atteintes auditives lors d un atterrissage la cour d appel de renvoi cesse de faire la sourde oreille pour ecarter la responsabilite du transporteur

ATTEINTES AUDITIVES LORS D’UN ATTERRISSAGE : LA COUR D’APPEL DE RENVOI CESSE DE FAIRE LA SOURDE OREILLE POUR ECARTER LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR

Commentaire d’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 6 juillet 2015

DESFOUGERES Eric

Maître de conférences à l’UHA

CERDACC

 

Un transporteur aérien n’est pas responsable lorsque la lésion auditive d’une passagère est uniquement liée à un état pathologique préexistant, le fait générateur n’étant pas un accident

Mots-clefs : Transport aérien de personnes – Lésion auditives lors de l’atterrissage – Notion d’accident (non)  

 

Pour se repérer

Mme X… a ressenti de violentes douleurs aux oreilles lors des phases de descente et d’atterrissage d’un vol Cayenne-Bordeaux, via Orly les 24 et 25 juin 2004, assuré par Air France-KLM. Après avoir fait diagnostiquer une lésion auditive, elle a assigné, en référé, puis au fond, la compagnie aérienne et la CPAM de Gironde en indemnisation. Le tribunal de grande instance de Bordeaux a, le 17 juin 2009, retenu l’entière responsabilité du transporteur. La Cour d’appel de Bordeaux a, le 27 avril 2011, confirmé ce jugement sauf sur le montant total du préjudice corporel de la victime. La 1ère chambre civile de la Cour de Cassation a, le 15 janvier 2014, cassé cet arrêt en estimant que les juges s’étaient fondés sur des motifs impropres à caractériser l’imputabilité du dommage à un accident qui serait survenu lors des opérations de vol et a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Toulouse.

Pour aller à l’essentiel

Il n’y a pas d’accident lorsque la lésion est uniquement liée à un état pathologique préexistant et qu’elle résulte des propres réactions de la victime au fonctionnement normal et prévisible de l’avion.

Pour aller plus loin

Par une étrange coïncidence, le surlendemain même de la parution au Journal Officiel du décret[1] portant publication de la nouvelle grande convention internationale relative au transport aérien, signée à Montréal le 28 mai 1999[2], dont l’article 17-1 redéfinissait la responsabilité du transporteur aérien pour les accidents survenus à bord de l’aéronef ou au cours des opérations d’embarquement ou de débarquement, une passagère assignait la SA Air France KLM du fait d’une surdité consécutive à un accident barotraumatique s’étant produit lors de deux atterrissages. Plus de onze années après, les faits semblent, enfin, trouver leur épilogue dans un sens défavorable à l’infortunée et patiente victime. Les juges d’appel de renvoi ont, en effet, suivi la voie que leur avait clairement suggéré la Cour de cassation en considérant qu’en l’occurrence, le fait générateur ne permettait pas de retenir la responsabilité du transporteur aérien (I) qui de toute façon aurait, vraisemblablement, trouvé là matière à s’exonérer (II).

I) La responsabilité présumée du transporteur écartée à défaut d’accident lors du transport aérien

Si nous avions pu qualifier de sibylline la motivation de l’arrêt de cassation du 15 janvier 2014[3], force est bien de reconnaître qu’un tel reproche ne saurait être formulé à l’encontre des juges toulousains. Après la référence expresse à l’article 17 de la Convention de Montréal et la pétition de principe rappelant que le fait générateur doit être un accident, on peut lire dans les motifs de l’arrêt une définition suivant laquelle il doit s’agir d’ «une atteinte corporelle provoquée exclusivement par un événement extérieur, imprévu et soudain dont l’assuré est involontairement victime ».

Ils se rallient, par la même, à la position stricte[4] initiée par la plus haute juridiction[5], d’ailleurs en tout point conforme à celle adoptée par ses homologues des autres Etats parties à la convention de Varsovie par rapport à la question très spécifique des thromboses veineuses[6]. C’est plus particulièrement la jurisprudence de la Cour Suprême américaine qui constitue la décision de référence de cette appréciation jurisprudentielle[7].

