Accident durant un stage de voile

ACCIDENT DURANT UN STAGE DE VOILE 

Grièvement blessé lors d’une manœuvre d’empannage alors qu’il effectuait un stage d’apprentissage à la navigation à voile, un novice en matière de navigation demande réparation à l’organisateur de l’activité sportive.

Mots clef : Accident – faute (non-) – indemnisation – obligation de sécurité de moyens – responsabilité contractuelle – voile

Pour se repérer  

M. Bo X…, novice en matière de navigation à la voile, a effectué un stage d’apprentissage organisé par la Société nautique de l’Estaque Mourepiane (SNEM). Dirigé pendant cette activité par M. Alain Y…, titulaire d’un brevet d’Etat, il a été grièvement blessé lors d’une manœuvre d’empannage. Il assigne la SNEM et la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), l’assureur de cette dernière, en réparation de son préjudice. Il est débouté par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 19 septembre 2012 et forme un pourvoi en cassation.

Pour aller à l’essentiel  

La cour d’appel n’est pas tenue de répondre à de simples arguments non assortis d’une offre de preuve, aussi peut-elle sans encourir la cassation, considérer que le demandeur n’établit pas que le moniteur de voile a commis une faute ou que la SNEM a manqué à son obligation de sécurité qui n’est qu’une obligation de moyens. Pour la Cour de cassation, l’article 1147 du Code civil n’est pas violé dans la mesure où les juges retiennent qu’il n’est pas démontré que la société nautique a manqué à ses obligations contractuelles, ce qui justifie qu’ils considèrent que les conditions de la responsabilité ne sont pas remplies.

Pour aller plus loin  

Pour l’équipage d’un voilier, l’empannage est une manœuvre qui consiste à modifier la manière dont la voilure est établie pour accompagner un changement d’amure (du côté duquel le voilier reçoit le vent), en passant par le vent arrière. Cette manœuvre qui doit faire l’objet d’apprentissages a pour but d’optimiser la vitesse et le comportement du voilier. Elle peut toutefois s’avérer délicate, notamment par vent fort, car elle conduit à modifier l’orientation des voiles. 

Le 16 mars 2008, lors de son stage de navigation à la voile, afin d’apprendre à maîtriser la conduite d’un bateau dans la rade de Marseille, M. Bo X… s’est trouvé sur une mer peu agitée, les conditions météorologiques n’étant pas mauvaises.

Il a pris place à bord d’un voilier avec un moniteur qui n’a pas non plus navigué de façon dangereuse – aucun reproche ne peut non plus être fait à la SNEM – le moniteur ayant réduit la voilure en raison des conditions et ayant assigné une place à chacun des membres de l’équipage, installant en l’occurrence la victime à proximité de l’habitacle.

En revanche si la victime a été blessée lors de l’empannage, c’est parce, au moment de la manœuvre, elle s’est déplacée pour ramasser une manivelle et s’est malheureusement trouvée sur la trajectoire de l’écoute de bôme. Sa tête est allée heurter l’habitacle, ce qui lui a occasionné un traumatisme crânien et un coma durant trois mois.

Pour le reste, d’une part, l’équipage avait effectué plusieurs autres empannages sans difficulté les jours précédents et d’autre part, les consignes ont été respectées, hormis par M. Bo X… qui a modifié sa position. Aucune faute de M. Alain Y… ne ressort du dossier. 

Ce dernier, moniteur d’une activité sportive, est tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis des participants. Il s’agit d’une obligation de moyens qui est appréciée avec rigueur dans la mesure où il s’agit d’un sport qui peut s’avérer dangereux.

Pour les prestations d’activités sportives, entourées d’aléa, l’organisateur, qui ne maîtrise pas le comportement de l’usager, est assujetti seulement à une obligation de moyens. Il en va ainsi toutes les fois où l’activité sollicite une participation active des intéressés, ici un équipage de débutants sur le voilier. Il en irait autrement si les passagers ne jouaient aucun rôle actif ou si l’on utilisait le bateau comme moyen de transport.

Dans le cadre d’une obligation de moyens, une faute du moniteur doit être démontrée pour engager sa responsabilité et celle de la société nautique car le moniteur ne saurait être tenu pour responsable de tous les accidents survenus en mer. Il ne peut pas garantir l’absence de tout accident. 

