Culture du risque… Vous avez dit culture du risque ?
Karine FAVRO
Maitre de conférences en droit public, HDR
CERDACC , UHA
Le jugement rendu par le Tribunal des Sables d’Olonne le 12 décembre 2014 que d’aucuns ont qualifié de sévère à l’égard des élus locaux en y voyant le « procès de la décentralisation », symbole de la condamnation solidaire de tous les maires de France ou que d’autres ont qualifié de compassionnel à l’égard des victimes, est pourtant largement circonstancié et ne peut se résumer à quelques titres de publications et slogans scandés pour l’occasion.
Le traitement médiatique du procès
Il n’est pas question ici de nous faire l’écho des médias ou du rapport que les médias entretiennent avec la justice qui ont donné lieu à d’abondants commentaires dans la presse relatifs au déroulement des auditions et au quantum de la peine (v. l’emblématique article du Monde qui cristallise ce rapport de force en titrant, « La glorification des victimes », 11 décembre 2014). Ce débat d’opinions conduit par les médias est certes nécessaire dans une société démocratique pour permettre au grand public de saisir les enjeux et conséquences de cette catastrophe qui marque la mémoire, même s’il revient à ce public de faire le tri entre les arguments soumis à sa sagacité et de les hiérarchiser. Encore faut-il que soit mise à sa disposition l’information pertinente de nature à nourrir son raisonnement. Or, c’est probablement cette pertinence qui cristallise les tensions car il est facile d’affirmer que l’Etat ne remplit pas son rôle ou que les maires ne disposent pas des moyens suffisants pour agir, que l’urbanisation en zone inondable est préjudiciable à la population, que la souffrance des victimes doit être prise en compte par les juges, tout comme il est facile de se prononcer entre autres choses sur la couleur de la vigilance météo en la matière. En effet, ces affirmations sont dénuées de sens dans la mesure où en reconnaissant sa compétence, le Tribunal correctionnel est allé sur le terrain de la faute personnelle du maire, détachable du service. La faute personnelle « non dépourvue de tout lien avec le service » qui aurait pu autoriser le cumul de responsabilités à la faveur des victimes en leur permettant d’aller rechercher la réparation de leurs préjudices auprès des personnes morales, plus solvables en théorie que les personnes physiques, (CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier, Leb., p. 761. Les conclusions du Commissaire du gouvernement Léon Blum, allant au delà de la portée de cette décision, avait pu préciser les contours de ce cumul de responsabilité : « si la faute a été commise dans le service, si les moyens et les instruments de la faute ont été mis à la disposition du coupable par le service, si la victime a été mise en présence du coupable que par l’effet du jeu du service, si en un mot le service a conditionné l’accomplissement de la faute ou la production de ses conséquences dommageables, le juge administratif pourra et devra dire : la faute se détache peut-être du service, mais le service ne se détache pas de la faute ») n’est pas retenue par le Tribunal correctionnel. De même que la responsabilité pénale de la commune n’est pas recherchée en l’espèce. Dès lors ce n’est plus la faute de l’Etat ou de la commune qui est recherchée, aux motifs repris de la doctrine par le juge de « faits tellement éloignés de ce que doit être le fonctionnement, même incorrect, d’un service qu’ils peuvent être imputés personnellement à leur auteur ». Le débat judiciaire est donc circonscrit.
Pourtant, le jugement ouvre des questionnements complexes et pour s’en convaincre il suffit d’en lire les quelques cent cinquante premières pages qui le contienne (v. à ce sujet, S. Gominet, «Procès Xynthia : qui du tribunal ou des médias « glorifie » les victimes ? », http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=630, 9 janvier 2015). Pour relayer le plaidoyer de Monsieur Sébastien Gominet, géographe à l’Institut sur les risques majeurs (IRMa), « on peut se demander quels sont les articles de journaux qui ont parlé des méthodes de calcul du « temps de retour » des événements abordé le 2è jour d’audience ? Quels sont ceux qui ont parlé de l’intérêt et des limites de l’obligation d’Information des Acquéreurs et Locataires (IAL) d’un bien immobilier dont le sujet apparaissait entre les lignes des 5è, 6è, 7è, 8è et 11è jours d’audience ? Combien de journaux ont parlé de la question complexe de l’information des nouveaux arrivants dans une commune (5è jour d’audience), de la réalisation du DICRIM (Document d’information communal sur les risques majeurs) par le maire (10è, 14è et 15è jour d’audience), du « Porté A Connaissance » du Préfet (10è jour d’audience) ? De l’opposition de la municipalité au PPRI (Plan de prévention des risques d’inondation) et des raisons pour lesquelles un arrêté préfectoral l’avait malgré tout rendu applicable par anticipation (10è, 11è et 12è jours d’audience) ? Qui a essayé d’expliquer ce qu’est la cote de référence et pourquoi sa prise en compte dans la délivrance des permis de construire n’a pas été faite malgré l’application de l’article R.111-2 du Code de l’Urbanisme (12è et 13è jours d’audience) ? Quel média a tenté de se procurer les cartes de l’étude des risques de submersion marine du cabinet SOGREAH réalisé en 2000 (Bureau d’études spécialisé dans l’ingénierie maritime et le génie côtier, et chargé par les services de l’Etat d’élaborer le projet de PPRI dans les communes de la Faute-sur-Mer et L’Aiguillon-sur-Mer), celles de l’atlas de submersion réalisé par le même cabinet en 2002, puis enfin la carte des aléas et celle du zonage réglementaire du projet de PPRI, réalisées, toujours par SOGREAH, en juillet 2002 (10è, 11è et 12è jours d’audience) ? Qui a essayé de comprendre les logiques de transposition d’un aléa en zonage réglementaire et s’est interrogé sur les fondements et la pertinence de la « concertation », recommandée entre l’Etat et les collectivités, pour définir ce zonage réglementaire (12è jour d’audience) ? Qui a tenté d’expliquer le contenu de l’étude ANTEA-BCEOM (Cabinet qui a proposé de fixer la valeur de la cote de référence pour l’embouchure du Lay à 3,90 mètres NGF – nivellement général de la France) sur les digues de 2001 et les deux nouvelles études sur les digues réalisées en 2006 par le cabinet SCE et le CETMEF (Centre d’Etude Technique Maritime et Fluvial qui a fixé le niveau de la cote à 3,80 mètres NGF) ? Qui s’est procuré la plaquette d’information sur le PPRI fournie à la commune en 2007 par la préfecture ? Qui a parlé en détail des tempêtes de 1940 et 1941 comme l’a fait le tribunal (1er jour d’audience) ? Qui a essayé de comprendre l’intérêt et le rôle d’un organigramme et d’un annuaire de crise, sujet qui apparaissait lui aussi entre les lignes du 8è jour d’audience ? Qui a évoqué le Plan Communal de Sauvegarde (10è, 11è, 12è, 13è et 14è jours d’audience) ? » (préc.).
La culture du risque au cœur des débats
C’est indéniable, ces questionnements sont techniques et ne préfigurent pas d’un intérêt démesuré si l’on vise le grand public. Il n’en demeure pas moins que ce constat débouche sur « La » question de fond : si ces questions techniques n’intéressent ni le grand public, ni les médias, ni finalement à la lecture du jugement, les élus condamnés, ni le représentant de l’Etat en l’absence de dispositifs plus invasifs dans le département, ni a priori la population concernée, installée malgré tout dans la « cuvette de la mort » en raison de l’attractivité des logements proposés, c’est qu’il n’existe aucune « culture du risque » dans une société qui « désapprend » les signes de la nature, qui n’a aucune mémoire du passé, et qui accepte par confort et sans discuter le risque pourtant inacceptable en raison de sa gravité et de son occurrence. Quelques chiffres délivrés par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, sont éloquents sur la prégnance du risque inondation sur le territoire français : 17 millions de personnes exposées en France aux risques de débordement de cours d’eau, 1,4 million de personnes exposées au risque de submersion marine, plus de 9 millions d’entreprises exposées à au moins un type d’inondation et 20 % des habitations en zone inondable ne disposent que d’un seul niveau (Medde, Assises Nationales des Risques Naturels, 2013). Paradoxalement c’est cette même société qui réclame le respect de l’obligation de sécurité par les autorités sans adopter des comportements de nature à y concourir. Autrement dit, le citoyen n’est pas un acteur de sa propre sécurité même si la n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile œuvre en ce sens. Si une telle culture était présente dans la société, elle pourrait être notamment relayée par les médias sans risquer de troubler la paix sociale car cela répondrait aux attentes du grand public. Pourtant, l’absence de « culture du risque » est bien le constat qui transcende l’ensemble des faits matériellement établis par-delà l’émotion d’une telle catastrophe (v. C. Cans (sous la direction de), I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, Editions Le Moniteur, Référence juridique, 2014, p.44). Le Rapport d’information de Monsieur Alain Anziani, au nom de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, fait état de 92 propositions de nature à intégrer « la culture du risque dans la gestion du littoral et de promouvoir une approche globale du risque de submersion marine qui permettent de prendre en compte de manière cohérente et complémentaire les différents volets de la gestion du risque » (Rapport n°647 tome 1 (2009-2010), 7 juillet 2010). Il est regrettable que ces propositions s’inscrivent dans le retour d’expérience d’événements catastrophiques et qu’elles n’aient pas été dégagées plus en amont. Cela étant, il ne convient pas de limiter l’acquisition de cette culture aux seuls risques naturels et au seul exercice du droit à l’information immédiate des populations dans ce domaine : « ni l’information, ni même la connaissance ne fonde « une culture » » (v. C. Cans (sous la direction de), I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, préc., p.45). Cette culture repose sur « l’existence de trois piliers : avoir conscience de son exposition (ou, plus exactement, de ce qui en est scientifiquement établi à un moment donné), comprendre et assumer ses responsabilités, et articuler de manière efficace les interventions de tous » (Idem., citant P. Michel, J.-M. Nessi, P. Picard, « La culture du risque est un problème démocratique », Le Monde, 25 mars 2011). Force est de constater que ces trois piliers font cruellement défauts en l’espèce… et seuls les services d’incendie et de secours, en dépit des difficultés rencontrées sur le terrain, n’ont pas failli à leur mission empreinte de cette culture.