On notera – au passage- ainsi que l’avait déjà fait remarquer certains commentateurs de l’arrêt de cassation[8], une différence notoire avec les autres modes de transport pour lesquels, pèse sur le transporteur une présomption de responsabilité, consistant à acheminer sain et sauf le passager, susceptible de jouer dès que le dommage se produit durant le déplacement. Tandis qu’en matière aérienne, la victime devra établir l’existence d’un accident tel que défini ci-dessus. Ce dernier étant amené – à l’instar d’ailleurs de la loi du 5 juillet 1985, précisément relative aux accidents impliquant des véhicules terrestres à moteur – à jouer le rôle de fait générateur[9]. Ce qui peut laisser présager, comme dans la présente affaire, que le procès se résumera, le plus souvent, à une bataille d’expertises médicales, puisque les premiers juges d’appel bordelais s’étaient fondés sur deux rapports médicaux pour aboutir à une solution diamétralement opposée au présent arrêt, concernant le lien entre les troubles auditifs et le vol.

Les conditions permettant de condamner Air France n’étaient donc manifestement pas réunies, mais ainsi que l’admettent eux même les juges, juste avant l’énoncé du dispositif, même si tel avait du être le cas, la compagnie française n’aurait sans doute pas davantage pu l’être.

II) La responsabilité du transporteur exonérée à raison du comportement de la victime

Déjà sous l’empire de la Convention de Varsovie, l’état de santé initial, autrement dit les prédispositions pathologiques, de la victime avait clairement pu être considéré comme une circonstance de nature à permettre aux compagnies aériennes de se libérer de leur obligation d’acheminer les passagers sains et saufs[10]. Dans une affaire dans laquelle un infarctus du myocarde massif probable, toujours au moment de l’atterrissage, avait entrainé le décès du passager, reproche avait pu être fait aux juges de 1ère instance de s’être fondés uniquement sur l’article 17 de la Convention et non sur l’article 20[11] disposant que: «Le transporteur n’est pas responsable s’il prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures toutes les mesures pour éviter le dommage ou qu’il leur étaient impossible de les prendre ». Les juges d’appel avaient d’ailleurs pris en compte cette remarque en visant bien les deux articles concernés[12].

Mais, il faut bien noter que dans le cas présent, la faute de la victime consistait davantage en une imprudence puisqu’après avoir ressenti de vives douleurs lors la descente et l’atterrissage du vol précédent (Cayenne- Paris), elle avait omis de consulter un médecin avant de poursuivre son voyage (était-ce envisageable lors d’une simple escale ?). Dans plusieurs autres hypothèses, avait été relevé le refus de descendre du passager, suivi de sa mort. Ce qui s’était déjà traduit par un rejet de la responsabilité du transporteur[13].

Le fait qu’il n’y ait pas en l’espèce – à l’inverse d’autres[14] – de délais entre le vol et la constatation du dommage ne saurait donc suffire pour la responsabilité. Cette concomitance entre la lésion et l’action, en l’occurrence un vol normal constituant juste une source d’hésitation supplémentaire[15] dans ces affaires où la part réservée à la subjectivité semble demeurer prépondérante.

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Cour d’appel Toulouse Chambre 1, section 1

