CONFÉRENCE FINALE – PROJET EVVI
(ÉVALUATION DES VICTIMES)
23 avril 2015 – École Nationale de la Magistrature
Compte-rendu du colloque par Isabelle SADOWSKI – Chargée de dossiers – Référente juridique à l’INAVEM (Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation)
Propos d’ouverture par Mme RIOMET, Chef du SADJAV au ministère de la Justice
Cette conférence représente une journée historique par rapport à la politique publique d’aide aux victimes, en proposant un regard croisé européen et français.
En 2011, la Commission européenne a impulsé des travaux qui ont donné lieu à l’adoption de la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité.
Il s’agit du premier instrument dans lequel l’Union européenne définit des normes minimales : les droits des victimes sont des éléments importants à prendre en considération. Chaque État membre a jusqu’au 15 novembre 2015 pour procéder à la transposition de la directive en droit interne.
Le projet EVVI Europe, thème de cette journée de conférence, est décisif dans ce processus de transposition.
L’article 22 de la directive, une nécessité pour les États membres
Mme JANICKA-PAWLOWSKA, membre de la Commission européenne, suit le projet EVVI depuis le début et attendait son issue avec impatience. La Commission européenne aide les États membres à mettre en œuvre la directive et répond à leurs questionnements. Des réunions d’experts sont organisées à cet égard.
Après novembre 2015, le rôle de la Commission européenne sera amené à changer, puisqu’elle veillera alors à la bonne mise en œuvre de la directive et, si nécessaire, prendra des mesures juridiques nécessaires à l’égard des pays « désobéissants ».
L’article 22 de la directive est très important, car il met en place un cadre juridique pour la protection de la victime. L’accord des États membres sur cet article est une grande réalisation, mais désormais, tout repose sur chacun d’eux dans la mesure où ils disposent d’une large latitude quant à la méthode de mise en œuvre de la procédure d’évaluation.
Le projet EVVI Europe a ainsi réuni 5 pays membres de l’UE, avec une approche des victimes et des systèmes juridiques différents.
Ce projet est d’ailleurs en parfaite conformité avec l’article 26 de la directive qui concerne la coopération entre les différents pays.
Objectif de l’article 22
Cet article vise la sécurité de la victime et sa protection contre deux types de danger :
– la victimisation secondaire,
– la victimisation répétée, les représailles et intimidations.
Il s’agit de s’assurer que le parcours procédural de la victime est le plus confortable possible pour elle.
La deuxième typologie de protection est davantage axée sur la protection physique de la victime.
Toutes les victimes doivent être protégées, il n’y a pas de différences, pas de « hiérarchisation des victimes », or, certaines auront besoin de davantage de protection car elles sont davantage vulnérables. La directive donne un degré de souplesse quant à l’évaluation selon la gravité de l’infraction. Cette évaluation devra toujours être personnalisée.
On distingue plus précisément deux étapes dans le processus d’évaluation :
– 1ère étape : déterminer qui est vulnérable. La directive attire l’attention sur certaines infractions (ex : terrorisme, violences conjugales…) => la liste est purement indicative, il faudra également tenir compte des caractéristiques personnelles de la victime. Les mineurs échappent à cette première phase d’évaluation, car une présomption de vulnérabilité est posée à leur égard par la directive.
– 2ème étape : déterminer comment aider les victimes, par les mesures spéciales de protection énoncées aux articles 23 et 24 de la directive (ex : techniques d’audition, mécanismes de protection contre une intimidation…).
Cette évaluation personnalisée concerne certes les mesures de protection mais il est important de noter que l’approche individualisée est sous-jacente dans l’ensemble de la directive.
Cette évaluation personnalisée est un droit pour la victime, et non une obligation. Les victimes doivent être prises en compte et ne peuvent être forcées pour cette évaluation.
Un autre droit majeur pendant l’évaluation concerne la protection des données qui sont recueillies, qui peuvent être sensibles.
L’évaluation personnalisée est une obligation pour les États membres, mais aussi une nécessité ; son but est d’accroître la sûreté de la victime pendant la procédure.