Il ne s’agit pas dans ces quelques lignes de reprendre l’ensemble des questionnements visés ci-dessus ou de revenir sur le menu détail de cette condamnation frappée d’appel qui fait l’objet dans ce numéro du Jac d’une chronique didactique sous la plume du Professeur Marie-France Steinlé-Feuerbach. Il ne s’agit pas non plus de nous prononcer sur la nature de la faute commise par le maire de la commune de la Faute-sur-Mer et par conséquent de revenir sur la question l’existence d’une faute personnelle « non dépourvue de tout lien avec le service » conduisant à une autre répartition du rôle des acteurs publics dans cette affaire. Une analyse sur le sujet vous sera délivrée par le Professeur David Melloni au sein du numéro du Jac à paraître au mois de mars.
Une culture du risque totalement étrangère à l’ancien maire de la commune de la Faute-sur-Mer
Nous circonscrirons notre propos aux reproches adressés au maire d’avoir été dans le déni du risque et plus spécialement de ne pas avoir identifié, affiché les risques présents sur le territoire de sa commune, et dès lors de ne pas avoir déployé les outils de prévention et de gestion des risques inhérent à la protection et sauvegarde des populations. Il s’est rendu coupable d’une « d’une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, ayant connaissance de la situation particulière de la commune dont il est le maire concernant les risques d’inondation et la vulnérabilité de la digue Est, et malgré les rappels de la Préfecture sur ses obligations, omis d’informer la population sur ces risques, omis de mettre en œuvre un Plan Communal de Secours et délivré des permis de construire irréguliers en zone inondable, et par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Concrètement, il est reproché au maire de ne pas avoir réalisé le DICRIM, les repères de crues, le Plan communal de sauvegarde (PCS), de ne pas avoir informé tous les deux ans la population dans le cadre de réunions publiques ou tout autre moyen approprié, de ne pas avoir alerté les populations lorsque la réalisation du risque était imminente. Or, tous ces reproches n’en font qu’un…
Au final ce qui est reproché à ce maire particulièrement inerte, c’est de ne pas avoir fait usage de son pouvoir de police générale, en violation de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales (encore que l’on puisse imaginer que dans ce cas de figure le Préfet aurait pu se substituer au maire que ce soit sur le fondement de l’article L.2212-4 – en cas d’inaction du maire-, de l’article L.2215-13 – lorsque les mesures envisagées excèdent le territoire d’une commune et qu’elles sont indispensables à la prévention ou à la cessation du trouble à l’ordre public -), en élaborant un PCS, même si textuellement cet outil n’est pas lié à l’exercice du pouvoir de police (Ph. Billet, « La planification des secours à l’échelon communal », JCP A, 3 oct. 2005, n° 40, étude 1330). En qualité de détenteur du pouvoir de police, le maire doit, depuis 1884, « prévenir, par des précautions convenables, de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures des digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels […], de pourvoir d’urgence à toutes mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ». Pour mettre en œuvre son pouvoir de police préventif dans le domaine des risques majeurs, il doit s’engager dans une « démarche PCS », de façon à mettre en place un outil « robuste » au sens où ce terme est entendu par les acteurs de la sécurité civile (J.-L. Wybo, « L’évaluation de la vulnérabilité à la crise : le cas des Préfectures en France », Télescope, vol. 16, n°2, p.173). Juridiquement le maire de la Faute-sur-Mer n’était pas tenu d’élaborer un PCS en l’absence de PPRI approuvé, du moins il n’y était pas tenu jusqu’au 8 juin 2007 date de son approbation par anticipation. Mais dans la mesure où le maire a été hostile à la démarche d’élaboration du PPRI – ce qui ressort du jugement – en reportant l’élaboration du zonage, la concertation, l’enquête publique et la planification des secours, le Préfet de Vendée l’a fortement incité à s’engager dans la démarche PCS qui tend à se généraliser au delà des prescriptions légales et qui lui a en tout état de cause été imposé dès l’approbation du PPRI par anticipation. Par ailleurs, il s’était formellement engagé à réaliser un tel plan et les quatre rappels de la préfecture pour le faire en raison de la connaissance qu’il avait des risques réels et sérieux d’inondation et la faiblesse des ouvrages de protection, militaient en faveur d’une telle démarche.
L’idéologie du PCS, qui s’inscrit plus fondamentalement dans la logique française de planification des réponses de sécurité civile (CSI, art. L. 112-1, qui définit la sécurité civile), procède de l’article 13 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile (J.-M. Pontier, « La réforme de la sécurité civile et les communes », Rev. adm. 2005, p. 636 ; S. Gouhier, « Loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile : l’appel au secours de l’État », RLCT 2005/2, n° 41), repris à droit constant à l’article L. 731-3 du Code de la sécurité intérieure (CSI) depuis l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 (J.-M. Pontier, « Le Code de la sécurité intérieure », JCP A., 11 juin 2012, n° 23, étude 2186). Le PCS participe à « l’informationpréventive et à la protection de la population » en ce qu’il « détermine en fonction des risques connus les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes », « fixe l’organisation nécessaire pour la diffusion de l’alerte et des consignes de sécurité », « recense les moyens disponibles et définit la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de soutien de la population ».
Dès lors, l’articulation entre le PCS et du dispositif Orsec (Organisation de la Réponse de Sécurité civile) procède de la nécessité de lier des objectifs communs tels que le recensement des moyens disponibles et la mise en œuvre des moyens d’accompagnement et de soutien des populations. Il appartient au maire d’élaborer le PCS sur le territoire de sa commune pour compléter le dispositif Orsec de protection générale des populations (Lorsque le dispositif Orsec est activé l’intervention du maire est exclue au titre des opérations de secours ; CE, 25 mai 1990, nos 39.460, 39.497, Abadie et autres, Leb. tables, p. 1026. Mais il peut toujours intervenir au titre de son pouvoir de police ; CE, 14 mai 1986, nos 45.296, 45.297, 45.298, 45.299, Cilaos, Leb. tables, p. 426, ou de la sauvegarde des populations). Reste que l’enchevêtrement logique des outils de planification démontre que la place centrale du maire (L. Derboulles, « C’est pourtant dans la commune que réside la force… Réflexions sur l’évolution contemporaine de l’implication communale en matière de sécurité civile », RRJ 2008, n° 1, p. 313), inhérente à son pouvoir de police administrative, n’est en aucun cas exclusive de l’intervention d’autres acteurs dans le cadre de la prévention des catastrophes naturelles. Outre les acteurs publics, la population et les acteurs de la société civile sont impliqués ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, rendre compte du PCS seulement sous l’angle de la sécurité civile en réduit considérablement la portée puisque sa logique relève également de la politique de prévention des risques majeurs mise en œuvre par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. En son sein, la Direction générale de la prévention des risques s’applique à recenser, évaluer et surveiller les risques majeurs, dont les risques naturels. Les risques naturels sont particulièrement prégnants car sur les 36 682 communes, seules 600 d’entre elles n’ont pas été concernées par un arrêté de catastrophe naturelle depuis 1982. Ces arrêtés ont principalement trait au risque inondation, et dans une moindre mesure le risque de mouvement de terrain, le risque sismique ou de feu de forêt (I. Diniz, T. Touret, « Les collectivités territoriales face aux risques naturels », RLCT 2010/63, n° 1794). C’est bien cette triple démarche qui constitue le préalable à la poursuite des objectifs de sécurité civile. À ce titre, il incombe au préfet de définir les modalités de la concertation relative à l’élaboration du Plan de prévention des risques naturels prévisibles prescrit par l’article L. 562-3 du Code de l’environnement. Ce plan institué par la loi du 2 février 1995 dédiée au renforcement de la protection de l’environnement « constitue un document qui, élaboré à l’initiative de l’État, a pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l’intérieur desquelles s’appliquent des contraintes d’urbanisme importantes et a pour effet de déterminer des prévisions et règles opposables aux personnes publiques ou privées au titre de la délivrance d’urbanisme qu’elles sollicitent » (CE, 30 déc. 2011, n° 324310). Les risques naturels couverts par les PPRN sont diffus et procèdent des inondations, mouvements de terrain, avalanches, incendies de forêt, séismes, éruptions volcaniques, tempêtes ou cyclones. C’est bien le risque inondation qui en l’espèce cristallise le débat. Le PPRI était prescrit pour la Commune de la Faute-sur-Mer depuis le 22 novembre 2001 et devait s’articuler dès lors au PCS à partir du 8 juin 2007.
