Auteur
Blandine ROLLAND
Maître de conférences
Membre du CERDACC
Compte-rendu de congrès Penser les organisations « responsible native » : la RSO sans frontières XIIème Congrès de l’Association pour le Développement de l’Enseignement et de la recherche sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ADERSE) 19 et 20 mars 2015
L’ADERSE (http://www.aderse.org/indexfr.htm) a tenu son XIIème Congrès à Strasbourg les 19 et 20 mars 2015.
Pendant deux jours, de nombreux symposii et ateliers en parallèle ont présenté l’actualité des recherches mais également une évocation des pratiques en matière de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) ou des organisations (RSO).
Journée du 19 mars 2015 :
Séance plénière : RSO sans frontières, une comparaison France/Allemagne
Cette séance plénière se déroule sous la présidence de Pia IMBS, Maître de conférences HDR à l’École de Management de Strasbourg. A 3 km de l’Allemagne, il s’agit de s’intéresser à la RSE en Allemagne et en Europe également. Y a-t-il cohérence des démarches avec la RSE française ? Quels sont les marqueurs culturels et juridiques ? Quelles évolutions sont souhaitables ?
Karl-Friedrich BOPP est chef de Division au Conseil de l’Europe, co-responsable de la Charte sociale européenne. Selon lui, la comparaison entre la France et l’Allemagne n’est pas très évidente et souvent juridique ! La comparaison n’est possible que si les deux pays s’engagent sur le même texte. Or la Charte sociale date de 1961 et c’est à elle que l’Allemagne adhère. Elle a été révisée en 1996 et c’est à la Charte révisée que la France adhère en grande partie. Certains thèmes sont communs : les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité. Mais le droit à l’information et à la consultation des salariés n’a pas été ratifié par l’Allemagne alors que la France l’a fait.
Enrico PRINZ est enseignant-chercheur à l’École de Management de Strasbourg, responsable de programmes franco-allemands. Il relève qu’en Allemagne, la RSE est omniprésente. C’est déjà le cas au plus haut de l’État puisque selon l’art. 20 § 1 de la Constitution, l’Allemagne est un « État démocratique et social ». Ensuite, l’Allemagne connaît le système de la co-gestion dans les entreprises de plus de 500 salariés (représentation pour 1/3 au Conseil de surveillance – voire 50% – ainsi que dans le directoire des sociétés). Mais l’idée d’un capitalisme rhénan, d’un capitalisme de marché coordonné, est parfois remise en cause dans le cadre des grandes multinationales. On constate aujourd’hui qu’il y a sans doute moins de RSE dans les multinationales cotées en Allemagne que dans les PME ! Ainsi, dans le Code de gouvernance pour les sociétés cotées allemandes, il n’existe que très peu de mots-clés relatifs à la RSE (et seulement dans le préambule). Concernant la place des femmes dans les conseils d’administration, il y aura un quota pour les sociétés cotées et soumises à la co-gestion (108 entreprises concernées). Le quota serait de 30%.
Du point de vue de la pratique, l’expérience de l’entreprise Hager est présentée par Denis MUNCH, directeur Développement durable de la société Hager. C’est une Société européenne depuis 2007 et qui échappe donc aux principes de la co-gestion. On y parle de développement durable considéré comme homonyme de la RSE. Chez Hager, pratiquer le développement durable répond à 3 raisons. D’abord, il s’agit d’être en règle avec les contraintes légales et règlementaires. Mais cela répond aussi à la pression des clients. Enfin des raisons de convictions familiales, écologiques et humaines, y poussent. Le programme de développement durable se décline autour de « E3 » i.e. Éthique (engagement social et sociétal) / Environnement / Énergie (cœur de métier).