La directive pose des normes minimales, les États membres peuvent prendre des dispositions plus élevées : par exemple, la portée de l’évaluation peut être plus grande.
La Commission encourage les États membres à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour l’évaluation.
Le projet EVVI, un apport européen – Mme RIOMET
5 pays sont impliqués sur ce projet :
– le Royaume-Uni, très avancé en matière de protection : le Code des victimes du 10 décembre 2013 prévoit déjà cette évaluation ;
– la Pologne, pays moteur dans l’élaboration de la directive ;
– l’Espagne, très engagé en matière de violences conjugales ;
– le Portugal, qui avait lancé une expérimentation sur ce sujet ;
– la France, avec notamment le rôle du réseau d’associations d’aide aux victimes INAVEM.
Ce projet EVVI Europe a été mené en plusieurs étapes :
1- Un bilan a tout d’abord été établi sur les diverses législations, en vue d’améliorer la connaissance des États membres sur l’état des textes législatifs par rapport à la prise en compte des victimes.
2- Il y a ensuite eu un travail important effectué sur la base d’une trame de questionnaire pour l’évaluation, ce qui permet de compléter éventuellement ceux déjà utilisés dans certains pays. Il n’y a aucune rigidité dans la transposition de la directive, les outils évolueront sans doute au fil du temps.
Si, dès le départ l’évaluation n’avait concerné que les victimes les plus vulnérables, on aurait eu un prisme très réduit de cette évaluation personnalisée (ex : violences conjugales, traite des êtres humains…).
Il y a seulement un petit pas à faire en France pour introduire ce processus d’évaluation personnalisée, mais cela implique un changement de méthodes. Pendant la première année suivant la transposition, il faudra faire évoluer les pratiques.
Il faut une palette d’outils et d’actions à l’égard des victimes, mais il faudra aussi bien prendre en compte leurs besoins, qui ne découlent pas nécessairement de la qualification de l’infraction.
Certains points plus particuliers seront à étudier, tels que :
– l’évaluation personnalisée menée auprès des mineurs,
– les victimes en « situation intermédiaire », c’est-à-dire qui portent plainte, mais pour lesquelles il n’y aura pas de suites judiciaires : il y aura un risque de victimisation secondaire si elles se sentent abandonnées. Même s’il n’y a pas de poursuites, avec un accompagnement de la victime via cette évaluation personnalisée, elle pourra alors avoir un sentiment de meilleure prise en compte.
Lorsque la transposition de la directive aura eu lieu, il y aura alors une construction de cette procédure d’évaluation personnalisée, qui devra être en mouvement.
L’écoute de la victime est un point fondamental : le professionnel qui procèdera à l’évaluation devra entendre les besoins de la victime pour les traduire ensuite en terme de mesures de protection, adaptées à sa situation.
Le projet EVVI, source d’inspiration d’une expérimentation française – Mme AYMES-BELLADINA
Les deux projets EVVI Europe et EVVI France sont très liés. En France, ont été choisis pour cette expérimentation nationale lancée en mars 2014 7 tribunaux de grande instance aux tailles et « taux de criminalité » très variés : Bobigny, Lyon, Saint-Malo, Draguignan, Béthune, Nancy et Pau.
Une grande liberté a été laissée aux sites pilotes dans la façon de travailler, aspect important pour l’analyse des points de blocage et des points positifs à développer par rapport à cette procédure d’évaluation personnalisée.
Les retours d’expériences des sites pilotes sont parvenus au ministère de la Justice entre janvier et mars 2015.
Ont été relevées quelques difficultés en terme d’investissement de certains acteurs, pour que le circuit menant à l’évaluation fonctionne bien. On note toutefois une grande volonté et une implication des intervenants.
Il y aura un certain nombre de questions à débattre, en particulier :
– que mettre dans le contenu du rapport d’évaluation ?
– quid des transferts entre services enquêteurs, associations d’aide aux victimes et juridictions ?
Les résultats de l’expérimentation sur l’ensemble des TGI démontrent que le volume d’évaluations réalisées est moindre par rapport à celui qui aurait pu être attendu.