Certes, en déclinant ce dispositif il est loisible de ce rendre compte de sa complexité et technicité inhérentes aux impératifs de sécurité propre à notre société contemporaine. Il est clair que l’exercice du pouvoir de police dans le domaine de la prévention des risques appelle le respect d’obligations très lourdes à l’endroit des édiles, qui rappelons-le, ne sont que des élus et qui en raison de leur parcours personnel n’ont pas nécessairement la « culture du risque ». Partant, on peut estimer que le maire de la Faute-sur-Mer, au bout de quatre mandats et eu égard aux risques liés au territoire, aurait du l’acquérir. En effet, les prescriptions en la matière se sont accélérées à partir de la date de prise de fonction du maire de la commune en 1989, puisque la rédaction d’un DICRIM est à la charge des maires depuis 1990 pour les communes exposées à un risque majeur particulier. Donc, il a initié ses mandats en même temps que l’Etat a souhaité développer la culture du risque des élus locaux car, il faut bien le dire, la démarche des services de l’Etat a été progressive et plutôt pédagogue dans la mesure où les services préfectoraux de protection civile (SIDPC) se mettent à la disposition des élus pour les aider dans la rédaction de ces documents. En l’espèce, le Préfet de Vendée avait proposé par ailleurs l’aide de la DDE (aujourd’hui DDT), de la gendarmerie, du SDIS pour entreprendre la rédaction entre 2007 et 2008. Sans doute l’ensemble des acteurs concernés a sous-estimé la situation en l’absence de décisions plus fermes avant la survenance de la catastrophe, mais le maire ne pouvait ignorer le risque et invoquer la méconnaissance de la réglementation. Le territoire de la Faute-sur-Mer « est naturellement exposé, en raison de sa faible altimétrie et de sa situation estuairienne, aux risques de submersion par la mer ». Plusieurs pièces du dossier le mentionnent, différents rapports et «un article paru dans le journal d’information communal de la Faute-sur-Mer, le Trait d’Union en 2009 » précise qu’au moins quatre inondations d’une grande ampleur ont frappé la Faute-sur-Mer au XXème siècle.
Il lui appartenait alors de concilier les objectifs de sécurité civile et ceux liés à la maitrise du territoire. Le maire devait recenser les risques inhérents à son territoire en procédant à une analyse de risques et en superposant les différents documents d’urbanisme ainsi que par anticipation les éléments connus des plans de prévention de façon à déployer efficacement les opérations de secours et de sauvegarde sur les zones considérées en cas de catastrophe naturelle qui relèvent de son pouvoir de police. Conçu pour fournir une portée efficace à la diffusion de l’alerte, manquement qui a été particulièrement reproché au maire de la Faute du Mer, le PCS doit intégrer la description des scénarios d’accident, les éléments d’information préventive ainsi que les actions à mettre en œuvre sur le territoire communal ce qui conduit nécessairement à la rationalisation des services administratifs. Bien plus qu’une prescription légale, le PCS procède d’une méthode qu’il convient de faire évoluer au gré des retours d’expérience.
Il est clair qu’en l’absence de tels outils imposés par la réglementation – fut elle complexe dans la démarche à adopter-, tout débat sur leur compréhension ou leur appropriation par les élus locaux et le grand public ne peut qu’aggraver les circonstances de l’espèce. Mais ce débat est vain par nature car ce n’est qu’au regard de leur compréhension et de leur appropriation que ces outils se révèlent efficaces dans leur mise en œuvre. Autrement dit, quelle que soit l’efficacité de ces outils a priori, leur existence sur le territoire communal ne garantit pas l’efficacité de leur mise en œuvre. Ce n’est qu’au prix de leur appropriation par les élus locaux et le grand public, stigmatisant ainsi l’existence d’une « culture du risque », que leur mise en œuvre sera efficace. Le maire « doit être le moteur et le fer de lance dans sa commune » (S. Gominet, «Procès Xynthia : qui du tribunal ou des médias « glorifie » les victimes ? », préc.) parce que la double fonction mayorale le désigne naturellement pour exercer le devoir de mémoire sur ce territoire de proximité. La culture du risque doit se retrouver lors de la prévention du risque (I) comme elle doit se retrouver lors de la gestion de l’événement catastrophique (II)
I – La culture du risque en matière de prévention
Il s’agit pas de revenir ici sur les reproches adressés au maire mais de comprendre en quoi consiste la démarche conduisant à l’élaboration du PCS. Le maire de la Faute-sur-Mer, comme beaucoup d’autres maires de France, sans être pour autant au banc des prévenus, n’ont toujours pas établis le DICRIM ou le PCS alors que leur territoire est particulièrement exposé aux risques majeurs. A fortiori, la démarche qui sous-tend l’élaboration du PCS qui suppose préalablement, et à titre préventif, que les services communaux réalisent une analyse des risques présents sur le territoire communal (A) et qu’ils en informent la population (B), n’y est pas davantage mise en œuvre. En effet, la lettre de l’IRMa du 15 janvier 2015, titre « Certaines communes en sont à le 3ème version de leur DICRIM et d’autres ne l’ont pas encore réalisé » (http://www.irmagrenoble.com/09PV/lettre_info_numero. php?id_LETTRE_INFO=85). Que doit-on en déduire ? Que la seule différence qui existe entre ces maires et l’ancien maire de la Faute-sur-Mer, est que le risque s’est réalisé en produisant des effets catastrophiques. Par conséquent, les maires réfractaires ne sont pas à l’abri d’une condamnation aggravée par leur comportement et doivent se convaincre de l’utilité de la démarche. Si ce procès n’est pas le procès des maires de France, il est le procès des maires réfractaires (C). En effet, le PCS définit les fondements d’un dispositif obligatoire à l’endroit de certaines communes, destiné à identifier et organiser par anticipation les principales fonctions et actions permettant de faire face aux situations catastrophiques. Il s’inscrit dans le cadre d’une démarche globale de secours et se conçoit articulé au dispositif Orsec en la forme d’une réponse de proximité (D).
A – Le préalable nécessaire : l’analyse de risques sur le territoire communal
Les collectivités territoriales sont confrontées à un panel de risques très divers et les possibles effets dominos sont avérés. Le recensement des risques prescrit par la démarche PCS couvre l’ensemble des risques connus qu’ils soient anthropiques, technologiques ou naturels. Que la commune ait ou non adhéré à la démarche PCS, la réalisation de ces risques est source de responsabilité notamment lorsqu’aucune action préventive et/ou corrective n’a été mise en place par les élus locaux. Ces derniers ont rarement la maîtrise des risques existants sur leur territoire de compétence car ils n’ont pas reçu de formations les sensibilisant à la question lors de leur prise de fonction. Or, l’exercice du pouvoir de police les conduit à s’y atteler très rapidement et les transferts de compétences vers les EPCI laissent intacts la dévolution du pouvoir de police générale. C’est d’ailleurs ce que souligne le jugement du Tribunal correctionnel des Sables d’Olonne.
L’identification des risques s’effectue en lien avec le préfet à partir du DDRM (Document département sur les risques majeurs). Le DDRM est élaboré par les services extérieurs de l’État (DREAL et DDT) et transmis aux maires des communes concernées. Ce DDRM, dans sa version remaniée, a été transmis au maire par le Préfet de Vendée par un arrêté du 26 août 2005. Il fait un recensement des risques naturels et technologiques auxquels sont soumis chacune des communes du département. Il expose à la fois l’extension spatiale du risque étudié, ses conséquences prévisibles et les mesures générales de prévention/protection à adopter. Il est en fait très général, parfois peu à jour et en l’espèce, il avait été actualisé en 2003 et 2005 depuis la version initiale datant de 1995. Mais il peut se révéler insuffisant pour une analyse fine des risques au niveau communal. La commune de la Faute-sur-Mer était la seule commune du département à être soumise à trois types de risques naturels avec des enjeux humains : l’inondation terrestre, l’inondation marine et les feux de forêt. Le remaniement du DDRM à deux reprises, s’explique par l’effort consenti par les services préfectoraux à revenir sur la notion de niveau marin extrême, sur l’atlas de submersion marine et sur les événements d’inondation les plus récents. A chaque fois, il a été « rappelée la nécessité de mettre le DDRM à disposition des populations, d’autant qu’un certain nombre de conseils y étaient donnés en cas de brusque montée des eaux. Il y était par exemple mentionné que les habitants généralement avertis avec un préavis de quelques heures et par un déclenchement de l’alerte avec la sirène municipale », en l’espèce inexistante !
Cependant, c’est pour faciliter le travail du maire que le préfet établit à partir des éléments du DDRM, un Porter à Connaissance (PAC) remplaçant le Document Communal Synthétique (L’article 102-II de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004, prévoit que ce porter à connaissance ne porte pas sur les mesures mises en œuvre par le maire en application de l’article L. 2212-2 du CGCT qui se rapporte au pouvoir de police). Le PAC indique la nature et la localisation des risques et précise les informations devant être mises à la disposition du public. Il est complété par une cartographie au 1/25000e qui permet de situer les risques dans la commune. Ce PAC comporte également des mesures de sauvegarde qui ont été communiqués au maire en l’espèce et devant figurer dans le DICRIM. Le premier objectif assigné à la nécessité d’identifier les risques relève de la mise en place de dispositifs d’affichage du risque (voir E. Desfougères, « Responsabilité administrative des personnes publiques et activités de tourisme », jac.cerdacc.uha.fr/internet/recherche/…/coltour_desfougeres.pdf) et de protection des populations requis par le pouvoir de police (CAA Lyon, 1er févr. 1995, n° 93LY00483, Consorts Duchatel-Mazoyer c/ Cne de La Grave). Des outils statiques et traditionnels sont mis à la disposition du maire afin qu’il puisse mettre en place une démarche préventive sur le territoire de sa commune supposant tout d’abord l’élaboration d’un diagnostic des sources de danger et des enjeux, qui définit avec précision les phénomènes prévisibles, leur emprise sur le territoire et les enjeux concernés mais également la planification. En l’espèce, le maire s’était engagé dès le 27 février 2008 à élaborer après l’approbation du conseil municipal, un diagnostic de vulnérabilité des habitations situées derrières la digue Est. Or, il ne l’a jamais réalisé.
