C’est quoi être militant ?

La campagne officielle pour les élections régionales va s’ouvrir. Je vais aujourd’hui raconter la façon dont ça se passe pour les militants, ceux qui travaillent dans l’ombre et que l’on ne voit jamais. Je vais vous le raconter tel que je l’ai vécu, ce qui ne sera donc pas une généralité. A l’époque c’est le professeur Joseph Comiti ancien secrétaire d’Etat sous de Gaulle et Pompidou qui m’a mis le pied à l’étrier et qui m’a présenté à Hyacinthe Santoni futur député de la 1ére circonscription des Bouches du Rhône et qui est le premier candidat pour lequel j’ai travaillé. Il a été élu député en juin 1981, en pleine vague rose. Quelques semaines aupravant j’avais participé à la campagne présidentielle de Jacques Chirac puis j’ai refusé de militer et donc d’afficher pour Valery Giscard d’Estaing lors du deuxième tour.

Dans la cotisation annuelle, était incluse « la lettre de la nation » dont le directeur était Pierre Charpy. C’étaient des argumentaires  sous forme d’une lettre que nous recevions tous les jours par courrier à notre domicile.

Peu avant l’ouverture officielle, les militants sont réunis. Chacun, en fonction de critères personnels: travail, famille…, fait part de ses disponibilités et de ses compétences. Il y a ceux qui ne font que de l’affichage, d’autres qui sont chargés d’animer des réunions, de tenir des permanences etc… En ce qui me concene j’ai fait un peu tout puisque aprés quelques mois, j’ai été désigné comme point contact du RPR. Je reviendrai sur cette mission. J’ai fait à peu prés toutes les campagnes de la plus importante à la plus modeste : présidentielles (deux fois pour Jacques Chirac), régionales, municipales (pour jean Claude Gaudin), européennes ( Simone veil), législatives (pour le RPR) et cantonales. Jamais pour mon compte, je ne le souhaitais pas.

L’affichage se fait pratiquement en 3×8 à cause d’une espèce de guéguerre complétement ridicule entre militants, ceux d’un parti couvrant les affiches de son ou de ses concurrents politiques. Lorsque je dirigeais une équipe d’afficheurs, je leur demandais toujours de ne pas recouvrir les affiches des autres candidats, mais même en ayant passé des accords avec ceux des autres camps, cela ne se faisait pas. Il fallait donc sans cesse passer et repasser aux mêmes endroits. La nuit, les afficheurs étaient suivis par une équipe en protection. C’est à cette époque et dans ces circonstances que j’ai été présenté à des membres du SAC. Les possesseurs de cette carte protégeaient les afficheurs. Elle était de couleur blanche pour le militant de base, rouge pour le responsable départemental, orange pour le responsable régional et couleur or pour les membres. Le SAC a été dissous par François Mitterrand, un an après son élection. Ce qui n’a pas empêché les afficheurs de nuit d’avoir le même type de protection et par les mêmes hommes.

Par roulement, il y a les militants chargés de tenir une permanence. Au moins deux militants étaient présents et on faisait en sorte que l’un des deux soit toujours en mesure de répondre à un minimun de questions. Sinon, le travail consiste à répondre au téléphone, à noter des rendez vous pour le candidat, a donner des informations sur le programme et la venue de personnalités. Bref la routine.

Le point de contact et je l’ai été à Marseille, était un militant un peu plus aguerri, à qui on demandait un minimum de connaissances car il était souvent  le premier à recevoir les « futurs adhérents » voire « militants« . Il fallait être en mesure d’expliquer la position de son parti , en l’occurrence pour moi le RPR. Ce n’était pas bien difficile car dans 90% des cas les gens qui franchissaient la porte étaient déjà au moins sympathisants. Le point de contact était en quelque sorte un porte parole non officiel.

Et puis, il y a la tenue du bureau de vote , président ou assesseur selon la couleur de la municipalité. Entre midi et 13 h le candidat ou son représentant vient faire le tour des bureaux de votes et apporte de quoi manger et se rafraichir. Il serre quelques mains, demande si tout se passe bien puis reprend la route pour rejondre un autre bureau.