Mélanie CZEPICK, chargée de mission reporting RSE à l’ORSE, présente l’approche du reporting. En France, l’obligation de reporting découle de la loi NRE de 2001 qui a évolué en 2010 en visant les sociétés non cotées au-dessus de certains seuils. L’approche « Comply or explain » est introduite ainsi que la vérification par un organisme tiers indépendant. En Allemagne, au contraire, l’approche est volontaire. Un premier Code allemand développement durable a été adopté. Les rapports sont déposés sur une base de données du conseil allemand. Ce code allemand a été révisé, il s’appelle désormais « Code de développement durable » avec une ambition internationale. Les indicateurs ont été révisés notamment en fonction de l’évolution des indicateurs du GRI. Ils sont donnés en annexe des objectifs définis par le code. Une démarche de vérification par un tiers indépendant est mentionnée à titre volontaire. De son côté, la Commission européenne a publié une directive sur la transparence des informations. Le code allemand y est nommé comme un des référentiels. Les États ont deux ans pour la transposer. En France, il faut s’attendre à des ajustements dans le code de commerce.
Atelier : Normes et RSO
Cet atelier se déroule sous la présidence de Pia IMBS.
Alya CHABLI de l’Université de Tunis, présente « L’ISO 26000 : la norme aux enjeux inédits. – Étude de cas d’une entreprise tunisienne ». Aline PEREIRA PUNDRICH (HuManiS – École de Management de Strasbourg) et Sylvaine MERCURI CHAPUIS (Magellan – IAE Lyon 3) interviennent sur « Le slow fashion à l’épreuve de l’ISO 26000. Della : des tissus colorés dictent la mode responsable ». Blandine ROLLAND, Chargée de mission DD-RSU à l’Université Lyon 3 et Maître de conférences de droit privé, traite enfin du thème « Les trois piliers de la RSE et le reporting des sociétés : approche juridique ».
Symposium : Responsabilité sociale des organisations et des territoires
Xavier PIERRE, enseignant-chercheur associé à l’ISEOR, Magellan, IAE Lyon 3, présente les enjeux de l’ancrage territorial en matière de RSE.
Gérard DEMAISON est Docteur en sciences de gestion et membre de l’association « Atelier du dirigeant durable » qui vise à réconcilier l’économique et l’humain. Il évoque l’accompagnement sociétal des PME/TPE dans les territoires. En effet, la RSE génère un avantage compétitif qui pourrait permettre à la France entière de redevenir compétitive. Cette association met en place une démarche de RSE avec les patrons de TPE et PME. Mais ils recherchent des relais territoriaux pour étendre cette démarche à d’autres entités.
Xavier PIERRE présente « Le déploiement du schéma régional Climat-air-énergie ». Ce sont les politiques d’efficacité énergétiques qui sont prises en charge par les collectivités sous forme de schéma régional. Le schéma européen fixe divers pourcentages de réduction. Le schéma français est plus ambitieux et la région Rhône-Alpes encore plus qui se fixe d’atteindre des objectifs supérieurs. L’intervenant conclut sur le manque criant de méthodologie dans cette démarche.
Miguel DELATTRE, Maître de conférences, ISEOR, Magellan, IAE Lyon 3 (et Manuel GARCIA Université de St Etienne) présente un projet de recherche portant sur le thème « De l’organisation au territoire. Constats d’impuissance et projet méthodologique ». Il expose au départ qu’il est difficile d’avoir une harmonisation des indicateurs parce qu’ils sont découplés au niveau sociétal. En outre, on assiste à une approche patrimoniale de la responsabilité des acteurs en raison de la personnalité juridique des sociétés dans les groupes. Enfin, les règles de la comptabilité privée et publique ne sont pas suffisamment fines pour apprécier les effets environnementaux d’une entreprise sur un territoire. Or les externalités environnementales affaiblissent la performance économique. Peut-on progresser ? La réponse pourrait venir du jeu dans un cadre territorial.