Les effets sur cibles délimitent le territoire de la planification, qui dans le cadre de la prévention des risques naturels, revient à affecter certains territoires au risque. Le PCS va recenser et analyser les risques à l’échelle de la commune afin de mettre en place les barrières les plus pertinentes en termes d’alerte et de sauvegarde des populations. S’il est indéniable que les permis de
construire violant les règles de sécurité prescrites par l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme imposant que les maisons soient édifiées à 20 centimètres au-dessus de la cote de référence du projet de PPRI de l’estuaire du Lay approuvé par anticipation le 8 juin 2007 n’auraient du être délivrés, d’autres barrières techniques conduisant à l’alerte auraient été utiles telles que des capteurs de crues. Ces capteurs sonores auraient déclenché automatiquement l’alerte dès l’élévation du niveau des eaux à l’approche d’un seuil critique.
L’article L. 731-3 du Code de la sécurité intérieure prescrivant le PCS renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser le contenu du PCS et en déterminer les modalités de son élaboration. C’est le décret n° 2005-1156 du 13 septembre 2005 qui en prévoit l’application et module le contenu des plans en fonction de la taille des communes (Ph. Billet, « La planification des secours à l’échelon communal », préc.). En effet, l’article 3 du décret énonce les actions que le maire doit obligatoirement accomplir, et celles qui sont laissées à sa discrétion et dont on suppose que leur réalisation dépend effectivement des moyens alloués. Si la réalisation du diagnostic des risques et des vulnérabilités locales accompagnées d’une analyse de risques, constituent les préalables obligatoires à l’élaboration du PCS, l’analyse et la décision sont rendues délicates en raison de l’hétérogénéité et du grand nombre de documents prescrits sur un territoire donné. L’absence de liens et d’harmonisation entre les différents documents ne facilite pas la prévention. C’est bien en ce domaine qu’il convient de concilier les logiques institutionnelles, mais également de sécurité civile et environnementales dans la mesure où ces documents procèdent à tout le moins de trois codes différents : le Code général des collectivités territoriales, de la sécurité intérieure et de l’environnement.
C’est la raison pour laquelle, le maire et ses services ont intérêt à procéder à une analyse de risques à l’aide d’outils dynamiques permettant d’envisager les effets dominos entre les processus de danger. Autrement dit, il s’agit de valoriser les approches globales, systémiques (en collaboration avec J.-F. Brilhac et O. Thibaut, « Risques et territoires – Contribution à une approche globale », Préventique-Sécurité, mai-juin 2009, n° 105, p. 36 ; juill.-août 2009, n° 106, p. 30). D’autant qu’aucun texte ne prescrit de méthode à suivre et nombre de bureaux d’études se sont mis à disposition de l’édile pour réaliser cette analyse de risques. En soi, le PCS obéit à une logique que l’on pourrait qualifier de « méthodologique » car il s’agit de rationaliser progressivement l’organisation de la commune. Ce plan vise à introduire la notion de « performance », adaptée à toute idée de rationalisation de l’activité administrative, dans la préparation à la gestion d’un événement. Cette logique méthodologique procède d’ailleurs d’un Guide méthodologique, rédigé par la Direction de la Défense et de la Sécurité civile, discrétisant les étapes d’élaboration du PCS.
Reste que l’efficacité de cette méthode globale est subordonnée à la volonté du maire de se l’approprier tant la mémoire du risque sur le territoire étudié est déterminante. Les grilles de processus de danger doivent être en adéquation avec le bassin de risques communaux et régulièrement mises à jour dès l’apparition d’une nouvelle source de danger. Si cela semble évident, de telles démarches sont encore bien trop rares sur les territoires communaux. Les documents d’analyse de risques, souvent parcellaires ou impersonnels en l’absence de toute appropriation par les autorités concernées, sont de nature à remettre en cause l’efficacité du plan lui-même à l’épreuve de la catastrophe. C’est d’ailleurs le constat que l’on peut faire en l’espèce. L’élaboration du PCS ou du DICRIM sans appropriation n’aurait nullement conduit à l’exonération du maire de la Faute-sur-Mer.
B – Les dispositifs d’accompagnement : l’information des populations
Une analyse dynamique des risques sur le territoire permet de renforcer l’efficacité des dispositifs d’information des populations. Le décret du 13 septembre 2005 pose en effet l’obligation d’informer les populations sur la nature des risques et les consignes de sécurité. L’information préventive des populations est déterminante dans le dispositif car l’existence de circuits parallèles d’information est de nature à semer le doute sur l’action effective des pouvoirs publics notamment en situation de crise (Rolland B., « Grippe aviaire : l’information de crise prise en défaut ? », Environnement n° 4, avr. 2006, alerte n° 22).
C’est à partir de retours d’expériences que le PCS a été conçu par les pouvoirs publics et il a d’ailleurs été mis en place spontanément par certaines communes avant qu’il ne soit prescrit par la loi du 13 août 2004. Dès lors cette démarche d’accompagnement, qui a une existence propre en dehors du PCS car toutes les populations sont concernées, est intégrée au PCS lorsqu’il est prescrit. C’est bien cette logique là qui ressort du jugement du 12 décembre 2014 et qui est impulsée pr le Préfet de Vendée. Les dispositifs d’information des populations se veulent à la fois préventifs et opérationnels et se décomposent en trois étapes complémentaires (J. Viret, J.-L. Queyla, Sécurité civile en France : organisation et missions, Éd. des Pompiers de France, 2e éd., 2011, p. 228). Il s’agit en tout premier lieu, de faire prendre conscience du danger présent dans l’environnement personnel (domicile, lieu de travail, etc.). Puis, en deuxième lieu, il revient aux pouvoirs publics de mettre en place des actions de sensibilisation, de formation et d’apprentissage des consignes (exercices pratiques, formation en milieu scolaire, etc.). En dernier lieu, il est souhaitable de mettre en œuvre des acquis par des comportements adaptés « en situation de vigilance, d’alerte ou de gestion opérationnelle » (J. Viret, J.-L. Queyla, Sécurité civile en France : organisation et missions, Éd. des Pompiers de France, 2e éd., 2011, p. 228, précit.).
C’est la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs, qui instaure initialement ce droit à l’information à l’égard des populations exposées aux risques majeurs prévisibles. La disposition considérée a été modifiée à plusieurs reprises et codifiée à l’article L. 125-2 du Code de l’environnement depuis la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Cette disposition, à analyser au regard de l’exercice du pouvoir de police du maire, prévoit notamment que cette information doit être dispensée à l’égard de la population que les plans de prévention des risques aient été approuvés ou simplement prescrits. Or, aucune information n’a été diligentée en l’espèce comme le prévoit la loi « sur les caractéristiques du ou des risques naturels connus dans la commune, sur les mesures de prévention et de sauvegarde possibles, sur les dispositions du plan de prévention des risques, sur les modalités d’alerte, sur l’organisation des secours, sur les mesures prises par la commune pour gérer le risque ainsi que sur les garanties prévues à l’article L.125-1 du Code des assurances ». La délivrance de cette information, prévue dans le cadre de réunions publiques biennales ou par tous autres moyens appropriés, ne répond à aucune règle d’organisation particulière. Sans grand formalisme, le maire de la Faute-sur-Mer aurait pu y souscrire sans difficultés majeures.
Le pouvoir de police du maire en la matière s’exprime également dans le cadre de l’élaboration d’un Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM). C’est le décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 qui introduit ce document dans l’ordonnancement juridique : « Le maire établit un document d’information qui recense les mesures de sauvegarde répondant au risque sur le territoire de la commune, notamment celles des mesures qu’il a prises en vertu de son pouvoir de police ». Ce document est acté à l’article R. 125-11 du Code de l’environnement et il est établit à partir du PAC. Ce type de dossier doit être réalisé en priorité dans les communes les plus exposées (enjeux importants). Le DICRIM constitue une première source d’informations relatives aux risques encourus sur le territoire communal, contenant les mesures prises par la commune, les mesures de sauvegarde à respecter en cas de danger ou d’alerte et le plan d’affichage de ces consignes. Il peut s’accompagner dans les communes concernées par des mesures d’information sur les repères de crues (les repères de crues assurent la mémoire du risque inondation et supposent que les communes concernées établissent, protègent et répartissent ces repères sur l’ensemble des zones exposées de façon à ce qu’ils soient visibles de la voie publique ; voir v. C. Cans (sous la direction de), I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, Editions Le Moniteur, Référence juridique, 2014, p.184) sur le fondement de l’article L.563-3 du Code de l’environnement. Cette obligation suppose une double démarche : un recensement des repères existants et l’établissement de nouveaux repères. Le maire, assisté des services de l’Etat compétents en la matière, doit procéder à l’inventaire des repères de crues existants sur le territoire de sa commune et établir les repères correspondants aux crues historiques non apposés, et aux nouvelles crues exceptionnelles et aux submersions marines. Les communes éprouvent une certaine réticence à les apposer au motif qu’elles dévalorisent leur territoire. Le service du Ministère chargé des risques naturels avait préparé ces repères de crues pour les communes dévastées par la tempête Xynthia, sans que les communes concernées consentent à les mettre en place (Idem.)
