014), les juges de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence 10 déc. 2015) considèrent que la responsabilité de la mère de l’auteur de l’accident doit être partagée avec celle de son fils, cycliste. Ils ne sont toutefois jugés responsables qu’à hauteur de 50 % en raison du fait exonératoire de la victime, passager du vélo.
Mots-clefs : Responsabilité du fait personnel – Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur – Cumul de responsabilités – Responsabilité in solidum – Dommage – Minorité – Faute de la victime.
Pour se repérer
Deux mineurs se déplaçant à vélo chutent. L’enquête révèle que Kevin D., cycliste, transportait sur son vélo son ami Yann A., juché sur le guidon, le premier enfant ayant 15 ans et le second 14.
Yann étant grièvement blessé, ses parents agissent contre Mme Nelly D., mère de Kévin et contre Kévin lui-même pour obtenir une indemnisation, arguant que c’est la faute du mineur qui est à l’origine de l’accident.
Pour aller à l’essentiel
Lorsqu’un dommage est causé par un mineur, la responsabilité de ses parents peut être engagée sur la base de l’article 1384, alinéa 4 du Code civil mais cela n’exclut pas la possibilité d’agir contre le mineur lui-même en invoquant l’article 1382 du Code civil s’il a commis une faute à l’origine du dommage ou l’article 1383 du Code civil en cas d’imprudence ou de négligence. En effet, la mère de l’enfant mineur, auteur du dommage, exerçant l’autorité parentale et accueillant ce dernier sous son toit voit sa responsabilité du fait d’autrui engagée. La mise en œuvre de l’article 1384, alinéa 4 du Code civil n’exige pas que le fait de l’enfant soit fautif.
Néanmoins quand il l’est, comme en l’espèce car le jeune cycliste devait savoir qu’il enfreignait les règles du Code de la route en transportant son passager sur le guidon, une responsabilité du fait personnel de l’auteur du dommage est encourue. Le cycliste a dès lors commis une faute de négligence qui engage sa responsabilité du fait personnel, cette imprudence ayant concouru à l’accident qui a blessé gravement une jeune victime.
Les deux responsabilités, du fait d’autrui et du fait personnel, se cumulant, la victime peut agir tant contre la mère que contre son fils, lesquels sont condamnés in solidum au versement de dommages et intérêts.
Toutefois il apparaît que le passager a également commis des imprudences. En se faisant transporter assis sur le guidon, il devait savoir que cela déstabiliserait le vélo et précisément c’est ce qui a entraîné la chute. En conséquence, les juges tiennent compte de son attitude pour exonérer partiellement la mère et son fils de leurs responsabilités respectives, 50 % des conséquences de l’accident étant laissées à la charge de la victime par les juges aixois (CA Aix-en-Provence 3 déc. 2015, n° 14/14445).
Pour aller plus loin
La minorité ne fait pas obstacle au prononcé de la responsabilité du fait personnel de l’auteur d’un accident. Toute personne, même mineure, doit supporter les conséquences de ses agissements fautifs. A 15 ans, Kévin D. doit en effet supporter les conséquences de ses agissements fautifs (C. civ., art. 1382).
Elle doit le faire même lorsque la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur est également engagée (C. civ., art. 1384, al. 4). En effet, la Cour de cassation a eu l’occasion d’ordonner déjà le cumul des responsabilités lorsque toutes les conditions étaient remplies, en condamnant in solidum père, mère et mineur (Cass. 2ème 11 sept. 2011, n° 13-16.897, JAC n° 147, octobre 2014, note I. Corpart, JCP G 2014. 1074, note G. Deharo, D. 2015. 124, obs. Ph. Brun et O. Gout) : « la condamnation des père et mère sur le fondement de l’article 1384, alinéa 4 du Code civil ne fait pas obstacle à la condamnation personnelle du mineur sur le fondement de l’article 1382 ».
Cette articulation entre les différents régimes de responsabilité n’ayant pas été prévue par le législateur, cette décision avait été fort saluée.