Thibaut RUAT, Doctorant ISEOR, Magellan, IAE Lyon 3 étudie « Les parties prenantes et territoires dans le champ de la construction ». Il apparaît qu’il coûte à une entreprise du bâtiment 31% de son budget qui provient de dysfonctionnement avec ses parties prenantes externes ! L’intervenant dresse alors une cartographie des interactions entre les parties prenantes. Il souligne que celles avec lesquelles l’entreprise coopère le plus (ex. le chef de chantier) ne sont pas celles qui font le plus jouer la responsabilité financière (les clients).
Véronique ZARDET, Professeur à l’IAE Lyon 3, ISEOR, Magellan, et Présidente de l’ADERSE s’intéresse au « Cas des EHPAD sur le territoire ». Elle pose la question de la difficulté de recrutement dans les EHPAD, à partir d’une recherche sur 10 EHPAD d’Isère et de Savoie.
Symposium : Le projet d’un IAE en tant qu’acteur socialement responsable sur son territoire
Marc BONNET, professeur à l’IAE Lyon 3, ISEOR, Magellan, préside la séance. Il évoque le programme PRME. Des Business School y mettent en avant leur démarche de RSE en matière de formation. Il faut former de « bons » managers dans le cadre de ces entités.
Le projet de l’IAE Lyon 3 est d’abord présenté par Jérôme RIVE, Directeur de l’IAE Lyon 3 et président du Réseau des IAE. Actuellement l’IAE développe un projet RSO en considérant qu’il est intégré dans l’ADN de l’IAE comme responsable native. Ce projet a des impacts d’abord économiques sur les parties prenantes. Ensuite, l’intégration de la RSO constitue un avantage compétitif. À ce titre, l’IAE affirme un positionnement clair et ambitieux à travers l’intitulé « Management sensible et responsable » appelant à penser large (« Think Large »). L’enseignement de la RSO, des impacts sociétaux, sont intégrés pleinement dans les formation et les modules. Une « Charte des engagements de l’IAE Lyon » a été construite collectivement.
Lorella PIGNET-FALL, professeur-associé à l’IAE Lyon 3, indique que toute cette politique repose sur des principes généraux. Le Pacte mondial auquel l’IAE Lyon a adhéré est décliné par PRME. PRME décline les chapitres du Pacte Mondial dans le secteur académique (équivalent du GRI pour les entreprises).
Isabelle BARTH, Professeur, Directrice générale de l’EM Strasbourg, présente à son tour la démarche entreprise à Strasbourg : « L’EM Strasbourg : une école en société ». C’est une remise en cause totale du modèle originel (selon lequel le manager prend comme totem le crocodile à la peau dure, aux dents longues et qui sait nager) assorti d’une redéfinition du business model. Il faut réfléchir à l’impact d’une école sur son environnement. Peut-on imposer un haut niveau en recherche alors que cela n’a pas toujours d’impact sur l’environnement de l’école ? Pour mettre en place ce modèle de développement, il convient de calculer un impact factor sur l’économie régionale que ce soit en termes de dépenses des étudiants que de retombées de la recherche ou d’apport des étudiants dans les entreprises où ils sont en stage.
Remise du prix de thèse de l’ADERSE
L’ensemble des participants se retrouve pour la remise du prix de thèse de l’ADERSE présidé par Odile UZAN. Les 11 thèses soumises sont en finances, ressources humaines et environnement. Le prix est doté par l’ORSE représentée par Mélanie CZEPICK.
3ème prix de thèse : Isabelle CADET. Elle a soutenu en 2014 une thèse en sciences de gestion intitulée « RSE, Responsabilité éthique et utopies. Fondements normatifs de la RSE. Place du droit dans les organisations » sous la direction d’Yvon PESQUEUX du CNAM. Elle explique que la norme n’est pas seulement juridique. D’autres normes sont prises en compte par la gestion. Ainsi la soft law est importante en pratique.
