Après les manifestations

300.000, 500.000, un million, on a l’habitude mais cette fois-ci, la différence la plus éclatante dans les chiffres fournis par les organisations syndicales et ceux de la police concerne Bordeaux : 40.000 selon les syndicats et 6000 selon la police. Il est probable que des deux côtés on se moque du monde. Ce que je retire de cette journée de manifestations c’est que à la fois les syndicats et le gouvernement ont échappé à un échec, mais au delà de ces manifestation il y avait un enjeu politique. Même Libération qui citait « avantage Sarkozy « est sceptique

Le rendez vous n’était pas seulement syndical, il était également politique. Pour les partis de gauche, il était incontournable. Aux abords du cortége comme chaque fois le NPA d’Olivier Besancenot particulièrement offensif en matière de retraite « Demander aux anciens de travailler plus longtemps alors même que les plus jeunes n’arrivent pas à trouver du travail, c’est du foutage de gueule. La réalité c’est qu’on a un gouvernement qui veut faire payer la crise économique à une population« . Il est vrai que le NPA est pour un retour à 37,5 annuités et pour la semaine de 32 heures. Ce n’est pas un parti de gouvernement aussi on n’a rien à faire de ce qu’il peut dire. Il y avait dans cette manifestation une importante délégation de la rue de Solférino. Fort de ses propositions adoptées à la quasi unanimité le PS entend bien lui aussi défendre le principe de la retraite à 60 ans, un acquis social, un acquis socialiste, un acquis mitterrandien. Henri Emmanuelli  » c’est une vraie bataille politique et c’est de la responsabilité des élus de gauche d’être dans les manifs aujourd’hui« . Puis Bertrand Delanoé généralement plus discret » C’est pas un sujet qui se prête à la tactique politicienne comme le fait la droite actuellement« . Mêmes revendications mais autres propositions du côté du front de gauche où Jean Luc Mélenchon et Marie Georges Buffet marchaient bras dessus, bras dessous à quelques dizaines de mètres à peine des socialistes. Tous deux prônent eux aussi le rassemblement même si certains sujets comme l’augmentation des prélévements sociaux et la taxation des revenus du capital continuent de faire débat entre gauche et gauche de la gauche. Jean Luc Mélenchon » On est autour des syndicats, ce sont eux qui ménent la lutte , donc on fait cause commune. Après comme parti de gouvernement on a des propositions différentes » puis Marie Georges Buffet « les déclarations de Martine Aubry réaffirmant la retraite à 60 ans donnent à voir qu’on peut, peut être, dans toute la gauche converger vers des propositions communes« . Tout le peuple de gauche présent dans la manifestation y est allé de son couplet et parle d’une seule voix car il s’agit de faire barrage au projet , une fois au parlement, de cette droite méprisante et on promet même d’abroger la réforme en cas de victoire en 2012.

Je n’ai pas lu Libération mais comme le journal je pense « avantage sarkozy« . Pour le gouvernement il y avait une terrible crainte, c’est que la manifestation soit suffisamment puissante pour que le mouvement soit immédiatement reconduit et que le pays soit paralysé parce que là cela aurait été la preuve que les propositions du gouvernement sur les retraites n’étaient pas acceptées. Pour moi il ne fait aucun doute que si ce mouvement avait eu la puissance que les syndicats veulent bien lui accorder ils remettaient ça dés le lendemain avec des grèves reconductibles. Néanmoins il n’ ya pas eu d’humiliation syndicale puisque les syndicats peuvent revendiquer d’avoir fait mieux semble t-il que le 23 mars et c’est bien ainsi. Maintenant ils devraient être dans une démarche explicative sur ce que doit être cette réforme et notamment les injustices qu’elle peut engendrer en particulier sur la question de la pénibilité de certains métiers. Nicolas Sarkozy quant à lui, en faisant tomber le tabou de l’âge légal de la retraite à 60 ans, donnera le sentiment d’avoir fait une vraie réforme et ce même s’il ne va pas au fond des choses. Maintenant comment cela peut-il se régler ?

Certains, notamment au parti socialiste voudraient faire un procés d’intention au gouvernement qui est de vouloir faire la réforme pendant la coupe du monde de football. C’est stupide, mais ça peut marcher auprès de ceux qui ne sont pas au fait de la politique. C’est stupide parce que le calendrier que voudraient dénoncer les socialistes n’est pas possible et ce pour une raison toute simple. En effet, ce calendrier parlementaire impose un délai minimum entre le dépôt d’un texte par le gouvernement et sa discussion à la chambre. Ce délai fait que la discussion du texte ne pourra pas avoir lieu avant septembre / octobre. Il est donc impossible au gouvernement, même s’il le voulait, de faire passer quoique ce soit en juin pendant la coupe du monde de football. C’est donc à la rentrée que le projet de loi sera soumis à l’examen du parlement. Nous sommes donc aujourd’hui encore dans une phase au cours de laquelle Nicolas Sarkozy a retrouvé la main parce qu’il sait gérer ce calendrier. Cette phase est celle des grands principes. Par contre il est tout à fait possible que les modalités de la réforme des retraites soient dévoilées vers la mi-juin.