Telle est la position retenue par la Cour de cassation dans cette affaire (Civ. 1ère 4 juin 2014, n° 12-28368), les manœuvres étant adaptées au niveau des élèves et M. Bo X… ayant participé à l’empennage puisqu’il a été chargé de border la grand-voile jusqu’à l’amener à environ 35° de l’axe du bateau, avant de s’asseoir à la place qui lui avait été attribuée par M. Alain Y… 

La Cour de cassation avait pourtant admis l’inverse dans un cas similaire (Civ. 2ème 12 avril 2012, n° 10-20831), déclarant que le skipper était seul responsable des accidents survenus à bord, notamment lors d’un empannage puisque, commandant de bord et pilote, il était le « gardien exclusif » du navire, prenant les décisions de manœuvrer. 

En l’espèce, toutes les précautions ont été prises, notamment à propos du rappel des règles de sécurité et des places à occuper sur le bateau. Celle assignée à la victime ne présentait pas une dangerosité particulière.

On notera aussi que les conditions météorologiques n’interdisaient pas les sorties en mer mais devaient conduire à la prise de mesures de sécurité, ce qui semble avoir été respecté. La phrase rituelle « Parés pour empanner » avait bien été prononcée. En outre, la manœuvre incriminée était adaptée au niveau de la victime dans la mesure où elle faisait partie des apprentissages programmés lors de la sortie en mer, exercice déjà effectué la veille.

Autant de raisons qui expliquent le raisonnement tenu par les juges du fond et le rejet du pourvoi.

 