Mme Riomet ajoute que pour chaque pays, il faudra un texte de transposition avec des documents d’accompagnement. Le point délicat concerne l’articulation des compétences entre les différents acteurs – ex : charge de travail pour les services de police et de gendarmerie. Il y aura sans doute des positionnements différents.
La restitution de l’évaluation est un sujet délicat, et le problème majeur n’est pas tant de la joindre à la cote victimes, mais plutôt qu’elle soit accessible par l’ensemble des parties.
La problématique de la protection spécifique renvoie à un problème d’égalité du citoyen devant la loi : il y a en effet une disparité dans les moyens offerts, il y aura incontestablement des distorsions entre les États membres et même entre plusieurs juridictions en France, où il ne sera pas toujours possible de mettre en œuvre ces mesures de protection spécifiques. Il faudra alors définir des priorités dans chaque TGI. La question des moyens financiers demeure essentielle.
L’essentiel sera de poser des principes directeurs, car la directive donne le cadre, mais devront s’en dégager des principes d’action à partager, pour ne pas vivre cette généralisation de la procédure d’évaluation personnalisée comme une contrainte.
Les apports de la visite d’étude : déroulement, avancées et perspectives – M. BATES et Mme POUS
Dans le cadre du projet EVVI Europe, une visite d’études a été organisée à Londres pendant deux jours pour échanger autour de ce qui est déjà mis en place concernant l’article 22.
Un point important est le premier contact de la victime après la commission de l’infraction. Un DVD explicatif de la procédure pour la victime a été créé, qui lui montre, étapes par étapes, les différentes phases, sans l’effrayer. Sont également proposés une visite du tribunal et un service de soins aux victimes (fonctionnant en lien avec le parquet et la police).
Pour l’Angleterre et le Pays de Galles, on compte 43 forces de police indépendantes.
Il y a aussi des équipes de voisinage et d’enquêtes.
Un Code pour les victimes, adopté en décembre 2013 pour l’Angleterre et le pays de Galles, récapitule les devoirs à l’égard des victimes.
Certaines victimes peuvent bénéficier de certains départements et pour les victimes de crimes les plus graves, il y a des obligations :
– présentation du Code pour les victimes,
– évaluation,
– information des victimes sur l’évolution de l’affaire jusqu’à la première audience.
De la révélation de l’infraction jusqu’à l’audience, c’est la police qui est le point de contact direct avec la victime.
Un officier de liaison est nommé pour un contact sur le long terme avec la victime pour les situations les plus graves, jusqu’à la fin de la procédure. La police peut également être amenée à renvoyer la victime vers des services spécialisés.
Une évaluation est faite pour toutes les victimes, en fonction du Code des victimes :
– certains éléments vont émaner directement de l’entretien avec la victime (sans besoin du questionnaire d’évaluation),
– pour les victimes intimidées, des mesures spéciales peuvent être mises en place pour l’évaluation elle-même,
– il existe un formulaire en cas de violences pour détecter la vulnérabilité de la victime.
La plupart du temps, les déclarations de la victime se font par écrit mais il est possible d’organiser des entretiens par vidéo hors des locaux de la police, si la victime est intimidée par exemple. Au tribunal, cette vidéo peut servir de preuves, pour éviter à la victime de répéter.
L’évaluation DASH (Violences conjugales / Harcèlement / Crimes d’honneur) prévoit un formulaire d’évaluation des risques avec des questions initiales, lequel est ensuite transmis aux autorités qui déterminent ce qu’il faut mettre en place. L’examen relève d’un comité inter-agences pour déterminer la mesure la plus efficace.
Si la vie de la victime est menacée, des mesures de protection sont possibles telles que des caméras de surveillance autour de son domicile… Il existe aussi des mesures de protection spéciales pour les mineurs et les adultes vulnérables.
Le Crown Prosecution Service (équivalent du ministère public en France) est chargé de poursuivre les affaires pénales qui ont fait l’objet d’une enquête. Il va réaliser un test en deux phases pour déterminer s’il faut engager des poursuites ou pas, et travailler également par rapport aux impacts sur les victimes :
– 1ère phase : regard sur les preuves
– 2ème phase : intérêt public (et étude du besoin de poursuites).