2ème prix de thèse : Olivier BRAUN a soutenu en 2014 une thèse de sciences de gestion à l’Université de Strasbourg, sous la direction de Pia IMBS. Elle s’intitule « Contribution à la compréhension des causes des comportements socialement responsables : l’étude des contrats psychologiques au sein d’une entreprise de travail temporaire ». Il a travaillé sur les croyances des salariés comme constituant des éléments conditionnant la pratique.
1er prix : Jonathan PEILLEX a soutenu en 2014 une thèse en sciences de gestion à Amiens sous la direction de Loredana URECHE-RANGAU. Cette thèse s’intitule « L’Offre de produits de placement éthiques : décision de lancement, conception et réaction du marché financier ». Cette étude porte sur le point de vue de l’offreur. En particulier la question se pose de savoir pourquoi ces fonds sont commercialisés.
Journée du vendredi 20 mars 2015 :
Séance plénière : Le cercle vertueux des achats responsables
Cette séance plénière se déroule sous la présidence de Laurence VIALE, Enseignante associée à l’École de Management de Strasbourg. Elle indique que la part des achats dans une entreprise peut aller de 80 à 85%. Il est mis en place des systèmes visant à la coopération dans ces relations d’achats. Qu’en est-il aujourd’hui de la prise de conscience des achats responsables et de leur encadrement, sachant que cette relation se doit d’être durable, équilibrée et constructive ?
Gérard BRUNAUD, co-fondateur et vice-président exécutif de l’ObsAR, a soutenu la création d’une nouvelle norme en matière d’achats responsables (norme ISO 26000 + norme française sur les achats responsables). Vincent AYRES est Chargé de mission à Alsace Active. Il est chargé de mettre en place des partenariats dans le domaine des achats. Sophie GENSOLLEN SCHULE et Thomas VEITH, de Suez Environnement (branche Eau) apportent leurs expériences en la matière.
Les achats responsables sont définis, dans la norme française AFNOR des achats responsables, comme « Tout achat intégrant dans un esprit d’équilibre entre parties prenantes, des exigences, spécifications et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique. L’acheteur recherche l’efficacité, l’amélioration de la qualité des prestations et l’optimisation des coûts globaux (immédiats et différés) au seins d’une chaîne de valeur et en mesure l’impact ». Il y a une dizaine d’années, on envisageait seulement les achats « verts » sous l’angle restrictif de la protection de l’environnement. Désormais, les achats responsables englobent les achats durables et solidaires i.e. les 3 piliers de la RSE : la dimension économique, sociale, et environnementale. Les pratiques des entreprises en témoignent.
Atelier : Approche juridique et RSO
Cet atelier se déroule sous la présidence de Blandine ROLLAND.
Alain JAN KERGUISTEL, professeur de droit à l’ESCEM de Tours, présente un papier sur « La responsabilité des manageurs à l’épreuve des fautes : les enseignements d’une confrontation entre le droit et la gestion ». Blandine ROLLAND intervient sur la question « Le quasi-contrat au secours de la RSE ? ». Odile UZAN,Maître de conférences à l’Université Paris Descartes, CEDAG, et Mehdi HERAUT ZERIGUI, de l’Université Paris Descartes, CEDAG, envisagent les « Sciences de gestion et RSE en France : approche exploratoire et longitudinale (2003-2014) ».
Atelier : Diversité et RSO
Cet atelier est dirigé par Danut CASOINIC, HuManiS, EM Strasbourg.
Rey DANG, groupe Sup de co de La Rochelle, présente en français un papier intitulé « Predictors of Female Representation on Corporate Boads : An analysis at Board Level from a Socialized Perspective ». Sarah RICHARD, HuManiS, EM Strasbourg (et Isabelle BARTH) présente « L’accompagnement du processus de révélation du handicap des étudiants ; témoignage de la responsabilité sociale des institutions de l’enseignement supérieur ». Enfin Jonathan PEILLEX, Université de Picardie Jules Verne, présente un papier écrit avec Philippe DESBRIERES et Elias ERRAGRAGUI sur « L’investissement conforme à la Charia est-il socialement responsable ? ».