6 Juillet 2015 

Infirmation

N° 384, 14/00987

SA AIR FRANCE-KLM

Madame Céline COMET, CPAM DE LA GIRONDE

Contentieux Judiciaire

Numéro JurisData : 2015-017095

Résumé

Une passagère d’un avion a ressenti de violentes douleurs aux oreilles au cours d’un vol aérien Cayenne-Paris, lors des phases de descente et d’atterrissage de l’appareil à Paris. Le phénomène s’est reproduit mais amplifié lors de la descente et de l’atterrissage du second vol à Bordeaux. Elle est atteinte de surdité. Aux termes du Décret n° 2004-578 du 17 juin 2004 portant publication de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999applicable en l’espèce, le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident ayant causé la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement. Le fait générateur doit être un accident. Il n’y a pas d’accident lorsque la lésion est uniquement liée à un état pathologique préexistant et qu’elle résulte des propres réactions de la victime au fonctionnement normal et prévisible de l’avion. La pathologie dont souffre la victime est, selon le rapport de l’expert, une otopathie barotraumatique ou dysbarique, bilatérale de l’oreille interne ayant entraîné une perte auditive de perception bilatérale profonde. Aucune anomalie de pressurisation n’a été signalée. En outre, aucun autre passager ne s’est présenté au service médical de l’aéroport et aucune plainte de passager n’est mentionnée sur les rapports. Ainsi, l’atteinte corporelle présentée par la passagère n’a pas son origine dans un évènement extérieur à sa personne mais les lésions qu’elle présente, alors même qu’elle était indemne de toute pathologie, sont survenues lors de la phase d’atterrissage de chacun des vols, sans existence d’un évènement extérieur à sa personne puisque durant cette phase aucun phénomène particulier au niveau du fonctionnement de l’avion ne s’est produit. La présomption de responsabilité ne peut donc pas jouer, à défaut de preuve de fait générateur. En tout état de cause, la victime a commis une faute d’imprudence en reprenant l’avion pour effectuer le trajet Paris-Bordeaux, puisqu’elle avait déjà, lors de la descente et de l’atterrissage d’un vol précédent, ressenti de vives douleurs aux oreilles, ce qui aurait dû l’amener à agir prudemment en consultant un médecin avant de poursuivre son voyage. Même si la présomption de responsabilité avait pu jouer, la faute de la victime  était de nature à exonérer la compagnie aérienne de sa responsabilité.

06/07/2015

ARRÊT N°384

N°RG: 14/00987

Décision déférée du 17 Juin 2009 – Tribunal de Grande Instance de Bordeaux – 05/11746

Décision déférée du 27 Avril 2011 – Cour d’Appel de BORDEAUX – 09/4000

SA AIR FRANCE – KLM

C/

Céline COMET

CPAM DE LA GIRONDE

INFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX JUILLET DEUX MILLE QUINZE

***

DEMANDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION

SA AIR FRANCE-KLM poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christine DUSAN de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDEURS SUR RENVOI APRES CASSATION

Madame Céline COMET

Représentée par Me Laurent DE CAUNES de la SCP CAUNES FORGET, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DE LA GIRONDE

Représentée par Me Jean-Paul BOUCHE de la SELARL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Max BARDET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : M. MOULIS

Assesseurs : P. CRABOL

: C. STRAUDO

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. BERNAD

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. MOULIS, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

FAITS et PROCEDURE

Céline COMET, née le 3/03/1981, a effectué un voyage en Guyane en juin 2004. Le 24/06/2004 elle revenait par un vol Air France Cayenne-Paris suivi aussitôt, le 25/06, d’un vol Paris-Bordeaux.

Lors de la descente de l’appareil et de l’atterrissage du premier vol à Paris elle a ressenti des douleurs importantes aux oreilles. Le phénomène s’est reproduit mais amplifié lors de la descente et de l’atterrissage du second vol à Bordeaux.

Dès son arrivée elle a consulté un médecin généraliste qui constatait qu’elle présentait une otite bilatérale congestive avec otalgie et qui lui a prescrit aussitôt un traitement.

Le 28/06/2004 elle consultait un médecin spécialiste ORL qui diagnostiquait une surdité consécutive à un accident barotraumatique qui s’est produit à deux reprises le même jour lors de deux atterrissages.

Suivant acte d’huissier en date des 8 et 17/11/2004 Céline COMET a assigné la SA Air France KLM et la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’obtenir la désignation d’un expert.

Le docteur Danion, expert, a été désigné le 13/12/2004. Il a déposé son rapport le 19/05/2005.