La victime n’a pas de statut formel dans la procédure pénale, elle ne peut s’exprimer directement au tribunal mais peut utiliser un document pour se faire entendre.
=> Le Code pour les victimes recentre la place de la victime : son opinion est prise en compte et un minimum de services du CPS sont attendus pour les victimes. Ainsi, la police peut faire une évaluation des besoins et ensuite orienter la victime vers un organisme d’aide aux victimes.
Quelle protection des victimes en Europe avant l’introduction de la directive ?
Trois pays ont témoigné sur cet aspect :
– l’Espagne : une loi de transposition est en cours d’élaboration. Un rôle important est joué par le bureau d’assistance aux victimes (services publics répartis dans tout le pays, avec en plus des bureaux spécialisés dans le terrorisme) ;
– le Portugal : les intervenants attirent l’attention à titre préliminaire sur l’importance d’accorder des standards dans l’évaluation. Le Portugal est dans une phase de pré-transposition de la directive, il y a des élections en septembre, dès lors il n’y aura peut-être pas de transposition avant le mois de novembre.
La décision-cadre de 2001 n’avait déjà pas été transposée en droit portugais, seulement par le biais de quelques amendements. En 2009, elle a été reprise dans une loi sur les violences domestiques. Le Portugal précise que la notion de victime n’est pas définie dans son arsenal juridique, le terme apparaissant quelquefois dans le Code pénal. Le droit à la protection est intimement lié à l’évaluation des risques, avec un accent toujours mis sur les violences conjugales. En soi, l’outil d’évaluation est toujours inexistant.
Dans le cadre du projet EVVI Europe, il y a eu un retour très positif tant des forces de police que des services d’aide aux victimes du questionnaire proposé, avec une mise en évidence sur la nécessité d’un outil unique d’évaluation permettant d’examiner l’intégralité des problèmes.
Ceci génère deux préoccupations :
1- une hausse de la charge de travail (affirmation à tempérer car le nombre de victimes qui aura besoin de mesures spécifiques de protection est au final assez faible) ;
2- une certaine redondance de cette évaluation personnalisée avec les outils déjà existants d’évaluation des risques, en particulier pour les victimes de violences conjugales.
– la Roumanie : actuellement, le système législatif est très bien élaboré mais il manque une application cohérente et unitaire permettant d’assurer de manière effective la protection de la victime. Il existe notamment en Roumanie une Agence nationale contre le trafic des personnes. La principale loi en la matière date du 27 mai 2004, concernant les mesures pour l’assurance de la protection des victimes.
Les réponses européennes : présentation synthétique des travaux
FRANCE
Il appartient à chaque État membre de formaliser l’évaluation personnalisée prévue à l’article 22 et de déterminer les modalités de sa mise en œuvre, telles les acteurs (officiers de police judiciaire, associations d’aide aux victimes, magistrats…), la méthodologie (questionnaire-type), ou la participation de la victime.
L’autorité la mieux placée pour procéder à l’évaluation est celle qui a le premier contact avec la victime et qui peut ainsi, lors de l’audition de celle‐ci, disposer des éléments d’appréciation permettant d’évaluer sa vulnérabilité ainsi que ses besoins éventuels de mesures de protection.
Cela varie selon les pays, en France, il s’agira surtout des OPJ, également des associations d’aide aux victimes et plus exceptionnellement du juge d’instruction à l’occasion d’une constitution de partie civile.
La première question à poser est si la victime accepte ou non la réalisation de l’évaluation.
Les modalités du recours aux associations d’aide aux victimes varient selon les Éats‐membres : par exemple, le Royaume‐Uni pratique une politique de renvoi systématique de toutes les victimes auprès de ces associations.
En France, au vu de la lourdeur du système, de son coût et de l’organisation des associations qui ne sont pas en capacité d’absorber un tel flux de victimes à évaluer, une intervention au cas par cas, selon les besoins identifiés de la victime pourra être préférable, comme c’est le cas actuellement.