C’est dans la droite ligne de cette jurisprudence que les juges du fond retiennent les responsabilités de la mère et de l’enfant en les cumulant. En effet d’une part, le comportement du jeune cycliste est jugé fautif, sa négligence et sa méconnaissance du Code de la route ayant contribué à la réalisation de l’accident (C. civ., art. 1383), d’autre part, la responsabilité de sa mère est encourue (C. civ., art. 1384, al. 4). Il ressort du dossier que c’est la responsabilité du parent avec lequel l’enfant cohabite qui est engagée (Crim. 29 avr. 2014, JAC n° 144, mai 2014, note I. Corpart), la cohabitation étant le critère habituel de mise en œuvre de la responsabilité des parents (Crim. 2 déc. 2014, JAC n° 150, janv. 2015, note I. Corpart), or Kévin, âgé de 15 ans, vit avec sa mère au moment de l’accident.
La responsabilité de Mme D. pouvait être engagée dès lors qu’il était démontré que son fils Kevin était à l’origine des blessures subies par Yann A., sans que la faute de son fils n’ait à être démontrée (Cass. ass. Plén. 9 mai 1984, Fullenwarth, Bull. civ., n° 4, D. 1984, 525, concl. Cabannes, note F. Chabas, JCP 1984, II, 20255, note Dejean de la Bâtie ; Civ. 2ème 10 mai 2001 , n° 99-11.287, D. 2851, rapport P. Guerder, note O. Tournafond, RTD civ. 2001. 601, obs. P. Jourdain ; Civ. 2ème 17 févr. 2011, Bull. civ., II, n° 47, JAC n° 114, mai 2011, obs. I. Corpart ; JCP 2011, n° 519, note D. Bakouche, RTD civ., 2011, 244, obs. P. Jourdain). En revanche, une fois la négligence de son fils établie, ce sont deux voies qui peuvent être empruntées par les parents de la jeune victime afin d’obtenir en son nom une indemnisation.
Certes on a tendance à privilégier la mise en œuvre de la responsabilité des parents par rapport à celle d’un mineur insolvable. C’est toutefois oublier que les parents souscrivent généralement une assurance multirisques habitation qui inclut la prise en charge des dommages causés par les enfants du couple. Il devient dès lors tout à fait pertinent d’agir contre l’auteur de l’accident. En l’espèce, les parents de Yann A. s’étaient tournés en effet vers les assureurs de Mme D. et de son fils et ils ont été entendus par les juges.
Encore fallait-il apprécier le fait de la victime, cause exonératoire pour l’auteur du dommage et pour sa mère. Précisément, une faute d’imprudence est relevée de sa part car il est admis qu’il avait conscience du danger encouru en s’installant sans équilibre sur le guidon du vélo conduit par son ami.
Les juges considèrent en l’espèce que cette négligence de Yann a contribué partiellement à la réalisation du dommage qu’il a subi, si bien que les responsabilités de Kévin et de sa mère sont fixées à hauteur de 50 % des conséquences dommageables, ces derniers étant tenus in solidum d’indemniser Yann de l’intégralité de ses préjudices.
Tout l’intérêt de cette jurisprudence relative au cumul des responsabilités est de rappeler que Kévin reste exposé personnellement quand bien même il est admis que les parents répondent des actes de leurs enfants à leur place afin de garantir à la victime une meilleure indemnisation. Il est toutefois courant que la victime préfère se retourner contre les parents. Encore faut-il noter qu’en pareil cas ils peuvent ensuite réclamer à leur enfant le remboursement des dommages et intérêts qu’ils ont dû verser (CA Rouen, 7 mai 2003, Resp. civ. et assur. 2003, comm. 254, obs. C. Radé).
En l’espèce, les demandeurs avaient choisi de faire assigner tant la mère que son fils en déclaration de responsabilité et ils agissaient contre l’assureur de la famille. Leur assureur est effectivement condamné in solidum avec eux à indemniser les préjudices subis par Yann et sa famille.