Au vu des conclusions du rapport Céline COMET a assigné la SA Air France KLM et la caisse primaire d’assurance maladie devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir déclarer la compagnie aérienne responsable de l’accident du 25/06/2004 et pour obtenir sa condamnation à réparer le préjudice.

Dans le cadre de l’instance devant le tribunal de grande instance le juge de la mise en état a ordonné un complément d’expertise confié au docteur Danion. Ce dernier a déposé un 2ème rapport le 5/03 /2008.

Par jugement du 17/06/2009 le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

– déclaré la SA Air France KLM responsable de l’ensemble des conséquences dommageables de l’accident otopathique dysbarique dont Céline COMET a été victime

– fixé l’évaluation du préjudice corporel global de Céline COMET à la somme de 126.886,95 euro dont à déduire la somme de 23.390,35 euro revenant à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde

– condamné la SA Air France KLM à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde la somme de 23.390,35 euro

– condamné la SA Air France KLM aux entiers dépens.

La SA Air France KLM a relevé appel de la décision le 6/07/2009.

Par arrêt du 27/04 /2011 la cour d’appel de Bordeaux a :

– confirmé le jugement sauf sur le montant total du préjudice corporel de la victime et sur les sommes revenant respectivement à Céline COMET et à la caisse primaire d’assurance maladie

– fixé l’évaluation du préjudice corporel de Céline COMET à la somme de 114.833,39 euro

– condamné la SA Air France KLM à payer à Céline COMET la somme de 91.443,25 euro en réparation de son préjudice corporel avec intérêts de droit à compter du 10/11/2005 et avec application des dispositions de l’article 1154 du code civil

– condamné la SA Air France KLM à payer à la caisse primaire d’assurance maladie la somme de 23.390,14 euro au titre de ses débours et du capital représentatif des dépenses de santé futures.

La SA Air France KLM a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 15/01/2014 la cour a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 27/04/2011, a remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Toulouse.

La SA Air France KLM a saisi la cour d’appel de Toulouse le 21/02/2014.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions du 2/04/2014 la SA Air France KLM demande à la cour de :

Vu la convention de Varsovie de 1929 amendée

Vu la convention de Montréal de 1999

Infirmer le jugement

Débouter Céline COMET et la caisse primaire d’assurance maladie de l’ensemble de leurs demandes.

Elle soutient que l’accident est un événement soudain et extérieur au passager, qu’il n’est pas présumé et qu’il appartient à Céline COMET d’en rapporter la preuve.

Elle ne conteste pas les troubles auditifs dont souffre Céline COMET mais estime que cette dernière était atteinte de séquelles avant son second transport aérien Orly-Bordeaux puisque les premiers troubles sont survenus lors de l’atterrissage du vol Cayenne-Paris et que Céline COMET a décidé pourtant volontairement de poursuivre son voyage. Elle considère que dès lors la faute de la victime est de nature à exclure toute responsabilité d’Air France KLM.

Céline COMET réplique dans ses conclusions du 23/02/2015 qu’il convient de confirmer le jugement sauf à lui allouer au titre du déficit fonctionnel permanent la somme de 51.800 euro.

Elle demande la condamnation de SA Air France KLM aux entiers dépens.

Elle considère que pèse sur le transporteur une présomption de responsabilité.

Elle estime que ses lésions constituent un accident survenu au cours des opérations de vol sans que son état de santé ne puisse être évoqué.

Elle en déduit qu’il s’agit d’un fait extérieur.

Elle ajoute que les symptômes ressentis lors de l’atterrissage à Paris ne lui permettaient pas d’avoir conscience d’un état anormal qui aurait dû l’amener à ne pas poursuivre son second vol.

Dans ses écritures du 5/06/2014 la caisse primaire d’assurance maladie demande la confirmation du jugement et réclame en outre la condamnation de la SA Air France KLM à lui payer 1.028 euro au titre de l’indemnité forfaitaire et 300 euro sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime que l’accident est imputable à la SA Air France KLM, le dommage subi par Céline COMET l’ayant été en cours de vol.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 17 de la convention de Montréal applicable en l’espèce dispose que le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement.

