Patrick Arthus ne mâche pas ces mots. C’est ainsi que dans le bouquin « comment nous avons ruiné nos enfants » et qui lui a valu un prix d’économie en 2006, les gens de ma génération dit les baby-boomers en prennent plein la figure. Arthus nous accuse d’avoir sacrifier une génération pour garder notre « modèle social ».
Etienne Gernelle avec Mélanie Delattre et Audrey Levy a écrit « le casse du siècle » C’est une escroquerie parentale ! Les baby-boomers (ou soixante-huitards) ont vécu à crédit sans chercher à limiter le déficit public ni à réformer le marché du travail, fermé aux nouveaux venus. Et ce sont les trentenaires qui trinquent !
On peut également citer Jean-François Sirinelli qui dans « les baby-boomers » dénonce ceux qui apparaissent en effet comme une « génération singulière « expression de Gérard Noiriel.
Et c’est pas tout. Je pourrais citer bien d’autres auteurs, ce sont des attaques en règle. Parmi tous ces reproches qui sont faits à ceux qui sont nés après guerre, il y en a qui sont réels c’est vrai; mais qui sont ces gens pour nous en vouloir autant ? Oui nous n’avons pas connu la guerre, ni celle de nos parents, ni celle de nos grands frères qui sont allés en Algérie, nous n’avons pas connu le chômage, nous n’avons pas connu le SIDA, au contraire nous avons vécu dans une période de formidable croissance. Et alors est ce une raison pour nous reprocher d’exister.
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C’est vrai comme le souligne Etienne Gernelle que jusqu’en 1974 le budget de l’état était en excédent comme il est exact qu’à cette époque là nous ne savions pas que ce serait pour la dernière fois. Mais c’est à mon sens une grave erreur de généraliser sur les jeunes de l’époque et de les traiter de génération d’égoïstes et d’indifférents. Si aujourd’hui le constat est vrai et si je suis d’accord avec le député UMP Gilles Carrez lorsqu’il dit » Il faut bien reconnaître que la génération de mes parents, qui avait hérité d’une France désolée par la guerre, nous a remis les clés d’un pays prospère et faiblement endetté, alors que nous, les baby-boomers qui avons été gâtés, avons laissé à nos enfants une montagne de dettes « , je ne le suis pas forcément d’accord avec l’analyse qui consiste à mettre toute une génération dans le même sac. C’est facile de faire un constat, tout le monde en est capable et quand Carrez ajoute » C’est le problème des gouvernements depuis 1981, mais aussi de toute une génération qui a voulu vivre au-dessus de ses moyens » il a encore raison. Ce qui est dommage c’est qu’il se limite au constat et ne procède pas à l’analyse.
Oui c’est vrai que nous sommes comme le dit JF Sirinelli une « génération singulière « . Nous sommes nés aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, dans une France en reconstruction. Oui c’est vrai que nous somme parvenus à l’adolescence dans celle de la prospérité des « Trente Glorieuses « dont nous avons été les principaux bénéficiaires. Nous avons évolué donc dans un contexte de mutations économiques et sociales accélérées et de grande ampleur. Quittant l’enfance au début des années 1960 notre éveil politique et intellectuel s’est fait dans une France apaisée, passés les accords d’Evian, et dans le contexte géopolitique de la « coexistence pacifique « . Tout ça nous a amené et nous amène encore à avoir des références qui sont étrangères à celles qu’ont été celles de nos parents, et de celles de nos enfants aujourd’hui.
Doit-on pour autant accepter toutes les critiques. Doit-on accepter que dans « génération 69 « , un bouquin de Guimier et Charbonneau, ce coup de gueule de trentenaires contre toute une génération. Ce bouquin traite un peu tout ( politique, culture, sexualité, rapports entre les générations) mais un peu n’importe comment. C’est une attaque en règle contre on ne sait qui, on ne sait quoi. Les auteurs ne nous disent pas quelle est véritablement la génération visée ? quelle tranche d’âge ? Et puis la France c’est un ensemble et les auteurs ne disent pas quels sont les groupes sociaux qui sont visés ? C’est une attaque plus que floue et quand on a terminé le livre on a l’impression qu’il a été écrit par des gens jaloux de n’avoir pas la vie aussi simple et aussi insouciante que ceux d’avant. A trop vouloir critiquer on finit par tout mélanger et perdre ainsi de la crédibilité.
Et que dire d’un autre ouvrage écrit par un dénommé Antoine Guedes, lui aussi trentenaire et dont le titre est très provocateur « j’accuse les baby-boomers« . Il compare la facilité que nous aurions eu et c’est vrai en grande partie avec la galère qu’il a subit et semble encore subir. Il n’arrive pas à trouver sa place dans une société qui dit-il le malmène. Il accuse la génération du baby boom « d’avoir bradé ses diplômes, de l’exclure du marché du travail et de squatter les postes intéressants » je cite entre autre » les postes clés sont occupés par des plus de 50 ans qui ne sont pas près de lever le pied« . Quand on le lit, la génération du baby boom est responsable de tout : la pauvreté, la mondialisation, les délocalisations, le réchauffement climatique, la fermeture des petits commerces etc…tout y passe,c’est une distributions de griefs contre toute une génération. Évidemment pas un seul instant il ne se remet en cause, pas un seul instant il ne se dit qu’il doit faire sa place, non au contraire il faut qu’on lui laisse la place.