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CA Aix-en-Provence, 3 décembre 2015, n° 14/14445
EXPOSE DES FAITS ET PROCÉDURE
Le 19 mars 2009 à Cagnes-sur-Mer Yan A, âgé de 14 ans était assis sur le guidon du vélo VTT appartenant à Mme Nelly D, conduit par le fils de celle-ci, Kevin D âgé de 15 ans, lorsqu’il a chuté et s’est gravement blessé.
Par acte du 27 juin 2012, M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P, ses parents, ont fait assigner M. Kevin D, Mme Nelly D et leur assureur la Sa Sogessur devant le tribunal de grande instance de Grasse en déclaration de responsabilité, désignation d’un expert médical afin d’examiner M. Yan A et allocation d’une provision de 20 000 euro au profit de celui-ci, et ont appelé en cause la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes (Cpam) en sa qualité de tiers payeur.
Par jugement du 15 mai 2014 cette juridiction a :
– déclaré Mme Nelly D et M. Kevin D responsables sans aucun partage de responsabilité avec la victime, M. Yann A, de l’accident de vélo survenu le 19 mars 1994,
– dit en conséquence Mme Nelly D et M. Kevin D tenus in solidum avec leur assureur, la Sa Sogessur, d’indemniser M. Yann A de l’intégralité de ses préjudices,
– condamné in solidum Mme Nelly D, M. Kevin D et la SA Sogessur à verser à M. Yann A la somme de 10’000 euro à titre de provision valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,
– ordonné une expertise médicale de la victime confiée au Dr. De Peretti,
– débouté M. Yan A, M. Gilles A et Mme Lucienne P de leur demande au titre de la responsabilité civile pour comportement abusif,
– réservé les débours de la Cpam,
– réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens de la procédure.
Le tribunal a considéré que la seule faute pouvant être reprochée à M. Yann A était d’être monté sur le guidon du vélo en vue d’être transporté par M. Kevin Du mais que la propre faute de celui-ci, qui avait accepté de le transporter à un endroit non prévu à cet effet, absorbait cette faute et que Mme Nelly D était responsable du dommage en application de l’article 1384 alinéa 4 du code civil.
Par acte du 22 juillet 2014, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sa Sogessur a interjeté appel général de la décision.
MOYENS DES PARTIES
La Sa Sogessur demande dans ses conclusions du 3 février 2015, infirmant le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. Yann A et ses parents de leur demande en paiement de dommages-intérêts à titre de résistance abusive, de :
– constater qu’aucune faute de nature à engager la responsabilité de M. Kevin D et de Mme Nelly D sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 1 du code civil ne peut être retenue,
à titre principal, en application de l’article 1384 alinéa 4 du code civil
– constater que l’accident a été provoqué par la victime qui a coincé son pied dans la roue avant du vélo,
– constater qu’au vu des procès-verbaux de gendarmerie dressés, cette faute de la victime, certes involontaire, constitue la cause directe du dommage,
-constater que la seule faute qui peut être reprochée à M. Kevin D réside dans le fait d’avoir accepté de transporter son camarade sur son vélo et que cette faute ne saurait pouvoir revêtir un degré de gravité supérieur à la seconde faute commise par la victime, du même âge, ayant consisté à souhaiter être ainsi transporté et à être ainsi monté sur le vélo,
– juger en conséquence que la responsabilité parentale de Mme Nelly D ne peut être retenue du fait des fautes commises par la victime,
– débouter M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P de leurs demandes,
– condamner M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux dépens
a titre subsidiaire, en application de l’article 1384 alinéa 4 du code civil,
– constater qu’il est acquis que M. Yann A a commis plusieurs fautes conduisant à retenir une exonération partielle des parents de M. Kevin D à hauteur de 75 %,
– réduire en conséquence dans cette proportion la demande de provision,
– lui donner acte de ses protestations et réserves d’usage sur la mesure d’expertise sollicitée.
Elle fait valoir que la chute a été provoquée par M. Yann A qui s’est retourné vers M. Kevin D et a mis son pied dans la roue avant du vélo ce qui a forcément bloqué brutalement la progression de celui-ci.