Le fait générateur doit être un accident.  

L’accident est une atteinte corporelle provoquée exclusivement par un événement extérieur, imprévu et soudain dont l’assuré est involontairement victime.

Il n’y a pas d’accident lorsque la lésion est uniquement liée à un état pathologique préexistant et qu’elle résulte des propres réactions de la victime au fonctionnement normal et prévisible de l’avion.

En l’espèce il est établi par le rapport de l’expert que la pathologie dont souffre Céline COMET est une otopathie barotraumatique ou dysbarique, bilatérale de l’oreille interne.

Il indique que deux pathologies sont associées, l’une de l’oreille moyenne se traduisant par une otorragie bilatérale consécutive à une perforation traumatique des tympans par surcompression, et ensuite des lésions de l’oreille interne se traduisant par une destruction des cellules auditives.

Il considère qu’il s’agit d’une forme clinique caractéristique d’un dysbarrisme pressionnel de l’oreille moyenne avec lésions graves bilatérales de l’oreille interne survenant chez une jeune femme, sans antécédent remarquable, à la suite immédiate de deux vols aériens consécutifs dont l’analyse technique semble exclure tout processus de compression violente ou de vitesse de descente anormalement élevée.

L’examen met en évidence une perte auditive de perception bilatérale profonde.

Au vu des investigations effectuées par l’expert aucune anomalie de pressurisation ou autre n’a été signalée pour les deux vols (Cayenne-Paris du 24/06/2004 et Paris-Bordeaux du 25/06/2004). En outre aucun autre passager ne s’est présenté au service médical de l’aéroport et aucune plainte de passager n’est mentionnée sur les rapports.

L’expert explique qu’un blocage de la trompe d’Eustache peut se réaliser sur une trompe physiologiquement normale et que dans les lésions de l’oreille interne ce sont des accidents aéroemboliques liés à la production de bulles gazeuses à partir des gaz dissous dans le sang qui sont à l’origine de la pathologie grave de l’oreille interne.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’atteinte corporelle présentée par Céline COMET n’a pas son origine dans un événement extérieur à sa personne mais que les lésions qu’elle présente, alors même qu’elle était indemne de toute pathologie, sont survenues lors de la phase d’atterrissage de chacun des vols, sans existence d’un événement extérieur à sa personne puisque durant cette phase d’atterrissage aucun phénomène particulier au niveau du fonctionnement de l’avion ne s’est produit.

L’existence d’un accident n’étant pas démontrée Céline COMET sera déboutée de ses demandes puisque, à défaut de fait générateur, la présomption de responsabilité ne peut jouer.

En tout état de cause il sera ajouté qu’en reprenant l’avion pour effectuer le trajet Paris-Bordeaux Céline COMET a commis une faute d’imprudence puisqu’elle avait déjà, lors de la descente et de l’atterrissage du vol précédent, ressenti de vives douleurs aux oreilles ce qui aurait dû l’amener à agir prudemment en consultant un médecin avant de poursuivre son voyage.

Dès lors, même si la présomption de responsabilité avait pu jouer la faute de la victime était de nature à exonérer la compagnie aérienne de sa responsabilité.

Les lésions corporelles de Céline COMET ne pouvant être imputables à la SA Air France KLM, les conditions d’application de l’article 17 de la convention de Montréal n’étant pas réunies, Céline COMET sera déboutée de ses prétentions et le jugement sera infirmé.

Les demandes de la caisse primaire d’assurance maladie seront également rejetées dans leur intégralité.

Céline COMET qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau

Déboute Céline COMET de toutes ses prétentions,

Condamne Céline COMET aux entiers dépens.

Le greffier Le président

 

[1] Décret n° 2004-578 du 17 juin 2004 paru au JO Lois et décrets 22 juin 2004 p. 11205

[2] V. sur les conséquences fondamentales du changement en matière de responsabilité Marie-France STEINLE-FEUERBACH « Les trajectoires de l’obligation de sécurité du transporteur aérien de personnes » intervention réactualisée prononcée lors du séminaire sur l’obligation de sécurité et le transport de personnes organisé le 3 mars 2010 à Mulhouse reproduit in RISEO 2010-2 pp. 5 et ss.

