Actualité de la réglementation nucléaire en France

Actualité de la réglementation nucléaire en France

 

Mots-clés : Cigéo – Traitement des déchets radioactifs – Installations nucléaires de base (INB) – Sûreté nucléaire – Gestion des risques nucléaires – Centrale de Fessenheim

 

Le chiffrage du coût du Centre industriel de stockage géologique de déchets nucléaires (Cigéo)

Un arrêté du ministère de l’Ecologie en date du 15 janvier 2016 (arrêté relatif au coût afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, JORF n°0014 du 17 janvier 2016) évalue à 25 milliards d’euros les objectifs de coût de l’enfouissement des déchets radioactifs sur le site de Bure (à propos du stockage des déchets radioactifs, cf. Muriel Rambour (dir.) « Nucléaire civil et responsabilités liées aux déchets radioactifs », Droit de l’environnement, n°236, juil.-août 2015, p. 254-265). Il s’agit du chiffrage de référence – sur une période de 140 ans, allant de la conception à la fermeture de l’installation – à destination de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), qui impacte également à la hausse les provisions que doivent constituer les exploitants EDF (de l’ordre de 800 millions d’euros), AREVA et le CEA.

Des différences étaient apparues entre les estimations soumises par les parties prenantes au projet. EDF et AREVA avançaient en effet un coût de 20 milliards d’euros tandis que l’ANDRA tablait davantage sur 30 milliards pour la gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et moyenne activité à vie longue. Dans un rapport rendu public en octobre 2014 (http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Dossier_de_chiffrage_Cigeo_Andra_Tome_2.pdf), l’ANDRA avait en effet proposé une évaluation financière sur la base d’hypothèses concernant les variations des coûts du travail, des matériaux, de l’énergie et de la fiscalité sur plus d’un siècle. La forte dimension probabiliste quant au poids relatif des postes d’investissement – étroitement liés à l’anticipation des capacités technologiques –, des coûts d’exploitation, des frais administratifs et des charges fiscales diverses expliquent les divergences qui caractérisent le chiffrage du projet alternativement par l’ANDRA et les exploitants. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en appelait d’ailleurs à la prudence dans la prise en compte de certaines hypothèses indispensables au chiffrage compte tenu des incertitudes importantes – notamment en termes de faisabilité technique et de sûreté – entourant la réalisation de ce projet (avis n°2015-AV-0227 de l’ASN du 10 février 2015 relatif à l’évaluation des coûts afférents au projet Cigéo de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde).

Force est, enfin, de constater que l’incertitude prévaut aussi en matière de calendrier, et pas seulement d’un strict point de vue budgétaire. Les dispositions concernant ce projet contesté de centre de stockage (Muriel Rambour, « L’intérêt à agir d’associations dans le contentieux relatif au projet CIGEO de stockage de déchets radioactifs », Petites Affiches, n°124, 23 juin 2015, p. 8-13) avaient d’abord fait une fugace apparition dans le projet de loi sur la transition énergétique puis avaient été introduites dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en juillet 2015, avant d’être censurées par le Conseil constitutionnel qui y a vu un cavalier législatif (Muriel Rambour, « Le stockage des déchets radioactifs dans la ‘‘loi Macron’’. Un cavalier législatif débusqué par le Conseil constitutionnel », Droit de l’environnement, n°238, octobre 2015, p. 340-344). Le débat reviendra prochainement à l’agenda parlementaire pour faire suite à la proposition de loi déposée en novembre dernier par les députés Le Déaut, Dumont, Bataille et Le Dain relative aux modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion3210.asp). Aussi l’arrêté du 15 janvier 2016 précise-t-il bien que la fixation prévisionnelle du coût ne constitue pas une autorisation en soi du projet ni une décision concernant le niveau de sûreté.

L’obligation d’un rapport de sûreté des installations nucléaires de base (INB)

Prévu par le décret du 2 novembre 2007 relatif aux INB et au contrôle en matière de sûreté nucléaire du transport de substances radioactives, un arrêté du ministère de l’Ecologie en date du 11 janvier 2016 vient d’homologuer la décision n°2015-DC-0532 de l’ASN du 17 novembre 2015 sur le rapport de sûreté des INB (JORF n°0012 du 15 janvier 2016).

Le rapport de sûreté doit décrire les incidents ou accidents d’origine interne ou externe (actes de malveillance…) à l’INB, que les dangers soient de nature radiologique ou non ; présenter les mesures retenues pour prévenir l’occurrence de ces incidents ou accidents ; exposer les dispositifs visant à limiter les effets de ces incidents ou accidents (annexe à la décision de l’ASN, art. 2-3). Ce rapport de sûreté doit justifier que « les dispositions techniques, organisationnelles et humaines retenues permettent d’atteindre, compte tenu de l’état des connaissances et des pratiques, un niveau de risque […] aussi faible que raisonnablement possible dans des conditions économiquement acceptables, en tirant partie des meilleures techniques disponibles » (annexe à la décision de l’ASN, art. 2-2).

L’obligation de présentation d’un rapport de sûreté connaît toutefois un certain nombre de dérogations mentionnées à l’article 3 de la décision de l’ASN, liées au cycle de vie de l’installation (création, autorisation de mise en service, fonctionnement, mise à l’arrêt et démantèlement) ou à la puissance des réacteurs. Les réacteurs de 900 MW voient ainsi la date de restitution du rapport associée à la quatrième visite décennale.

La sûreté du site de Fessenheim à nouveau en question

La quatrième visite décennale du réacteur n°1 de la centrale de Fessenheim devrait avoir lieu en 2019 ; celle du réacteur n°2 est prévue en 2021. La centrale alsacienne est aujourd’hui à nouveau au cœur des préoccupations s’agissant de sa sûreté. L’Öko-Institut a en effet souligné, dans un rapport commandé par le Land voisin du Bade-Wurtemberg et publié en décembre 2015, certaines lacunes du site de Fessenheim (Oeko.de, Sicherheitsstatuts des Kernkraftwerks Fessenheim. Aktualisierung der Analyse der Ergebnisse des EU-Stresstests des Kernkraftwerks Fessenheim, https://um.baden-wuerttemberg.de/fileadmin/redaktion/m-um/intern/Dateien/Dokumente/3_Umwelt/Kernenergie/Kerntechn._Anlagen/Fessenheim/20151215_Aktualisierung_EU-Stresstest_Fessenheim_dt.pdf).

En dépit des investissements réalisés dans la centrale, l’institut de recherche allemand a mis en avant des insuffisances en matière de sûreté face aux risques sismiques, d’inondation ou d’incendie. Un rapport qui viendra sans nul doute alimenter le débat autour de l’avenir du site de Fessenheim (cf. Muriel Rambour, « D’une politique énergétique à l’autre. La part du nucléaire au Japon et en France », JAC, n°157, octobre 2015 et « La transition énergétique, argument de mise à l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim ? », in Jean-Marie Pontier (dir.), Les Droits et Contentieux Nucléaires (Partie 6) – La transition énergétique, Aix-Marseille, PUAM, 2016, à par.).

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*