Elle ajoute qu’aucune faute ne peut être relevée à l’encontre de Mme Nelly D en relation avec les préjudices subis, ni même à l’encontre de M. Kevin D puisque c’est M. Yann A qui a demandé à être transporté sur le guidon du vélo et qui est monté sur celui-ci de son plein gré, en toute connaissance des risques encourus qu’il a acceptés, alors qu’il était doté la même capacité de discernement que M. Kevin D.
Elle estime que la responsabilité de Mme Nelly D ne peut être recherchée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil car un transfert de la garde de son vélo a été opéré puisqu’au moment de l’accident elle n’en avait pas les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction.
Elle précise que sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du code civil la responsabilité de Mme Nelly D ne peut être retenue puisqu’il n’est pas établi que son fils a commis une faute qui est la cause directe du dommage, alors que l’accident s’est produit sur une voie présentant une légère pente négative et qu’il ressort des déclarations du témoin de l’accident que le vélo ne circulait pas à vive allure, la faute consistant à avoir accepté de transporter M. Yann A étant absorbée par la propre faute de ce dernier.
Elle souligne enfin qu’elle-même n’a commis aucune résistance abusive puisqu’elle n’a connu le fondement des réclamations dirigées à son encontre que par courrier du 27 février 2012.
M. Kevin D et Mme Nelly D demandent dans leurs conclusions du 3 février 2015 de leur donner acte de leur appel incident par lequel il s’associent et reprennent à leur compte l’entier bénéfice des conclusions, pièces et arguments d’appel développés aux intérêts de la Sa Sogessur.
M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P demandent dans leurs conclusions du 1er décembre 2014, en application des articles 1382, 1383, 1384, 1165 et suivants du code civil et L. 124-3 du code des assurances, de :
– confirmer le jugement sur la responsabilité, en ce qu’il a dit que M. Kevin D et Mme Nelly D étaient tenus in solidum avec la Sa Sogessur d’indemniser M. Yann A de l’intégralité de ses préjudices et en ce qu’il a ordonné une expertise médicale,
– réformer le jugement pour le surplus et ainsi de
* condamner M. Kevin D, Mme Nelly D et la SA Sogessur à verser à M. Yann A une provision de 20’000 euro à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,
* condamner la Sa Sogessur à verser à M. Yann A la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et à garantir les condamnations de M. Kevin D et de Mme Nelly D au titre de l’action récursoire,
* condamner M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur à verser à M. Yann A la somme de 5 000 euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ajouter au jugement et ainsi de condamner M. Kevin D Mme Nelly D et la SA Sogessur à verser à M. Yann A une somme de 20’000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et à M. Gilles A et à Mme Lucienne P une indemnité de 10’000 euro chacun en réparation de leur préjudice moral.
Ils soutiennent que Mme Nelly D est responsable des dommages en application de l’article 1384 alinéa 1 du code civil ; en effet étant propriétaire du vélo au moment de l’accident elle est présumée en avoir eu la garde, qu’elle ne justifie pas d’un transfert de garde, que si M. Yann A a commis une erreur en montant sur le vélo, ceci ne peut l’exonérer de sa responsabilité car cette erreur n’a pas été la cause exclusive du dommage et n’a pas revêtu les caractères de la force majeure.
Ils affirment que Mme Nelly D est responsable en sa qualité de mère des dommages causés par son fils, conformément à l’article 1384 alinéa 4 du code civil, celui-ci ayant commis des fautes en proposant à M. Yann A de le prendre sur le guidon de son vélo et en roulant trop vite, alors même que ce dernier lui avait demandé de ralentir, que ces fautes sont en lien de causalité avec le dommage subi par cette victime auquel une acceptation fautive des risques ne peut être opposée, qu’enfin il n’est pas établi, sauf par les propres déclarations de M. Kevin D, que M. Yann A a mis son pied dans la roue du vélo.
Ils estiment que Mme Nelly D a commis des fautes personnelles engageant sa responsabilité en application des articles 1382 et 1383 du code civil, en laissant son fils sans surveillance alors qu’elle savait qu’il n’était pas à l’école.
