Chronique d’une défaite annoncée

Une analyse à froid permet de se rendre bien compte qu’il y a des causes nationales à la forte abstention. Les électeurs, ceux qui ont voté l’ont fait, d’après les sondeurs, pour des raisons locales. Mais en ce qui concerne l’abstention et à cause de la crise il y a l’individualisme qui prend le pas sur le collectif et qui fait que les individus se renferment sur leur quotidien parfois difficile. Même si au décompte on s’aperçoit que tous les partis sont victimes de l’abstention puisque aucun d’eux y compris le PS ne retrouve ses scores de 2004, il y a trés certainement un abstentionnisme qui pénalise plus particulièrement la droite. On sait que généralement ce n’est pas une erreur qui crée un accident mais une succession d’erreurs qui même minimes une fois ajoutées les unes aux autres sont la cause de l’accident. Cette abstention est à mon sens du même type. C’est une succession d’erreurs qui est la cause d’une défaite annoncée. C’est ce que je vous propose d’analyser aujourd’hui.

Tout d’abord, La stratégie de l’UMP voulue et imposée par Nicolas Sarkozy n’était visiblement pas la bonne. Elle est nécessaire dans un scrutin type élections européennes , peut être même, je le pense, dans un scrutin municipal mais pas pour des élections régionales. Pour qu’une liste unique soit porteuse il faut qu’elle se situe dans une dynamique et les sondages d’opinion montraient bien que ce n’était pas le cas. Nicolas Sarkozy est clivant, on l’aime ou on ne l’aime pas. Par ailleurs il y a beaucoup semble t-il d’électeurs de droite qui n’ont pas voulu voter pour l’UMP parce qu’ils n’aiment pas Sarkozy, parce qu’ils sont déçus, notamment les agriculteurs, les retraités, les classes populaires et s’ils ne sont pas allés voter c’est parce qu’il n’y avait pas d’alternative à droite autre que la liste unique de l’UMP qui a ainsi montré ses limites. L’offre politique à droite était insuffisante. Il faut créer une offre politique au centre droit. Cette liste unique a empêché l’expression de toute une partie de l’électorat de droite qui est restée chez elle au premier tour et qui fera probablement pareil au deuxième. Cette abstention relève mathématiquement le pourcentage du PS qui fait mieux qu’en 2004 avec moins de voix.

Cette abstention est d’abord une abstention politique. Les Français ont un rapport très particulier avec la politique qui les amène à faire du yoyo permanent entre les différentes élections. Ils sont capables de changer leur fusil d’épaule du jour au lendemain. Si la politique était un objet de consommation, si c’était un produit je dirais que sur le plan électoral les Français aiment à changer de produit. Or depuis son élection en 2007 le seul produit c’est Nicolas Sarkozy. Quand un produit ne nous donne pas satisfaction on ne le consomme pas. C’est ce qu’ont fait les électeurs de droite. Ils ont considéré que le produit Sarkozy ne leur donnait pas satisfaction et donc ils sont restés chez eux. Ça ne signifie pas qu’ils ont basculé à gauche, mais hier ils ont clairement envoyé un message à Nicolas Sarkozy. Il est même probable que le président par ses changements de prises de positions a déboussolé un peu plus son électorat : je fais, puis je ne fais pas campagne, puis je refais et je ne refais pas ( 4 revirements) et il faut rappeler quand même qu’il entend être toujours au milieu de la vie politique. Je ne crois pas au désintérêt des français pour la politique, c’est un nouveau comportement et l’abstention est devenue un acte politique qui aujourd’hui sanctionne la droite.