En outre, le DICRIM peut mentionner les précédents événements et accidents significatifs et les mesures relevant du PCS. Ce document, lorsqu’il existe et se présente sous une forme acceptable, doit mettre à la disposition de la population une information synthétique et compréhensible. Or seuls 2000 DICRIM sont consultables en commune sur les 18000 communes pour lesquelles il est prescrit, alors que la réalisation des documents d’information préventive bénéficient d’un financement partiel du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (L. fin. n° 2005-1719, 30 déc. 2005, art. 136-1 JO 31 déc.), dit « Fonds Barnier », ce qui aurait dû contribuer à leur mise en œuvre effective et rapide. Reste que l’obligation d’élaborer le DICRIM n’est pas sanctionnée, car ce document ne présente pas de caractère décisionnel et ne peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CAA Marseille, 22 mai 2008, n° 08MA01878, M. Michel X.). L’absence de DICRIM constitue un indice de nature à justifier que la responsabilité de la commune soit engagée (CE, 14 mars 1986, Cne de Val d’Isère, nos 96.272, 99.725, Leb.¸ p. 635). C’est généralement l’absence d’affichage du risque qui est susceptible d’entraîner la responsabilité de la commune (voir E. Desfougères, Responsabilité administrative des personnes publiques et activités de tourisme, précit.). Le maire est en effet responsable de l’organisation de l’affichage des consignes de sécurité dans la commune. Pour satisfaire à cette obligation posée par l’arrêté du 9 février 2005 relatif à l’affichage des consignes de sécurité devant être portées à la connaissance du public, il convient d’indiquer par des pictogrammes les risques présents sur la commune et de préciser le comportement à suivre en cas de danger ou d’alerte. Cet affichage est destiné à permettre à la population d’adopter un comportement adapté lors de la réalisation du risque. Les modèles d’affiches sont définies au niveau national par le ministère de l’environnement et le ministère de l’intérieur. Le maire peut toutefois renforcer le dispositif d’affichage sur le territoire de la commune en imposant aux propriétaires de locaux ou de terrains d’apposer des affiches, notamment dans les établissements recevant du public, dans les terrains de camping-caravaning d’une capacité supérieure à 50 campeurs, dans les locaux à usage habitation groupant plus de 15 logements.
Cette fois-ci c’est la responsabilité personnelle du maire qui a été recherchée en raison de l’absence de DICRIM et plus globalement en raison de l’absence d’affichage du risque inondation à l’endroit de la population.
Enfin, la mise en œuvre du droit d’accès à l’information présente une originalité dans le domaine des risques naturels majeurs en ce qu’il fait peser sur les particuliers et notamment les propriétaires (en raison d’une transaction immobilière) ou exploitants de terrains de camping (en raison de leur capacité à toucher les cibles) l’obligation de collecter et de diffuser les informations disponibles ou élaborées par les pouvoirs publics. Cette collaboration avec les particuliers constitue un maillage indispensable à la diffusion de l’information. Elle permet notamment lors d’une transaction immobilière d’informer l’acheteur ou le locataire des risques naturels auxquels sont exposés les biens ou de l’indemnisation dont il a pu faire l’objet au titre de la garantie « Catastrophe naturelle ». Le propriétaire doit également transmettre ou diffuser les informations sur les risques naturels que l’Etat a recueilli préalablement, en application de l’article L.125-5 du Code de l’environnement lors de ces transactions. Pour boucler ce processus de maillage, les particuliers ont l’obligation de transmettre à l’administration, notamment communale, toute information sur les risques dont ils ont pu avoir connaissance (v. sur ces points, C. Cans (sous la direction de), I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, préc., p.187 et s.). Un tel maillage est conforme à la démarche PCS dès lors qu’il permet à la population, outre la connaissance du risque, de s’en approprier les effets. Il ressort clairement du jugement que le maire de la Faute-sur-Mer n’a pas permis à ce maillage de ce mettre en place, n’ayant pas transmis à la population les documents d’information élaborés par les services de la préfecture. En effet, depuis 2007, le représentant de l’Etat insistait pour qu’il mette en place une procédure d’information de l’ensemble de la population notamment sur les risques de submersion marine. « Le maire ayant demandé le 14 mai 2007 à pouvoir bénéficier d’une aide en cette matière, la préfecture lui adressait le 1er août suivant un lot de plaquettes d’information rédigées par la DDE sur le plan de prévention des risques d’inondation, à diffuser à tous les habitants. Ces plaquettes grand public contenaient des renseignements sur les digues et leur fragilité, sur la particulière sensibilité de la commune de la Faute-sur-Mer en raison de sa faible altitude et de la proximité de l’estuaire. Elles relataient l’engagement du projet de PPRI, mais elles mettaient en garde sur l’efficacité limitée de toutes les actions visant à réduire les aléas, compte tenu de l’amplitude exceptionnelle que peuvent atteindre les submersions marines, et de leur imprévisibilité. Ces plaquettes expliquaient enfin les zones rouges et bleus ». Après avoir précisé que ces plaquettes avaient du être diffusées, il admettra qu’elles sont restées à l’accueil de la mairie à la disposition des populations sans autre mesure de publicité. Partant, comment les propriétaires pouvaient souscrire efficacement à leur obligation d’information en l’absence du maillon institutionnel de la chaine et en l’absence de réelle « culture du risque » ? Les migrations de population aidant, cette obligation d’information est délicate à mettre en œuvre.
C – Un dispositif qui peine à se mettre en place dans les communes françaises
A l’image de la commune de la Faute-sur-Mer, la démarche PCS rencontre une forte résistance des élus locaux. Il faut dire que l’homme ne se contraint pas naturellement… notamment lorsqu’il n’est pas convaincu de l’utilité de la contrainte. D’autant que l’obligation de réaliser le PCS s’analyse comme une curiosité juridique, à l’instar de l’obligation de réaliser le DICRIM, car cette obligation est dépourvue de sanctions. Il était possible d’envisager à l’égard des communes qui ont l’obligation de l’établir, que le préfet adresse aux communes récalcitrantes une mise en demeure, qui restée sans effet pourrait être suivie d’une prescription d’office aux frais de la commune (P. Billet, « La planification des secours à l’échelon communal », préc.). Mais rien de cela n’a été envisagé sans doute pour préserver des élus déjà exposés pénalement, et de façon plus pragmatique parce qu’il faut que le maire se sente concerné en initiant la démarche. C’est en quelque sorte le prix à payer pour garantir sa « robustesse » qui dépend de la manière dont l’élu va s’approprier la démarche. En effet, il est facile de s’acquitter de son obligation en donnant forme à ce document sans le tester, sans le mettre à jours et sans le partager avec les services de la municipalité et la population concernée…C’est la raison pour laquelle les PCS sont des objets juridiques non identifiés, leur nature juridique étant passée sous silence. Si le texte établit un lien explicite entre le PCS et le Plan Orsec, aucun lien n’est établi avec le pouvoir de police (P. Billet, « La planification des secours à l’échelon communal », préc.) quoique ce jugement du 12 décembre 2014 établit ce lien en reconnaissant que le PCS n’avait pas été établi en violation de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales.
Si l’on considère qu’ils n’ont pas de valeur réglementaire, ils sont tout de même prescrits par voie d’arrêté. Est-ce à dire qu’il n’existe aucune conséquence juridique attachée à la mise en œuvre du PCS ou à son absence dans les communes qui en ont l’obligation ? En apparence la réponse semble positive. En témoigne le nombre peu élevé de communes ayant souscrit à l’obligation. Une analyse plus fine de la situation démontre que ce n’est pas tant la présence ou l’absence de PCS qui emporte des conséquences juridiques, mais essentiellement la façon dont le maire fait usage de son pouvoir de police à titre préventif, ou la manière dont il a souscrit à son obligation de sécurité lors de la survenance d’une catastrophe.
En tout état de cause, c’est bien sur l’exercice du pouvoir de police que la responsabilité du maire et de la commune pourra être recherchée. En cette situation, l’existence d’un PCS « robuste » sera de nature à atténuer la responsabilité du maire des conséquences dommageables de la catastrophe dès lors qu’il a mis en œuvre toutes les mesures qui relevaient de sa compétence pour sauvegarder sa population. En effet, cela signifie que le DICRIM a été établi, que les dispositifs d’alerte sont opérationnels, que les lieux permettant de mettre en sécurité la population sont situés en dehors du bassin de risques, que les services de secours sont prompts à intervenir….A contrario, il existe autant d’éléments qui vont permettre d’apprécier les responsabilités au regard des fautes commises.
Par ailleurs, et en raison des textes, le PCS ne s’impose qu’en raison de l’existence d’un risque majeur ce qui est difficilement compatible avec l’idée de culture du risque. Les communes concernées ont peu ou prou adhéré à la démarche en dépit de l’obligation posée par le législateur. Les PCS se mettent en place très lentement dans les communes pour lesquelles ils sont obligatoires. Lorsqu’ils existent, leur contenu n’est pas toujours en adéquation avec l’objectif poursuivi, les communes se contentant de satisfaire à leur obligation en dehors de toute réflexion globale sur la sauvegarde des populations. Les difficultés de terrain rencontrées par acteurs locaux, techniques et politiques, sont réelles. Les services communaux de sécurité civile voient leur capacité d’expertise et d’action diminuer notamment si l’on considère que ces services doivent être en capacité de s’approprier le document. Ce constat laisse de coté la mauvaise foi dont a fait preuve le maire de la Faute-sur-Mer. Au sein des petites communes, les personnes en charge des documents de planification de sécurité civile sont peu nombreuses.