Les animations étaient de deux sortes. Il y avait les animations avec les militants. On peut , pour imager, dire que on apportait la bonne parole sous forme d’argumentaires. On expliquait le programme du parti ou du candidat. Ces réunions servaient, et c’était aussi une de leurs finalités, à se ressoucer, à se retrouver, à faire part des difficultés rencontrées en particulier lors des affichages. Et puis, il y avait les animations de quartiers avec des prises de parole qui précédaient celle du candidat ou du ténor du parti. C’était un peu comme les artistes qui font la première partie de la vedette attendue. C’est un exercice assez périlleux, on travaille sans filet et il vaut mieux être bien préparé. Mais les militants qui sont appelés à intervenir même dans les quartiers recevaient une formation. En ce qui me concerne la mienne a été faite très rapidement par Jacques Toubon avant qu’il ne soit élu patron du RPR en 1984. C’est toujours stressant de prendre la parole en public y compris pour ceux qui connaissent bien leur sujet. Je crois que personne ne peut le nier. Il ne faut pas confondre la formation politique, la communication et le marketting électoral qui lui consiste à mettre en valeur un homme, une femme ou un projet politique selon des techniques utilisées dans le commerce. En politique, la communication et le marketting électoral sont basés sur des méthodes qui consistent à « vendre » un candidat ou un projet politique, ce qui n’est pas le cas de la formation.

Et puis il y a les périodes de réconfort. Après le meeting, on souffle, on rencontre les candidats, on boit un coup avec eux, on échange quelques mots. C’est ainsi que j’ai approché tous les tenors du RPR de l’époque: Chirac, Toubon, Pasqua, Pons etc…puis Jean Claude Gaudin qui est dans la vie comme on le voit à la télévision, c’est le marseillais 100% pur jus né à Mazargues. J’ai rencontré le chanteur Serge Lama lorsqu’il est venu chanter à Marseille pour soutenir le RPR. Bref la vie de militant à aussi ses bons côtés.

Les candidats de stature nationale avaient leur propre service d’ordre, mais lors de leurs déplacements en meeting la fédération RPR ajoutait un service d’ordre local. C’est ainsi que j’ai été désigné lors des élections législatives de 1986 à l’occasion d’un déplacement de Jacques Chirac qui devait tenir meeting à Marseille à la salle Vallier. Tout c’est bien passé, mais comme on dit « je n’en menais pas large. »

Cette vie a malheureusement trop de mauvais côtés et pas seulement liés à la vie du parti pour lequel je militais. Je me souviens lorsque, en 1983, entre les deux tours des municipales à Marseille entre Gaston Deferre et Jean Claude Gaudin, une synagogue a explosé. Dés le lendemain le journal « Le Provençal » tout acquis à Deferre nous avait accusé d’avoir commis un attentat anti-sémite. Deferre a été élu avec 2000 voix de moins que Gaudin, grâce au découpage sectoriel qu’il avait lui même concocté en tant que ministre de l’intérieur. Aucune preuve, l’enquête a révélé plus tard qu’il s’agissait bien d’un accident, mais qu’importe le mal a été fait et nous avions perdu. J’ai vu et connu comme ça des méthodes de voyous et cela des deux côtés. Par ailleurs j’en ai eu assez de ne voir aucune considération pour les militants. Je me souviens avoir participé à des campagnes d’affichage de plusieurs semaines et voir des militants refouler par le service d’ordre local alors qu’ils voulaient simplement approcher et serrer la main du candidat pour lequel ils avaient travaillé. je me suis surtout aperçu que le travail de fond effectué par les militants ne servait à rien. J’ai à plusieurs reprises et en particulier en 1986 fait remonter le malaise qui couvait, on le sentait, on entendait. Mais les proches de celui ou de ceux qui ont le pouvoir aussi bien en politique que dans le monde de l’entreprise n’osent pas faire remonter les choses. Quand le « patron » fait le point avec ses principaux collaborateurs et demande si tout va bien, la réponse est systématiquement « oui » en quelque sorte on met en pratique le slogan » la soupe est bonne, tout va bien mon général« . Je l’ai vécu dans l’entreprise et pour avoir « parlé vrai » cela m’a coûté 3 ans de placard. De plus mon militantisme m’a coûté de l’avancement. En effet ma direction ne voulait pas donner l’impression que je serais « pistonner » alors on en a fait passer un autre. J’avoue ne pas avoir aimé.  En politique, j’avais le choix j’ai préféré me retirer et quitter ce milieu ou tout le monde, croyez moi, ne travaille pas que pour « l’intérêt général« . Ça, c’est ce que l’on entend dans les médias, la réalité est souvent moins glorieuse. De mes dix ans passés dans la politique, j’ai des exemples pleins mon disque dur. Il me suffirait de faire un copié /collé. Je n’ai pas le sentiment que depuis, beaucoup de choses aient changé. A la moralisation de la vie politique je ne crois pas beaucoup. Peut être  suis je désabusé ?

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