Ils soulignent à l’égard de M. Kevin D que celui-ci est responsable des dommages, principalement au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, en prenant le vélo de sa mère, en prenant M. Yann A sur le guidon et en le transportant ainsi dans une descente et, subsidiairement, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil car il a bénéficié d’un transfert de la garde du vélo.
Ils précisent qu’ils bénéficient d’une action directe contre la Sa Sogessur, que celle-ci a été informée du sinistre dès le 18 septembre 2009, qu’elle a reconnu devoir garantir les dommages puisqu’elle a mandaté un expert médical puis a attendu le 19 mars 2012 pour dénier cette garantie alors que les circonstances établissent la pleine responsabilité de M. Kevin D et de Mme Nelly D, commettant ainsi une résistance abusive qui leur a occasionné un préjudice distinct dont elle leur doit réparation en application de l’article 1382 du code civil.
La Cpam demande dans ses conclusions du 20 janvier 2015 de confirmer le jugement et de condamner la SA Sogessur aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité de Mme Nelly D
Il est prévu à l’article 1384 alinéa 4 que ‘le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux’, que le fait de l’enfant soit ou non fautif
Il est constant que le 19 mars 2009 M. Kevin D, alors mineur, habitait avec sa mère Mme Nelly D qui exerçait sur lui l’autorité parentale, qu’il a pris le vélo appartenant à celle-ci et qu’il a roulé avec M. Yann A assis sur le guidon de ce vélo pour se rendre de Cagnes sur Mer à Villeneuve Loubet.
Les dommages invoqués par les consorts A ont été directement causés par le fait que M. Kevin D a transporté M. Yann A sur le guidon du vélo qu’il conduisait, soit en un endroit non prévu pour cet usage, ce qui a eu pour effet de rendre le vélo instable, ainsi que relevé par le témoin de l’accident, M. Marc M et a conduit à la chute de M. Yann A lorsque le vélo a roulé dans une pente, de sorte que la responsabilité de Mme Nelly D dans ces dommages est engagée de plein droit en application des dispositions légales susvisées.
Mme Nelly D ne peut être déchargée de cette responsabilité que par la preuve que le dommage a été causé par un événement de force majeure ou, en tout ou partie, par la faute de M. Yann A.
L’existence d’un événement de force majeure en lien de causalité directe avec l’accident n’est pas démontrée ni même invoquée.
En revanche, en montant sur le guidon du vélo conduit par M. Kevin D, M. Yann A a commis une imprudence manifeste dont il a nécessairement eu conscience ; cette faute, qui ne constitue pas un événement imprévisible et irrésistible, a contribué à la réalisation de l’accident et a pour effet d’exonérer partiellement Mme Nelly D de sa responsabilité dans une proportion qui, eu égard à la nature et à la gravité de cette faute, doit être fixée à 50 % des conséquences dommageables de l’accident, étant précisé qu’il n’est pas suffisamment établi par le procès-verbal de gendarmerie que M. Yann A a mis le pied dans la roue du véhicule, ainsi qu’indiqué par M. Kevin D lorsqu’il a été entendu.
Mme Nelly D doit être déclarée responsable pour partie de l’accident et donc tenue d’indemniser les consorts A des préjudices qu’ils ont subi, à proportion de la moitié de ceux-ci.
Sur la responsabilité de M. Kevin D
Il est mentionné à l’article 1382 du code civil que ‘tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.
En outre il est indiqué à l’article 1383 du même code que ‘chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.’
Le comportement de M. Kevin D, ainsi que décrit supra et par nature dangereux, traduit une violation de l’article R 431-5 du code de la route qui n’autorise le transport d’un passager sur un cycle que sur un siège fixé au véhicule, différent de celui du conducteur ; il est constitutif d’une faute de négligence qui a contribué à la réalisation de l’accident.
