Comptes rendus du COLLOC de l’AFDS
Extrait rapport de synthèse :
Christophe Aubertin s’est intéressé au droit pénal des opérations extérieures après la loi du 18 décembre 2013.
Participer à une opération extérieure consistant à « faire la guerre sans être en guerre » : ces opérations ont lieu en temps de paix et ne sont donc pas du ressort des juridictions militaires ;
La « judiciarisation du champ de bataille » a été si souvent évoquée ces dernières années que le juriste est sans doute considéré par le militaire aujourd’hui avec un intérêt teinté d’inquiétude – et pour avoir passé 4 ans à Coetquidan entouré d’officiers de l’armée de terre je peux témoigner qu’une crainte s’est vraiment installée, relevant toutefois plus du sentiment que d’une réalité ; or ici Christophe Aubertin rétablit justement la vérité : la crainte du législateur d’une « judiciarisation excessive » est sans fondement : malgré la fréquence des opérations extérieures, le nombre des affaires pénales est resté stable, il reste rare que des militaires engagés dans une opération extérieure soit mis en cause dans une procédure pénale.
Pourtant, le livre blanc de 2013 évoquait[1] l’idée qu’il fallait « protéger les militaires contre une « judiciarisation » inutile de leur action ». C’est donc à cette tâche que s’est attelé le législateur : « protéger » les militaires engagés.
La loi a d’abord modifié les conditions d’ouverture de l’enquête de recherche sur les causes de la mort : ainsi, est présumée ne pas avoir une cause inconnue ou suspecte la mort violente d’un militaire au cours d’une action de combat : est donc posée une présomption (simple) de mort au combat voulant éviter l’ouverture automatique d’une pré-enquête en cas de mort d’un combattant ; de plus, c’est au ministère public qu’a été attribué le monopole des poursuites : prenant ainsi le contrepied de la solution retenue en 2012 par la cour de cassation dans l’affaire de l’embuscade d’Uzbin[2].
On se rapproche ici de la solution du temps de guerre ou les poursuites ne peuvent pas être déclenchées par la partie lésée. Y a-t-il alors méconnaissance du droit à un juge ? (not. art.6 Cedh) au regard de la jurisprudence, cela ne semble pas être le cas.
Monsieur Aubertin a évoqué ensuite la stabilité du régime de la responsabilité pénale : le législateur s’étant borné à préciser les modalités d’appréciation des fautes d’imprudence commises en OPEX : la loi d’une part admet implicitement que les militaires sont pénalement responsables des imprudences commises au combat : ce n’est que la déraison dans la prise de risque ou dans la mise en danger, et compte tenu des circonstances du combat, qui serait punissable.
Ne pas entraîner d’inhibition du commandement était nécessaire, le législateur a choisi en 2013, comme le conclut monsieur Aubertin d’entraver les poursuites des victimes contre les militaires engagés dans une opération extérieure, mais ils ne sont pas exonérés de toute responsabilité
[1] Les militaires, comme nombre d’autres professions, agissent de plus en plus souvent aujourd’hui sous le regard du juge pénal.
Si ce constat ne pose pas de difficulté de principe lorsqu’il concerne l’activité déployée par les militaires dans le cadre de la préparation des forces, il suscite en revanche des inquiétudes au sein de la communauté militaire dès lors qu’il porte sur l’opération militaire et l’action de combat. Il convient dans ce contexte, tout en assurant une meilleure prise en compte des besoins d’information et de reconnaissance des familles, de protéger les militaires contre une « judiciarisation » inutile de leur action.
Cela peut notamment prendre la forme d’un renforcement des garanties procédurales accordées aux militaires en opération extérieure, ainsi que d’une réflexion sur l’adaptation aux spécificités de l’action de combat des qualifications pénales qui leur sont applicables lorsqu’ils organisent, commandent ou participent à une intervention militaire