[3] V. notre commentaire « Responsabilité du transporteur aérien de personnes : la Cour de cassation ramène les pieds sur terre grâce au lien de causalité » JAC n° 141 – février 2014

[4] V. sur la rigueur de cette attitude le commentaire de l’arrêt de cassation dans cette affaire Alexandre DUMERY « Interprétation stricte de la notion d’accident dans la réparation du préjudice corporel subi par le passager d’un aéronef au sens de la Convention de Montréal » JCP G 2014 com. 90

[5] V. déjà dans le même sens pour une affaire de violentes douleurs aux oreilles accompagné d’une surdité totale de l’une et d’un handicap de 40 % de l’autre Cass. Civ. 6 décembre 1988 JurisData n° 1988-002695 D. 1989 p. 541 note Gérard LEGIER mettant l’accident sur la spécificité de la notion d’accident au sens de la Convention de Varsovie par rapport à celle retenue en Droit du Travail ou en Droit des Assurances.

[6] V. les nombreuses références anglo-saxonnes citées par Alexis LEMARIE « Rejet de la responsabilité du transporteur aérien en cas de thrombose veineuse du passager : le respect par la Cour de Cassation de la finalité unificatrice de Convention de Varsovie » note sous Cass. Civ. 1ère 23 juin 2011 in Revue de Droit des Transports 2011 com. 200 et sur le même arrêt Philippe DELEBECQUE « La thrombose, syndrome de la classe économique, n’est pas un accident aérien » Revue de Droit des Transports 2011 com. 160

[7] V. notamment pour un cas très similaire de surdité partielle après avoir ressenti une forte pression à l’occasion de la descente de l’aéronef : Arrêt du 4 mars 1985 Air France v. Saks, 470 US 406 par Jean-Sébastien BORGHETTI « La définition de l’accident dans la responsabilité du transporteur aérien » Revue des Contrats septembre 2014 p. 380 commentant l’arrêt de cassation dans la présente affaire

[8] V. Christophe PAULIN « Transport aérien de passagers : précisions sur le régime de réparation » D. 2014 p. 1086

[9] V. Jean-Sébastien BORGHETTI, op. cit.

[10] V. par exemple TGI Paris 21 février 1986 reproduit in Revue du Droit Aérien 1986 pp. 105/108 pour le décès d’un passager asthmatique

[11] V. observations in Revue Française de Droit Aérien et Spatial 1998-2 p. 146 sous TGI Marseille 3 septembre 1997

[12] V. CA Aix-en-Provence 6 novembre 2002 reproduit in Revue Française de Droit Aérien et Spatial 2002-4 p. 411

[13] Cass. Civ. 1ère 29 novembre 1989 JurisData n° 1989-003925, Bull. civ. n° 349, Observations Martine REMOND-GOUILLOUD D. 1990 somm. 272 confirmant TGI Paris 21 février 1986 op. cit.

[14] Cass. Civ. 1ère 14 juin 2007 JurisData n° 2007-039457, Bull. civ. I n° 336, Observations Dominique FENOUILLET in RDC 2007 p. 1185, note Fabrice PRADON in Revue de Droit des Transports 2007 com. 174 au sujet d’une embolie pulmonaire survenue plusieurs jours après la fin du voyage – CA Fort-de-France 19 septembre 2003 reproduit in Revue Française de Droit Aérien et Spatial 2003 p. 301 au sujet d’une voyageuse ayant attendu plusieurs jours avant de consulter suite à des bourdonnements incessants ayant entrainé une hyperacousie bilatérale sévère.

[15] V. sur ce point le commentaire de l’arrêt de cassation dans la présente affaire Jean-Jacques BARBIERI « De l’accident en droit des transports aériens » JCP G 2014 com. 264