M. Yann A a lui-même commis une faute d’imprudence, comme déjà analysé, qui a participé à la survenance de sa chute.
Au vu des données de la cause il convient de partager la responsabilité des conséquences dommageables de l’accident entre M. Kevin D et M. Yann A par moitié, un tel partage étant proportionnel à l’importance des fautes commises et à leur rôle causal respectif dans la survenance des préjudices subis.
Il résulte des motifs qui précèdent que Mme Nelly D et M. Kevin D ainsi que la Sa Sogessur, qui ne dénie pas devoir sa garantie, doivent être condamnés in solidum à indemniser d’une part, M. Yann A, d’autre part, M. Gilles A et Mme Lucienne P, victimes par ricochet, de leurs préjudices, à proportion de la moitié de ceux-ci.
Le jugement sera infirmé.
Sur les demandes d’expertise médicale et de provision
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné une expertise médicale de M. Yann A.
M. Yann A a subi un traumatisme crânien et présentait lors de son admission à l’hôpital des pétéchies parenchymateuses pariétales bilatérales et frontales, une hémorragie minime intraventriculaire gauche, une fracture non déplacée du cadre orbitaire et du sinus maxillaire droit.
L’évaluation cognitive effectuée le 29 septembre 2011 fait notamment état sur le plan neuropsychologique d’une lenteur en tâche d’attention soutenue, d’une fragilité de la mémoire de travail auditivo-verbale, d’une perturbation des compétences visuo-constructives, d’organisation temporelle, de l’encodage et la récupération volontaire en mémoire épisodique, et sur le plan comportemental d’irritabilité, d’impulsivité avec perturbations des conduites sociales et réduction des activités.
Eu égard à ces éléments la provision à allouer à M. Yann A à valoir sur l’indemnisation de son préjudice doit être fixée à 20 000 euro.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les demandes en réparation du préjudice moral
M. Yann A ne justifie pas d’un préjudice moral distinct des souffrances psychiques et des troubles qui y sont associés inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, composante du préjudice corporel au titre duquel une provision lui est allouée ; il doit en conséquence être débouté de cette demande.
Le demande de M. Gilles A et de Mme Lucienne Pi en réparation de leur préjudice moral ne peut être examinée qu’au vu des conclusions de l’expert ; cette demande s’avère ainsi prématurée.
Sur les demandes dirigées spécifiquement contre la Sa Sogessur
Il est partiellement fait droit à l’appel incident de la Sa Sogessur ; dès lors M. Yann A ne rapporte pas la preuve d’une faute qui aurait été commise par celle-ci de nature à faire dégénérer en abus l’exercice du droit de se défendre à l’action dont elle a fait l’objet.
M. Yann A sera donc débouté de cette demande formulée en cause d’appel.
La Sa Sogessur étant condamnée in solidum avec M. Kevin D et Mme Nelly D la demande tendant à ce qu’elle soit condamnée à garantir les condamnations de ceux-ci au titre d’une action récursoire s’avère sans objet.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement ayant réservé les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d’appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer à M. Yann A une indemnité de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– Confirme le jugement,
hormis sur l’étendue de la responsabilité de Mme Nelly D et de M. Kevin D dans l’accident et sur le montant de la provision à allouer à M. Yann Aouis à valoir sur son indemnisation,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
– Déclare Mme Nelly D et M. Kevin D responsables à proportion de la moitié des dommages subis par M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P,
– Condamne in solidum M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur à indemniser à hauteur de moitié les préjudices subis par M. Yann A, M. Gilles A et Mme Lucienne P,
– Condamne in solidum M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur à verser à M. Yann A une provision de 20 000 euro à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,
– Déboute M. Yann A de sa demande en réparation d’un préjudice moral distinct,
– Dit prématurée la demande de M. Gilles A et de Mme Lucienne P en réparation de leur préjudice moral,
– Déboute M. Yann A de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée contre la Sa Sogessur,
– Déboute M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés,
– Condamne in solidum M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur à verser à M. Yann A la somme de 2 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d’appel,
– Condamne in solidum M. Kevin D, Mme Nelly D et la Sa Sogessur aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.