L’évaluation personnalisée pourra se dérouler en deux parties comme cela a déjà été évoqué précédemment :
* une évaluation systématique simplifiée, prenant la forme de quelques questions posées aux victimes formalisées dans le procès‐verbal d’audition, permettant d’obtenir des éléments sur l’importance du préjudice subi et tout autre critère d’appréciation de leurs besoins de mesure de protection (isolement familial, craintes de représailles de la part du mis en cause…) ;
* une évaluation plus poussée, réservée aux victimes qui auront été identifiées comme nécessitant une analyse plus approfondie de leur vulnérabilité, au moyen par exemple de la réalisation d’expertises psychologiques, ou encore de réquisitions du Procureur adressées aux associations d’aide aux victimes afin d’obtenir une prise en charge de celles‐ci.
=> La meilleure pratique consisterait à remplir les deux parties de l’évaluation en même temps. Toutefois, si cela n’est pas possible (parce que la victime est trop mal par exemple, ou parce qu’il faut d’autres éléments), il conviendra alors que la seconde partie du questionnaire soit réalisée le plus rapidement possible et que des mesures de protections provisoires, le cas échéant, soient instaurées dans l’intervalle. Pour ce qui est des « mesures spéciales », il s’agit de l’octroi de garanties procédurales particulières pour les victimes qui présentent des besoins spécifiques (art. 23).
Perspectives
Le questionnaire et le guide de bonnes pratiques élaborés dans le cadre du projet EVVI Europe ne seront pertinents à l’échelon européen que si l’ensemble des acteurs concernés par les questions d’évaluation des victimes se l’approprient.
En définitive, le projet EVVI, le modèle de questionnaire et le guide de bonnes pratiques ont vocation à servir à tous : forces de l’ordre, AAV, magistrats du siège et du Parquet, au législateur, aux autres États membres non partenaires et surtout aux victimes elles‐mêmes, en répondant à leurs besoins spécifiques en matière de protection, en faisant respecter leurs droits issus de cette Directive européenne.
Les travaux de transposition ont débuté en France => un amendement a été déposé fin octobre 2014 dans le cadre d’un projet de loi plus général relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. À la base ce projet de loi visait à réaliser les adaptations législatives nécessaires à la mise en oeuvre de 3 décisions-cadre de l’Union européenne, adoptées en matière pénale.
Via cet amendement, est désormais intégrée dans ce projet de loi portantadaptationde laprocédurepénaleaudroitde l’Unioneuropéenne, la transposition de la directive du 25/10/2012.
Cet amendement a été adopté par le Sénat le 05/11/2014. Le projet de loi a été déposé à l’Assemblée Nationale le 06/11/2014. Le prochain examen du texte est programmé pour le 13 mai 2015 à l’Assemblée Nationale (Commission des lois).
Le projet de loi regroupe en fait toutes les dispositions de la directive du 25/10/2012 à transposer, pour cela il prévoit l’ajout dans le titre préliminaire du Code de procédure pénale consacré aux dispositions générales, d’un sous-titre intitulé DES DROITS DES VICTIMES, où sont insérées toutes les mesures nécessitant transposition : droit à l’interprétation, droit à la traduction, et un article spécifique consacre le droit à bénéficier d’une évaluation personnalisée => le choix a été fait par le législateur de présenter cette transposition via une architecture générale dans la loi, à compléter par la suite, quant aux modalités pratiques, par un décret.
La nouvelle disposition qui serait insérée dans le CPP français met en lumière 6 grandes caractéristiques pour cette procédure d’évaluation personnalisée :
1- QUAND ? « dès que possible » => en pratique, dès que la victime révèle l’infraction
2- PAR QUI ? « L’évaluation est menée par l’autorité qui procède à l’audition de la victime » => Cela va concerner la plupart du temps les services enquêteurs (police / gendarmerie).
3- COMMENT ? « Elle peut être approfondie, avec l’accord de l’autorité judiciaire compétente » => on retrouve ici les 2 étapes envisagées tant au niveau EVVI Europe que lors des expérimentations françaises : 1ère étape : évaluation large pour toutes les victimes – but : déterminer les situations à risques / 2ème étape : évaluation plus approfondie pour les victimes signalées : but : déterminer de quelles mesures de protection spécifiques elles ont besoin.