Civ. 1ère 4 juin 2014

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2012) que M. X…, qui effectuait un stage d’apprentissage à la navigation à voile organisé par la Société nautique de l’Estaque Mourepiane (SNEM) et dirigé par M. Y…, ayant été grièvement blessé lors d’une manœuvre d’empannage, a assigné la SNEM, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), assureur de cette dernière, en paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice ; 
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : 
Attendu que M. X…fait grief à l’arrêt attaqué de le débouter de sa demande d’indemnisation formée contre la SNEM et son assureur la MAIF, alors, selon le moyen : 
1°/ que l’organisateur d’une activité sportive est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses clients ; que si cette obligation est en principe une obligation de moyens à l’égard des participants ayant un rôle actif dans l’activité sportive pratiquée, elle devient une obligation de résultat lorsque l’activité sportive est dangereuse et que le participant est novice, puisque sa participation est alors limitée ; qu’en l’espèce, M. X…rappelait qu’il était un novice en matière de navigation à voile et que le stage au cours duquel il a été grièvement blessé était un stage d’apprentissage ; qu’il faisait également valoir que la manœuvre d’empannage était dangereuse car elle pouvait être d’une extrême violence par vent fort ; qu’ainsi la SNEM était tenue envers lui d’une obligation de sécurité de résultat ; qu’en décidant le contraire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la qualité de novice de M. X…et la nature dangereuse de la manœuvre d’empannage par vent fort étaient de nature à caractériser une obligation de sécurité de résultat à la charge de la SNEM, en l’absence de rôle réellement actif de M. X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ; 
2°/ que l’organisateur d’une activité sportive est tenu, en ce qui concerne la sécurité des participants, d’une obligation de moyens appréciée avec plus de rigueur lorsqu’il s’agit d’un sport dangereux ; que sa faute est établie lorsqu’il ne respecte pas les préconisations de sécurité de ce sport ; qu’en l’espèce, M. X…faisait valoir que, selon les critères d’évaluation pour la délivrance du brevet d’Etat 1er degré de voile, il était précisé que le candidat devait savoir faire respecter et enseigner les règles de sécurité, ce qui imposait notamment d’alerter les participants débutants du risque de choc avec la bôme ou l’écoute lors d’un empannage par vent frais et d’insister sur l’interdiction de bouger pendant la manœuvre ; que la cour d’appel s’est bornée à relever que M. X…n’établissait pas qu’une place moins dangereuse aurait pu lui être attribuée et que l’équipage avait été averti des risques inhérents à l’empannage « pour avoir la veille réalisé des exercices d’empannage » ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y…avait interdit à son équipage de débutants de bouger pendant la manœuvre d’empannage par vent frais, après les avoir averti du risque de blessure grave ou mortelle lié à une telle manœuvre dans de telles conditions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ; 
3°/ que M. X…faisait valoir en outre que, par un vent de force 6, avec un équipage composé notamment de débutants, il est recommandé, pour des raisons de sécurité, de ne pas empanner ; qu’en se bornant à affirmer que les conditions météorologiques n’étaient pas mauvaises, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y…aurait dû s’abstenir de procéder à un empannage, avec un équipage composé pour l’essentiel de débutants, par vent de force 6, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ; 
4°/ que M. X…faisait encore valoir qu’une solution sûre et efficace pour limiter, voire supprimer les risques liés à un empannage violent, consistait dans la pose d’un frein de bôme, et que la SNEM, en présence de débutants, aurait dû prévoir la mise à disposition d’un bateau équipé d’un tel dispositif ; qu’en ne recherchant pas si la SNEM avait manqué à son obligation de sécurité en ne prévoyant pas un dispositif de frein de bôme, s’agissant d’un équipage composé essentiellement de débutants, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ; 
Mais attendu que l’arrêt, après avoir énoncé qu’un moniteur de sport est tenu d’une obligation de sécurité de moyens, relève, par motifs propres et adoptés, d’abord, que les conditions météorologiques n’étaient pas mauvaises, que M. Y…avait tenu compte d’un vent de secteur ouest de force 5-6, en réduisant la grand’voile de deux ris, et que la manœuvre d’empannage, qui faisait expressément partie des apprentissages proposés dans le stage, avait été pratiquée plusieurs fois par l’équipage la veille comme le jour même de l’accident, et était adaptée au niveau de la victime ; qu’il retient ensuite que le moniteur avait assigné une place à chaque équipier, M. X…étant à tribord côté écoute de grand’voile, emplacement qui ne présentait pas de dangerosité particulière ; qu’il relève enfin, que l’équipage avait reçu les consignes nécessaires pour effectuer l’empannage avant que le skipper ne demande : « Parés pour empannés ? », et que M. X…, qui avait pris part aux opérations préalables à la manœuvre, s’était soudainement déplacé pour saisir une manivelle se plaçant ainsi sur la zone de passage du palan ; 
Que la cour d’appel qui n’était pas tenue de répondre à de simples arguments non assortis d’une offre de preuve, a pu déduire de ces constatations et énonciations que M. X…n’établissait pas que M. Y…eût commis une faute ni que la SNEF eût manqué à son obligation de sécurité de moyens, justifiant ainsi légalement sa décision ; 
Sur le deuxième moyen : 
Attendu que M. X…fait encore le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que, contractuellement tenu d’assurer la sécurité des participants aux activités sportives qu’il propose, l’organisateur d’activités sportives est responsable des dommages causés à ces participants, non seulement par sa faute, mais encore par le fait des choses qu’il met en œuvre pour l’exécution de son obligation contractuelle ; qu’en l’espèce, M. X…invoquait à titre subsidiaire la responsabilité de la SNEM du fait du bateau utilisé pour l’exécution de sa prestation ; qu’en se bornant à relever que l’article 1384, alinéa 1er, du code civil n’était pas applicable au litige, soumis aux règles de la responsabilité contractuelle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SNEM était responsable envers M. X…des dommages causés par le bateau employé pour l’exécution de sa prestation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ; 
Mais attendu que M. Ly n’ayant pas soutenu devant la cour d’appel que la responsabilité contractuelle de la SNEM pouvait être engagée en raison du bateau qu’elle avait utilisé pour assurer sa prestation, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ; 
Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X…fait toujours le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen : 
1°/ que le fait pour la victime, novice dans un sport auquel elle est initiée par un moniteur, de commettre une imprudence liée à sa maîtrise limitée de ce sport n’est pas de nature fautive ; qu’à supposer que la cour d’appel ait, par motif adopté, écarté la responsabilité de la SNEM au motif que M. X…a commis une faute cause exclusive du dommage, en retenant que « l’accident est ainsi dû au comportement imprudent de la victime », tandis que la qualité de novice de M. X…, qu’elle a relevée, excluait qu’une telle imprudence ait pu caractériser une faute, elle aurait alors violé l’article 1147 du code civil ; 
2°/ que la faute de la victime n’a d’effet totalement exonératoire qu’à condition qu’elle revête les caractères de la force majeure, laquelle suppose la réunion des conditions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ; qu’à supposer que la cour d’appel ait écarté la responsabilité de la SNEM au motif que M. X…avait commis une faute cause exclusive du dommage en retenant que « l’accident est ainsi dû au comportement imprudent de la victime », sans caractériser l’imprévisibilité ni l’irrésistibilité de cette prétendue imprudence, la cour d’appel aurait alors violé l’article 1147 du code civil ; 
Mais attendu que l’arrêt ne rejette pas les demandes d’indemnisation formées contre la SNEM au motif que M. X…aurait commis une faute, cause exclusive du dommage, mais retient, par motifs propres et adoptés, que M. X…n’établissait pas que la SNEM avait manqué à ses obligations contractuelles de sorte que les conditions de l’engagement de la responsabilité de cette dernière n’étaient pas réunies ; que le moyen manque en fait.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X…aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

 

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