Au moment des faits, environ 50% des communes considérées avaient réalisé ce plan. Si ce nombre est ramené au nombre total de communes françaises, le taux de pénétration de l’outil est faible, de l’ordre de 15%. D’autres communes, non concernées par le dispositif, avaient entrepris de mettre en place cette démarche dans la seule perspective de rationaliser leur organisation. Ces initiatives responsables, mais peu nombreuses – 869 communes y ont procédé -, sont à saluer, car le risque qu’il soit ou non considéré comme majeur, est inhérent à tout territoire (Circulaire du ministre de l’Intérieur adressée aux préfets, en date du 20 avril 2000). Le nombre de communes soumises à l’obligation est enfin évolutif dépendant de leur exposition à un ou plusieurs phénomènes naturels ou de la proximité d’un site industriel ce qui se modifie dans le temps. Les outils techniques de modélisation des processus de dangers toujours plus performants, contribuent à une prise en compte particulièrement réaliste des scénarios probables d’exposition aux risques industriels. Autrement dit, la situation n’est pas figée. C’est bien ce que précise le jugement du 12 décembre 2014 car la commune de la Faute-sur-Mer est éligible à la rédaction d’un PCS seulement depuis 2007. La préfecture avait cependant anticipé en liant à l’exercice du pouvoir de police l’élaboration d’un plan de secours de façon à mettre en sécurité la population sur ce territoire vulnérable, requis du maire de la commune. Le jugement fait également état de l’inexistence de ce plan de secours tout comme il a été reproché au maire, dans un second temps, de ne pas avoir élaboré le PCS. Sur l’exemple qui nous est donné à commenter, en dépit de l’obligation qui pesait sur lui et dont il avait conscience, le maire n’a pas failli à sa ligne de conduite au cours du temps. A aucun moment, connaissant nécessairement le risque, il a voulu en mesurer les enjeux.
Face à un tel comportement, il est vain de vouloir cette obligation à l’ensemble des communes, à tout le moins à celles possédant des infrastructures susceptibles d’impliquer un grand nombre de victimes. Pourtant, en 2011 le ministre de l’Intérieur, suite aux événements exceptionnels (tempête Xynthia et inondations dans le Var en juin 2010) de 2010, a rappelé par voie de circulaire adressée aux préfets le 27 janvier, à quel point il était important d’anticiper de tels événements en accompagnant la démarche des édiles. Ce dispositif d’accompagnement repose sur un catalogue de « bonnes pratiques » synthétisées au sein de cette circulaire. Les services extérieurs de l’Etat et les SDIS doivent générer une dynamique permanente autour des PCS de façon à impliquer les communes. Les communes doivent désigner une personne « référent » en la matière afin de maintenir le dialogue avec lesdits services par l’organisation d’exercices pratiques au sein des communes les plus exposées. Enfin, cette démarche d’accompagnement doit prendre appui sur des outils d’aide à l’élaboration des PCS, telles que des brochures, mallettes pédagogiques, trames ou modèles types, etc. Nonobstant, par cette démarche, les services de l’Etat ne peuvent se substituer à la compétence du maire en la matière sous peine de devoir clarifier le rôle de ces deux autorités. L’accompagnement de l’Etat ne saurait avoir pour effet de rétablir un contrôle de tutelle a priori. Aux termes de la loi, le PCS est réalisé sous la seule responsabilité du maire. De manière à éviter ce lien tutélaire, l’appui technique et financier du Conseil Général peut être valorisé dans la mesure où il est plus facilement accepté par l’édile. La réalisation d’un Plan Intercommunal de Sauvegarde procède de la même idée. En effet, le législateur a rendu possible la création d’un PICS lorsque la commune est membre d’un EPCI à fiscalité propre. Dans cette hypothèse, il est arrêté par le président de la structure et par chacun des maires des communes concernées. L’intérêt de la démarche est indéniable, notamment en raison de l’émiettement communal et de la faiblesse des moyens humains et financiers qui en résulte. A la suite de la tempête Xynthia qui a frappé en 2010 un territoire très vaste, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les raisons des dégâts, a suggéré notamment que l’élaboration et la gestion des PCS soient confiés à un EPCI à fiscalité propre. Cependant, la responsabilité de la mise en œuvre effective du plan, autrement dit, le pouvoir de décision relève toujours du maire au nom de l’exercice de son pouvoir de police générale (Rép. min. no 91370, JOAN, 29 mars 2011, p. 3083). L’EPCI n’ayant en ce domaine qu’une compétence de gestion des moyens à déployer. Le lien de proximité avec la commune n’est pas balayé mais la couverture des risques est loin d’être identique sur l’ensemble des communes membres. Il serait tout à fait dommageable de devoir concilier les contingences politiques, et plus particulièrement les questions liées à la représentation des communes au sein de l’EPCI, et la sauvegarde des populations. Les moyens mis en œuvre doivent être adaptés à chaque commune membre. Le maire doit être en mesure de pouvoir se les approprier. Malheureusement, ce n’est pas de rendre l’élaboration d’un PCS (études et travaux réalisés à ce titre) éligible au Fonds Barnier (l’article 93 de la loi de finances rectificative pour 2011 établit un lien entre l’octroi de subventions publiques – bénéfice du « Fonds Barnier » au taux maximal pour la réalisation d’études et de travaux- et l’existence d’un PCS ; V. sur ce point, P. Billet, « Principales dispositions concernant l’environnement dans la loi de finances pour 2011 et la loi de finances pour 2012 », JCP Adm. Coll. Terr., 10 avril 2012, n°14, étude n°2105) qui va concourir à son appropriation. L’octroi de subventions n’est pas un critère déterminant pour stimuler la démarche d’appropriation des élus et de la population.
D – Un dispositif pourtant pédagogique et rationnel qui devrait convaincre l’ensemble des communes concernées
La planification est un procédé juridique qui se nourrit de la mémoire de l’homme, des retours d’expériences, de façon à prévenir ce risque ou à tout le moins le gérer convenablement. La planification, pour ce qui intéresse le cadre de l’étude, poursuit un objectif très diffus. Non seulement, elle a une vocation préventive et opérationnelle, mais également elle se conçoit en vue de l’organisation des secours et la maitrise de l’urbanisme. Planifier le « risque », suppose de planifier l’incertitude – ce qui en soi peut relever de l’hérésie. Cependant, parce qu’elle relève de l’anticipation et de la modélisation des différents scénarios catastrophiques, la planification permet d’atténuer les incertitudes liées à la seule présence du risque, et de réduire le nombre d’actions improvisées sur le territoire communal. Elle permet également de dimensionner la réponse à l’événement. Par conséquent, il s’agit de prévoir, organiser et structurer les actions à mener au sein de la commune de façon à prescrire les actions même lorsque les services communaux fonctionnent en mode dégradé. Le PCS s’appuie sur l’existant pour l’adapter à la situation catastrophique.
Il forme avec le dispositif Orsec une « chaine complète et cohérente de gestion des événements portant atteinte aux populations, aux biens et à l’environnement » (J. Viret, J.-L. Queyla, Sécurité civile en France : organisation et missions, Éd. des Pompiers de France, 2e éd., 2011, p. 221). Cette réponse de proximité vient en renfort des services de secours pour accompagner et soutenir les populations « non victimes », ne relevant pas de l’urgence. C’est bien ce fondement qui distingue les secours de la sauvegarde au sein de la logique Orsec, tout en les envisageant dans la complémentarité. C’est la raison pour laquelle les différents plans de secours doivent être mis en cohérence sous le regard attentif des SDIS de façon à ce que la couverture des risques soit optimale (J. L. Queyla, « Plan communal de sauvegarde : Quel rôle pour le SDIS ? », Le Sapeur-Pompier magazine, mai 2005, n° 968, p. 44).
La procédure conduisant à son élaboration est assez souple et nécessairement modulable du fait des particularismes locaux. Si cette procédure relève du décret du 13 septembre 2005 qui prescrit le contenu du PCS, le ministère de l’Intérieur a déployé une pédagogie certaine en la matière. Un guide méthodologique édité en 2005, réédité en 2008 puis en 2012, vient utilement renforcer les dispositions réglementaires par des considérations pragmatiques. En effet, le décret prévoit que le maire doit préalablement informer le conseil municipal de son intention d’élaborer un PCS. La réalisation du document ressortit à la compétence d’un groupe de travail qui rassemble les services de la commune concourant à la sécurité civile. Le guide méthodologique prescrit dans cette perspective, la désignation par le maire d’une personne chargée de la coordination des actions relevant du PCS (action des services communaux, alerte et assistance des populations). Cette personne qui agit sous l’autorité du maire, est dénommée responsable des actions communales (RAC). Le RAC doit être en liaison permanente, lors du déclenchement du plan, avec le Commandant des opérations de secours (COS) – en règle générale le préfet – afin de maintenir la cohérence de l’action. Dans cette perspective, le plan doit recenser les moyens et les actions à mener comme la réalisation d’exercices pratiques pour confronter à la réalité les mesures prévues. À l’issue de sa réalisation ou lors de sa révision quinquennale, le maire doit par arrêté le rendre opposable, et le transmettre au préfet pour approbation (le temps de réalisation et d’approbation est assez long : environ 18 mois). Reste que la réglementation ou le guide méthodologique, en prescrivant une simple ligne de conduite, laisse une marge de manœuvre considérable à l’édile. Cette démarche là n’a pas eu les faveurs du maire de la Faute-sur-Mer qui s’était pourtant engagé à y souscrire. Qui plus est, le dispositif d’alerte pourtant indépendant de toute démarche PCS mais intégré à sa réalisation, n’a pas été activé…
II – La culture du risque lors de la gestion de la catastrophe
Le schéma d’alerte – organisation de la gestion des appels, témoignages qui doivent arriver en mairie…-, ainsi que l’organisation opérationnelle des missions à partir d’un poste de commandement qui hiérarchise et distribue les tâches aux services municipaux sont intégrés à la démarche PCS, mais existent indépendamment du document au titre de l’exercice du pouvoir de police (A). La gestion de la catastrophe dans le cadre du PCS suppose également le déploiement de moyens humains de façon à impliquer la population (B).