À noter que la décision de passer au stade 2 d’évaluation approfondie appartient à l’autorité judiciaire, cette procédure est placée sous son égide.
4- RÔLE DE LA VICTIME « La victime est associée à cette évaluation » => on tient compte de ses souhaits, y compris ceux de ne pas bénéficier de mesures spécifiques de protection.
5- RÔLE DE L’AAV « Le cas échéant, l’association d’aide aux victimes requise par le procureur de la République ou le juge d’instruction en application de l’article 41-1 y est également associée » => la France choisit de faire participer les AAV à cette procédure (tel que prévu dans le projet EVVI France) ; elle intervient uniquement sur réquisition judiciaire ; son intervention est gratuite pour la victime.
6- « Les modalités d’application de cet article seront précisées par décret » => elles viseront notamment à prendre en compte les résultats définitifs des expérimentations.
Le process d’évaluation des besoins spécifiques de protection des victimes est à construire en droit français, avec l’aide des travaux de l’UE et de l’expérimentation française, en revanche les mesures spécifiques de protection accordées aux victimes détectées « vulnérables » existent pour l’essentiel d’ores et déjà en droit français : auditions dans des locaux séparés, recours à la visioconférence, désignation d’un administrateur ad hoc pour une victime mineure… Subsiste cependant la difficulté relative aux moyens financiers pour mettre en place ces mesures, une prudence s’impose à ce sujet, qui pourrait être génératrice de situations de survictimisation à l’égard des victimes détectées comme étant vulnérables.
POLOGNE
26 organisations contribuent à l’assistance aux victimes en Pologne (ONG).
La Pologne s’est appuyée sur le questionnaire EVVI Europe : un conseil ministériel a été mis en place l’an passé, chargé de proposer des solutions concrètes sur cette procédure d’évaluation personnalisée : il a fait des remarques sur le questionnaire EVVI, et, en vue d’une adaptation la plus efficiente possible, la Pologne a décidé de réaliser deux questionnaires : un pour les ONG, et un autre pour les services de police. Des périodes-test ont débuté, le travail devrait être finalisé très prochainement.
ROYAUME-UNI
Un certain nombre de mécanismes sont déjà en place, le questionnaire proposé par EVVI est peu utilisé car les dispositions actuelles sont déjà bien ancrées dans les procédures et dans les pratiques. La formation des policiers est cruciale, car ils sont en contact en premier plan avec les victimes.
Un point de vue extracommunautaire : les dispositifs en place au Canada – Mme CHAREST
Au Canada, la victime a un rôle de témoin et n’est pas partie à la procédure. La loi du 17 juin 1988 sur l’aide aux victimes d’actes criminels reconnaît des droits aux victimes, institue le BAVAC (bureau d’aide aux victimes d’actes criminels) au ministère de la Justice, crée le Fonds d’aide aux victimes d’actes criminels (FAVAC) et donne au ministère de la Justice le pouvoir de reconnaître les CAVAC (centre d’aide aux victimes d’actes criminels).
Mme Charest a expliqué que le FAVAC était alimenté par :
– une sur-amende compensatoire prononcée par les juges à l’encontre des personnes coupables d’infractions au Code criminel (et à certaines lois règlementant les drogues en particulier),
– 25 % des sommes découlant du partage des produits de la criminalité
– des dons ou legs.
Depuis 2002, en plus de l’amende imposée pour toute infraction à une loi au Québec, une contribution de 10 dollars est réclamée, la totalité de ces sommes perçues étant affectée à l’aide aux victimes d’actes criminels. Ce système a pérennisé de façon incontestable le fonctionnement des services d’aide aux victimes : les CAVAC, chargés d’accueillir, d’informer de soutenir psychologiquement et d’accompagner les victimes dans toutes leurs démarches.
Le colloque se clot en rappelant que les documents élaborés dans le cadre du projet EVVI Europe, à savoir questionnaire d’évaluation et guide de bonnes pratiques, sont d’ores et déjà disponibles en anglais et seront prochainement transmis en français.