Dans cette affaire le président de la République est remarquablement épaulé par Eric Woerth qui, a la suite des manifestations, s’est montré sans agressivité aucune avec les syndicats. Il pratique une politique tout en finesse et connaît bien le slogan »diviser pour mieux régner » et qui pour lui consiste à découpler les syndicats du PS. Cette tactique lui est facilitée par le fait que le PS a gouverné et qu’il n’a jamais voulu s’attaquer aux problèmes des retraites, il peut donc le critiquer. D’autre part malgré une unité de façade on sait que les socialistes sont divisés sur le problème des retraites, il y a même des désaccords assez profonds. En revanche, Eric Woerth se dit à l’écoute des syndicats. Je pense que le gouvernement joue bien ou tout au moins pas trop mal ce qui lui a permis de reprendre la situation en main après l’échec des régionales. Et puis on sait que les choses ne peuvent pas rester en l’état et que donc s’accrocher à l’idée des 60 ans c’est effectivement pas crédible et de ce point de vue là, la mobilisation est assez significative à savoir qu’il y a une attente , une demande de voir car tout le monde est convaincu que les choses vont évoluer.

Le président de la République bien secondé par Eric Woerth et un homme de l’ombre Raymond Soubie ont bien fait les choses notamment en ne touchant pas aux régimes spéciaux. A ceux qui le lui reprochent, il a beau jeu de répondre que les régimes spéciaux ont été modifiés dans la précédente réforme et que l’engagement a été pris de ne pas y revenir avant 2012. Le gouvernement ne fait donc que respecter la parole donnée. Or on sait que les grandes manifestations sont le fait des cheminots, des électriciens, et de la fonction publique en général.

Une nouvelle manifestation est prévue le 24 juin avant l’accalmie de l’été et il est trop tôt pour faire des prévisions de rentrée. C’est à ce moment que l’on connaîtra vraiment le contenu de la réforme dans les détails et c’est ma première observation. La second est que l’on ignore ce que sera l’état d’esprit des français au retour des vacances. Dans la vie, et tout le monde le sait, à la suite de certains événements on peut être complétement sous le choc et on subit alors une espèce d’anesthésie qui empêche de réagir ou au contraire on réagit parfois violemment parce que l’on éprouvre un sentiment de révolte. Quel sera l’ampleur de la réforme ? Quel sera le moral des français ? Où en sera la crise économique ? Autant de questions dont on a pas la réponse et c’est la raison pour laquelle on ne peut pas prévoir une rentrée chaude ou amorphe. Donc une nouvelle fois le rendez vous c’est pour le mois de septembre.

Maintenant on peut également se demander si la gauche à tiré ou tire profite de cette réforme ou plutôt de la contestation de cette réforme ?

Martine Aubry a révélé son projet et sa vision, mais je trouve son message pas très clair, voire même embrouillé. Je suis certainement de mauvaise foi mais ce que j’en ai retenu c’est qu’il va falloir mettre la main à la poche tant elle annonce une succession d’impôts. Si les « riches » paieront, les classes moyennes seront loin d’être épargnées et quand on parle de ponctionner le capital toute la classe moyenne qui a une épargne, à part le LEP toujours épargné, va devoir payer. Je ne suis donc pas certain que le message socialiste soit bien passé d’autant que en plus d’une forte imposition prévisible ce que l’on a retenu c’est que Martine Aubry a comparé le président de la République à l’escroc du siècle Madoff. Cette reflexion a complétement occulté son projet.

Ceci dit après la manifestation, après le programme socialiste , la question reste et elle est simple : y a t-il une alternative ?

Si on regarde ce qui se passe dans le monde entier la réponse est non. J’écrivais le 21 mai dernier dans un billet intitule « PS : le deni de réalité » que Martine Aubry me rappelle François Mitterrand lorsqu’il avait dit lors de sa première conférence de presse le 24 septembre 1981  » Notre politique va à contre courant d’une politique répandue dans le monde occidental. Nos voisins finiront par regarder de notre côté en se disant que après tout, puisque toutes les issues sont bouchées, celles qu’ouvrent la France ne sont peut être pas si mauvaises « . Mitterrand aussi nous avait promis le miracle socialiste en allant à l’encontre de tout ce que faisaient les autres. Si le parti socialiste part à nouveau dans un projet de politique alternative et s’il arrive au pouvoir en 2012 , on risque de se trouver exactement dans la même situation qu’en 1981, c’est à dire quelques mois d’illusion et ensuite un véritable effondrement. Espèrons que ce n’est pas la solution que choissiront nos concitoyens.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*