C’est facile de trouver des slogans « comment nous avons ruiné nos enfants », « le casse du siècle « , j’accuse les baby-boomers ». Oui c’est vrai j’admets que l’on nous accuse d’avoir sacrifier une génération pour garder notre « modèle social ». mais c’est la faute à qui ? Qui s’est mis en grève à la moindre idée de réforme ? Qui par démagogie a baissé l’âge de la retraite à 60 ans alors même que l’espérance de vie augmentait considérablement ? Qui a toujours refusé et refuse encore que l’entreprise entre dans l’université ? Etc… et aujourd’hui n’est ce pas ceux qui nous accuse de tous ces maux qui en se battant encore contre la moindre réforme sont entrain de faire à la génération à venir ce qu’ils nous reprochent d’avoir fait ?
Tout le monde est responsable. Jusqu’à il y a moins d’une dizaine d’années les syndicats devenaient rouge de colère à l’idée même de réforme, des gouvernement ont volé en éclats pour avoir ne serait ce que tenté de réformer, les politiques sont tétanisés, voilà la réalité et le résultat est maintenant que l’on nous masque la vérité parce que l’on a peur. La création de la CADES ( caisse d’amortissement de la dette sociale) par Juppé en 1996 est un véritable scandale. Je ne vais pas entrer dans les détails mais en gros c’est un « coffre « dans lequel on met de côté les déficits de la Sécurité sociale en attendant que les générations futures les paient. Jospin et Raffarin ont continué. Lorsqu’il y a un déficit la logique voudrait que soit on augmente les cotisations, soit on baisse les prestations. Par lâcheté pour les uns, par refus de toucher aux acquis pour les autres on a préféré mettre les déficits dans ce coffre qu’est la CADES en attendant que nos petits enfants remboursent. Mais la génération actuelle n’a rien à nous reprocher car aujourd’hui c’est sous sa pression que l’on ne réforme pas ou pas assez. On dénonce des traders de la bourse, mais personne ne parle, ni à droite ni à gauche, des traders de la dette sociale et ceux de la CADES sont des experts en la matière , ils vendent des emprunts aux meilleurs taux. Je crois d’ailleurs savoir que cela continue.
Pour ce qui est de l’accusation d’exclure les jeunes du marché du travail, on ne regarde que d’un côté. Et si on allait voir du côté syndical où aujourd’hui encore on défend à tout prix le statut de la fonction publique et le CDI. Les syndicats luttent pour leurs adhérents, mais certainement pas pour les jeunes chômeurs qui essaient de se frayer un chemin. Encore que ayant suivi le congrès de la Cgt j’ai cru déceler une amorce d’un syndicalisme qui voudrait se recentrer.
A force de jalouser une génération, on finit même par dire tout et son contraire. C’est ainsi que l’on fait croire que la génération du baby boom a pu se loger en achetant terrain et maison pour trois fois rien. C’est faux, ce raisonnement est valable pour la génération de nos parents, ceux qui ont acheté dans les années 50 en empruntant sur 20 à 25 ans. Notre génération née entre 1945 et 1950 a acheté, pour ceux qui l’ont fait, à partir de 1975. Cela aurait pu se passer encore mieux que pour nos parents car l’inflation était à 2 chiffres et galopante, de plus les salaires étaient indexés sur l’inflation. Or il se trouve qu’à partir des années 80 l’inflation a commencé à être jugulée et a baissé très rapidement alors que dans le même temps les salaires étaient désindexés. Pour certains la situation était devenue tellement délicate qu’ils ont dû renégocier leur prêt auprès des banques. Alors que l’on ne vienne pas aujourd’hui nous dire que les baby-boomers sont ceux qui ont eu le plus de facilité pour accéder à la propriété, c’est une conte vérité.
Mais est une raison pour accabler une génération de tous les maux ? De nombreux baby boomers logent leurs enfants très tard, ils paient tout ou partie de leur loyer, leurs études. C’est ainsi que l’on voit même des retraités qui aident leurs enfants en activité. Je ne dis pas que c’est normal, mais c’est comme ça.
Je lisais récemment un blog où l’intitulé de l’article était je cite » Sarkozy, le candidat des improductifs et des incultes« . Les improductifs étant les retraités, certains avaient des cycles de travail de 48 heures par semaine avec un seul repos hebdomadaire et la retraite à 65 ans. C’est dire le mépris que peut avoir pour ses ainés une génération qui elle travaille 35 heures par semaine avec 2,5 repos hebdomadaire et qui vivra plus longtemps. Quand aux incultes si on faisait un concours de culture générale entre les baby- boomers et la génération d’aujourd’hui je suis quasiment certain du résultat. Aujourd’hui on en est même à leur expliquer qu’un crédit ça se rembourse.
Je dirais pour conclure que notre génération si décriée n’aurait pas accepté ce qui se passe aujourd’hui, elle se serait révoltée. Aujourd’hui on ne rêve plus, c’est du chacun pour soi et c’est précisément parce que c’est chacun pour soi qu’il n’y a pas ce rêve unificateur que nous avons connu. La génération d’aujourd’hui qui nous critique tant est une génération d’assistés, elle est éclatée, mondialisée, elle est absolument incapable de cristalliser ses humeurs et surtout incapable de se prendre en main. Pour masquer toutes ses faiblesses il est plus simple de trouver un bouc-émissaire et de lui donner un nom : les baby-boomers.
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