A – L’alerte des populations
Les acteurs du dispositif de gestion de crise doivent être en alerte permanente, solliciter des renforts internes des personnels de la préfecture, la permanence des services départementaux, la permanence des autres acteurs, la mise en place de procédures de contact, … C’est à tout le moins ce que prescrit Le Guide Orsec départemental, à la suite du dispositif mis en place par la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile.
Cette force du dispositif d’alerte peut se transformer en faiblesse lorsque les messages d’alerte sont diffus et trop nombreux et génèrent des confusions parce qu’ils sont répercutés à tous les échelons. Le flux n’atteint pas nécessairement la cible ou plus exactement les cibles, à savoir les autorités responsables des secours et la population. En l’espèce de nombreux messages d’alerte des services régionaux de Météo France la journée précédent la tempête, plaçant la Vendée en « vigilance orange », ainsi que les avis de fortes vagues élaborés par le service inter-régional de prévisions marine de Brest ont concouru à l’activation du niveau de « vigilance rouge » pour la Vendée. Cependant les prévisions de Météo France n’ont pas permis de reproduire le comportement des vagues et les services n’ont pu apprécier le niveau exact de risque local. Leurs bulletins ne traitaient que « de conséquences possibles et conseils de comportements » mais avaient été communiqués en temps réels à la Préfecture de Vendée par le réseau sécurisé du ministère de l’Intérieur. En revanche, l’information diffusée par les médias et notamment TF1, France 2 et France 3 était plus parcellaire, focalisant principalement sur les vents violents. Seule France Bleue Loire Océan avait retransmis l’intégralité des bulletins de Météo France mais manifestement cette radio n’a pu être captée par les habitants de la Faute-sur-Mer…
Dans une telle situation, les médias sont réquisitionnés mais là les autorités ont été prises de cours et les messages n’ont pas été structurés. Il est en effet prévu qu’ « en cas de risque majeur ou de déclenchement d’un plan Orsec justifiant d’informer sans délai la population, les services de radiodiffusion sonore et de télévision sont tenus de diffuser à titre gracieux, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les messages d’alerte et consignes de sécurité liés à la situation ». Ce décret n°2005-1269, en date du 12 octobre 2005, fixe un code d’alerte national ainsi qu’un certain nombre d’obligations à l’endroit des médias. Il s’agit d’informer la population en toutes circonstances, d’une menace ou d’une agression par la diffusion, répétée tout au long de l’événement, de consignes de comportement et de sécurité à observer par la population. Cette information pertinente n’a pu être délivrée même si l’on peut douter de l’utilité d’une telle réquisition supplantée désormais par l’utilisation des téléphones portables et l’envoi de sms…. Et mieux encore la possible géolocalisation des personnes en difficultés. La démarche PCS intègre ces moyens de diffusion de l’information, dans le respect des principes posés par la CNIL, avec l’aide pour les maires concernés des SDIS dans le cadre de convention régissant l’alerte des populations. Car il faut bien le reconnaître, l’alerte provenant de sirènes électromécaniques ne s’impose plus comme le mode exclusif de sauvegarde, ce système est vieillissant. L’absence de réflexes de sauvegarde fait primer le sentiment d’inquiétude et les réactions désordonnées de la population si la sirène n’est pas couplée à une autre forme d’alerte et d’organisation.
Plus généralement, il convient de déterminer parmi les informations les plus pertinentes celles qui doivent être portées seulement à la connaissance des responsables, et celles qui doivent être également divulguées à la population. Les édiles dont les communes étaient concernées par la tempête, ont signalé à cet effet que la multiplication des messages en avait dilué les effets. A cet égard, le nombre d’ « alertes orange » par trop significatif, mettait en perspective l’existence de fausses alertes. Les fausses alertes, à terme, peuvent avoir les mêmes effets que la non détection de la catastrophe notamment en matière de risques naturels. A tel point que les autorités infra départementales et la population peuvent avoir des difficultés à percevoir la montée en puissance de l’alerte, plus exactement la cinétique et la gravité des événements. Ce constat s’impose avec d’autant plus d’acuité que le contenu des messages est parfois difficile à décrypter pour les maires et préfets responsables des secours en l’absence de référentiel…C’est la raison pour laquelle le bulletin de Météo France a été adressé in extenso par télécopie via l’automate d’appel le samedi matin, au maire de la Faute-sur-Mer, sans que les services n’aient pu véritablement comprendre le contenu même du message.
En effet, la planification de l’alerte se décline en 3 actions de communication et d’utilisation des réseaux : elle suppose la mise en place d’un dispositif de gestion de l’alerte locale automatisé conforme aux prescriptions du dispositif Orsec, des modalités d’alerte générale des populations, ainsi que des modalités d’alertes spécifiques mises en place par les maires dans le cadre notamment des PCS. Des procédures en mode dégradé de l’alerte donnée par les services supposant un dysfonctionnement des réseaux de télécommunications sont en effet prévues dans le cadre de certains dispositifs mis en place selon des procédures de reroutage dont on a pu constater l’absence de systématisme. Il n’empêche que l’utilisation du réseau s’impose dans le cadre de l’alerte, dès lors que la sécurité civile est « l’affaire de tous ». C’est la raison pour laquelle, il convient de maintenir une communication horizontale qui passe nécessairement par l’utilisation des réseaux publics.
Selon les dispositifs propres des plans d’organisation des secours, le Premier ministre, les préfets de départements mettent en place un dispositif de Gestion de l’Alerte Locale Automatisé (G.A.L.A.). Les autorités publiques alertent les maires des populations concernées en actionnant des automates d’appels qui privilégient la voix ou le transport des SMS, outre les télécopies pour les alertes météo, crue, intempérie, pandémie…. Une circulaire « interne » organise la transmission des appels des services préfectoraux vers les mairies par le réseau. Chaque département met en œuvre cet automate schématiquement de la façon suivante. Des personnes sont habilitées au sein des municipalités pour recevoir les alertes diffuées à l’aide d’un automate d’appel. L’automate compose le 1er numéro de téléphone fourni par les services municipaux. En cas de non-réponse, il passera au deuxième, puis au troisième et enfin au quatrième numéro. En cas d’échec total, une relance est opérée par l’automate d’appel puis, en cas de nouvel échec et en dernier recours seulement, les services de la police ou de la gendarmerie sont chargés de prévenir le maire. Ces services ont eux-mêmes été alertés dans le cadre de l’utilisation de réseaux indépendants. L’automate a joint le maire sur son téléphone portable vers 10h34, l’informant du déclenchement d’une alerte météorologique pour vent violent et l’invitant à prendre connaissance de la télécopie et du courriel ce qu’il n’a pas fait.
Le message délivré par l’automate suppose l’identification préalable de la personne habilitée puis la délivrance du message d’alerte qui contient un numéro de téléphone unique centralisant l’information. Les informations et précisions concernant le phénomène attendu sont enregistrées et mises à jour sur ce répondeur téléphonique que les maires doivent ensuite consulter régulièrement. Le passage en « alerte rouge » à 16h a généré la même procédure d’envoi. Le maire ayant réceptionné les appels ne s’est pas rendu à la mairie pour consulter les télécopies et courriels envoyés par la préfecture ne sachant pas utiliser l’ordinateur de la secrétaire qui reçoit ce type d’information…..
Le rôle des maires consiste à répercuter cette information vers la population et à mettre en œuvre les mesures locales qui paraissent adaptées à la situation (téléphone, SMS, porte à porte,…) et déclencher autant que de besoin, le PCS. Le jugement retient qu’aucune alerte n’a été diffusée à la population, ni au propriétaire de la digue Est dès le 27 février 2010 des risques réels et sérieux d’inondation et de l’alerte météorologique. Il n’a pas non plus organisé de dispositif particulier de surveillance de la digue entre le 27 et le 28 février 2010 malgré les alertes d’inondations qu’il avait reçu le jour-même et sa connaissance de la vulnérabilité de l’ouvrage de protection. En l’absence de sirènes d’alerte, il aurait pu faire le tour de sa commune et prévenir avec « les moyens du bord », les habitants. L’évacuation de la population n’a pas été envisagée. Sans aucune préparation, sans savoir où la conduire la tâche était ardue.
Dès la réception des premiers appels au secours, seuls les pompiers sont intervenus pourtant en difficulté. Le Centre de secours de l’Aiguillon-sur-Mer, également compétent sur le territoire de la Faute-sur-Mer, avait vu ses effectifs renforcés lors du déclenchement de l’ »alerte rouge ». Seulement voilà, la caserne située en zone inondable s’est rapidement trouvée hors service. Les pompiers ont du dégager leurs matériels des eaux ce qui a retardé leur intervention. Ils ont du installé le PC de secours, et sans consignes particulières, ils ont du faire face à la situation et aux appels au secours qui venaient de partout. Une démarche PCS n’aurait pas abouti à de tels dysfonctionnements. En dehors des barrières techniques qui auraient pu préalablement être posées pour éviter la réalisation d’une telle catastrophe, le dispositif d’alerte des populations aurait conduit à l’évacuation et probablement sa mise en sécurité.