53% d’abstention c’est énorme. Si l’on fait l’addition des 29% qui ont voté pour le PS et des 27% qui ont voté pour l’UMP on arrive à un total d’un peu plus de 26% des inscrits. Cela signifie que les deux plus grands partis de notre pays, ceux qui structurent notre pays depuis plusieurs décennies pésent à eux deux moins de 30% des électeurs inscrits. On peut donc affirmer que ces deux partis ont un sacré problème de représentativité qui n’est pas fait pour donner la stabiité dont a besoin le pays. Les socialistes le savent et c’est probablement une des raisons pour lesquelles ils n’ont pas fait de triomphalisme. En ce qui concerne l’abstention je ne crois pas qu’en une semaine ces données peuvent changer aussi il est très probable que dimanche prochain il y aura encore peu de votants. Peut être en Alsace parce que c’est la seule région où régne encore l’incertitude.

Donc pour l’UMP , erreur de stratégie. Ensuite erreur sur le type d’élections. On se souvient que lors des dernières élections européennes ce sont les socialistes et le Modem qui se sont trompés d’élection. Ils ont voulu transformer une élection qui avait pour objectif d’élire des députés européens en un référendum anti- sarkozy. Ils l’ont payé très cher. Europe Ecologie qui avait axé sa campagne sur l’Europe a fait un score magistral. Aujourd’hui, c’est Nicolas Sarkozy qui s’est trompé d’élections en voulant nationaliser des élections régionales. On a vu dans la dernière semaine que François Fillon et Xavier Bertrand ont cherché à recadrer mais c’était trop tard. D’une manière générale, les français eux ne se trompent pas d’élections et les formations politiques qui sont a côté du scrutin sont sanctionnées.

Ensuite, l’UMP a fait une mauvaise campagne car en plus de s’être trompé d’élection il y a eu des bisbilles ( Pécresse-Karoutchi), (MAM-Hortefeux), des campagnes de dénigrement (affaire Soumaré) et d’autres prises de bec.

Je crois que l’identité nationale n’est qu’une petite partie de l’échec. La raison première c’est quand même la crise sachant également que les élections intermédiaires sont toujours difficiles pour le pouvoir en place. C’est la raison pour laquelle je ne crois pas qu’il faille tirer trop de conclusions au niveau national. Nous vivons une élection particulière, dans un climat de crise particulier et avec un taux d’abstention supérieur aux autres élections et d’autant plus fort cette fois-ci c’est que c’est la première fois que l’on ne votait que pour les régionales, c’est à dire que ces régionales ne sont pas couplées à une autre élection.

Quelques jours avant l’élection le chef de l’État a mis en place un socialiste à la présidence de la cour des comptes, le plus fidèle d’entre les fidèles de Mitterrand au Conseil constitutionnel et on s’apprête à mettre à la tête de la halde encore un socialiste. J’ai voté sans état d’âme pour le candidat de mon camp, mais je comprends tout à fait que des électeurs en aient assez.

Mauvaise campagne, erreur de stratégie, erreur sur le type d’élections, élections intermédiaires, crise, trop plein d’ouverture, voilà tous les ingrédients d’une défaite annoncée.

Il y a encore des marges de manoeuvre pour s’en sortir. Il y en a une qui me vient à l’esprit, c’est la posssibilité pour le chef de l’Etat de faire enfin l’ouverture vers l’UMP et ses alliés. On nous dit qu’il n’y a aucune réserve, mais où sont les Juppé, Copé, Baroin, Arthuis qui pourraient rentrer au gouvernenent ce qui en changerait la configuration et pourrait permettre de retrouver un électorat UMP, parce que il y a eu dans ce gouvernement un sentiment de fermeture aux chiraquiens. Sentiment , d’après moi, justement ressenti. Nicolas Sarkozy a commis la même erreur que Jacques Chirac après sa victoire de 1995. Sa rancune l’a poussé à rejeter pratiquement tous les balladuriens. Je propose donc à Nicolas Sarkozy d’ouvrir les vannes en direction de son camp. Si on ajoute à cela une offre politique au centre droit, alors tout pourrait renter dans l’ordre.

Enfin une des conséquences de l’erreur de stratégie qui a montré les limites de la liste unique sera que d’ors et déjà on peut être certain que pour l’élection présidentielle de 2012 le nouveau centre aura son candidat, n’est ce pas Hervé Morin.

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