REACH 2018 et les nanomatériaux
Plaidoyer pour une culture d’aptitude juridique au risque
Cinq années après la tempête Xynthia, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat dans un rapport public du 8 juillet 2015 précise que « si des efforts de prévention des risques ont été indéniablement réalisés, une véritable culture du risque reste à construire ». De la prévention des risques naturels à celle des risques technologiques, il n’y a qu’un pas à franchir. Les derniers baromètres de l’acceptabilité sociale des nouveaux risques sont alarmistes. L’ « infiniment petit » et « l’invisible » se sont invités sur la scène médiatique (« Perturbateurs endocriniens, perturbateurs de réglementations » Stéphane HOREL, loi Ondes de Laurence Abeille et sa « sobriété », les nanotechnologies et leur « clair-obscur » normatif – Stéphanie LACOUR).
Ces objets et leur régulation normative soulèvent les délicates questions de la place de l’expertise (juridico-scientifique) et du poids des « représentants d’intérêt » dans le processus d’élaboration de la norme, notamment législative.Le rapport « L’environnement en France 2014 » dresse un bilan sur l’exposition aux risques environnementaux chroniques établissant une corrélation certaine entre leur diffusion croissante dans l’environnement au titre de nouvelles substances mises sur le marché du fait de développements technologiques et l’évolution de nos modes de vie (Commissariat Général du Développement Durable (CGDD), Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, L’environnement en France 2014, Service de l’Observation et des Statistiques, oct. 2014, 384p.). « Certaines de ces émissions peuvent affecter la santé (…) La complexité des mécanismes en jeu (…) ne permet pas de statuer rapidement sur le caractère nocif ou non de telle ou telle substance » (Extraits rapport, p. 230). Dans un avis du 13 février 2015 relatif à la mise à jour des connaissances sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux liés à l’exposition aux nanoparticules d’argent, l’ANSES conclut – à l’issue de très nombreuses études scientifiques – qu’il n’est pas possible à ce stade de statuer définitivement sur leur toxicité (Avis n° 2011-SA-0224,https://www.anses.fr/sites/default/files/documents/AP2011sa0224Ra.pdf ).
C’est le couple « droit-science » qui ne fonctionne plus en France. Cette problématique n’est pas nouvelle. La controverse autour du principe de précaution n’est qu’une illustration de cet état de fait. Le philosophe Michel Serres en retrace la genèse : « Le droit autrefois l’emportait sur la science ; elle gagne désormais sur lui. Le droit prononça sur la science : en vertu de quel savoir ? La sciencedécide du droit. De quel droit ?» (M. SERRES, Le contrat naturel, Ed. F. BOURIN, Paris, 1990,p.102. et Le Mal propre. Polluer pour s’approprier ? Ed. Le Pommier, Coll. Manifestes, 2008, 112p.).Pourtant ce couple a naturellement vocation à formuler des règles éthiques et déontologiquespermettant l’adaptation du droit au progrès de la science, de la recherche. Or les crises successives tantenvironnementales que sanitaires ont modifié l’acceptabilité sociale des risques par les citoyens. Al’origine de l’inflation législative, il existe un phénomène subjectif : la théorie de l’(in)acceptabilitédes risques, du risque en général. Elle s’est traduite par la multiplication des normes techniques, « uneconséquence de la société des experts, qui se sont substitués aux penseurs, mais aussi aux prophètes »(C. ENCKELL, Comment réconcilier simplification des normes et protection de l’environnement ? ,Le Cercle des Echos, 14 mai 2013).
Ce mouvement est-il irréversible ? Comment tirer les leçons du passé pour élaborer des régulationsnormatives innovantes des nouveaux risques ?Le Règlement REACH aura dix ans à la fin de l’année. Si la Commission européenne assure qu’il estadapté à l’encadrement réglementaire des nanomatériaux, les avis sont partagés dans la société civile.En vue d’ouvrir et d’explorer de nouvelles voies de réflexion sur le sujet, le Centre Européen derecherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (CERDACC – EA3992– Université de Haute-Alsace) organise son premier Atelier Risque et Innovations le 18 mai 2016 surle thème de REACH 2018 et les nanomatériaux : plaidoyer pour une culture d’aptitude juridiqueau risque.Lien vers le programme : http://www.campus-fonderie.uha.fr/fr/actualite-droit/actualite-droit32.html
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