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B – Le déploiement de moyens humains
La mission de sauvegarde des populations dévolue au maire prescrite par l’article L. 2212-2 al. 5 du CGCT est réaffirmée et renforcée par la loi de modernisation de la sécurité civile laquelle précise par ailleurs que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires » (Article L. 721-1 du Code de la sécurité intérieure). La lecture combinée de ces dispositifs permet d’associer la population à sa propre sauvegarde. Afin d’y parvenir, la loi de modernisation de la sécurité civile a prévu deux moyens distincts de recours à la population, que l’on associe à la démarche PCS (Article L. 721-2 du Code de la sécurité intérieure).
Le comportement de la population lors de la survenance d’une catastrophe naturelle est déterminant. Elle doit être « préparée à affronter les risques et les menaces par une connaissance effective du danger et des consignes de prévention et de protection, et capable de s’intégrer dans l’organisation collective de la réponse aux événements » jusqu’au retour à la vie normale (Idem). Il s’agit de compter sur des groupements d’individus informés et responsables qui dans le cadre d’une action coordonnée par les pouvoirs publics, sont en mesure de soutenir les populations – en principe – « non victimes » de la catastrophe (J.-L. Queyla, « Réserves communales de sécurité civile : Objectifs et mission », Le Sapeur-Pompier magazine, mars 2006, n°977, p.37). Or cette idéologie n’est pas encore intégrée par les populations et a fortiori n’avait pas les faveurs de la population Fautaise. Les délibérations de la CNIL sur cette question militent pour ce constat. Il appartient aux maires de collecter les coordonnées de la population afin de constituer l’annuaire opérationnel matérialisé par un fichier soumis à la loi n°78-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978 modifiée par la loi du 6 août 2004 aux fins de transposition en droit français des dispositions de la directive 95/46/CE dédiée à la protection des données personnelles. La constitution de cet annuaire opérationnel doit concilier le respect de la vie privée avec les exigences tirées de la sécurité publique. Dès lors les services municipaux doivent entreprendre indépendamment des listes officielles partiellement communicables, une recension des coordonnées de la population. En effet, les communes ne sont pas autorisées à utiliser les informations provenant des listes électorales ou celles issues des recensements de la population en raison de la finalité clairement définie de ces fichiers. En dépit de la motivation tout à fait légitime qui sous-tend la constitution d’un tel annuaire opérationnel, la collecte des données personnelles doit résulter d’une démarche volontaire, non obligatoire, et suppose qu’elle soit acceptée par la population. La CNIL a d’ailleurs eu l’occasion de souligner récemment en décembre 2011, que la constitution de l’annuaire ne doit pas être « prétexte à la constitution d’un « fichier de population », [son] utilisation doit être strictement limitée aux secours déclenchés par le maire en cas d’alerte » (http://www.cnil.fr/dossiers/collectivites-locales/article/article/les-dispositifs-dalerte-a-la-population/). Cette collecte est pourtant précieuse, elle restitue les numéros de téléphone mobile et les adresses électroniques. Cependant, la gestion de cette opération est lourde renforçant la nécessité de campagne d’affichage municipal, et nombre de personnes ne répondent pas à l’appel… Les raisons en sont multiples : personnes peu concernées, personnes nomades… Si l’objectif de cette opération n’est pas de constituer un réseau exhaustif, il doit être suffisamment représentatif des réseaux de la commune afin que l’information circule entre les habitants à brefs délais. Il va de soi que le refus de figurer dans l’annuaire n’exclut aucune personne du bénéfice des secours qui seront déclenchés. Mais une description objective des capacités de la personne semble néanmoins pertinente afin de prévoir le mode d’évacuation et le matériel de premiers secours. Ces données sensibles relatives à « l’état de santé » nécessitent le recueil du consentement éclairé de la personne et une sécurité accrue et aucune autre source de données n’est envisageable.
Le recours au tissu associatif pour venir en appui des pouvoirs publics est prévu à l’article L. 725-1 du Code de la sécurité intérieure. En effet, les associations ayant préalablement obtenu un agrément du préfet ou du ministre chargé de la sécurité civile en raison de leur objet lié à la sécurité civile, peuvent apporter leur concours, dans les conditions prévues par convention, aux missions de soutien aux populations sinistrées et à l’encadrement des bénévoles (Articles L. 725-2 et 725-3). L’intervention de ces associations prescrites dans le Code de la sécurité intérieure à l’endroit du dispositif Orsec, est déployée dans le dispositif du PCS à condition d’y être clairement planifiée. En pratique cependant, ces associations interviennent quotidiennement en dehors du déclenchement ou de la montée en puissance des plans. Tel est le cas du Secours Populaire qui mobilise pas loin de 70 000 personnes ou de la Croix Rouge. Plus généralement, il existe depuis 2007 – date à laquelle les agréments ont été délivrés – une cinquantaine d’associations de dimension nationale ou locale mobilisant quelques 300 000 personnes sur le territoire national. Ce nombre est intéressant à mettre en perspective avec le nombre de sapeurs-pompiers sur le territoire qui avoisine les 245 000 personnes. Le recours à ces associations se révèle alors indispensable dans la mesure où leur mission a été clairement définie de façon à compléter efficacement l’action des pouvoirs publics.
Parce qu’elles relèvent de la démarche Orsec, les associations agrées de sécurité civile peuvent intervenir lors de circonstances exceptionnelles ou pour couvrir des besoins spécifiques en complément des services de secours aux victimes. Dans cette hypothèse, ces associations doivent conclure une convention annuelle avec les pouvoirs publics et les SDIS définissant précisément les modalités et les circonstances de leur intervention. Tel est le cas de la Fédération Nationale de protection civile ou de la Croix Rouge.
Cependant la démarche spécifique du PCS « devrait » plus largement portée par les réserves communales de sécurité civile. En effet, l’article 3 du décret du 13 septembre 2005 précise notamment qu’il comprend « d) Les modalités de mise en œuvre de la réserve communale de sécurité civile quand cette dernière a été constituée en application des articles L. 1424-8-1 à L. 1224-8-8 du code général des collectivités territoriales ». L’article L. 724-1 du Code de la sécurité intérieure précise qu’elles « ont pour objet d’appuyer les services concourant à la sécurité civile en cas d’événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières. A cet effet, elles participent au soutien et à l’assistance des populations, à l’appui logistique et au rétablissement des activités. Elles peuvent également contribuer à la préparation de la population face aux risques ». Leur existence résulte de retours d’expériences de catastrophes majeures telles que les inondations dans le sud de la France, ou de crises de longue durée à l’égard desquelles les populations ont été amenées à se mobiliser en raison de la situation sans que ces volontés ne soient coordonnées. Fondamentalement leur action relève de la sauvegarde des populations et non des secours d’urgence, ce qui signifie qu’elles ont bien une légitimité à l’égard des seules personnes « non victimes ». Ces réserves sont exclusivement constituées par des volontaires bénévoles, « ayant les capacités et compétences correspondant aux missions qui leur sont dévolues » (Article L. 724-3 du Code de la sécurité intérieure). La réserve peut incorporer « des citoyens de tout âge et de tout métier et pas seulement des anciens sapeurs-pompiers, pour des missions d’appui qui n’interfèrent pas avec les secours proprement dits » (J.-L. Queyla, « Réserves communales de sécurité civile : Objectifs et mission », préc., p.39). Ils prennent l’engagement de servir la réserve pour une durée de un à cinq ans renouvelables dans le cadre de missions qui ne peuvent excéder quinze jours ouvrables par année civile afin « de concilier les impératifs de la réserve avec la bonne marche de l’entreprise ou du service », lieu de l’activité professionnelle du réserviste (Articles L. 724-4 et L.724-6 du Code de la sécurité intérieure). La réserve est un nouvel outil de mobilisation civique qui apporte son concours au maire dans les situations de crise, et dans les actions de préparation et d’information des populations, comme dans le rétablissement post-accidentel des activités. C’est la raison pour laquelle l’intervention de la réserve communale doit être coordonnée de façon pyramidale avec l’action des associations agréés et des SDIS.
Les réserves sont mises en œuvre par décision motivée de l’autorité de police compétente, à savoir le maire. En effet, il appartient à la commune sur délibération du conseil municipal, d’instituer une réserve communale de sécurité civile. Ses modalités d’organisation et de mise en œuvre doivent être compatibles, et non conformes avec le règlement opérationnel des SDIS de façon à ce qu’il n’y ait pas de confusion quant à leur cadre d’action respectif (J.-L. Queyla, « Réserves communales de sécurité civile : Objectifs et mission », préc., p.38). Il est intéressant dans cette perspective d’associer les SDIS à la démarche, y compris aux séances de formation des réservistes d’autant que la gestion de la réserve peut leur être confiée dans les conditions déterminées par convention.
La réserve communale de sécurité civile est placée sous l’autorité du maire en raison de l’exercice du pouvoir de police sans qu’il y ait là encore de lien clairement établi entre l’existence de la réserve communale et le pouvoir de police. Il est à déplorer que la souplesse et l’intérêt de ce statut aient fait peu d’émules. En 2010, on dénombrait 243 réserves en activité et 306 en projet ce qui revient à dire que seulement 2% des communes s’y sont attelées. Ce pourcentage peu reluisant est sans nul doute lié, conjoncturellement à la crainte injustifiée d’un double emploi avec les sapeurs-pompiers volontaires, et structurellement à la lenteur avec laquelle se mettent en place les PCS. Cet état des lieux est d’autant plus dommageable que les initiatives méritent d’être soulignées pour le soutien apporté lors d’inondations (J.-L. Queyla, « Point de situation cinq après la parution de la circulaire d’application », Le Sapeur-Pompier magazine, juillet-août 2010, n°1025, p.12). Si les citoyens n’ont pas la « culture du risque », ce combat n’a pas été celui du maire de la Faute-sur-Mer !
La décision est disponible ici.